« Aurélien » pour les khâgnes

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Aurélien, le roman-phare d’Aragon, se trouve donc par la grâce de l’Inspection générale inscrit cette année au programme des concours des ENS, à côté des Tragiques d’Agrippa d’Aubigné, de Bérénice de Racine et des Complaintes de Jules Laforgue. Coïncidence, il se trouve qu’Aragon entretient un lien particulier avec ces trois œuvres : dans Les Communistes, il prête au personnage qui le représente, le lieutenant Armand Barbentane, un goût si fort pour d’Aubigné qu’il en emporte le volume dans sa musette de combattant en 1940 ; la préface (1966) du roman Aurélien s’ouvre en Folio par l’exergue d’une citation de Bérénice, « Voici le temps, enfin, qu’il faut que je m’explique » (khâgneux, faites gaffe, Aragon ne s’explique jamais ! Ou plutôt ses soi-disants éclaircissements sont des embrouilles, son discours préfaciel ne surplombe pas l’histoire qu’il feint d’introduire, mais constitue un roman de plus…) ; concernant Bérénice d’ailleurs, prénom de son héroïne, le chapitre 1 (interpolé sur le manuscrit) constitue une superbe ré-écriture, carnavalesque, du texte de Racine qu’Aragon se plaît à travestir, à dégrader en prose triviale… Quant à Laforgue, nous apprenons par Adrienne Monnier que sa librairie de la rue de l’Odéon, qui abrita la première rencontre (non suivie d’effets) d’Aragon et de Breton aux débuts de 1917, montrait dans le futur auteur d’Aurélien un grand jeune homme sage, à la lèvre ornée d’une ombre de moustache (comme son personnage à venir), et qui gardait toujours dans la poche, pour tout signe de révolte, un volume de Laforgue…

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Aragon à l’époque d’Adrienne Monnier

On m’a demandé plusieurs interventions sur ce roman, que j’ai eu le bonheur d’éditer au volume trois des Œuvres romanesques complètes de notre auteur dans la Pléiade, et auquel Cécile Narjoux et moi avons aussi consacré un « Foliothèque », désormais bien connu de tous les khâgneux j’espère… Un collègue de Lakanal m’assure que ses étudiants « mordent » à ce texte situé dans les années 1922-1924, paru en 1944 mais qui déborde de toutes parts les circonstances de sa publication. Tant mieux, Aurélien a tellement à dire aux jeunes gens de toutes les époques ! Il peut leur apprendre à mieux aimer, selon l’aveu d’Aragon qui déclarait n’écrire que pour « savoir aimer », en précisant qu’il n’employait jamais ce verbe au sens faible… Voici donc au plus bref un petit résumé en dix points des propos que je ferais tenir en une conférence d’une heure, ces remarques pouvant servir aussi, hors programme, à attirer l’attention du lecteur curieux sur l’un des plus beaux romans qu’on puisse lire dans notre langue.

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  1. Réalisme / irréalité

 

Un réalisme conséquent (genre fort élastique dont Aragon s’est fait le champion) ne peut qu’inclure la description des conduites par lesquelles nous fuyons l’insupportable réel. Qui, dans Aurélien, s’appelle notamment la guerre. De fait, ce roman très peu conforme aux canons du « réalisme socialiste », avec ses héros positifs et son obligatoire optimisme historique, ne rencontrait pas les espoirs nés des luttes de la Résistance et de la Libération, mouvements peu concernés par les errances amoureuses d’un rentier dans le Paris des années vingt. La publication d’Aurélien ne put donc que décevoir : 1500 exemplaires vendus en 1945 ! L’illusion, le mensonge d’aimer et les mille formes de projections, d’idéalisation, d’identification, de réminiscences, de leurres, les atermoiements et les doutes identitaires qui en résultent sont au cœur de cette intrigue étonnamment vide, ou peu consistante. Comme le personnage d’Aurélien nous flottons, nous lisons à la dérive : le bruit assourdissant de la guerre a tout emporté. On a beaucoup loué, aux alentours des mêmes années, le roman d’un jeune débutant, L’Etranger d’Albert Camus dont l’écriture, « blanche », semblait placer pareillement notre conscience « derrière la vitre » (selon l’analyse fameuse de Sartre). Les mêmes remarques s’appliqueraient mieux à Aurélien, roman autrement épais, et orchestré. Mais la roue de l’histoire avait tourné, l’existentialisme détrônait au sortir de la deuxième guerre les tenants anciens du surréalisme, et l’extrême sophistication de l’œuvre romanesque d’Aragon ne méritait aucune considération.

 

  1. Méconnaissance

 

Les précédents romans du « Monde réel » nous ont menés chacun au bord de la guerre : au congrès de Bâle (1912) où les socialistes ont l’illusion d’arrêter sa menace (Les Cloches de Bâle) ; en 1913 pour Les Beaux-quartiers ; au jour même de la mobilisation d’août 14 pour Les Voyageurs de l’impériale… Dans chaque cas, les protagonistes de ces intrigues collaborent en somnambules à une Histoire qui les broiera ; ils préparent le pire sans le voir. Aurélien nous déporte très logiquement au sortir de 14-18, pour nous montrer les ravages de l’après-guerre et les tourments de l’indicible : comment raconter ? Faute de dire, ses protagonistes montrent (obliquement, à leur insu) l’ampleur du trauma, et leur retour inégal à la conscience de soi.

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  1. Idéalisation

 

C’est le grand motif d’Aurélien : comment ne pas aimer dans la mort, ou éviter de statufier son amour ? Nous lisons dans Le Paysan de Paris (1926) « C’est de la statuomanie qu’elle périra, l’humanité », dans un chapitre ironiquement consacré aux monuments de nos parcs, mais aussi à l’irrépressible narcissisme amoureux qui érige la femme aimée sur le même socle. Or dans les années quarante ce narcissisme amoureux redouble, quand nous voyons dans son cycle poétique de la Résistance Aragon transformer Elsa en véritable mythe. Comment aimer « en avant » et non rétrospectivement, ou idéalistement ? La fin des Cloches de Bâle formulait ce programme ou prenait cette résolution, vite démentie dans la suite de l’œuvre. « C’est un bonheur d’aimer une morte, on en fait ce qu’on veut ». Cette terrible leçon formulée dans l’Epilogue dit l’essentiel je crois, et donne un profond commentaire au choix du masque de l’Inconnue de la Seine. Ce masque à lui seul constitue d’ailleurs une trouvaille géniale d’Aragon ; on sait qu’il s’en proposait depuis longtemps l’emploi, narratif ou romanesque, puisque nous le voyons chicaner Céline de l’avoir, en 1933, placé en illustration de couverture de son texte L’Eglise. Lui en ferait meilleur usage, et de fait ce masque, moteur de l’intrigue autant que la citation (également funèbre) de Racine qui lui sert d’incipit (« Je demeurais longtemps errant dans Césarée… ») fonctionne comme étayage d’un amour rétrospectif, embourbé ou mal orienté vers la vie. Si nous ajoutons qu’en 1942, en pleine rédaction d’Aurélien, Aragon perd sa mère à Cahors, nous mesurons l’un des enjeux de ce roman, qui est de mieux cerner et démêler Eros d’avec Thanatos, ou de comprendre comment la passion qui nous rend passifs et rétrospectifs, en proie à tous les « objets perdus » de l’enfance, nous enfonce dans le passé. Or Bérénice rémunère ce fantasme du masque et cette erreur sur sa personne quand elle se prête au jeu du second moulage (j’ai commenté sur ce blog la même erreur commise, par amour, par l’héroïne du si beau film d’Hitchcock Vertigo, cf supra « Aimer d’entre les morts ». Et il faudrait aussi parler de Gradiva sans doute).

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  1. Posséder Bérénice ?

 

La lecture d’Aurélien ennuyait Jean Paulhan (qui avait ardemment défendu Les Voyageurs de l’impériale), au point qu’il s’en plaignait auprès de je ne sais quel correspondant, sept cents pages pour ne pas coucher ensemble c’est trop barguigner, qu’il la saute et qu’on n’en parle plus ! Jugement expéditif, et qui ne s’appliquerait pas moins à L’Education sentimentale (dont Aragon fera un si merveilleux usage dans Blanche ou l’oubli). Le dilemme est plusieurs fois posé dans ce roman, coucher avec Bérénice serait la faire entrer dans la série, la banaliser – mais l’amour sans la possession n’est que sottise, comme Paul Denis ne l’envoie pas dire à Aurélien dans leur dure conversation de la place Blanche. Et comme énonce sentencieusement l’oncle Blaise, « les femmes avec lesquelles on couche, ce n’est pas grave, le chiendent c’est celles avec lesquelles on ne couche pas ! ». Toute une méditation s’enclenche à partir de là sur l’amour courtois, la distance propice au désir et la vertu des représentations (poétiques, plastiques, oniriques) relayant la présence. Breton écrivit un « Discours sur le peu de réalité », Aragon nous donne ici le sien sur le peu de possession (où il interroge des notions philosophiques voisines comme la propriété, la propreté, la proximité…). Il faudrait verser à ce fil de pensée le « Poème à crier dans les ruines » de La Grande gaîté (1929) où nous lisons « L’amour salauds l’amour pous vous / C’est d’arriver à coucher ensemble / Et après / Ah ah Tout l’amour est dans ce / Et après ».

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  1. La femme arrache l’homme à ses songes ?

 

Telle semble du moins la leçon de quantité de poèmes d’amour d’Aragon, qu’Elsa aurait à neuf façonné, tiré d’un monde précédent de nuées… (Il suffit sur ce point d’écouter chanter Ferré ou Jean Ferrat.) L’amour principe de réalité ? Toute La Mise à mort (1965), mais Aurélien déjà (ou, dès 1922, le savoureux petit roman des Aventures de Télémaque) permettent fortement d’en douter : l’amour nous trompe, ce qui nous berce nous berne, ce sentiment engendre la jalousie, donc la guerre (cf ici Decoeur, « Rose… ma grande guerre à moi ! »). Et de fait tous les protagonistes de ce roman sont sujets à la jalousie (liste récapitulative dans Foliothèque page 66), à commencer par Edmond, premier moteur de toute l’histoire : c’est parce qu’il a surpris un baiser furtif entre Aurélien et sa femme Blanchette que, pour plonger celle-ci dans des affres de jalousie et l’humilier publiquement, il conçoit le stratagème de rendre Aurélien amoureux de son insignifiante cousine Bérénice, qualifiée pour intriguer son rival d’ « enfer chez soi »… La suite montrera cependant la chute du manipulateur (qui endosse au bal Valmondois le costume d’Othello, un Othello mâtiné de Iago), ou Edmond pris à son propre piège.

 

  1. L’envers du temps ?

 

Une question revient depuis le retentissant éloge que fit de ce roman Claudel, Aurélien est-il prose ou poème ? Au tome IV de son Œuvre poétique (1974), Aragon a posé cette définition, « J’appelle poésie cet envers du temps ». Et de fait dans cet envers Aurélien nous propulse. Impossible par exemple de reconstituer la simple chronologie des actions successives, les personnages flottent nous l’avons dit, comme fait leur conscience du temps ; et pour aggraver ce brouillage, Aragon récrivant son texte pour l’édition de 1966 a décalé son intrigue d’un an : 1922 devient 1923, 1923 1924, sans tout-à-fait corriger les « bougés » que cela entraîne du côté de repères extra-diégétiques… Le personnage comme l’auteur sont bien ce rêveur définitif qu’Aragon célébrait déjà dans « Une Vage de rêves » (1924). Plus précisément, il s’agit avec cette histoire de rendre compte des jours de stupeur, d’accablement, d’inconscience ou d’attente amoureuse auxquels se limitera à jamais la vie de ce couple paradoxal ; par exemple avec le jeu des parenthèses qui s’ouvrent, se chevauchent, cascadent mais ne se referment jamais tendrement sur la prison des bras. Le trouble identitaire abonde, à commencer par le jeu (virtuose) du discours indirect libre, tellement libre parfois qu’on ne sait plus clairement qui parle. Ni tout-à-fait démêler les fictions du simple cours des choses, comment comprendre par exemple « Bérénice, la vraie » au chapitre 1 ? Ces décompositions primaires, et les farandoles de la mondanité suggèrent un moi émietté, bien difficile à (re)construire (voir Foliothèque pages 113-114).

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  1. Un roman cacophonique

 

Le bariolé, l’infini ou l’inachevé sont des catégories familières, appliquées par Aragon au roman. Un Carnaval, dira La Mise à mort à propos de Schumann ; ou, comme rappelé ici par la préface de 1966, « l’écriture indirecte du roman ». Cette indirection (errance, mais aussi paroles croisées, substituées, endossées, discours indirect libre, etc.) semble constitutive de l’art d’Aragon. C’est l’envers du journalisme, auquel simultanément notre auteur se consacra avec passion. Mais c’est aussi bien la pratique du « Mentir-vrai » (titre d’une importante nouvelle de 1964), qu’Aragon opposera à Sartre à l’occasion des Mots ; lui ne croit pas à l’autobiographie, à ce strip-tease mental qui prétendrait sauter avec grâce dans la nudité, dans la vérité… Ni davantage à l’autocritique qu’on lui réclame alors de plusieurs côtés, « je ne me donnerai pas les gants de cette boxe devant le miroir » ! Très conscient des jeux d’opacification, de différance (Derrida), de construction ou de masque liés à l’écriture, Aragon s’en remet à la confusion des genres, « tout m’est également paroles » comme il écrit très jeune à Jacques Doucet. Cette confusion ou ce brouillage (savamment maîtrisés) ont pour vertu de capter les nuances infinies de l’interlocution, les méandres de la pensée intérieure ou du flux de conscience, les chevauchements des identifications croisées. Qui parle ? Quelle suite dans les idées ? Notre roman illustrerait plutôt leur fuite, ou (dans l’enchaînement souvent désinvolte des chapitres successifs) le fameux « Hop ! » d’Aurélien suivant diverses femmes dans la rue (chapitre XVI), on change de main, art de chasseur ou drague légère de séducteur.

 

  1. L’ironie

 

Cette figure peut consister, je le rappelle, à dire sans dire ou à raturer sa propre énonciation, sans marque extérieure ni « point d’ironie » (comme il existe à l’écrit des points d’exclamation ou d’interrogation), car il serait contradictoire de marquer l’ironie, de la souligner par une explicitation de métaniveau (l’ironie suspend les indications « méta »). De même disais-je, Aragon ne s’explique pas, et dans ce domaine ne nous tend jamais que de fausses perches, ou clés, « débrouillez-vous ! ». Le roman, les discours de fiction, de « mentir-vrai » sont un terrain propice pour cette figure sans limites franches ni d’avance assignées, comme ils sont un terreau fertile de contrebande. Cet art de la contrebande, pratiqué avec passion dans les années de plomb de la Résistance, consistait à suggérer des idées interdites avec des mots autorisés ; après-guerre la contrebande change de main, ou s’applique dans l’écriture d’Aragon à son propre parti : quantité de choses, de sujets touchant par exemple le stalinisme sont pour lui indicibles mais, dans Le Roman inachevé ou Le Fou d’Elsa, plusieurs aveux ou plaintes s’entendent, formulés entre les lignes. Aurélien de même contient un discours crypté en direction de Denise Naville, le « pilotis » de Bérénice, ou de ses anciens camarades et de la personne de Breton – pour ne rien dire de Drieu. « Suprême synthèse intellectuelle » selon le mot de Milan Kundera, l’art du roman permet de disséminer la croyance, l’adresse au lecteur ou différents types d’engagement énonciatifs. On a pu dire dans cette mesure que le roman est plus intelligent que son auteur – que les intentions déclarées de celui-ci, ou qu’il nous invite de fait à toujours lire un peu au-delà.

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  1. L’amour contre le théâtre ?

 

Les mondanités dont notre roman fait grand étalage ou usage proposent un théâtre, bien marqué comme tel (réception Perseval, soirée du vernissage Zamora), auquel l’amour fait en principe barrage : les rencontres « intimes » d’Aurélien et de Bérénice autour du feu dans la garçonnière demeurent aux antipodes de ces brillantes représentations. Aimanté par cette présence de l’Autre, le héros éprouve cependant le trouble qu’elle apporte, voire son impossibilité ; et au cœur de cette intimité le masque réintroduit une manière de théâtre, de même que le prénom même de Bérénice nomme une pièce de Racine prestigieuse entre toutes, et source de cette histoire. « Que l’amour est aussi un théâre », énoncera non sans amertume Théâtre/roman (1974, coll. Gallimard « L’Imaginaire » page 33).

 

  1. Des mots qui touchent

 

L’épreuve de l’amoureux passe par la parole, d’où le pathétique particulier de l’Epilogue quand, dix-huit années après, Aurélien et Bérénice constatent au jardin que le dialogue entre eux s’est rompu. Ou ne fonctionne qu’au passé, « Vous avez été tout ce qui chante dans ma vie », ils étaient la romance l’un de l’autre… La romance, le chant substitués au roman ? La poésie aux dialogues de la prose ? Car si les protagonistes se chantent, ils ont échoué à simplement se parler (comme fait à Giverny, plein du triomphe de la possession amoureuse, Paul Denis au lit avec « Petit beurre »). Et cela en dit long sur l’idéalisation amoureuse, ses pièges, son écueil. Il y aurait trop à dire sur les ambivalences du chant, auxquelles Aragon consacrera le roman très noir de La Mise à mort ; mais on méditera au passage sur deux usages de la parole, celle du dialogue opposée aux mots qui touchent mais n’embrayent pas, n’entraînent pas d’interlocution ou de « roman ». D’histoire, ou d’Histoire. Alors derechef, Aurélien poème ou roman ? Un livre qui se développe en résonnant sur lui-même (Cécile Narjoux)… Et qui hantera longtemps son lecteur.

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60 réponses à “« Aurélien » pour les khâgnes”

  1. Avatar de thomas
    thomas

    AURELIEN les dix premières pages sont éblouissantes, après ça perd la grâce, ça patine grave, , Aragon est un coureur de 100 mètres, il s’essouffle vite, ça ne l’intéresse plus vraiment, , ça vire à l’obèse ! et je ne parle pas du bonhomme, là je deviendrais méchant.

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Évidemment en total désaccord avec ce commentaire tellement superficiel !

  2. Avatar de thomas
    thomas

    Peut être comprendrez vous qu’un type qui profitait du régime soviétique, glorifiait le GUEPEOU, appelait au meurtre de Léon Blum, intervenait auprès de l’ambassadeur d’URSS à Madrid pour faire fusiller Pierre Herbart secrétaire de Gide après la publication de  » Retour de l’URSS » me laisse dubitatif et peu indulgent, Aragon c’est un danseur! et puis comme vous dites 700 pages pour savoir si aurélien va faire cattleya à Bérénice……c’est presque aussi long que les « 1000 pages pour savoir si tutur va …… » .du sinistre Céline

  3. Avatar de thomas
    thomas

    et de toute façon un soi-disant poète qui tombe dans les bras d’un dictateur, ça vous inspire quoi, Monsieur. Bougnoux? J’imagine les soirées avec Maïakovski!! Hihihihihi!

  4. Avatar de thomas
    thomas

    Aragon au pouvoir, c’était Laurent Gerra dans les mines de sel de Sibérie!

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Aurélien « patine » ? D’un mot Thomas ( car vous êtes très échauffé) : on ne patine pas avec l’amour…

  5. Avatar de thomas
    thomas

    je peux être aussi totalement de mauvaise foi, vous savez ce que c’est! et puis comme personne ne lit plus Aurélien à part quelques futurs rue d’Ulm, futurs énarques, futur(e)s macron, tout cela est bien futile

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Détrompez-vous Thomas, j’ai vu les chiffres chez Gallimard, Aurélien se vend très régulièrement. Et c’est heureux !

  6. Avatar de Cécile d'Eaubonne
    Cécile d’Eaubonne

    Pour ou contre Aurélien et Aragon ? Je suggère à Thomas de choisir la paix des confiseurs. L’air pollué des grandes et moyennes villes s’en trouvera allégē. Et nos cœurs avec …

    J’ai acheté le livre d’Aurélien ce dernier automne. Je vais m’y plonger avec vos commentaires, cher Daniel Bougnoux.

    Cordialement aux passants du blog.

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Et vous y puiserez beaucoup de bonheur chére Cécile !

  7. Avatar de thomas
    thomas

    Pa de réponse de M Bougnoux sur le personnage Aragon, le XXème siècle a été une sacrée faillite des intellectuels, un poète cirant les pompes de Staline, qu’en pensez vous?

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Monsieur, je ne peux longuement vous répondre, je voyage jusqu’à mercredi avec pour seul support mon iPhone.

  8. Avatar de thomas
    thomas

    Vous imaginez Victor Hugo écrivant cela?

    Aus – Extrait de « Je ne sais pas jouer au golf »
    […]
    Et le nommé Max Ernst qui vient m’a dit Albert Valentin l’autre jour
    de décorer de ses mains le Golf du Théâtre Pigalle
    Non le ciel ne tombera pas sur sa tête
    bien que l’homme trahisse comme il respire
    chie et s’endort
    Tout se classe rentre dans l’ordre
    aux ordres de l’argent
    et de l’imbécile vanité de la gloire
    et de la considération
    et de la consécration
    et de ladécoration
    et des actions au porteur et des actions
    qui ne sont pas au porteur
    j’ignore comment on les appelle
    n’étant pas très ferré dans ces tractations moi-même
    […]
    Pourquoi n’y aurait-il pas une guerre
    mille et mille fois plus meurtrière que la dernière
    qui n’a pas tué tous les officiers français
    […]
    Il s’agit d’assassiner Aristide Briand
    ministre à vie des Aff. Ext.
    Bonne pensée qu’on aimerait à voir
    mise à exécution c’est le mot
    Mais il s’agit de s’entendre
    Il ne servirait à rien de tuer Aristide si
    l’on ne détruisait pas du même coup
    la famille l’armée
    la religion la patrie
    la proprété les proprétaires
    Ah fusillez fusillez-moi ça
    […]Mon commentaire

  9. Avatar de thomas
    thomas

    et puis Max Ernst, Léon Blum, les Rotschild, il savait finement faire le tri, le propriétaire de la rue de Varenne

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Renseignez-vous mieux, rue de Varenne Aragon n’était que locataire.

  10. Avatar de thomas
    thomas

    je sais, aucun détail minuscule ne vous échappe, je sais aussi qu’il ne payait pas ses loyers et ses impôts, quel brave homme

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Thomas , me voici de nouveau (après quatre jours de vadrouilles) devant mon ordinateur sur lequel je peux calmement vous répondre. Mais est-ce bien nécessaire ? Vous êtes emporté et n’examinez guère ce qu’il convient toujours de prendre en compte avec Aragon, les dates de ses propos. Sur Max Ernst par exemple, ils ont fini tous deux grands amis, voir les derniers écrits qu’Aragon consacre au peintre depuis la résidence-hôtel du Cap Brun. Les altercations du début des années trente sont donc à replacer dans leur contexte, qui n’était vraiment pas rose pour tout le monde… Ce qui me frappe voyez-vous chez Aragon, c’est sa capacité de surmonter la souffrance, son endurance dans les combats qu’il a menés, son courage (pas seulement physique), et la transfiguration des vicissitudes qui ont marqué sa terrible vie (deux guerres, sans compter la guerre froide) en poèmes et en romans que je trouve admirables. Aragon fut un lutteur (il prit des coups autant qu’il en donna, avec c’est vrai quelques pénibles dérapages), mais surtout un thérapeute et un artiste. Et il n’a cessé de combattre dans son propre parti, notamment contre l’ouvriérisme comme on le voit par les sommaires des « Lettres françaises » à partir du moment où il en prit la direction (février 1953). Son combat, son exemple éclairent donc ma propre vie, il m’a accompagné le temps de lui consacrer cinq Pléiades (soit une bonne quinzaine d’années), et je continue avec lui, je ne peux le quitter. J’ai exprimé l’essentiel de ce que je lui dois dans un livre récapitulatif préparé pour Pontalis dans sa collection « L’Un et l’autre » : « Aragon, La Confusion des genres » (Gallimard, 2012). Jean Ristat malheureusement a pris ombrage de ce livre et obtenu de l’éditeur qu’il censure son chapitre 7, intitulé « Pour ne pas oublier Castille », dans lequel je raconte une drague homosexuelle d’Aragon à mon endroit, en juillet 1973 et à la résidence du Cap Brun, justement. Je n’ai pas tenu rigueur à Aragon de sa carnavalesque proposition, elle le l’a rendu encore plus étrange, plus fascinant. A Ristat en revanche, je ne pardonne pas. J’adresse donc à qui m’en fait la demande ce chapitre censuré, par retour et par mail.

  11. Avatar de claudiomarina
    claudiomarina

    Mon commentaire J’ai relu Aurélien il y a quelques mois. Ma femme aussi. C’est encore et toujours un grand roman d’un grand écrivain…

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Oui, « Aurélien » supporte très bien la relecture, tellement les niveaux de sens y sont feuilletés, et d’abord invisibles. J’ai dû le lire moi-même au moins six fois, plus une lecture sur manuscrit pour l’édition Pléiade. Inoubliable expérience…

  12. Avatar de JFR
    JFR

    Mon commentaire Ah, cher Daniel, superbe texte sur Aurélien et au delà sur l’œuvre entière d’Aragon parcourue au pas de course. On aimerait être en khâgne (genoux cagneux compris) pour avoir un tel enseignement. Comment ne pas dévorer Aurélien après une telle lecture. « Khâgneux, faites gaffe, Aragon ne s’explique jamais. Ses soi-disants éclaircissements sont des embrouilles ». L’apostrophe du professeur ouvre à toutes les curiosités, toutes les recherches, la lecture devenant exploration, rébus, mots croisés, anagrammes, bref perpétuel imbroglio, rêve peut-être..

    « Voici le temps enfin qu’il faut que je m’explique » (Bérénice, acte II scène II). Mais quelles explications ? Pour l’herméneute freudien, freudique (Angelo Hesnard dixit), toutes les biographies sont des autofictions. Quand on pense au voyage que Sartre fit à Bordeaux, au moment où il écrit Les mots, pour retrouver les traces de sa famille paternelle, aux lettres d’amour de ses parents qui lui resteront éternellement cachées au fond du coffre de sa tante et qu’il n’ouvrira jamais. Oui, on peut écrire alors en toute impunité, « Je n’ai pas eu de père ». (« Il n’y a pas de bon père c’est la règle ; qu’on n’en tienne pas grief aux hommes mais au lien de paternité qui est pourri… Au milieu des Enées qui portent sur leur dos leurs Anchises, je passe d’une rive à l’autre, seul et détestant ces géniteurs invisibles à cheval sur leur fils pour toute la vie ». Merci de me faire réécrire ces lignes indépassables…).

    Et puis ça et là, pointe le philosophe, que dis-je, le moraliste, dans ton texte. J’aime particulièrement cette remarque sur la statuomanie et sur « l’irrépressible narcissisme amoureux qui érige la femme aimée sur le même socle ». Pas d’amour sans idéalisation. Ou encore : « l’amour nous trompe, ce qui nous berce nous berne… ». Belle musique des mots et bien cruelle remarque. Ah, je veux bien être berné, si je suis ainsi bercé ! On pense au grand La Rochefoucauld et aux Maximes. « Les blessures d’amour sont souvent des blessures d’amour-propre ». A l’encore plus célèbre « Il y a dans la jalousie plus d’amour propre que d’amour ». Et cette dernière magnifique : « L’absence diminue les médiocres passions et augmente les grandes, comme le vent éteint les bougies et allume le feu ».

    Me voilà bien loin du texte de ton blog mais la littérature exalte et éclaire notre intertextualité souterraine. Hier, j’ai vu la meilleure interprétation de Dom Juan que je connaisse. Je te (je vous) supplie d’aller le voir quand il sera de nouveau rejoué quelque part en France, à Grenoble ou ailleurs. Oui, nous en avons vu des Dom Juan : exalté, révolutionnaire, libertin, flambeur, cynique, pervers, violeur, homosexuel, mélancolique, alcoolique et même clochardisé comme à Aix en Provence il y a quelques années. Mais ce Don Juan là est absolument remarquable. Stéphane Braunchweig l’a réinventé, héros métaphysique, défiant la mort, empli d’une fureur iconoclaste, avide de tous les plaisirs avant la mort prochaine. Une course effrénée d’inconstances, de plaisirs (mille tre) et de profanations. Leporello, à l’ordinaire double de Dom Juan, est devenu sur scène le double de nous-même, spectateur-assistant du festin de la vie, avant que le Commandeur ne vienne clore la fureur maniaque de son maître. (Non volio piu servir. A chacun ses révoltes…). L’apparition du Commandeur dans la dernière scène met un terme à cette orgie maniaque et m’apparait soudain comme ce qui clôt le déni sartrien.

    Derrière les masques vénitiens rappelant le film de Losey (Raimondi, vampire, et Kiri Te Kanawa sublime de beauté), jamais la mort n’a côtoyé de si près Eros. Derrière les jeux de cache cache (vorrei, non vorrei) et de colin maillard, derrière le giocoso, jamais la mise à mort n’aura été plus tragique. Des scènes orgiaques traversent la scène, (je passe sur la narration) mais des trouvailles incroyables ponctuent la mise en scène, déployant tous les implicites du texte de Da Ponte que nous avions ignoré (paysannes en furie profanant le corps du Commandeur, vengeance castratrice orchestrées par Zerline sur le corps même de Dom Juan). Bref un Don Giovanni magnifique, inquiétant, une somptueuse apparition…Je n’oublie pas l’interprétation et la voix des chanteurs, celle de Donna Anna étant la plus somptueuse jamais entendue dans ce rôle…

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Cher Jean-François, cher ouragan (aragonien) c’est toi qui souffles sur nos braises ! Merci pour ton enthousiasme, et parlons de tout ça à notre prochaine rencontre, quelque part dans ce monde si beau et si cruel.

  13. Avatar de Sophiecamille
    Sophiecamille

    Je demeurai longtemps errant dans Césarée…
    Lu il y a quelque vingt ans ado, ce roman comme un long poème, me hante encore à travers ce vers.
    Et si bien que je l’ai recommandé à une amie la semaine dernière

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Et cette amie le recommandera à d’autres.. Ainsi cheminent les oeuvres véritables !

  14. Avatar de Vyrgul
    Vyrgul

    La biographie est bien sûr intéressante, indispensable même quand on veut une approche scientifique de l’œuvre, mais tôt ou tard on finit par butter sur l’obstacle de la morale : qui est celui qui parle ? Est-il suffisamment parfait pour qu’on ne puisse relever aucune contradiction dans son discours et donc balayer d’un revers de manche l’ensemble de son discours ? Evidemment non. Et puis nous sommes rapidement repris par la circularité de l’argument : nous-mêmes en tant que commentateurs, pouvons-nous nous prévaloir de cette perfection que nous exigerions des artistes ? Evidemment non… ce qui invaliderait alors également notre discours critique. Alors si nous voulons éviter le grand silence, reconnaissons plutôt que dans toutes les grandes œuvres, c’est l’humanité en marche qui parle. Peu importe au fond celui ou elle qui monte à la tribune pour s’en faire le porte-voix : ce qui importe c’est cette parole et dans quelle mesure je pourrais m’y reconnaître, voire me l’approprier pour éclaircir ma vie. Et laissons à l’histoire et à la justice le soin de juger les hommes.

  15. Avatar de JFR
    JFR

    Mon commentaire
    Passionnante discussion avec Thomas que nous découvrons à deux au CDF ce matin qui exalte l’argumentaire et qui excite notre imagination. Félicitations pour les compliments du poète. Le cap Brun devait être irrésistible. Bien sûr nous attendons avec impatience le chapitre 7 « Pour ne pas oublier Castille », chapitre effectivement censuré dans « La confusion des genres ». Comme l’écrit Lacan : « L’inconscient est le chapitre de mon histoire qui est marqué par un blanc ou occupé par un mensonge: c’est le chapitre censuré… (Ecrits. p 259).

  16. Avatar de thomas
    thomas

    Bon si Lacan est de la partie., j’abandonne!.
    pour résumer, je ne supporte pas ceux qui trouvent mille excuses à Céline ou à Aragon, Ils se sont trompés, ont trompé, honte éternelle sur eux, aucun respect. Brasillach n’était pas plus méritant, au bout du compte!.
    et puis comme je le disais, c’est mon avis et je le partage Aragon commence ses romans comme Diderot et termine comme Romain Rolland, surtout Aurélien, et c’est plutôt pâté d’alouette et de cheval
    Elsa la commissaire politique n’a pas dû être contente, dites donc!, Louis vous me ferez cent ligne: hétérosexualité et communisme

  17. Avatar de thomas
    thomas

    En plus, Je venais de lire les quelques mots prononcés par Victor Hugo à la mise terre de Honoré de Balzac.

  18. Avatar de claudiomarina
    claudiomarina

    https://www.youtube.com/watch?v=d3uFfTIw39Y

    https://www.youtube.com/watch?v=r_oHadZAJaQ&t=3s

    Une adaptation médiocre d’Aurélien pour Arte.

    Comment peut-on comparer Aragon et Brasillach? Lamentable.

    Le stalinisme m’est insupportable, mais lisez Charlotte Delbo qui critiqua avec raison le PCF après la guerre.

    Son mari, Georges Dudach fut fusillé au Mont-Valérien le 23 mai 1942.
    Qui était-il? « organisateur des intellectuels dans la Résistance et chargé de liaison au Front national.
    Au début de l’année 1941, Georges Dudach, envoyé par la direction nationale clandestine du parti de la Zone nord, retrouva la trace d’Aragon et d’Elsa Triolet à Nice. La date à laquelle Georges Dudach rencontra pour la première fois le couple à Nice ne peut être donnée avec certitude, Aragon la situe au début de l’année 1941 (février ou mars), Francis Crémieux, pour sa part, la situe en mai ou juin (Faites entrer l’infini, no19, juin 1994). Dans L’Homme communiste, Aragon parle de trois rencontres avec Dudach. Celui-ci avait la mission d’accompagner Aragon jusqu’à Paris pour le mettre en contact avec les responsables du travail parmi les intellectuels, notamment Georges Politzer. Arrêtés par les Allemands en franchissant clandestinement la ligne de démarcation près de La Haye-Descartes le 25 juin 1941, ils furent tous trois incarcérés à Tours, puis finalement libérés sans avoir été reconnus au lendemain du 14 juillet. À Paris, Aragon rencontra, chez le peintre Édouard Pignon, Danielle Casanova et Georges Politzer afin de discuter d’une organisation d’écrivains. Aragon, d’après son témoignage, convainquit Georges Politzer de suspendre La Pensée libre et de lancer Les Lettres françaises («De l’exactitude historique en poésie»). L’intervention d’Aragon, en faveur d’une large union, allait coïncider avec la politique de Front national en gestation depuis plusieurs mois. Aragon rencontra Jean Paulhan qui avait formé avec Jacques Decour le premier projet d’édition des Lettres françaises. De retour dans le Midi, Aragon et Elsa se chargèrent, avec un mandat précis, de regrouper les intellectuels, de créer et d’animer le Comité national des écrivains pour la Zone sud. » (Maitron, Dictionnaire Biographique du Mouvement Ouvrier)

    Deux mois après la rafle du Vél’d’Hiv’, Brasillach proclamait la nécessité de « se séparer des Juifs en bloc et de ne pas garder les petits ».

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Merci de ces précisions érudites, mais indispensables quand on veut mieux apprécier le rôle de celui (comment faisait-il ?) qui tout en organisant ainsi activement la Résistance en zone sud, organisait aussi dans sa tête « Aurélien » ! Et tant de poèmes… Vous avez raison, l’adaptation de ce roman pour Arte (après celle, autrement touchante, de Michel Favart en 1978) n’est vraiment pas bonne : il faut dire que c’est Eric-Emmanuel Schmidt qui s’est chargé je crois d’en récrire le scénario, avec quelles lourdeurs !

  19. Avatar de thomas
    thomas

    insupportable pour insupportable, ceux que je préfère ce sont les intellectuels qui pensent dans le sens du vent, pour pouvoir aller manger du caviar sur les bords de la mer noire! . Et qui pourra me dire entre un appel au meurtre de Brasillach, de Céline ou d’Aragon quel est le plus léger…….

  20. Avatar de claudiomarina
    claudiomarina

    Marguerite Yourcenar « En 1939, l’Amérique commence à Bordeaux. lettres à Emmanuel Boudot-Lamotte (1938-1980) » Gallimard, 2016.
    « Vous savez ma méfiance à l’égard d’Aragon, j’ai cependant été lentement conquise par Aurélien, qui me semble l’un des plus admirables romans parus depuis Proust. »

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Je ne connaissais pas cette approbation, précieuse, de Yourcenar ! En connaissez-vous la date ? (« Aurélien » paraît fin 44).

  21. Avatar de claudiomarina
    claudiomarina

    Lettre de Marguerite Yourcenar à Emmanuel Boudot Lamotte du 12 juin 1946.

    Marguerite Yourcenar part pour les Etats-Unis rejoindre Grace Frick en 1939 et reçoit la nationalité américaine en 1947. Elle apprend après coup le passé collaborationniste de l’édition parisienne. Elle explore la littérature américaine et continue de lire celle qui vient de France.

    Note du site Gallimard
    MARGUERITE YOURCENAR
    En 1939, l’Amérique commence à Bordeaux. Lettres à Emmanuel Boudot-Lamotte (1938-1980)
    Édition d’Elyane Dezon-Jones et Michèle Sarde
    Collection Blanche, Gallimard
    Parution : 04-11-2016
    Cette correspondance adressée à Emmanuel Boudot-Lamotte compose un ensemble singulier en raison de son destinataire et de sa durée – tout autant que de sa fragmentation.
    Peu connu du grand public, Emmanuel Boudot-Lamotte, dont nous ne possédons que les brouillons, est l’éditeur de Marguerite Yourcenar chez Gallimard – son principal interlocuteur – mais aussi un de ses amis. Grand voyageur, photographe, historien de l’art, il est aussi l’ami intime d’André Fraigneau, l’éditeur chez Grasset de Marguerite Yourcenar.
    En 1939, la guerre vient d’éclater en Europe. En septembre, Marguerite Yourcenar part pour l’Amérique donner des conférences et rejoindre sa compagne, Grace Frick. Cet «exil» américain marque un tournant dans leurs échanges : les premières lettres constituent un journal des choses vues de l’Amérique, où l’auteur prend le pas sur l’amie, avant le silence des années de guerre.
    Le dialogue est renoué en 1945. Éloignée de ce qui s’est déroulé en Europe, Marguerite Yourcenar n’en demeure pas moins attentive à la vie littéraire et au confort des infortunés. De nouveaux désirs d’ouvrages apparaissent : en tant que critique (L’Art français aux États-Unis), traducteur (Frederic Prokosch, Henry James, Edith Wharton, Negro Spirituals) et éditeur (elle conçoit un recueil de nouvelles américaines contemporaines).
    Il nous faut, à la lumière de cette correspondance, réviser notre perception des premières années américaines de Marguerite Yourcenar : ce bouillonnement prolifique et intellectuel marque un temps et un lieu de transition entre les premières œuvres (Le Coup de grâce et Nouvelles orientales) et les grands textes à venir (Mémoires d’Hadrien, L’Œuvre au noir).

  22. Avatar de thomas
    thomas

    « Ce devrait un signe de décence pour un homme que d’être honteux d’avoir vécu au XXème » selon Elias Canetti. . On n’aura donc pas votre avis sur un des rouages* de la dynamique fondamentale qui a alimenté toute la grande tradition hitléro-lénino-stalino-mao-polpotïste. On connait les invariables du phénomène totalitaire Comme disait le Polonais Kazimierz Brandys « l’Histoire contemporaine nous enseigne qu’il suffit d’un malade mental de deux idéologues et de 300 assassins pour s’emparer du pouvoir et bâilloner des millions d’hommes »
    *petit certes mais quand même!, inconditionnel de Staline jusqu’en 1953, et jamais un mot de repentance. Céline avait eu au moins l’idée de pleurnicher que les beaux draps et le reste c’était de la déconnade et de se déguiser en toubib miteux .

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Thomas, Vos diatribes me fatiguent car elles sont emportées, et peu soucieuses d’approfondir un « cas » dans ses méandres, historiques, culturels, psychologiques… Je suis d’accord avec vous, il faut interroger Aragon sur son rapport au stalinisme, il faut comprendre comment un esprit de cette envergure a pu s’empêtrer ou se compromettre dans une pareille abomination. Il me semble que lui-même apporte beaucoup d’éléments d’éclaircissements, sinon d’explications, dans ses derniers romans, et aussi bien sûr avec les notes de l’Oeuvre poétique rédigées par lui jusqu’en 1976. J’ai cité et commenté les passages les plus significatifs dans mes propres notes de Pléiade, ou dans mon « Aragon, La Confusion des genres », je ne vais donc pas ici me recopier. Disons simplement que mon propre effort de clarification ne m’a pas valu l’indulgence des lecteurs communistes, dont certains m’ont retiré tout crédit. Je m’en moque, le noeud pour moi de la question-Aragon est bel et bien dans son « engagement », à la fois généreux, courageux, et parfois désastreux… Mais cette enquête nécessaire ne doit pas conduire à nier son génie littéraire, ni son apport si singulier comme romancier et comme poète. Votre appréciation d’Aurélien tellement superficielle, ferme pour moi la discussion.

  23. Avatar de thomas
    thomas

    La vérité doit être au milieu!

    Mais de ça on ne s’en remet pas,NON?
    lecteur communiste ou pas!!
    « L’éclat des fusillades ajoute au paysage

    une gaîté jusqu’alors inconnue

    Ce sont des ingénieurs des médecins qu’on exécute

    Mort à ceux qui mettent en danger les conquêtes d’Octobre

    Mort aux saboteurs du Plan quinquennal »

    c’est quand même du lourd, non
    Aragon c’est l’écrivain qui n’a jamais ri!

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Thomas, Ce passage existe bien dans « Front rouge » (1930), mais ne pouvez-vous le contextualiser ? Ces années 30-32 sont celles de la surenchère entre les surréalistes et les communistes dans ce qu’on appelle la stratégie (gauchiste) « classe contre classe », où Aragon se surpasse. Pourtant le même homme, six ans plus tard, appellera avec Thorez aux alliances du Front populaire (avec les « ours savants de la social-démocratie », donc), et plus tard (dans Oeuvre poétique où il recontextualise tous ses poèmes), il introduira « Front rouge » par un commentaire intitulé « Ce poème que je déteste »… Votre lecture est purement essentialiste, donc inopérante. Ne pouvez-vous dater à votre tour les écrits ? Les lire à la lumière des terribles circonstances ?

  24. Avatar de claudiomarina
    claudiomarina

     » Vous remuez les passions les plus contradictoires, les uns vous saluent toujours avec enthousiasme, d’autres par des huées. Je sais toutes les objections que votre nom soulève, j’ai relaté et annoté les charges qui pèsent sur vous, sans partager la sévérité de vos juges dans ces procès qu’on vous invente… Alors qu’on fête Drieu la Rochelle ou Céline, il n’y a pas pour vous prescription, mais je me dis qu’attirer tant d’amour et de haine à la fois semble plutôt bon signe, et que vous êtes vivant dans cette pièce où je vous lis, où je vous écris. » ( Daniel Bougnoux, Aragon, la confusion des genres, L’un et l’autre Gallimard 2012)
    Monsieur Bougnoux, je tiens à vous remercier de l’énorme travail que vous avez accompli sur les oeuvres d’Aragon.
    Je suis aussi fatigué des diatribes simplistes et simplificatrices lues sur votre blog.
    Merci encore.

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Merci Claude d’avoir recopié pour moi ce passage ! Oui, comment faire entendre aux sourds quelques raisons d’admirer ? Mais mon travail sur Aragon ne m’a pas pesé et je le continue ici et là : je n’ai pas eu de meilleure école que ses textes, et sa personne.

  25. Avatar de thomas
    thomas

    TEXTUALISONS (pas la peine de préciser)) . culturellement je vis sur l’idée que Hugo nous a laissé de l’écrivain, phare de l’humanité (« avez-vous lu Victor Hugo »: ben oui mon brave Loulou et t’as pas été ben courageux!!). Lorsque les admirateurs viennent m’expliquer que pour deux soit- disants géants de l’écriture et de la pensée du XXème (Céline et Aragon chacun de son bord) il faut textualiser: je dis pas de pitié, alors qu’ils ont été les pires des lâches, on ne peut pas faire semblant d’être courageux comme disait Napoléon.

  26. Avatar de claudiomarina
    claudiomarina

    Milan Kundera « Les testaments trahis » cité par Philippe Forest dans sa biographie d’Aragon:
    « Qui est le plus aveugle? Maîakovski qui en écrivant son poème sur Lénine ne savait pas où mènerait le léninisme? Ou nous qui le jugeons avec le recul des décennies et ne voyons pas le brouillard qui l’enveloppait. »

  27. Avatar de claudiomarina
    claudiomarina

    Classe 17

    C’était un temps de solitude
    Ô long carême des études
    Où tout à son signe est réduit
    Aux constellations la nuit
    La vie affaire de mémoire
    De chiffres blancs au tableau noir
    Et lorsqu’on mourait à Vimy
    Moi j’apprenais l’anatomie

    J’avais l’homme abstrait pour domaine
    Or les récits des Théramène
    Fallait-il deux fois qu’on les tue
    Transformaient les morts en statues
    De toujours les grands mots m’irritent
    Et ces millions d’Hippolyte
    Ils étaient sur les chars et moi
    J’avais quatre-vingt francs par mois

    Pardonnez-moi cette amertume
    Mais l’âge d’aimer quand nous l’eûmes
    Comme le regain sous la faux
    Tout y sonnait mortel et faux
    Et qu’opposer sinon nos songes
    Au pas triomphant du mensonge
    Nous qui n’avions pour horizon
    Qu’hypocrisie et trahison

    La guerre on la voit à l’envers
    Et vienne le troisième hiver
    Petit verre des condamnés
    Est-ce que c’est pour cette année
    Le ciel déjà prend goût de terre
    Puisqu’on est des morts sursitaires
    Tous les calculs que nous ferons
    Auront une balle en plein front

    Comment croire ce qu’on enseigne
    J’ai touché pourtant ce qui saigne
    J’ai vu frémir j’ai dû fermer
    De mes doigts des yeux bien-aimés
    D’autres les ont à la taverne
    J’eus moi mes vingt ans en caserne
    Enfant maigre habillé de bleu
    Rêvant beaucoup et. mangeant peu

    C’était le Paris de l’An Mille
    Adieu ma vie adieu ma ville
    Pont Alexandre pâle et beau
    Le soir comme un vers de Rimbaud
    Ma Tour au loin qui semble un air
    Renouvelé d’Apollinaire
    Se peut-il que je vous oublie
    O palefreniers de Marly

    J’ai laissé mon cœur à la traîne
    Dans les bosquets du Cours-la-Reine
    Je ne vous reverrai jamais
    Fleurir marronniers que j’aimais
    Je pars et je vous abandonne
    Longs quais de pierre sans personne
    Veillant sur le fleuve profond
    Où les désespérés s’en vont

    Il paraît que je pars me battre
    Adieu Paris mon grand théâtre
    Adieu viaduc de Passy
    Adieu tout ce qu’on voit d’ici
    Les deux rives fuyant à l’amble
    Ce qui se cache et ce qui tremble
    Les jardins du Trocadéro
    Et le ver luisant du métro

    Le temps vient des métamorphoses
    J’ai quitté la beauté des choses
    Et dans le train qui s’éloignait
    Ma plaque de fer au poignet
    J’entendais d’abord creux et sourd
    Croître le bruit des canons lourds
    Et le wagon vers les armées
    Portait des chants et des fumées

    Voici la région des tirs
    Voici la roue et le martyre
    Le fer y tombe des nuées
    Y vivre a pour règle tuer
    Entends l’approche des marmites
    Sous le crépuscule des mythes
    Dans cette terre déchirée
    Le cri de la chair labourée

    Tes yeux ta lèvre ta narine
    L’intérieur de ta poitrine
    L’air même y viendra les ronger
    Tu respireras le danger
    Alerte alerte aux gaz
    Arrache le masque des phrases
    Et sous les velours des idées
    Montre ta face défardée

    Le Roman inachevé, 1956

  28. Avatar de thomas
    thomas

    deux aphorisme de Lichtenberg pour ce grand homme sur le sujet qui m’occupe :
    « ce n’est pas la force de son esprit, mais celle du vent qui a porté cet homme où il est »
    « Il était de ceux qui veulent toujours faire mieux qu’on ne le demande. C’est une abominable qualité chez un domestique »

    si le fait pour un bobo de l’époque d’appeler au meurtre de juifs dans les années 30 est dû au brouillard, bien évidemment tout s’explique, et 30 ans pour voir clair c’est pas de trop
    Céline qui démolissait Sartre, n’a jamais eu, à ma connaissance, un mot plus haut que l’autre à propos d’Aragon, boxeurs de la même catégorie

  29. Avatar de Pôle Rade
    Pôle Rade

    Je me suis bien amusé à lire la joute dans les commentaires…
    Mais je tenais surtout à vous remercier monsieur Bougnoux, en tant que petit khâgneux (à Lakanal justement) j’ai beaucoup apprécié vos mots très justes et efficaces !
    Cela me donne bien envie de jeter un oeil à La Confusion des genres…
    A bientôt pour de nouvelles aventures Aragoniennes 🙂

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Merci Léon ! Si vous lisez « La Confusion des genres », prévenez-moi : ce livre a paru amputé d’un chapitre par la volonté de l’exécuteur testamentaire d’Aragon, Jean Ristat ; j’adresse à qui m’en fait la demande le chapitre censuré d’un simple clic de cette machine ! Et le censeur en est pour ses frais…

  30. Avatar de Rose Melrose
    Rose Melrose

    Je viens ici en non spécialiste mais en simple lecteur qui était ravi de trouver « Aurélien » d’Aragon en si bon état dans un endroit où l’on s’échange des livres, dans un bar. Je me suis dit que j’allais me régaler avec la lecture d’un auteur dont j’ai brièvement entendu qui avait entretenu des rapports avec le PCF et étant moi-même de ce bord-là, bien qu’ignorant les détails de l’histoire française, je pensais me retrouver avec une lecture si ce n’était pas un peu teinté d’idéologie, une lecture ose-je le dire, profonde.
    Dès les premières pages je me surprends à lire une sorte d’étude de société à la Balzac, mais je continue, je me dis que l’auteur pose le décors pour mieux s’insérer dans l’idée. L’idée, elle arrive à l’épilogue, à la fin ou je n’en pouvait plus, j’ai dû sauter des pages de l’avant dernier chapitre où ses descriptions mondaines m’ennuyaient à mort et qui n’apportaient rien au socle de cette histoire d’amour frustré. Justement, si j’ai tenu longtemps l’haleine pour le lire jusqu’au bout (hormis le saut de ces 3-4 pages, pardon !), c’est que je traversais moi-même un amour de cet espèce et si l’œuvre deviendra marquante pour moi, ce sera par cette empathie.
    Si j’étais une autre, moins idéaliste, moins fémininement romantique ou vivant un moment moins frustrant, je crois que je dirais comme ceux gens-là : 700 pages pour dire qu’il ne la baise pas !
    Sans autre jugement de l’écrivain derrière l’œuvre, je trouve l’œuvre assez indigeste.
    Vraiment désolé, Aragon…

  31. Avatar de clomalou16
    clomalou16

    Mon commentaire J’ai relu Aurélien, livre que j’ai passionnément aimé à 20 ans (j’en ai 68).
    Je n’osais pas le relire, désespérant de ne pas y trouver le même bonheur. J’ai été surprise de l’aimer autant, voire davantage. J’y ai trouvé des choses que je n’avais pas vues. Disons que je l’ai lu sous un autre angle, si l’on peut parler d’un seul angle. C’est un livre merveilleux et et je me trouve chanceuse d’avoir pu le lire et le relire.
    C’est triste de ne pas tenter de l’aborder sans y mêler la politique et une période que l’on peut difficilement comprendre.
    J’ai décidé de relire tout Aragon. Je crois que j’en ai pour un bout de temps.
    Je vous remercie, Monsieur, de le défendre si bien. J’ai acheté votre livre aujourd’hui et je m’y suis plongée immédiatement.

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Merci chère lectrice inconnue, et bravo pour ce beau programme, lire ou relire tout Aragon ! Car c’est à quoi j’ai consacré une partie de ma vie, pas la moins intéressante… Mais comme vous le constatez par les « commentaires » parfois navrants qui accompagnent ce blog, cette passion est inégalement partagée, et notre auteur soulève encore bien des polémiques – ce qui, après tout, est un signe de vie. Je valide tous les avis impartialement, me réservant toutefois d’y répondre !

  32. Avatar de spartcus
    spartcus

    Mon commentaire
    Aragon s’explique sur son passé stalinien et c ‘est une certaine honte pour lui,voir ainsi sa préface à « la plaisanterie » de Kundera.
    Aussi dans « épilogue ».
    L’espoir levé en 1917 fut trahi,beaucoup y crurent car enfin apres des millénaires un vent se levait prometteur.
    oui ce fut une tragédie ce réve brisé,oui il en faut comprendre les causes,oui des intellectuels se fourvoyèrent.
    et de maniére ingnoble et coupable.
    Aragon s’explique sur certaines œuvres et les renia parfois.
    L’ecrivain est magistral,j’ai à le lire le mêmes frissons qu’à lire Céline,lui aussi plus que critiquable.
    Ouvrir « le voyage » , »mort à crédit » c ‘est quasiment une jouissance.
    hé oui j’arrive à juger une œuvre sur son contenu,son style,sa nouveauté,et cela indépendemment du parcours politique de l’auteur.
    je n’en suis ni fier ni honteux.
    Mais rejeter la valeur littéraire du » voyage » au nom de « bagatelles pour un massacre » est une malhonneteté intellectuelle,et une stupidité totale.

  33. Avatar de aligoté
    aligoté

    Je ne suis qu’une simple lectrice n’ayant pout toute qualité que celle d’aimer lire… Aurélien m’a ravie, troublée, émue, agacée parfois… Une belle belle découverte…. qui je pense, va creuser des chemins souterrains pendant longtemps…
    et merci à M Bougnoux pour ses lumières..

  34. Avatar de Modestcritique
    Modestcritique

    J’ai été intéressé par les commentaires qui, de mon point de vue, auraient mérité plus de lisibilité…..
    Ainsi, il me parait possible de s’exprimer sur une oeuvre sans pour autant vouloir la mettre en perspective avec le vécu (contradictoire ?) de son auteur. Cette approche ne saurait être exclusive d’une analyse critique des actes et pensées de l’écrivain, tout en gardant présente à l’esprit cette question récurrente mais incontournable : « Qu’aurions nous fait nous mêmes, dans de telles circonstances ? »….
    Je déplore qu’un intellectuel ne persévère pas dans la contradiction d’arguments polémistes et souvent plus réceptifs pour un « non-intellectuel » comme moi…. Si l’intellectuel (dans son domaine d’expertise) se tait (ou abdique), les effets du slogan, du mensonge, du doute (….) n’en seront que plus facilités ! Et le « Tous pourris ! » gagnera encore du terrain…. Avec des effets possibles (et imprévisibles ?) pour nos démocraties !

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Que voulez-vous dire ? Etait-ce le lieu de parler du stalinisme d’Aragon ? Ici encore, il y faudrait des guillemets, et un sérieux rappel des circonstances…

  35. Avatar de Alain René
    Alain René

    J’ai lu Aurélien en quelques jours tant la lecture est captivante. On y trouve une époque et une société brillamment esquissée et un formidable hommage à Paris.

    C’est plaisant de retrouver au passage des personnages-clefs de cette période: Cocteau, Picasso, Poiret, Monet, et d’imaginer les fêtes à Louveciennes ou à Ferrières …

    On y trouve aussi tout un vocabulaire dont je me constitue un lexique: les bougies dans leurs bobèches, les complets de surah, les fauteuils à têtière, un margotin, le Chaix, les meubles Martine (avec Guy-Pierre Fauconnet comme directeur artistique, qui s’en souvient, ou qui le sait ?) … …

    J’aime cette façon qu’a l’auteur de dialoguer avec ses personnages, et avec ses lecteurs, dans un kaléidoscope de pensées, et non des moindres, en changeant sans cesse les points de vue. Il brouille les pistes à plaisir: la question de savoir si ou non ils deviennent amants est plus que secondaire, cela va bien au-delà.

    Aragon sait mettre en ordre de marche des foules entières (les rixes à La Chapelle, Louveciennes, les scènes de débâcle en 1940…)

    Sur la petite polémique qui consiste à rechercher, bien calé dans le XXIème (qui ne se présente pas sous les meilleurs auspices) les « erreurs » réelles ou supposées des opinions ou des actes de tel ou tel intellectuel du XXè, pour en demander la censure, car c’est de cela qu’il s’agit, le roman livre lui-même de nombreuses clefs:

    >> L’affairisme, la course au maroquin, les « radicaux-socialistes », la victoire volée dès 1922, les accords Matignon, tout cela est décrit avec une précision médicale. S’il y a bien une raison à « cette étrange défaite », c’est bien dans le système politique qu’il faut la chercher, son aveuglement, ses 80 gouvernements en 20 ans, alors que les dictatures se consolidaient sans changer de cap, et qu’elles décideraient du lieu et de la date de l’ouverture du conflit, comme l’écrit dès 1935 André Tardieu. Ce qui devraient préoccuper ces détracteurs d’aujourd’hui, c’est de voir que le système actuel ne demande qu’à revenir à ces errements.

  36. Avatar de Lambda
    Lambda

    Je viens de finir Aurélien, premier contact avec Aragon, à l’aveugle. Pouah ! Aurélien qui suit les femmes dans les grands magasins, les catégorisant selon leur baisabilité. Aurélien qui considère Bérénice comme « tâchée » par son aventure avec un homme plus petit. Edmont qui torture sa femme, qui n’eprouve de plaisir dans l’adultère que sous les yeux de Blanchette. Les femmes ridiculisées, uniquement objets sexuels et idiots. Merci d’avoir eu l’amabilité de mettre un trait d’esprit dans la bouche de Bérénice dans une conversation masculine sur l’art…… pour bien précisee ensuite que c’est assez incroyable. On ne parlera de l’âge et de la vieillesse que pour les femme. Et elles sont toujours coupables. L’idiote de Diane arrivant au bras d’Aurélien au dernier bal…. l’idiote de Bérénice se pointant le soir de la saint sylvestre chez Aurélien…. l’idiote de Blanchette qui se fait manipuler par Edmont et qui n’est sauvé que par un autre homme… leur physique, leurs seins, leurs jambes, la peau de leur bras……. pendant 700 pages !

    Pénible à lire. Les passages sur la guerre et la politique font assez ridicules comparés aux Thibault…
    L’auteur déteste-t-il ses personnages ? Ils sont tous haïssables. J’ai eu l’impression de lire une très mauvaise redite de l’Education sentimentale. A quel moment lit-on un roman d’amour ? Misogynie, masculinité toxique…

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Je ne sais que répondre à un « commentaire » aussi inepte, nous ne lisons pas le même livre nous n’habitons pas le même monde. J’ai bien souvent fait face à des commentaires très hostiles à Aragon politique, mais sur l’écriture des romans jamais à une pareille charge, à ce point aveugle. Au dessous d’un certain niveau (« baisabilité », quel langage !) il n’y a plus de conversation, ni d’argumentation possible. Hélas…

  37. Avatar de Beta
    Beta

    En train de finir le roman, je me retrouve assez dans le commentaire de Lambda : Aragon ne semble aimer aucun de ses personnages. Cela donne un ton triste et vain à toute cette histoire et en réduit l’attrait général : mon avis personnel of course, mais je précise que je n’ai pas l’honneur d’être normalien :-)… L’amour entre Aurélien et Bérénice ne me parait pas crédible non plus, une provinciale fleur bleue amoureuse d’un rentier sans idéal qui traine son ennui. Après 500 pages je n’ai toujours pas compris ce qu’elle lui trouve et vice et versa. L’intrigue est par ailleurs entretenue de façon naïve, il suffit qu’il s’absente de son appartement pour qu’elle rapplique, une fois ok, 2 fois c’est un peu répétitif.
    A part cela c’est très bien écrit, il y a des passages amusants mais n’est pas Proust qui veut, ni Maupassant d’ailleurs.

  38. Avatar de J-P
    J-P

    Vous êtes né en 1943, Monsieur Bougnoux,
    votre interprétation d’Aurélien , savante, est différente de la mienne…
    suis né avant la guerre ….et de nouveau , d’autres guerres …
    et la hantise du communisme…
    27.12.19

  39. Avatar de Paulo
    Paulo

    Quand on lit Aragon, et surtout « Aurélien », comment peut-on penser d’abord et même avant de tourner la première page à l’homme politique ? Si c’est l’attirance première que déclenche le nom d’Aragon, alors il faut lire les biographies (P. Daix, P. Juquin, les commentaires des « Oeuvres poétiques ») mais si on lit un roman, tournons les pages et lisons ! N’y a-t-il pas de la douceur dans les pensées d’Aurélien envers Bérénice ? N’y a-t-il pas de la souffrance dans le manque de présence de Bérénice auprès d’Aragon? n’y a-t-il pas un peu de stupeur devant la fuite constante de Bérénice évitant constamment ce qui pourrait lui donner du bonheur ? Douceur, Souffrance, Stupeur, Tristesse… Je sens bien que je lis le roman comme un écolier, comme un apprenti. Mais si, en lisant ainsi, je fais mon « éducation sentimentale », est-ce que je lis bien « Aurélien » ou est-ce que je perds mon temps ? On peut lire « Aurélien » à tout âge : la première fois j’avais 20 ans et je n’étais pas marié; la deuxième fois, récemment, à plus de 80 ans et j’ai six petits-enfants. Je vais toujours errant dans Césarée… 2023

  40. Avatar de LoreleiSeb
    LoreleiSeb

    Aurélien est le roman que j’aime le plus au monde. Je l’ai lu quatre fois et je l’offre régulièrement à mes amis.
    Je l’ai découvert par hasard au collège, il y avait un extrait dans les « annabrevet ». Le texte m’avait infiniment touchée. J’ai acheté le roman dans la foulée et je l’ai dévoré. J’avais 14 ans.
    Je l’ai relu vers 17 ans, puis vers 30 ans et récemment vers 40 ans.
    Les lectures multiples m’ont permis d’apprécier différents niveaux de lecture. Ado, c’est l’intrigue amoureuse qui me passionnait. Adulte c’est la psychologie de Bérénice qui m’a intéressée, ce goût de l’absolu. Ça me parle énormément et fait écho chez moi. La poésie du roman m’a plu aussi, si on lit attentivement de nombreux signes sont donnés par images qui annoncent la suite. J’ai en tête le fin collier rouge de Bérénice, à la fin du roman dont la description précise peut annoncer quelque chose.
    Je ne ferai pas plus long pour ne pas vous ennuyer, je veux juste dire tout le bien que je pense de ce roman que je relirai encore de nombreuses fois.

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Comme vous avez raison Lorelei ! J’ai moi aussi lu et relu (dont une fois sur manuscrit) cet immense roman, injustement méconnu encore… L’homme qui l’a écrit mérite une reconnaissance éperdue !!

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À propos de ce blog

  • Ce blog pour y consigner mes impressions de lecteur, de spectateur et de « citoyen concerné ». Souvent ému par des œuvres ou des auteurs qui passent inaperçus, ou que j’aurai plaisir à défendre ; assez souvent aussi indigné par le bruit médiatique entretenu autour d’œuvres médiocres, ou de baudruches que je…

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À propos de l’auteur

  • Daniel Bougnoux, professeur émérite à l’Université Stendhal de Grenoble, est ancien élève de l’ENS et agrégé de philosophie. Il a enseigné la littérature, puis les sciences de la communication, disciplines dans lesquelles il a publié une douzaine d’ouvrages.

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