Eveiller les esprits (avec Samuel Paty)

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Samuel Paty (1973-2020)

L’infortuné prof d’histoire-géo victime du poignard islamiste n’était pas un héros, juste une bonne personne persuadée d’accomplir sa mission éducative, en proposant à sa classe de réfléchir, au-delà des limites du programme, sur des sujets tels que la liberté d’expression, l’intolérance, la place de la religion ou les vertus de l’humour… Je partage d’autant mieux l’émotion collective qui s’empare depuis quatre jours de notre pays qu’ancien enseignant moi-même, j’aurais fait comme lui.

Il est vrai que mon service dans l’enseignement secondaire (en philosophie) n’a duré que trois ans, à une époque (1970-1973) et dans un lieu (le lycée de jeunes filles Bonaparte à Toulon) où les conditions offertes au pédagogue étaient à l’évidence plus faciles : les valeurs de l’école faisaient encore consensus, mes étudiantes venaient pour apprendre et passer leur bac, et je n’avais pas dans mes classes pourtant remplies au maximum (40 élèves), de minorités ethniques capables de contester mes contenus de cours. Fraîchement issu moi-même de l’ENS et de l’agrégation, j’avais pour article de foi les bienfaits inconditionnels de la réflexion philosophique, et le vif désir de partager celle-ci chaque matin avec ma classe. Laquelle y consentait assez bien, faisant de moi un prof somme toute heureux.

Autre époque, heureuse utopie ? Je voudrais ici, en hommage à Samuel Paty, mieux cerner cet idéal partagé.

Si je tente d’évaluer ma situation par rapport à la sienne, je dirai d’abord que je n’ai pas affronté l’obscurantisme. Je me suis heurté comme chacun à l’ignorance, au dédain, à la bêtise crasse ou satisfaite, aux clichés et aux vulgarités où s’enlise la parole courante, mais pas à la remise en cause de ce qui m’animait : éveiller les esprits. Je croyais, et au fond je crois toujours, aux valeurs intrinsèques de l’ironie philosophique, aux bienfaits de sa discipline verbale, de son appel incessant au dialogue et aux raisons de l’autre, voire à des points de vue ou des hypothèses très étranges d’où le monde se découvre autrement. Dans la mesure où la philo se propose comme un éveil, un voyage ou une secousse libératrice hors des pensées enkystées, elle séduit assez facilement les jeunes gens qui, sur le point de quitter leur milieu familial, cherchent leur voie et leur équilibre. Ma légitimité n’était donc pas remise en cause, je n’avais pas de problème d’acceptation.

Plus qu’une autre matière, à l’exception peut-être des sports, la philo accompagne son disciple ou son étudiant sur les chemins de sa propre vie ; on peut, en classe de philo, apporter le récit d’un rêve, ou d’une péripétie intime, ouvrir le journal du matin, s’intéresser à une chanson, aborder une mode ou une œuvre d’art, bref réfléchir à toute sortes d’événements qui tissent notre quotidien sans sortir aucunement du sacro-saint programme ; la philo étant auto-référentielle, elle cherche à mieux cadrer ce qui arrive, et à composer à partir de ces sujets de réflexions en apparence disparates un monde un tant soit peu commun, ou une pensée communicante.

Commun est le grand mot : la philosophie surmonte les conflits en leur offrant une arène ou un cadre de discussion, la mise en arguments demeure sa grande affaire, elle répudie la violence, ou l’affirmation brutale d’un dogme ou d’une opinion personnelle qu’elle remplace par l’injonction : prenez la parole, vous et moi causons ! Je suis conscient, en rappelant cela, que ce filet de la dialectique ou du dialogue n’empêchera pas la révolte d’un Gorgias ou d’un Calliclès ; et qu’un islamiste, ou le porteur d’un dogme qui l’a fanatisé, ne fait pas irruption pour s’asseoir à la table des discussions, mais pour la renverser.

Le logos ou le cercle de la raison nous éclairent comme un phare, ou une lampe de poche, mais en laissant beaucoup de forces obscures et sauvages hors de leur clairière. Comment élargir ce rond de lumière ? Au niveau d’une classe, la mise en commun de la parole garde un fort pouvoir d’appel ; le sujet convié à une table ouverte où l’on échange des arguments et non des coups, sans dogmes a priorini censure venue d’en haut, se trouve sécurisé et stimulé pour peu que cette parole, libératrice, soit présentée comme un jeu, ou une joute sportive. Car les lieux (familiaux, sociaux) qui stimulent une pensée personnelle ne sont pas si nombreux. Autour du sujet, l’institution scolaire puis universitaire trace une enceinte, protectrice, où les religions, les traditions, les traffics et les luttes d’influence en principe n’entrent pas. Et la philosophie en particulier a soin de découper cette « chambre à soi » (disait Virginia Woolf) ou ce sanctuaire, espace de retraite et de construction personnelle où le sujet retrouve des coudées franches ; elle réveille et stimule en nous cette faculté justement d’être un sujet, avec son pouvoir d’articuler, d’objecter et de répondre… Et elle fait advenir du même coup un nous, l’évidence d’une communauté de partage et d’écoute.

L’affinité entre ce programme (limité pour la philo à la terminale) et les valeurs de la laïcité et de la République n’a pas besoin d’être soulignée : chaque classe, si le prof s’appuie sur sa bienfaisante clôture pour y éveiller les esprits, à l’écart des autorités ailleurs constituées, reproduit en petit ce modèle de tolérance et d’émulation qui définit les fondements de notre République. L’école, et particulièrement l’exercice philosophique, s’adressent à notre liberté. Mais l’exigence d’avoir à penser par soi-même n’est pas spontanée, ni forcément bienvenue, quel est ce soi-même qui parle par la bouche des enfants ? Trop souvent celui des préjugés extérieurs et (Descartes) des « contes de nourrice ». L’enseignant, celui qui promeut et porte véritablement le commun au-delà des intérêts et des affrontements particuliers, doit donc montrer tout ce qu’on gagne à cette ouverture, à ce passage d’une société close à une communauté moins fermée, celle dans laquelle on lit, on raconte, on pense et on joue à sa guise, selon ses propres goûts. Le grand défi est de faire préférer par les élèves cette ouverture aux routines de leurs mondes propres, de leur faire comprendre (et choisir) la supériorité de la parole et de l’examen personnel sur les dogmes ou les réponses toutes faites, de les aider à articuler contre les facilités du « J’te raconte pas », de  l’inattention, contre les mille séductions d’internet, la paresse du par-cœur ou l’expression désordonnée des pulsions, contre le chantage sentimental ou la violence primaire… Vaste programme, toujours à reprendre !

À l’horizon de cette ouverture il y aurait l’universel, auquel l’enseignement de la raison s’efforce d’accéder. Personne ne se meut dans l’universel mais il est bon, avec Kant, de poser que la moralité suppose non seulement qu’on se pense comme un autre (« ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’il te fasse »…), mais encore  comme un sujet du genre humain au-delà des mœurs, des lois, des doctrines et des religions qui quadrillent les différentes sociétés. Cet appel à sortir du cercle des mimétismes partagés fait la supériorité de la science, comme de la vraie moralité. Et il ne reste pas sans écho : quelle récompense, pour chaque enseignant, de voir un jeune esprit s’ouvrir à cet horizon qui en effet l’élève, ou le grandit ! L’éducation n’est pas un mot creux ni une vaine tâche, elle amorce un cercle vertueux entre les consciences, moins d’intolérance, plus d’humour et d’audace dans la pensée.

J’imagine que Samuel Paty reproduisait, dans son coin et sans faire de foin, cet idéal des Lumières ; et que les profs sont légion, aujourd’hui en France, à transmettre sans forcément s’y référer les rudiments des philosophes qui nous ont formés, Socrate contre Calliclès, Montaigne, Pascal acharné à démêler en lui-même les évidences de la science et l’enthousiasme de la foi, Voltaire et son combat contre l’infâme, Kant et son partage critique entre les domaines de la religion et de la raison… Cet héritage est toujours à reprendre, à défendre contre ceux qui voudraient nous faire croire que ces mêmes Lumières ne sont qu’une croyance ou une idéologie parmi d’autres, ou que notre prétention à l’universel a entraîné le colonialisme et humilié les autres cultures. Au nom de quelles valeurs supérieures peut-on s’élever contre la laïcité ? Contre les principes de tolérance, et de libre circulation des idées, des pensées ?

Cette laïcité constitue un horizon indépassable, imprescriptible, mais elle ne conduit pas à l’angélisme ni à la naïveté : pas de tolérance pour les ennemis de la tolérance ! Sachons nommer, et traiter en conséquence, les adversaires de l’idéal scolaire et républicain qui nous a formés, et continue de nous inspirer. Une longue série de crimes fomentés par l’islam radical vient de culminer dans le meurtre, particulièrement atroce, de Samuel Paty. J’en reproduis ici la funèbre liste, publiée par Le Point :

  • le 11-03-2012 : Toulouse : 1 mort
  • le 15-03-2012 : Montauban 2 morts
  • le 19-03-2012 : Toulouse 4 morts
  • le 07-01-2015 : Charlie Hebdo : 12 morts
  • le 08-01-2015 : Montrouge : 1 mort
  • le 09-01-2015 : Hyper Casher : 4 morts
  • le 19-04-2015 : Villejuif 1 mort
  • le 26-06-2015 : Saint-Quentin-Fallavier : 1 mort
  • le 13-11-2015 : Paris/Saint-Denis : 130 morts
  • le 13-06-2016 : Magnanville : 2 morts
  • le 14-07-2016 : Nice : 86 morts
  • le 26-07-2016 : Saint-Etienne-du-Rouvray : 1 mort
  • le 20-04-2017 : Champs-Elysées : 1 mort
  • le 01-10-2017 : Gare Saint-Charles Marseille : 2 morts
  • le 23-03-2018 : Carcassonne:1mort
  • le 23-03-2018 : Trèbes : 3 morts
  • le 12-05-2018 : Paris : 2 morts
  • le 11-12-2018 : Strasbourg : 5 morts
  • le 03-10-2019 : Paris : 4 morts
  • le 03-01-2020 : Villejuif : 1 mort
  • le 04-04-2020 : Romans-sur-Isère : 2 morts
  • le 16-10-2020 : Conflans-Sainte-Honorine : 1 mort

Comment réagir ? Certainement pas en trouvant aux fanatiques des excuses, en se cachant derrière son petit doigt ou en répétant, comme le proviseur du dessin de Plantu, « pas de vagues »… Le prof comme le flic ou le juge se trouve confronté à ce qu’une société a parfois de pire, ses laissés pour compte, ceux que la famille, le quartier, le travail n’ont pas su éduquer et qui trouvent assez fatalement dans le prêche islamiste un lambeau de dignité ou une manière d’identité, fût-elle barbare. Entre leur charia et les lois de la République, la guerre est donc déclarée mais elle ne peut être, du côté des enseignants, que non-violente : nos armes sont le discours, la discussion, la lecture, cette lumière qui vient des œuvres inscrites au programme et d’une tradition critique de libre-examen… En un mot et encore une fois, l’éveil des esprits.

Grand promoteur de notre école laïque, Victor Hugo y a insisté dans des vers superbes, connaissez-vous dans La Légende des siècles le poème intitulé « An 9 de l’Hégire » ? Avez-vous ouvert et médité Le Fou d’Elsa (1963) où Aragon nous fait partager en quatre-cents pages de proses et de vers savamment mêlés la splendeur de la civilisation arabo-andalouse de Grenade, et la douleur de son égorgement par les Rois catholiques ? Quelques poètes de notre langue ont ainsi jeté des ponts ; et notre tradition critique des Lumières propose un horizon de conciliation, et un programme d’éducation. Un islam non-radical partage forcément ces valeurs, à lui de faire le ménage dans ses rangs, car il est la première victime des « amalgames », et d’aider nos profs (au lieu de les traiter de « voyous ») dans ce combat qui est aussi le sien.

19 réponses à “Eveiller les esprits (avec Samuel Paty)”

  1. Avatar de Jean Raymond
    Jean Raymond

    Mon commentaire
    Merci pour cette approche.
    Effectivement, travailler avec les élèves leur capacité de s’éveiller (et de s’émerveiller / de s’étonner) est essentiel. Et il ne faut pas attendre l’année de Terminale où figure le programme de philosophie…
    Mon expérience à tous les niveaux de scolarité (en Haïti, du primaire à l’enseignement supérieur) me le confirme : avec l’âge les approches peuvent varier, mais tous et toutes peuvent s’ouvrir et se forger une personnalité unique, capable de réagir, de penser, de décider, de parler.
    Je ne connais(sais) pas Samuel. Mais c’est toute notre planète qui a besoin d’éveilleurs de conscience, de citoyenneté, de paix et de dialogue.
    Encore une fois, merci.

  2. Avatar de Octavie
    Octavie

    Merci pour cette mise en lumière de ce que peut être l’éducation des jeunes esprits. Vous posez la question du dialogue face au débat. La finalité du premier étant de chercher à rencontrer l’autre sur un point qui élève les deux DIA-logueurs ; quand le débat risque de n’être qu’une confrontation d’égos. Je souhaite sincèrement que l’Education Nationale continue d’avoir en son sein des professeurs conscients de cette distinction, et qu’elle s’affaire à la promonvoir.

  3. Avatar de M
    M

    Bonjour!

    Quel billet et quelle belle suite avec ces deux premiers commentaires!

    Tout est dit…Pourquoi vouloir en rajouter?

    Laissons aux lecteurs perspicaces et pleins d’entrain, le soin d’en faire des tonnes sur les Orientales de M.Hugo et les Andalouses de M. Aragon. On appelle cela le « forum », un nom devenu courant au temps des « enfoirés », palsambleu!

    On peut aussi dans l’agora faire son petit pas de côté, quitte à renverser les tables au lieu d’y être assis sagement ou de les faire tourner.

    Je parle des tables des marchands du temple qui n’ont pas l’heure de plaire aux poètes revenus.

    Et faire à sa manière une fleur à celui qui s’en est allé, juste pour le saluer dans sa dimension à part.

    Dialogue ou galère vide…Michel Serres a fait le rapprochement.

    Quant au principe dialogique, allez savoir, mes bons amis! Le voici dans la conception complexe du concepteur hyper-complexe au centre de la Connaissance de la Connaissance, de M.Morin.

    Je me souviens d’un texte conservé dans un bonheur-du-jour. Il s’intitule « La matière dérobée ». L’auteur, M.Paty, me l’a gentiment envoyé au tout début des années quatre-vingt. Je me suis plu tout à l’heure à le voir et l’écouter, ce voyageur au pays des quanta, spécialiste du neutrino.

    J’aurais voulu par nécessité sans doute lui poser deux petites questions :

    Pourquoi « Le neutrino stérile » (M.Klein qui adore la grammaire en fait un ange) en ses dix-sept lettres compose par une surprenante anagramme ce terrible constat : « Il roule et n’est rien »?

    A cette heure où rien ne va plus, cet être fantomatique au casino de la vie, par hasard et par nécessité, s’arrêtera tôt ou tard.

    Dans le peuple (étymologiquement « épidémie » selon M. Escande, Médium, n° 4, page 41 – juillet-août- septembre 2005) qui sortira gagnant en « la matière » dont l’anagramme se chante dans un autre monde?

    Au bon heur de lire une réponse pleine de charme.

    M

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Bonjour, « M-le-fidèle », toujours disponible pour rebondir et faire assaut de facétieuses anagrammes ! Mais il y a dans votre dernier commentaire une énigme, que vous a écrit M. Paty au début des année 80, alors qu’il n’avait que dix ans ?

  4. Avatar de Malika
    Malika

    Mon commentaire Lettre de Malika à Mr Daniel B, prof de philo.

    Ah, j’ai lu vot’blog, m’sieur Bougnoux, Whallah, cé nul vot’truc, mais alors complètement… C’est vraiment d’la m…, vot’blog. C’est ma grand-mère Fadela qui m’l’a fait lire. Elle a été vot’ élève à Toulon quand vous vous étiez un débutant, comme prof, dans vot’lycée de jeunes filles. Ah oui c’était le bon temps… Qu’est-ce qu’elle était amoureuse de vous, la Fadela ! Vous vous rappelez pas d’elle ? Elle était au premier rang. Elle buvait vos paroles. Elle vous regardait comme si vous étiez le Messie, Whallah, enfin bon le Messiah. Tout ce que vous disiez, c’était parole d’évangile pour elle, bon du Coran, si vous préférez. Mais le Coran justement, elle connaissait pas. Elle l’avait pas lu, ma grand-mère, le Coran. Elle était impie, la pauvre. C’est pas vot’ truc de M’sieur Aragon qui pouvait l’instruire sur le Prophète, avec ses versets d’amour à la noix (de coco) entre le Majnoun et madame Elsa. D’abord, y connait rien à Keis Ibn Amir An Nadjidi, le nouveau Medjnoun, vot’Aragon. De quoi y cause, çui-là dans son livre le Fou de Fadela (ma grand-mère) ? L’est même pas mulsulman alors, c’est nul…vot’Aragon. Encore un mec qu’a voulu fout’ l’Islam dehors, à Grenade, avec sa pute, sa ahira, la Isabella la catholique. Et puis, d’abord Elsa, c’était une youpine et une coco. Une sioniste, moi j’vous l’dit. Ah l’amour qu’elle avait dans les yeux pour vous, Fadela, ma grand-mère. Elle vous regardait comme si vous étiez le prophète, Whallah, elle rêvait la nuit que vous lui faisiez des trucs, j’sais pas moi parce ce que j’suis vierge et fière de l’être. Mais vous, vous êtes rendu compte de rien, tellement vous êtes c…, espèce de chelb, de clebs. Whallah, ibn el kalb ! Vous saviez même pas que son père à elle, il était harki pendant la guerre d’Algérie, qu’il a aidé les Français, putain de ta race, et qu‘il a croupi pour ça dans un camp derrière les barbelés dans les Cévennes, pendant dix ans. Ah c’est beau la France des droits de de l’Homme (et de la femme). Ah, ça m’vénère… J’ai la seum, oui j’ai l’venin, j’ai la haine… Tous des bouffons, des bolos, des batards. Tout ça, le prophète Muhamad, y va tout changer et ton cours de m….sur tes philosophes, on va te le faire bouffer, kol khaza, mange ta m…, on va l’gazer, car c’est tout faux d’abord. Ouais, ton Freud, ton vieux à la barbe blanche, c’est un juif, faut brûler ses livres, comme les Nazis y-z’ont fait. Et ton deutch, ton frisé, le Kant, que tu disais à ma grand-mère « qu’il faut pas faire aux autres ce que tu veux pas qu’on te fasse », tout ça c’est pourri, Whallah, le Coran y va balayer tout ça. C’est not’ imman qui l’a dit et il est bien supérieur à ton Kant de m…, not’ imman. Il a dit qu’il faut mettre un voile à l’école et j’me mets une burka en noir dans l’métro. Tu peux pas savoir, y z’ont tellement peur qu’ils s’en vont à l’aut’bout d’la rame quand ils me voyent. Ah, mais avec moi, on va tout changer à l’école, tu vas voir. C’est la révolution coranique. C’est pire que les Gardes Rouges… Ca va tout changer…Ton cours, il est tout pourri. Avec tes idées sur l’évolution, sur le cul pour tous et les images porno de ton putain d’journal de m.., ton Charlie, whallah, on va s’en occuper. D’abord, ce mec, Charlie, il est mort. Ils l’ont tué, y’a déjà longtemps. Pas la peine d’en faire une histoire. Il est fini. Nous, on n’a pas besoin d’images.. C’est interdit par le prophète… Y’a que des mots sur nos mosquées, ça devrait te plaire, toi qui écris des mots toute la journée sur ton blog. Si c’est ta mosquée à toi, ton blog, alors je te respecte…ibn el kalb…
    Et puis, c’est d’vot faute… Vous avez tué Dieu, vous aut’, les philosophes… Putain, Dieu est mort, il a dit le Niezsche. Maccache, fini… ChekMat. Mektoub..Encore un mécréant, ce mec. Et Tout est permis, a ajouté le russe… C’est dingue. Whallah, non, tout n’est pas permis, tu vas voir. Moi, j’te dit : avec la Charia, y va rien avoir de permis… Tous à la mosquée… Tous à la prière… Et alors, c’est bien la preuve que c‘était pas le vrai dieu, ton dieu catho qui s’fait ch… sur sa croix. Autrement y s’rait pas mort, si c’était vraiment Dieu. Non, le vrai Dieu, c’est Allah, Allah Akbar, Al Raham, Al Rahim, le Grand et le Miséricordieux…. C’est not’Dieu à nous. Le vrai… Whallah… Tout ça j’te jure, ca va changer… Je suis la nouvelle Antigone du lycée qu’ils disent… Y lisent pas le grec mais l’arabe aujourd’hui… Ton Antigone, que tu disais à ma grand-mère, c’est MOI. Je mets les lois de dieu au-dessus de la loi des hommes. Ton Créon, le laïcard de m…, ce batard, ce Chelb, ce chien, on va le buter…
    Allah Yakhtek.. Que Dieu te prenne l’âme…
    J’suis Malika, la berbère, du lycée Robespierre, à Ivry sur Seine…

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Hélas pauvre Malika, comme les temps ont changé ! Entre ta grand’mère Fadela qui buvait mes paroles, et sa petit-fille qui ne connaît que ce discours de haine… Je n’ai pas de souvenir de Fadela, mes classes d’alors étaient trop chargées, mais j’espère qu’après son bac elle aura su se faire une place honorable. Tandis que toi, avec ce langage, tu te prépares un avenir « de m. » pour te citer, t’es bonne pour passer la serpillière, ou pour torcher les vieux dans un EHPAD, des filles comme toi l’époque en a plein ses tiroirs, où tu vas avec ça, droit dans l’mur !… Si c’était dans mon lycée que tu avais posé tes fesses (qu’Allah le Miséricordieux les conserve pures jusqu’au soir de tes noce !), tu aurais pris peut-être un meilleur chemin.
      Laisse-moi te dire un truc, que j’ai remarqué en enseignant un peu à Lataquieh en Syrie, et puis au Caire, ou à Tunis : les cours de littérature sont excellents pour combattre l’islamisme, d’ailleurs dans ces pays les facs de sciences sont des foyers de radicalisme et d’intégrisme, alors que les facs de lettres au contraire forment à plus de tolérance et d’ouverture aux autres, pourquoi ? En lettres on apprend à discuter autour d’un texte qui n’a jamais un sens définitif, littéral ou dernier, il n’y a que des interprétations, et ça, ce n’est pas ce que tes amis barbus font avec le Coran, vous le prenez à la lettre, vous ne cherchez pas les métaphores, le sens caché sous les mots. Je ne sais pas ce que disait à sa classe d’histoire-géo Samuel Paty, mais moi dans mes cours de lettres j’ai passé mon temps à débusquer le double sens, le double jeu ou la contrebande par les mots, qui font de la littérature un passionnant outil d’éducation. Aragon aussi a fait ça toute sa vie, mais tu n’as de lui aucune représentation, tu ferais mieux de lire un peu Le Fou d’Elsa qui est écrit pour vous, les Algériens que la France combattait au moment où il composait ce livre. En France non plus on ne le lit pas beaucoup, mais j’ai rencontré autour de la Méditerranée, en y donnant des conférences, des profs et des journalistes qui venaient vers moi, après la séance, et qui m’en récitaient des vers entiers, ils connaissaient ce livre à fond. C’est un livre d’exportation, qui a rencontré dans vos élites son public. Un livre de référence qui rivalise avec le Coran, en opposant à l’amour de Dieu un amour non divin mais terrestre, très sensuel, et qui se termine par une mention très claire du crime de blasphème, que vous nous reprochez si facilement, « Tu ne blasphèmeras pas le nom de Dieu car il n’existe pas ».
      Je pourrais t’écrire des pages sur tout ça mais à quoi bon, tu sais à peine lire et écrire, quel dommage petite Malika si ta bonne grand’mère t’entendait (qu’Allah le Tout-Puissant l’ait toujours en sa sainte garde !), comment tu causes !

  5. Avatar de M
    M

    Bonjour!

    Vous auriez bien raison de me tancer à la sortie d’un hypothétique colloque, si je m’étais trompé à ce point.

    Mais je puis vous dire que c’est vrai, cher Maître estimé, il n’avait pas dix ans en mil neuf cent quatre-vingt-deux mon correspondant.

    J’ai sous les yeux sa lettre en date du cinq de l’aprilée de ladite année, accompagnée d’un document intitulé « La matière dérobée – Sur les lieux et modes d’intervention réciproque de la physique et de la philosophie – (Extrait de « La Pensée » n° 202, Décembre 1978), et du Bulletin de la Société française de Philosophie n°1 -Janvier- Mars 1980. Monsieur Michel Paty en ces deux documents apportent sa contribution précieuse. Il venait d’avoir quarante-quatre ans.

    J’ai conservé cette correspondance dans un bonheur-du-jour. Le papier est un peu jauni mais le fait qu’il revienne aujourd’hui, ici, en cet espace de liberté, montre, s’il en est besoin, que ce « quelque chose » a une âme et une naturelle histoire.

    Bonne fin de semaine avec une heure nouvelle…Celle de s’enivrer, pourquoi pas!

    M

  6. Avatar de Gérard Fai
    Gérard Fai

    Bonjour!

    Ah, la roulette de la nature, cher M…!

    L’expression est de Jacques Monod, page 138 de son essai sur la philosophie naturelle de la biologie moderne « Le hasard et la nécessité ».

    Plus loin, page 161, cet auteur écrit : « Notre numéro est sorti au jeu de Monte-Carlo. Quoi d’étonnant à ce que, tel celui qui vient d’y gagner un milliard, nous éprouvions l’étrangeté de notre condition? »

    J’ai relu plusieurs fois votre commentaire et pour ne rien vous celer sa chute m’intrigue au point de vous exprimer le fond de ma pensée, en ce blogue où tous les coups de dés son permis, que je sache!

    Il y a-t-il dans la matière quelque chose de nature à faire gagner tout le monde? Et l’ange de votre physicien est-il derrière chacun d’entre nous pour nous éviter de mettre les pieds n’importe où et guider nos pas sur le chemin de la vie et notre main à la table du jeu des possibles?

    La réponse n’est pas dans une mystérieuse anagramme, aussi belle soit-elle!

    Un ami, bon starets, du côté d’En Calcat, citait, un jour, François Mitterrand, dans la revue « Médium », n°11, page 179, que vous connaissez :

    « Ad libitum!!! L’amitié, c’est toujours un ménage à trois, ce sont les deux amis plus quelque chose qui passe »

    Monsieur Mitterrand disait aussi une vérité implacable : « Quand on est pauvre, on ne fait pas d’enfants! »

    La question étant de savoir ce que l’on fait de cet écart dans sa liberté et sa responsabilité personnelles…

    En ce monde qui perd la boule, la troupe des seigneurs bien endentés, fort de leurs théories, a-t-elle apporté quelque chose dans le jardin imparfait des hommes et un coup de pouce dans le jardinet des pauvres gens?

    Dans mon jardin de curé, j’ai cru tout à l’heure voir passer un ange, le sourire d’Averroès ou celui d’un chat au pays des merveilles.

    Est-ce un danger, Mesdames?

    Dites-moi, oui, dites-moi!

    Gérard Fai

  7. Avatar de Ada
    Ada

    Cher Daniel,
    On ne peut qu’abonder dans le sens de ta réponse. Mais sera-t-elle comprise ? La correction de la langue et le bien-fondé d’une pensée ne semblent pas le fort de cette jeune-fille complètement prisonnière de son « hétéronomie » au sens qu’en donne Castoriadis. J’aimerais savoir formuler ma propre pensée sur le mode d’un sens caché comme Aragon, ce dont je ne suis pas capable, hélas. Aussi dirai-je tout net que la donzelle ne mériterait même pas de bénéficier de l’enseignement qu’on lui dispense si la mansuétude de la France n’était pas si grande ( même si c’est aussi une manière de réparer ses torts passés)… Mais on peut aussi espérer qu’elle a écrit en jouant de la provocation comme elle le fait avec son voile dans le métro.

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Je ne peux ici m’appesantir en longs commentaires ou reprises des propos de Ada, de M, de Gérard, l’irruption de Malika sur ce blog comportait une bonne dose de provocations, bienvenues dans la mesure où cela nous remet dans la position de plus d’un maître ou hussard noir, affronté à des mots (on n’ose dire des arguments) résumés par notre jeune berbère… Chez laquelle je décèle peut-être l’ombre d’une contrebande. Que lui répondre ? J’ai essayé de lui parler, il me semble qu’on doit toujours relever ce genre de défi et ne surtout pas s’en remettre au silence, au haussement d’épaules, au dédain. Mais je ne me fais pas d’illusions : avant qu’elle ou ses semblables (qui sont légion) ne lisent « Le Fou d’Elsa », de l’eau passera sous les ponts…

  8. Avatar de m
    m

    Bonsoir!

    Autant profiter de cette heure ajoutée au cadran de la montre pour essayer de discuter, si je puis dire, le propos de Mademoiselle Malika et la réponse de Monsieur Bougnoux qui seront sans doute examinés, analysés par les enquêteurs de l’OHL du CSA.

    Sur ce registre, il serait possible de mentionner des faits d’ordre, certes personnel, en rapport avec notre relation avec « l’autre » par une paradoxale stratégie, rare et tout empreinte de légèreté, d’humour et d’allégresse, aux antipodes des commentaires susmentionnés.

    Mais que je sache, la vie privée des gens n’a pas à s’afficher ici, en ce bel espace de tolérance et d’invitation à élever la culture et notre âme.

    Au delà des lieux communs, il n’est peut-être pas impossible de trouver une démarche novatrice offrant, dans l’esprit d’Averroès, une solution possible à l’alternative qui prévaut entre le littéralisme religieux et le matérialisme dit « moderniste »…

    Mais pour en arriver là, il faudrait sans doute exhausser notre vocabulaire sans vouer aux gémonies des gens dont le rôle social est aussi important que celui d’un professeur d’université, qui a les moyens financiers de se payer une femme de ménage pour passer la serpillière et de mettre dans un établissement spécialisé des proches âgés et parfois totalement dépendants, qui ont besoin de mains dévouées pour leur prodiguer les soins nécessaires à leur survie. Je ne connais pas de machines dans la quincaillerie électronique qui sauraient apporter ce genre de services.

    Mademoiselle Malika peut parfaitement trouver sa voie sans passer par une lecture obligée du Fou ou du Feu d’Elsa…Et peut-être que sur un chemin d’ombre, le romancier saura l’apprivoiser sans rien exiger de sa propre intériorité ou de sa beauté musulmane.

    Expérience de liberté qui n’est pas simple et sans doute difficile en des classes secondaires d’une école faite pour la société où des fonctionnaires – qui ne sont pas sans péchés, si j’en crois le livre d’un correspondant ami, que l’on a assassiné, un jour d’hiver dans les bureaux d’un hebdomadaire parisien – sont capables d’écrire des choses pareilles :

    « Moi, fils de facteur, j’ai autorité à le dire, à le proclamer…Sans l’école républicaine, celle de l’égalité des chances, je serais encore, comme mes aïeux, au cul des vaches(…) Tu tombais, tu ne redoublais pas, tu te retrouvais apprenti boucher » (Bernard Lecherbonnier, page 11 du livre intitulé « La fabrique du crétin » de Jean-Paul Brighelli, qui n’est pas totalement exempt de quelques fautes d’orthographe)

    Bien sûr, on se doit de faire attention à une première lecture sans réel discernement, sans chercher à comprendre le « contexte », sans critiquer en son for intérieur ses premières impressions…Mais il faut quand même appeler un chat un chat.

    Un paysan au cul des vaches, un apprenti boucher à son étal, une femme de ménage à sa serpillière, une aide-soignante au chevet d’un vieux, comme ils disent, sont considérés comme des sous-développés intellectuels, relégués au dernier rang, chez ces gens-là, Monsieur, où l’on compte, certes, mais c’est pour programmer un voyage au diable vauvert que permettent de longues vacances payées et des retraites dorées.

    Le petit jeune homme là-haut, fin lecteur de Machiavel, face à Monsieur-tout-le-monde (Tu es le mouton endormi, dit une belle anagramme, n’en déplaise à Monsieur Fai, notre commentateur sans doute bardé de diplômes, palsambleu!) a déclaré dans un salon, en début d’année : « revaloriser vos retraites, ce serait ruiner l’économie du pays ». Et les moutons de Panurge de poursuivre leur chemin de noyade!

    Certes, nous sommes tous de pauvres gens, complètement paumés, du balayeur au président. Une bonne raison, peut-être, pour ne pas se laisser tomber ni par terre ni dans le ruisseau!

    Mais il y a encore ceux que l’on montre du doigt :

    « Tu finiras comme eux si tu ne fais rien à l’école! » (Dixit François de Closets, ahuri par ces propos d’une enseignante en visite pédagogique avec ses élèves dans une usine de la région parisienne)

    Rêvons d’une société faite pour l’école, celle que Gaston Bachelard appelait de ses vœux à la fin de « La formation de l’esprit scientifique » et voyons avec les bons centurions qui existent heureusement, si l’on ne pourrait pas faire « quelque chose », chacun à son niveau, pour essayer justement de changer les choses.

    Pour l’heure supplémentaire qui nous est donnée, enivrons-nous de ce passage de « L’État culturel -Essai sur une religion moderne – » de l’excellent professeur au Collège de France, Marc Fumaroli :

    « Mais la racine de cette « culture », de ce musée de choses infiniment précieuses, son terrain fertile et originel, c’est la lumière naturelle impartie plus ou moins à tous les hommes (…) dont la femme de ménage citée par Danièle Sallenave, est pourvue en abondance, plus que ses doctes observateurs » (Page 120)

    D’aveuglantes lumières nous auraient-elles caché ce minime faisceau numineux, au point de laisser l’enseignant incapable de refaire les têtes?

    Qu’en pensez-vous Mademoiselle du lycée Robespierre et… peut-être, un jour, de l’Université mecquoise d’Umm al-Qura?

    Et vous, Monsieur le professeur des classes secondaires, qui avez de par le monde, sur le métier remis votre ouvrage?

    Puissiez-vous dans vos réflexions avoir une pensée pour les mains sales, telles celles du jardinier de la pièce de théâtre « Électre » de Jean Giraudoux, qui connaissait les serpillières (Acte I, scène IV)!

    A la bonne heure!

    m

  9. Avatar de Gérard Fai
    Gérard Fai

    Madame ou Monsieur Ada, votre référence à Cornelius Castoriadis me semble fort judicieuse.

    En effet comment être libre? Comment réaliser pleinement son autonomie? Comment être le refus d’Antigone sans pour autant être négation?

    On pourrait ici même en cet espace de liberté en écrire des lignes et des lignes en s’étayant des discussions très poussées d’auteurs qui en connaissent un rayon sur l’hétéronomie. Je ne suis pas sûr que notre jouvencelle berbère y trouve son compte, son conte et son comte.

    J’imagine sa réaction en termes lisibles, autrement dit polis : Vous argumentez, vous argumentez toujours et toujours, mais savez-vous ce que c’est qu’une argumentation?

    Pour trouver une réponse qui tienne la route, d’aucuns iront, de ce pas, pianoter sur Internet et quelques autres, peut-être, consulteront leurs archives pour en sortir une venue tout droit d’un département de littérature comparée d’une université du pays de l’Oncle Sam. Pourquoi pas?

    Et notre jeune musulmane ivryenne de continuer son chemin, seule… dans la rame du métropolitain.

    Je l’imagine méditant le verset 6 de la Sourate 31…sans refouler dans sa tête un transistor qui résonne avec ces mots d’éternité :

    « C’est ma prière
    Un jour viendra
    C’est ma prière
    Et le monde changera »

    Ce serait un jour de chance.

    Gérard

  10. Avatar de Sophocle
    Sophocle

    Mon commentaire
    « Ah, Mademoiselle Malika, comme je vous admire et vous aime. Comme votre révolte est belle et sacrée. Oui je vous donne raison sur tout (ou presque) car, comme votre grand-mère Fadela, vous êtes une grande amoureuse et vous voulez rejoindre une grand cause… Ne croyez donc pas ces railleurs ou ces donneurs de leçons. Vous savez parler mieux que tous les autres. Le sang est dans votre voix et vous me faites sentir la flamme qui vous anime. Oui, vos copains du lycée Robespierre ont bien fait de vous appelez Antigone. En vous réside la même vigueur. Antigone nous fascine depuis Sophocle. Elle incarne la puissance du refus et la légitimité de la révolte face à tout pouvoir. Pas pour rien qu’elle est une héroïne. Antigone ne cède pas sur son désir. Elle est l’expression du désir pur, de l’indestructibilité du désir, qui nous conduit invariablement à la mort. Antigone est un être pour la mort. Comme vous, peut-être. Vous avez le pouvoir du refus, de la révolte, le pouvoir de dire non, le pouvoir de vous soustraire… Votre révolte, savez-vous, est celle de nos plus grands poètes. Il y en a beaucoup que j’aimerais vous présenter. Un jeune qui s’appelle Arthur, par exemple, et qui est né à Charleville-Mézière. Un autre qui disait : « la beauté sera convulsive ou ne sera pas », un autre encore qui disait que l’avenir de l’homme était la femme, parce qu’elle avait la couleur de son âme… Ce poète écrivait aussi : « Un jour pourtant, un jour viendra, couleur d’orange, un jour d’épaule nue où les gens s’aimeront… ». Si vous écoutez ce poème d’Aragon chanté par Jean Ferrat, en tapant sur U-tube, alors, je le parie d’avance, Malika, vous tomberez, comme votre grand-mère Fadela, follement amoureuse, alors votre colère prendra un tout autre sens, alors comme le poète vous voudrez changer le monde, mais cette fois en tenant compte des mots, les mots de la colère sans doute, mais que vous pourrez adresser à d’autres, d’autres qui vous entendront, qui vous répondront, et avec lesquels un cheminement sera peut-être alors possible… Alors vous aimerez, chère Malika, couleur d’orange…. ».

  11. Avatar de Kalmia
    Kalmia

    Je n’en crois pas mes yeux au pays de notre Dolce France.

    Je viens de lire tous ces commentaires qu’un ami d’une amie vient de porter à ma connaissance.

    Je comprends et j’adhère à fond à la réponse faite par Daniel Bougnoux. Comment peut-on laisser dire des choses de cet acabit après une telle sauvagerie? M.Bougnoux a raison sur toute la ligne même si l’on peut le trouver par trop miséricordieux et clément à l’endroit des propos inacceptables de la sauvageonne qui n’a qu’à s’en aller ailleurs si la race française lui dégoûte à ce point. Personne ne la retient!

    Antigone? Et quoi encore?

    J’apprécie les mots de M…quand il reprend son mentor quand celui-ci rabaisse imprudemment les petites gens de basse condition dont les mains sont aussi utiles que celles de la foule des culs de chaise.

    C’est bien tout le paradoxe de la France. Il y a des millions de gens qui votent pour Madame Le Pen, qui peut le nier?

    Et nous trouvons des intellectuels bien assis qui critiquent le système qui les fait vivre plutôt bien, dénoncer avec une rage, un courroux incroyable, le choix légitime de ces gens dans une démocratie vivante et pluraliste, notamment les citoyens contribuables du monde rural qui n’en peuvent plus de cet exécrable idéal petit-bourgeois.

    Où sont aujourd’hui nos « Sophocle » capables de faire avec eux un bout de chemin sur un blogue hébergé par un journal d’essence chrétienne?

    J’ai vu, de mes propres yeux vu des votants macronistes applaudir, debout, dans un petit village Mme Marine Le Pen, venue, un dimanche, avec un jeune homme de la banlieue parisienne parler de la France littéraire et de ses racines. Cette même bonne personne n’a -t-elle pas fait sortir de prison un jeune maghrébin pour le placer là où il avait sa chance en lui conseillant de ne pas aller en cette région où il voulait se réfugier, pour le préserver de la bêtise de gens qui, selon, elle, étaient au ras du Front? Certes, les problèmes sont complexes et la « simple loupe » dont l’anagramme fait « le populisme » est loin d’être suffisante pour voir les choses telles qu’elles sont et si « Le Front national » autre anagramme de « l’entonnoir fatal » n’est pas la solution rêvée, il serait criminel de jeter le bébé avec l’eau du bain.

    Je sais aussi, qu’il est des électeurs du Rassemblement national qui pourraient pareillement applaudir Monsieur Macron, s’ils ressentaient quelque part dans ses paroles un parfum archaïque et novateur qui sent bon une France à venir.

    Alors, où sont nos intellectuels de La Croix en mesure de rebondir pour aller au delà du consensus où s’endorment les « négligents » sur le mol oreiller qui ménage la chèvre et le chou?

    Je viens de faire lire ce commentaire à un lecteur de « L’ère du peuple ». Il m’encourage à le poster.

    A bon entendeur

    Kalmia

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Oui Kalmia, je suis moi-même assez étonné de l’étrange déclaration d’amour à Malika postée par « Sophocle ». Car cette Malika, que je soupçonne d’être assez retorse ou tordue, montre dans son commentaire une ignorance crasse, un aveuglement affligeant. Elle se glorifie de son manque d’éducation, elle s’applaudit de sa propre misère et s’installe dans une révolte primaire, assez comparable aux électeurs qui ont choisi Trump et qu’on entend ces jours-ci sur les ondes, ils savent que leur choix est « de la m. » pour parler comme Malika mais ils se délectent de nous y plonger… Trump, on va vous le foutre au cul ! Terrible politique du pire, que choisit non pas forcément l’idiot mais celui qui n’a plus rien à gagner, qui joue les écoeurés ou qui du moins s’en persuade…

  12. Avatar de Cécile d’Eaubonne
    Cécile d’Eaubonne

    Retournons donc vers les contemplations de Victor Hugo où la gestion de l’existence est plus simple, mēme sous la chape de la drogue dure du deuil.

    Les réactions à votre texte, Daniel, ont suscité beaucoup d’applaudissements et autant d’extravagances.

    Mais cette fois, je ne vous complimente pas ! “Éveillez les esprits “ dites-vous ! Au diable de grands discours plus ou moins creux où se distillent quelques provocations supplémentaires, inutiles.

    Bien sûr, l’égorgement de ce jeune professeur est un scandale innommable qui exige de nous des réactions outrées à la hauteur de cet assassinat. D’autant que c’était sa tâche d’enseignant , disons-nous en chœur !

    Sauf que … Ah ! la difficile pédagogie qui allie les fondements d’un Savoir avec la manière de toucher – sans le détruire – celui à éduquer.

    Dans la démarche concernant un collègue de Monsieur Paty, je lui conseillerai de sortir d’autres “une” de Charlie Hebdo. Par exemple , celle d’un Christ en croix dégoulinant de sauce tomate ou enlacé lascivement avec une prostituée ou l’image d’un Rabin pieux avec bouclettes et doigts crochus. Plus une pluralité de dessins caustiques sur les francs-maçons, les médiologues, les pornographes, …Etc … etc …
    Tous les adorateurs de veaux d’or que nous contemplons avec gourmandise. Pour une soi-disante vérité qui n’est qu’une forme de domination sur autrui.

    Monsieur Bougnoux, cher Daniel
    Je vous fais ainsi part de mon malaise à la lecture de vos derniers écrits. Vous justifiez votre posture en surplomb … d’un Savoir et d’une petite expérience de terrain. Et c’est trop court à mes yeux, face aux difficultés à résoudre.

    Car hélas … hélas ! Je m’inquiète pour le mental de cette gamine de collège, absente dans le cours de l’enseignant, qui a déclenché et forcé la furie du clan familial et communautariste.

    Il y a beaucoup à imaginer pour dégoupiller la dangerosité de l’islamisme radical. Que proposons-nous au lieu et place de nouvelles railleries qui ne résolvent rien.

    Pas grave à s’en moquer largement … Rions et gloussons puisque nous prions “ un Dieu qui n’existe pas “ et “ une Vierge Marie à la virginité douteuse “, écrivez-vous. “ Je suis sec comme une serpillère” se vantait devant moi le meilleur prof de la section de sociologie de Paris 8. Pour lui et vous, aucun sentiment de l’âme ni de croyances à défendre ? La couverture de quelques vérités fourbies au mieux tiennent lieu de colonne vertébrale. C’est ainsi je n’ai donc rien à redire en défense ni en réplique pour moi-même. Mais “ couper dans le cuir des autres ne nous fait pas mal “ me disait le vieux paysan dans sa sagesse. Et tous ces événements m’interrogent au-delà du tourbillon médiatique.

    Une force pour vivre ? Que nous apprend encore Victor Hugo ? Oui … il a aimé la campagne de Montmorency. Bien sûr, je connais la propriété la terrasse où il y a passé quelques dimanches en famille. La promenade dans les hauteurs de Saint- Prix garde encore quelques charmes.

    Bonjour aux passants du blog.

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Bonjour Cécile, Je comprends mal votre soupçon, je ne glousse ni ne ris dans ce billet que vous incriminez, mais passons. J’ai voulu juste témoigner d’une expérience pédagogique, l’enseignement de la philosophie qui me semble offrir un horizon de conciliation, et un tremplin d’éveil, j’y crois toujours, même si pour moi cette expérience fut courte, et menée dans un cadre qui n’a d’évidence rien à voir avec les classes d’aujourd’hui, hélas !
      Je ne sais rien de la pédagogie de Samuel Paty, ni de son histoire, très peu des circonstances exactes du drame odieux, ce n’était pas le propos de mon billet. Mais pour répondre à votre objection, je crois moi aussi que la meilleure façon de désarmer l’islamisme n’est pas de montrer aux élèves ces (trop) fameuses caricatures, qui personnellement me soulèvent le coeur par leur mauvais goût et leur brutale provocation – je ne confonds pas cela avec la tant vantée liberté d’expression. Pour convier les élèves à une discussion et faire cheminer la tolérance, en les groupant autour d’une table (métaphore convivialiste), il ne faut pas commencer par renverser celle-ci. Ce serait un long débat. Objet d’un prochain billet peut-être ? Pour l’heure et pour aider Gaspard, je me suis plongé dans Hugo, magnifique détour, qui ne se résume pas à des promenades dans les maisons d’écrivain, il faut aller aux textes, qui gardent beaucoup à nous apprendre. Comme je me propose de le montrer !

  13. Avatar de Cécile d’Eaubonne
    Cécile d’Eaubonne

    Oh ! Oh ! Daniel. Accepterez-vous mon droit à m’expliquer ?

    Deux aspects concernent nos derniers échanges :
    – C’est de moi que je ris, ben sûr. En ayant réclamé de votre part – mais l’avez-vous écouté ? – un peu de retenu pour ne pas blesser nos croyances pieuses de chrétiens. Le parallèle avec une caricature de mauvais goût montre combien les mots sont aussi de l’étoupe prête à vite s’enflammer. Qu’on se le dise ! …

    – Il est évident que contester votre éloge de la philosophie comme éclaireur des conscience n’était pas mon ambition. J’avais surtout besoin de mieux entendre de votre part ce qu’est la liberté d’expression. Et rappeler que les défis auxquels sont affrontés les enseignants d’aujourd’hui sont complexes à résoudre.

    C’est que la transmission du Savoir ne peut faire l’impasse des sensibilités auxquelles s’adresse l’école de la République.

    Passons …dites – vous?

    Pour avancer le débat, je nous recommande la lecture d’un article paru dans Télérama ( du 31 octobre au 6 novembre). La journaliste interroge Fethi Benslama qui est psychanalyste sur le «  tourment identitaire » des jeunes de certains milieux musulmans. Il en décrit les causes et son utilisation odieuse. Et propose quelques pistes à venir.

    Tourment à entendre, comprendre et … soulager. Avec quelles paroles de philosophe ?

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      J’ai l’optimisme (ou la naïveté) de croire que la parole philosophique est par elle-même porteuse de soulagement : parce qu’elle dose le doute, l’ironie, l’imagination, et qu’elle fait dérailler les pensées telles qu’elles vont, la doxa, les croyances spontanées.. Mais je n’ai jamais rencontré de Malika dans mes cours, et comme je le dis en commençant ce billet, les temps ont changé…

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À propos de ce blog

  • Ce blog pour y consigner mes impressions de lecteur, de spectateur et de « citoyen concerné ». Souvent ému par des œuvres ou des auteurs qui passent inaperçus, ou que j’aurai plaisir à défendre ; assez souvent aussi indigné par le bruit médiatique entretenu autour d’œuvres médiocres, ou de baudruches que je…

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À propos de l’auteur

  • Daniel Bougnoux, professeur émérite à l’Université Stendhal de Grenoble, est ancien élève de l’ENS et agrégé de philosophie. Il a enseigné la littérature, puis les sciences de la communication, disciplines dans lesquelles il a publié une douzaine d’ouvrages.

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