Adieu Bernard…

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Philippe Mouillon, qui coordonne à Grenoble Laboratoire, les rencontres « Ça remue » et la revue Local contemporain, m’écrit ce mot à l’annonce de la mort de Bernard Stiegler, qui avait un peu participé à tout ceci :

« Compagnon de route de LABORATOIRE depuis une quinzaine d’années, l’exigence de Bernard était stimulante, sa pensée fulgurante.

Nous avons partagé des complicités, des désaccords et des intuitions – ainsi de la désorientation, des milieux-associés, de l’espace public, du temps libre, du pharmakon, de l’incalculable…, qui sous-tendent un grand nombre de nos réalisations urbaines et de nos initiatives.

Pour lui, l’artiste ne pouvait que s’exposer, à corps perdu, et l’individu libre, passer à l’acte.

Une exigence sans doute intenable, celle de ces amoureux de vivre à en mourir dont parle Aragon….

Pensée si triste pour Caroline et leurs enfants. »

 J’avoue avoir hésité de mon côté à écrire au sujet de Bernard Stiegler sur ce blog, j’entretenais avec lui un rapport très ambivalent. Nous nous connaissions bien, à travers la médiologie notamment, qu’il n’a jamais beaucoup appréciée, ni ralliée, préférant tracer sa propre route (mais co-dirigeant l’un des derniers numéros de nos Cahiers de médiologie, consacré aux révolutions de la musique). Je me rappelle notamment un voyage de huit jours avec lui à Séoul et Tokyo, avec Debray et Louise Merzeau, où il fut un compagnon très drôle, très présent. Un grand vivant, comme en témoignent toutes ces interviews de lui qu’on peut écouter sur le net.

Mais que ses livres sont pesants, que de néologismes abscons, d’obscurités soigneusement dosées comme pour intimider, ou fasciner ! Stiegler prolongeait sur ce point la tendance très française, jamais éteinte, du « maître absolu » méticuleusement ourdie par Lacan (et critiquée par Mikkel Borch-Jacobsen) : il truffait ses propos de « rétention tertiaire » (Husserl) ou de « transduction »  (Simondon) auquel le vulgaire n’entend goutte, mais qui place son auteur dans un ciel d’oracle, qu’on n’ose contester. Notre université n’a que trop encouragé ses élites à ces jeux d’une parole opaque, bien faite pour renforcer le magistère. Ou peut-être Bernard pratiquait-il ces préciosités d’une allégeance excessive pour se faire pardonner de n’avoir pas assez fréquenté l’école, comme un travers d’autodidacte.

Pour moi la philosophie doit être plus explicative, plus proche de la parole des gens. Paradoxalement, Bernard entretenait le contact avec eux, et quel roman que sa vie, avec cette incarcération où il a sûrement beaucoup appris, beaucoup mûri : la prison aura été son université. De sorte que cet exploit d’avoir retourné en chance un si lourd handicap le disposait, face aux périls actuels, à résister au désespoir et aux divers « collapsologues » : était-il optimiste ou pessimiste ? Lui insistait plutôt, à juste titre, sur l’imprévisible génie de la vie qui ne cesse d’inventer, et de rebondir. Car une vie qui se programmerait, qui se répéterait ou qu’on pourrait d’une façon ou d’une autre anticiper ne serait justement pas « la vie » !

Derrida nous réunissait-séparait : j’ai été moi aussi très proche de Derrida, que j’ai connu dès 1965-1966, assistant à l’ENS au mémorable séminaire où il détaillait pour la première fois, à travers le Phèdre de Platon, la cardinale notion de pharmakon dont Bernard fit plus tard un tel usage. C’est donc lui qui l’aura le mieux accompagné, notamment avec ce livre d’entretiens, Echographies de la télévision, si important pour nos études d’info-com. Et je nous revois à l’INA, prononçant en parallèle un éloge de notre maître commun lors de sa disparition (2004).

Je ne dirais pas, Philippe, que Stiegler était « fulgurant ». Zigzagant plutôt et frétillant, particulièrement habile à relier la réflexion universitaire et les institutions qu’il a présidées, ou avec lesquelles il aura échangé. La philosophie avec lui sortait du ghetto, il la jetait sur la place publique, où ses interventions avaient le don, comme on dit, d’élever le débat. Je ne sais si les travaux et les résultats d’Ars industrialis, association qu’il présidait, sont à la hauteur des promesses de son fondateur et principal porte-parole ; des passants de ce blog, peut-être, corrigeront sur ce point et sur d’autres mon relatif scepticisme face aux incessants effets d’annonce et de partenariats multipliés par Bernard.

Quand on a beaucoup lu et écouté comme je l’ai fait Derrida, si élégant, si subtilement incisif, on est frappé par tout ce que sans vergogne (mais non sans bagout)  Stiegler lui pique ; en moins frileux toutefois, avec la volonté de provoquer les autres à penser, et à revenir aux fondamentaux. Il aura sans doute réveillé en plus d’un, par ses paroles plus que par ses écrits, le fécond démon de la philosophie, ainsi qu’une indispensable méfiance, la volonté farouche de ne pas se rendre aux vendeurs de doxa ;  il fut donc un éveilleur, oui, avec une vie et une œuvre également étonnantes, brillantes, pleines de rebonds et d’énergie. Ce qui ne peut que trancher, par les temps qui courent…

24 réponses à “Adieu Bernard…”

  1. Avatar de Didier
    Didier

    Mon commentaireJe partage votre analyse sur Bernard Stiegler que je ne connaissais pas beaucoup. J’étudie depuis presque 30 ans d’autres précurseurs sur le technique ( Friedrich Georg Jünger, Martin Heidegger, Jacques Ellul et Bernard Charbonneau, Günther Anders, Illich et j’en passe.) On a toujours les défauts de ses qualités. Je salue toutefois un homme qui a essayé de secouer nos paresses, nos prétentions, notre aveuglement, nos dénis. Merci M. Stiegler.

    Didier BYKOFF

  2. Avatar de M
    M

    Bonsoir!

    Décidément, Monsieur Bougnoux n’est pas seulement un donneur de cours ou de particulières leçons, c’est un éleveur.

    Il panse son lectorat (panser en certaines régions d’élevage veut dire nourrir les animaux) Est-ce pour emmener quelques bêtes de concours sur une place de marché? Nenni, je ne dirai que notre évêque de la randonnée inachevée de La Croix rumine quelque idée inquisitoriale! Et encore moins une cérémonie de médailles aux Comices universitaires…Notre éleveur est un bon soigneur, tout simplement. Autrement dit un excellent panseur.

    Ce jour, jour de susception, bien connu des lecteurs du journal où officie notre pasteur, quatre génisses au petit matin me sont livrées.

    Le vendeur reçoit son chèque et se rafraîchit à la maison avec de l’eau fraîche et une boisson sans alcool.

    Il a deux cents animaux…Il est tout seul, travaille comme une bête du matin au soir; il est tout à son travail. Il court, il court…

    A deux pas dans la chambre, près de l’ordinateur, un livre était ouvert. A la page 173, une citation en hébreu d’un verset du Livre de Jérémie (« Ma très chère Françoise »de Pierre-Philippe Barkats).

    A des parsecs, sans doute, de la question de savoir si le numérique empêche de penser et de la dissémination derridienne, nous parlions de pratiques d’élevage.

    Bernard Stiegler a-t-il lu « Odile »? Là où le poète ne s’irrite contre aucune technique?

    Loin de l’emprise en matière d’élevage, où sont les empreintes? Quelqu’un comme M.Daniel Bougnoux -toujours passionné d’anagrammes – nous parle avec « tact » d’une sacrée question restée sans réponse. (Médium, n° 18)

    Il faudra bien, Madame, Monsieur, un jour ou l’autre, s’en saisir.

    M

    Donné le onze août deux mille vingt.

  3. Avatar de M
    M

    Bonsoir

    Au risque de « monopoliser » un peu cet espace de liberté et de discussion, je reviens, ce soir, pour vous parler d’un hasard heureux, peut-être…

    En regardant tout à l’heure une vidéo, j’ai appris que Bernard Stiegler était l’auteur d’un livre intitulé « Qu’appelle-t-on panser? » et, hier, dans mon commentaire, j’utilisais ce verbe qui, pour moi, localement, avait un sens.
    Ce soir, j’ai pansé mes génisses avant de les mettre à l’herbe en fin de semaine.

    J’ai dit que Monsieur Bougnoux était un panseur.

    Chez ces vrais braves gens-là, on parle de « laboratoire » et on veut faire emprunter au petit peuple des chemins qui bifurquent pour les libérer des affres et des misères engendrées par une rationalité limitée et une civilisation industrielle sans sourire, complètement « entropiée ».

    Une petite observation : Chez ces bonnes gens bien informés, Monsieur, on parle de la ville et l’on ne voit pas la moindre trace de « L’Homme Planète » si cher à Theodore Roszak, qu’ils ne citent pas, à ma connaissance.

    C’est un plaisir d’écouter le citadin Monsieur Stiegler qui a plein de références et qui dit des choses qui tiennent la route.

    Mais le monde est stone et sur l’asphalte passent les belles voitures de tourisme des conférenciers dans un pays sans paysages et sans paysans.

    Le petit peuple, à l’intérieur des terres, est-il concerné par ces aréopages de savants qui causent dans le poste?

    A-t-on entendu une seule fois, ces hérauts d’un monde nouveau, nous instruire sur ce laboratoire non localisable où se cherche une nouvelle idée civilisatrice, d’après un projet d’État écrit pour Gavroche et Marianne, en française démocratie?

    Avant de nous parler d’Erôs (avec le chapeau sur le o), J.Derrida nous dit que :

    « Le pharmakon est compris dans la structure du logos. Cette compréhension est une domination et une décision. »

    On aimerait au fin fond de nos campagnes, lire l’ordonnance des panseurs de la ville.

    A bon entendeur!

    M

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Hélas oui cher Michel, Notre société est durement compartimentée, il y a les belles voitures sur la route, et ceux qui les regardent passer… Tout de même vous et moi nous écrivons, nous estimons je crois, tout contact n’est donc pas perdu. Pour « panser », j’ai du mal à vous croire et la coïncidence m’étonne, car l’un des derniers livres de Bernard, et assez médiatisé, porte sur Greta Thunberg avec ce titre « Qu’appelle-t-on panser? », sans doute en aurez-vous fait quelque part la lecture subliminale avant de vous en resservir sur ce blog, et à cette occasion ! Les ruses du pharmakon-écriture sont infinies !

  4. Avatar de Cécile d’Eaubonne
    Cécile d’Eaubonne

    Bonjour aux passants du blog

    Bel éloge, Daniel ! Avec juste ce qu’il me faut de réserves pour ne pas tomber béatement dans l’aura d’un “maître absolu”. Je n’ai rien lu ni n’ai jamais rencontré Bernard Stiegler … Sauf dans la presse pour me réjouir de sa capacité de résilience. Vous lui reprochez sa posture orgueilleuse de surplomb ? Étude solitaire à travers les livres ou passage par l’Université, cette dernière renforce-t-elle davantage l’estime de soi ? Non, ce n’est pas de l’ordre d’un travers d’autodidacte. Je parie pour une estime de soi blessée et jamais reconstruite.

    Certes il y a nécessité pour chacun de se sentir légitime dans ses choix de vie ? Un sentiment qui procure un ressenti de bien-être et facilite grandement les rapports de “non-pouvoir” avec autrui.

    Quelques mois avant son décès, Jean d’Ormesson, au regard bleu souriant, s’est déplacé pour l’inauguration d’une médiathèque à son nom. Gentille simplicité d’un agrégé de philosophie ! J’ai rêvé devant l’aisance tranquille de cet homme : on avait souhaité l’honorer. Or, il se montrait considéré de l’invitation …

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Si je devais récrire cet « éloge » (qui n’est pas sans ombres), je soulignerais le caractère tragique peut-être de Bernard, son côté « beau ténébreux » (que montre la troisième photo choisie pour mon billet). Comme m’écrit un ami médiologue, « le côté rêveur, nocturne de ses recherches, et les faux-fuyants empathiques de sa personne (à la fois intime et étranger), et sa faculté d’exaltation, son fantasme d’héroïsme intellectuel, son goût pour la surenchère, toujours saisi par l’obsession de forcer les limites qu’il s’était employé, la veille, à fixer méticuleusement comme indépassables ».
      Oui, Bernard fut cet enthousiaste toujours un peu dépassé, ou en avant de lui-même et de son époque, d’où sa force d’entraînement, sa réelle séduction. Je mentionnerais aussi le fait qu’il s’est, si j’en crois Wikipédia, donné volontairement la mort le 6 août, ne supportant plus les douleurs d’une occlusion intestinale. Je venais de déposer ici, à cette date, mon précédent billet « Partir en beauté », une réflexion sur l’euthanasie. Et cette coïncidence me trouble.

  5. Avatar de Jean Claude
    Jean Claude

    J’ai découvert Bernard Stiegler dans les cadre des Rencontres-i, ateliers de l’Hexagone de Meylan entre 2003 et 2005. Ce Bernard là a été un éveilleur de conscience, un philosophe engagé, excellent communicant, charmeur et très accessible. Je me souviens d’un atelier particulièrement dense où il nous a fait expérimenter son application « Ligne de temps », logiciel d’analyse filmique et aussi d’aide à la conception. Il m’a aussi fait découvrir et inciter à lire G Simondon.

    Il y a aussi le Bernard écrivain, prolifique mais indigeste. Suivant ses dires, il n’écrivait pas ses livres, il les enregistrait en faisant du vélo ou autres activités puis donnait le support numérique à son épouse pour réaliser le tapuscrit. De ce Bernard là j’ai gardé le sentiment qu’il avait quitté son enfermement carcéral pour une autre prison de « l’homme-toujours-communiquant ». Ces livres sont restés pour moi bien plus difficiles à lire et à exploiter que ceux de Simondon

    Il y a eu après le Bernard réalisant d’excellentes vidéos

    Il y eu enfin, ces dernières années l’homme médiatique qui récitait « l’ancien philosophe » qu’il n’était plus, pris par la tourmente de la notoriété, qui empêche de penser, pris au piège de ce qu’il dénonçait quelques années avant !

    Ce fut pour moi, une excellente rencontre, dans la durée, celle d’un autodidacte libéré des contraintes académiques. Il a su transformer mon chemin de pensée.

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Merci cher Jean-Claude de ces ajouts en vue d’un portrait contrasté, nuancé… Comme me l’écrit un ami grenoblois que nous avons en commun, PM, on aimerait que Bernard ait pris plus souvent le temps de descendre de vélo, pour écrire un bon livre !

  6. Avatar de Cécile d’Eaubonne
    Cécile d’Eaubonne

    Tiens donc ! Il se serait donné la mort ? Paix à lui … Dans les années 90, nous avons été le témoin de l’accident de santé « occlusion intestinale » de l’épouse de mon frère, un lendemain de la naissance de leur fille Alexandra.. C’était à la maternité des lilas qui promettait des accouchements exceptionnels. Sauf que le médecin était absent à ce moment crucial pour raisons de repos dominical. … Oui … oui, beaucoup de souffrances à dépasser. Sans doute avec la volonté de rester présente à cette enfant et aux deux aînés, elle a retrouvé la santé. Elle nous a montrés que l’instinct de vie avait des ressorts insoupçonnés. 18 ans après, ce ne fut pas le cancer du sein le plus terrible, mais la perte de toute autonomie avec les métastases au cerveau. A la maison des soins palliatifs, la cérémonie funéraire donna part aux croyances des uns et des autres : juif par son père, catholique par sa mère et son mari, bouddhiste par son frère, musulman par son fils et ses amis syndicalistes de l’entreprise Renault, et les autres … elle même athée.

    Le lien commun ? sa détermination à vivre, le sentiment de fraternité qu’elle avait insufflé autour d’elle. Ce courage, qui le peut ? Le soutien d’une famille et les multiples attentes de voir ses enfants devenir adultes.
    Je ne sais rien de plus …

    Un accident de santé avant la fin de vie de Bernard Stiegler ? Il laisse une épouse et ses enfants sur le bord du chemin. Partir en beauté !
    Selon que vous êtes riche ou pauvre, illuminé par la grâce ou non , la mort attend chacun.

    Ça ne nous donne aucunement notre trajet â venir. Sauf celui de l’acharnement à rester des vivants le plus longtemps possible.

  7. Avatar de m
    m

    Bonsoir, chers lecteurs de tous ces commentaires!

    Non, je ne connaissais pas ce livre et je n’ai pas dans ma chambre la photographie d’une jeune fille suédoise qui parle d’écologie dans les micros.

    Pour les grosses bagnoles, je ne ne suis pas contre le fait que certains puissent en posséder et même plusieurs et tant mieux pour eux s’ils ont le bonheur en plus!

    Je connais un conférencier dont la « belle américaine » avait du mal à tourner dans la cour de la ferme.Un club d’entreprises m’a, un jour, contacté pour le faire venir en conférence. Dont acte. Je ne suis allé ni à la conférence ni au festin qui a suivi.

    Ce prospectiviste atypique dont un livre fut préfacé par Jacques Attali, adore aussi d’autres cylindrées, chevauchées par de belles et jeunes amazones…Pourquoi pas? Publier ou périr…B. d’Espagnat, le physicien, écrivait justement : « les intellectuels sont comme les motards, ils font Vroum, vroum! »

    Je salue au passage la détermination de Mme C…d’Eaubonne nimbée du bleu des yeux d’un académicien inaugurant du côté de Le Plessis-Bouchard, une médiathèque d’agglomération, bien loin des rares petits espaces de campagne où, en secret, on se prend à rêver avec un livre qui vous dit quelque chose…

    Plus de vie, tenir à ce fil mystérieux dans le labyrinthe de notre propre parcours, c’est certainement un risque à courir…

    Au risque de la conscience, écrivait un ami moine, qui a tenté l’odyssée à sa manière.

    L’obstacle des calembredaines surmonté…du solide enfin!

    Et là, point de maître absolu, que des aventuriers essayant de maîtriser la maîtrise….au petit bonheur la chance!

    Quant à toucher terre (haptique/ phatique), c’est une autre histoire!

    Bonne nuit

    m

  8. Avatar de Gérard Fai
    Gérard Fai

    Bonjour!

    En juin deux mille quatorze, j’avais entretenu une petite correspondance électronique avec Bernard Stiegler.

    Et en mai deux mille seize, son épouse Caroline m’écrivait qu’elle avait quitté ses fonctions à L’Institut de recherche et d’innovation du Centre Pompidou depuis le trente et un mars de la même année. Il était entre nous question de service technique.

    Monsieur Stiegler reste un penseur urbain…Il laisse de côté quelque chose et poursuit son chemin. Il n’est pas le bon samaritain panseur de la parabole évangélique. On connaît bien ce mot d’ordre de la gent intellectuelle chic et bien posée : Il faut en finir avec le populisme et instruire ces « ploucs » qui votent « Le Pen », cet épouvantail, ce pelé, ce galeux qu’elle ne saurait voir. C’est aller un peu vite en besogne et oublier de soulever plus d’un pan du réel.

    Une chose est de collaborer avec des éleveurs (puisque le mot a été utilisé) à partir d’un bureau mais c’est autre chose que d’aller vers eux pour « comprendre » dans le vif du sujet, leur milieu, leur histoire, leur conscience…Autrement dit leur mémoire et leur avenir.

    Il y aurait donc « disruption »…En médiologie, on a étudié les continuités et les ruptures.

    Brisons là.

    Un jour de deux mille deux, un ministre en fonction m’envoyait son livre accompagné d’une lettre manuscrite. Il montrait d’un doigt sévère les professionnels de la politique. Il y a du ménage à faire et sans doute, pour arriver à quelque chose de très vrai, faut-il sans relâche se remuer les méninges…

    Où sont-ils, aujourd’hui, celles et ceux dans le cocon des édiles, capables de faire un pas de côté, comme ce ministre, cette année-là et Régis Debray quelques jours plus tard?

    Éveiller les consciences, certes, et notre écrivain a fait ce qu’il a pu…Réveiller la belle endormie est « une autre paire de manches ».

    Je terminerai ce petit commentaire avec, ce matin, ces bons mots de Gaston Bachelard…qui coulent de source :

    « Heureux celui qui est réveillé par la fraîche chanson du ruisseau, par une voix réelle de la nature vivante. Chaque jour nouveau a pour lui la dynamique de la naissance. À l’aurore, le chant du ruisseau est un chant de jeunesse, un conseil de jouvence. Qui nous rendra le réveil naturel, le réveil dans la nature ? »

    Gérard Fai

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Merci Alexandre, je ne connaissais pas votre (belle) analyse, à laquelle je tenterai de répondre.

  9. Avatar de M
    M

    Bonjour!

    J’imagine notre randonneur aux anges…Son billet d’adieu ou d’au revoir fait réagir et c’est très bien ainsi!

    En contrepoint, autrement dit « en même temps », n’est-ce pas Monsieur Moatti?

    Un lecteur, randonneur des bas-côtés qui n’est pas du monde universitaire, a-t-il quelque chose à dire en telle affaire?

    J’y pensais tout à l’heure en changeant mes génisses d’enclos et je ne pouvais un instant me résigner à fermer l’électronique fenêtre. (Rassurez-vous la barrière des Rouges des prés est bien fermée!)

    Sans doute Monsieur Stiegler a beaucoup apporté, mais reste encore des choses à faire… Le pansage, peut-être, comme on disait naguère dans les régions d’élevage, pour désigner les travaux d’apport de nourriture aux animaux, matin et soir?

    Pour ne rien vous celer, j’ai bien aimé votre référence à M.Mathieu Triclot dont le directeur de thèse, fut récemment un élève brillant en milieu rural où il s’est vu, pour son plus grand plaisir, décerner un diplôme qui aurait bien plu à M. Stiegler. Un diplôme obtenu en contrepoint avec l’épouse d’un grand esprit de notre temps et une paysanne et un paysan retraités, d’alentour. Je n’invente rien, je constate.

    Puisque nous parlons nourriture et sans digression aucune car nous ne quittons les universités, je pense à la réponse faite par M.Christophe Pébarthe, de l’Université Paris VIII, à Mme Claudia Moatti qui, dans le premier numéro de la revue « Médium », lançait un cri d’alarme en quittant sa chaire et son pays (La France), déplorant la passivité de ses étudiants. A la fin de son propos, le maître de conférences, écrivait :

    « Mais il faudrait aussi et surtout que notre société retrouve son goût pour l’intellection » (Médium, n° 3, page 187) (Mme C…d’Eaubonne qui a fréquenté cette université, le connaît peut-être…)

    Quel rapport avec M. Bernard Stiegler? Eh bien le goût de l’effort qui peut se rencontrer en des lieux différents, pas forcément opposés.

    Comment ne point revenir sur ces entrefaites à cette notion tant discutée de néguentropie?

    Edgar Morin nous instruit, à sa manière, sur le sujet : « Il nous faut trouver le méta-point de vue qui à la fois englobe la relation néguentropie/ entropie et la relation organisation active/environnement(où l’organisation puise de la néguentropie et vidange de l’entropie) »

    Il admire que protéine soit l’anagramme d’entropie et que les trois lettres radicales de la générativité soient l’anagramme des trois lettres radicales de la néguentropie. Et la négation de la négation a voix au chapitre de l’organisation néguentropique.
    Quèsaco, braves gens?

    Qu’il y a peut-être du oui dans la philosophie du non et que le hasard qui fait bien les choses a composé avec les lettres de la « négation » un très beau nom : « Antigone ».

    Puisse-t-elle descendre du ciel des livres pour faire « quelque chose » en ce monde devenu stone!

    Bonne nuit

    M

    Donné le jour férié d’Assomption deux mille vingt

  10. Avatar de Basile
    Basile

    La philosophie ne se lit pas comme un roman. Si vous convenez qu’une chose a besoin d’un mot pour la désigner, vous pouvez admettre qu’un concept soit dans le même cas, même si le mot qui le désigne vous paraît étrange. Il n’est pas utile d’encourager la démagogie, et les écrits de Bernard Stiegler, de ce point de vue, ne sont pas démagogiques. Ou alors, vous pouvez reprocher la même technicité à l’ensemble des philosophes qui ont écrit quelque chose d’intéressant. Quand on est lecteur de philosophie, on sait qu’il est plus simple et intelligible de lire un texte philosophique très technique qu’un texte apparemment rédigé sans technicité mais qui implique une définition très particulière d’un mot ordinaire.

  11. Avatar de Gérard Fai
    Gérard Fai

    Merci Monsieur pour ce commentaire instructif.

    Il m’a incité à lire deux articles qui me paraissent d’importance et que le lecteur pourra trouver sur Internet :

    1 Nicolas Celnik (Libération) « Les États n’ont pas les concepts pour changer » (B.Stiegler)

    2- Philippe Petit ( Marianne) « Mais au fait, c’est quoi la pensée de Bernard Stiegler? »

    Des concepts à fourbir, certes, être le refus d’Antigone et désirer autant que faire se peut pour décider et à partir de là, panser.

    Mais quelle nourriture, Monsieur l’éleveur, apporter à la foule sentimentale qui s’avachit sur son canapé?

    Quelle manne tombant des cieux saurait nous porter l’eau à la bouche?

    Monsieur Stiegler a fait ce qu’il a pu…Il laisse des choses à faire, autrement dit à penser pour mieux panser les plaies de ce monde en furie.

    Alors, j’ai pensé que ce serait une bonne idée que de lire avec attention les « explications d’un concept scientifique », données par Gaston Bachelard dans le premier chapitre de « La philosophie du non ».

    On y apprend qu’il est des choses à trouver en les au-delà de la pensée instruite, telle l’intuition subite dans la région de la rêverie anagogique.

    Le poète inspiré a voix au chapitre et l’image d’un colonel qui compte les soldats de son régiment, rejetée finalement, pour de bon!

    J’ai reçu, hier, un long et passionnant message d’un jeune enseignant chercheur qui m’écrit :

    « Le travail du concept doit faire l’épreuve du réel ! N’en déplaise à la grande majorité des philosophes !J’aime beaucoup Bachelard mais je l’ai assez peu évoqué dans mon travail de doctorat. Je sais qu’il discute souvent les thèses de Bergson, notamment la durée ou le temps (…) »

    Quel sentier qui bifurque, puis-je lui proposer? Telle est la question à laquelle j’essaye d’apporter une efficace réponse.

    Avec et au delà de ce simple commentaire…

    Merci Bernard et bien à vous tous.

    Gérard Fai

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Pour Basile et Gérard : la question du jargon en philosophie est épineuse, car un degré de « technicité » est en effet inévitable, mai où commence l’abus ? Dans le cas de Bernard Stiegler, minutieusement exposé dans le lien fourni par AlexM. ci-dessous, il y avait (à mon avis) une désagréable propension à abuser des mots, comme une rutilante mécanique devenue un peu folle ; ou comme ces signes extérieurs de richesse qu’un parvenu ne se retient pas d’exhiber. Bernard en matière de concepts était un peu bling-bling.

  12. Avatar de m
    m

    Merci. On se doit de retenir la leçon. On – c’est-à-dire pas seulement les deux commentateurs mentionnés par Daniel. Tous les lecteurs, je suppose qu’il y en a un certain nombre, sont concernés par cette belle réflexion sereine et instructive.
    Peut-être qu’une certaine préciosité en réaction au langage plat, outrancier qui a tendance à devenir la norme, a sa relative importance… Mais bon, faut pas pousser Marie dans les orties avec un vocabulaire qui nous passe par-dessus la tête, palsambleu!
    Quant à la question technique dont plus d’un a lu dans « Médium » la difficile approche, essayons, ici, une réponse d’un maître en la matière :
    « Le défi pour l’homme contemporain est de réussir à s’arracher autant
    que possible au cercle fermé de la production et de la consommation, réussir à ne pas se réduire à de l’exploitable, sinon il ne serait plus homme » (Martin Heidegger)
    Dans le milieu agricole et rural, par exemple, pas la peine d’avoir fait de grandes études pour voir où commence l’abus…Brisons là.

    m

  13. Avatar de Basile
    Basile

    @ Daniel Bougnoux – L’article de Zilsel, laborieux exercice scolaire, verse trop longuement, lourdement et péniblement dans l’acrimonie qui cherche à se hausser pour relever d’une critique philosophique digne de ce nom : quand on veut passer outre le principe de charité, il faut d’abord s’assurer d’écrire comme Nietzsche. Quant au bling-bling conceptuel, imaginez Socrate le jour de son procès faisant rutiler la nouveauté de son démon devant l’assistance offusquée. Stiegler s’abandonnait volontiers et de son propre aveu aux facilités du néologisme. Disons simplement qu’il ne faut chez personne confondre néologisme et nouveau concept. Mais les nouveaux concepts apportés par Stiegler avaient besoin de néologismes. L’exosomatisation de Stiegler complète et approfondit l’hétérotopie de Foucault. Les philosophes aiment parler grec. C’est très bien ainsi. Comme le dit Gérard Fai en lisant Bachelard, il faut être ailleurs pour pouvoir être ici.

  14. Avatar de Gérard Fai
    Gérard Fai

    Bien cher Monsieur Basile,

    Votre commentaire est très pertinent et pour ma part, j’en prends bonne note.
    « Il faut être ailleurs pour pouvoir être ici » est un passage tiré de l’Enéide, de Virgile.
    A ma connaissance, mais vous pouvez vérifier, Gaston Bachelard ne fait pas usage de cette citation, même si l’ouvrage est mentionné dans « L’eau et les rêves », page 193.
    Je reçois dans la foulée un message d’un ami helléniste et je ne résiste pas au plaisir de vous livrer une partie du texte :
    « Je prépare une édition de Dion Cassius (Caligula et Claude) (…) et j’ai entrepris d’écrire une fiction démocritéenne pour me déprendre de la tradition académique qui fétichise et idolâtre Platon, Aristote et les Stoïciens. Mes compagnons occasionnels sont, entre autres, Walter Benjamin, Balibar, Derrida …, mais ce que j’écris relève parfois du genre spoudaiogeloios. Autant de compères qui diront quelque chose à R… Mais il me tarde de revoir la bibliothèque de l’ENS et d’emprunter quelques livres. » (Fin de citation)
    Cet ami de rencontre eut pour cacique à l’ENS, un autre ami de longue date que je vais revoir bientôt après une longue distance médiumique plus que médiologique.
    Ce sont là encore, des mots qui seront des détails sans importance pour Monsieur tout-le-monde qui s’en fiche comme de son premier bonnet.
    Je viens d’ouvrir un petit essai, un supplément de voyage sur Rimbaud d’Arabie, dédié à Mme Claudia Moatti, où je trouve ces mots en exergue :
     » On cherche ici la mise au point optique, optique,de tout détail, chacun juste en tout cas, jusques au moindre : sa meilleure définition.
    « Dieu est dans le détail » disait Flaubert; ce qui revient à dire « Allah Akbar ».
    On cherche aussi la vérité, qui est une autre paire de manches. » (Fin de citation)
    Allier qualités d’envol et de résistance, c’est facile à dire…Passer à l’acte est une autre affaire.
    Le rat retiré du monde peut-il nous faire la leçon?
    Bonne nuit à tous

    G F

  15. Avatar de Cécile d’Eaubonne
    Cécile d’Eaubonne

    Hum ! Contredire Basil … ou approuver Daniel ? Voyons le niveau de langage utilisé en philosophie.

    Je vous laisse deviner à quel concept se référer pour désigner le “Principe de la scolastique caractérisant une essence dans son individuation, utilisé pour traduire le Dasein ( être-là ) de l’existentialisme allemand”.

    Il s’agit de l’eccéité * qui indique “la singularité” de chaque personne , d’après John Duns Scott ( 1265-1308).

    Nul doute qu’un érudit en philosophie trouvera la définition que j’adopte un peu courte et incomplète. C’est pourtant ce qui me permet d’avancer dans un dédale mental où je progresse.

    Où commence l’abus du jargon philosophique ? La question est posée … Ici comme ailleurs, on a vite oublié le cas B. Stiegler pour s’interroger sur l’opportunité et le le lieu d’écrire de façon la plus illisible possible pour les personnes dite ordinaires dont je suis.

    Qui peut me répondre : à quoi sert la philosophie …
    La philosophie pour une disputatio entre philosophes ou la philosophie pour éclairer nos existences ?

  16. Avatar de M
    M

    Bonsoir Madame!

    Je viens, ce jour, de recevoir un long message accompagné d’une pièce jointe d’un jeune docteur en philosophie. Il me parle de ruminants, lui aussi, en citant G.Deleuze qui, entre nous soit dit, n’était pas un éleveur de bovins.
    Peut-être, Madame, faut-il qu’un chemin de la philosophie retourne à l’obscurité…
    Sur mon chemin de campagne, bientôt, quelqu’un qui figure dans « Le livre des savoirs » marchera à sa manière. Je ne sais s’il va y rencontrer des lucioles, mais ce dont je suis sûr, c’est que sa balade n’a pas besoin d’explications et que c’est quelque chose d’autre qui l’intéresse, quelque chose que l’on puisse toucher sans fausser compagnie.
    Au petit bonheur la chance, trouvera-t-il, en ces terres inconnues, de quoi éclairer nos existences? Il faudra lui demander, si vous le croisez, un jour, dans la rue.
    Merci de votre commentaire très juste qui va faire réagir…
    C’est bon à savoir et à… ça voir!
    Très sincèrement

    M

  17. Avatar de Gérard Fai
    Gérard Fai

    Cher Monsieur M,

    Aussi respectable que soit votre prose laudative en guise de réponse à Mme Cécile d’Eaubonne dont le propos, certes, mérite attention, je me dois quand même de vous dire, à mon corps défendant, que je ne puis accorder mon luth à votre sérénade sous les fenêtres de la gente dame.

    Bien évidemment, être accessible au plus grand nombre avec les mots du sens commun et, à partir de là, éclairer la foule sentimentale, attirée par tout ce qui brille, c’est le propre de la philosophie mais, las, c’est un vœu pieux! Les amants de la quantité, comme disent un professeur et un artiste ont choisi entre « L’avoir ou l’être » belle anagramme de « L’or ou la vérité », n’est-ce pas? Et le refrain d’un chanteur de variétés n’y change pas grand-chose, palsambleu!

    Dans son beau livre « L’espérance folle », Guy Béart nous instruit sur la naissance et la finalité d’une chanson. Au plus haut degré, elle s’adresse à quelques initiés qui sont en mesure de comprendre et qui, par l’effort, se sont attirés « le passage de l’ange »… Il y a de l’émotion et de l’équation dans une chanson. Comment réveiller « Monsieur-tout-le-monde » et lui ouvrir la porte de l’école de la vie? « Tu es le mouton endormi » lui répondent en chœur Raphaël et Jacques, par le jeu d’une belle anagramme dont ils ont le secret pour lire dans les pensées.

    Cher M, votre hôte que j’imagine grand esprit, lors de votre rencontre prochaine sur je ne sais quelle île perdue aux confins du pays, ne serait-il pas plus près d’Hippocrate que de Socrate?

    Il y aurait-il encore dans « l’Abdère digitale » une possibilité de survie? Quel remède propose aux ninivites des temps modernes votre fin penseur?

    De grâce, posez-lui la question dans vos futures agapes médiologiques sans pérorer pendant des heures sur Jonas ou Derrida! Vous nous donnerez la réponse fût-elle raiponce de jardin pour soulager nos maux!

    La réponse est politique et la politique est en librairie. L’autre jour, dans une forêt, au pied d’un arbre, je me suis plu à poser ma valise et à fouiller dans des archives anciennes. J’ai découvert ce texte écrit à la main, une page jaunie, tirée du livre de Valéry Giscard d’Estaing « 2 français sur 3 » :

    « Le malheureux Heinrich Schielmann, bien qu’il eût découvert les sites de Mycènes et de Troie, fut traité en amateur et brocardé par les archéologues professionnels de son temps, sous prétexte qu’il avait commencé sa carrière dans le commerce des épices et qu’il n’était pas au petit nombre des initiés dont le savoir est acquis par le cursus des honneurs traditionnels. Le titre d’écrivain ne s’acquiert pas par le seul fait de savoir écrire, mais par un usage professionnel de l’écriture, consacré par la reconnaissance de son droit à siéger dans un cénacle restreint. »(Fin de citation)

    Toujours la même question : Où découvrir le merveilleux scientifique? Et que serait ce merveilleux s’il ne changeait pas la vie des gens?

    Depuis des décennies, que d’eau, que d’eau! Que de paroles, que de paroles, les fesses dans une chaise et des tables rondes à n’en plus finir, entre gens cravatés, sans pour autant changer les couleurs du temps! A la ville et comme à la campagne sous l’emprise de la première.

    Jacques Monod dans « Le hasard et la nécessité » écrit que si Bergson avait employé une langue moins claire, un style plus « profond », on le relirait aujourd’hui.

    Dans le monde paysan, on a « évolué » mais dans quel sens, bonnes gens? Il n’y a plus de paysans mais restent des gens dans les bureaux qui s’occupent de ce vide comme il y a des linguistes pour dire que la langue française se porte bien, alors qu’elle se décompose dans la puanteur au fil des jours. Et Monsieur Latour n’y peut pas grand-chose et sœur Anne tout là-haut ne voit rien venir!

    « Le travail, la famille, la patrie »…Pourquoi ces mots, cette phrase avec deux virgules forme-t-elle avec les mêmes lettres :

    « La villa, le mari parfait, la télé »?

    Cela a un très beau nom, femme Narsès. Cela s’appelle l’aurore.

    Gérard

  18. Avatar de Tartempion
    Tartempion

    Excusez mon passage ex-abrupto sur ce site que je ne connais pas, mais quand on parle du jargon de B. Steigler, il faut avoir l’honnêteté intellectuelle de la reconnaitre, comme beaucoup de béotiens autodidactes fascinés par les mots de la philosophie.
    Permettez-moi une anecdote : bien que docteur en thermodynamique, j’ai toujours vainement essayé de lire ne serait-ce qu’une page de Derrida ( et trouvé Foucault un beau manieur de truismes). J’avais donc des complexes et me trouvais idiot.
    Et puis, étant un grand admirateur de celui qu’on appelle le plus grand intellectuel américain vivant, Noam CHOMSKY pour ne pas le nommer, j’ai lu, dans une de ses interviews, qu’il avait longtemps essayé de déchiffrer le jargon derridien en vain et qu’il était arrivé à la conclusion que la « French Theory » et Derrida n’étaient que du verbiage sans aucune signification.
    Quand c’est Chomsky qui le dit, on se prend à se croire un peu moins bête !
    Ces propos pourraient être apppliqués à feu Bernard. Lisez ANDERS, CASTORIADIS et CHOMSKY, cela fait du bien. Merci,

    F.EMERY

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À propos de ce blog

  • Ce blog pour y consigner mes impressions de lecteur, de spectateur et de « citoyen concerné ». Souvent ému par des œuvres ou des auteurs qui passent inaperçus, ou que j’aurai plaisir à défendre ; assez souvent aussi indigné par le bruit médiatique entretenu autour d’œuvres médiocres, ou de baudruches que je…

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À propos de l’auteur

  • Daniel Bougnoux, professeur émérite à l’Université Stendhal de Grenoble, est ancien élève de l’ENS et agrégé de philosophie. Il a enseigné la littérature, puis les sciences de la communication, disciplines dans lesquelles il a publié une douzaine d’ouvrages.

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