Un colloque intitulé « Aragon vivant » s’est donc tenu à Cerisy-la-Salle du 10 au 17 août. Dirigé par Daniel Bougnoux et Luc Vigier, il a réuni une cinquantaine de participants, dont vingt-quatre conférenciers ; le jeune âge du tiers d’entre eux permet d’espérer qu’il y a en effet, pour les études aragoniennes, une relève. L’enjeu était de se demander comment un auteur survit, et par quels ressorts il trouve au-delà de sa mort une postérité toujours actuelle. Dans le cas d’Aragon, la complexité de son œuvre, riche de contrebandes et de sous-entendus vis-à-vis d’une orthodoxie qui bridait autant qu’elle confortait son génie, permet de déplier aujourd’hui des interprétations renouvelées que les premières lectures n’avaient pas explorées ; le recul vis-à-vis des fameuses « circonstances », et d’une idéologie dont lui-même s’est longtemps réclamé, remet en perspective bien des textes ; et sur le plan de la transmission, il est certain que la chanson – plus de deux-cents poèmes d’Aragon ont été à ce jour mis en musique – aura beaucoup contribué à rapprocher les lecteurs de cette œuvre. Notre interrogation sur « Aragon vivant » ne pouvait se mener sans le secours du chant : Liselotte Hamm et Jean-Marie Hummel, venus d’Alsace, ont animé pendant trois jours le château en interprétant toutes sortes de chansons, pas seulement d’Aragon puisqu’ils ont aussi, au grenier, donné un « cabaret franco-allemand » ; mais cette œuvre ainsi vivifiée par la musique le fut aussi par la peinture, les collages, le dessin ou le journalisme dont il fut beaucoup question, à travers notamment la politique éditoriale et la mise en pages des Lettres françaises.Le cinéma, de Jean-Luc Godard ou du film Dunkerque, permit d’autres échappées, ou motifs de croisements. L’œuvre multiforme d’Aragon, qui éclate dans tant de directions, appelle une critique colloquante et la ressource de plusieurs cultures, de multiples curiosités. Dans le cadre idéal du château, Edith Heurgon avait programmé la même semaine, en vis-à-vis, un colloque sur et avec Valère Novarina. Quelles confrontations allait permettre cette rencontre « de la machine à coudre et du parapluie sur la table de dissection » ? Les vociférations croisées tirées des deux poètes, au grenier, n’auront pas manqué d’étonner les chauves-souris, et elles résonnent encore pour beaucoup des participants.
J’y ai prononcé une conférence (inaugurale) intitulée « Dans les ruines du temps démantelé » ;: elle est disponible sur France-culture à travers le lien :
https://www.franceculture.fr/conferences/maison-de-la-recherche-en-sciences-humaines/dans-les-ruines-du-temps-demantele
Laisser un commentaire