Le bateau coule !

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J’ai donc assisté le week-end dernier (15-16 octobre) aux douzièmes Rencontres philosophiques d’Uriage, consacrées à la question de savoir « Comment habiter le monde ? ». J’y prononçai à l’ouverture l’hommage à Bruno Latour, dont la grande âme n’a cessé durant ces deux jours de planer entre nous, puis dans l’abécédaire à la lettre J comme jardin, le texte que j’ai posté à sa suite sur ce blog, « Cultiver notre jardin ? ».  Je voudrais faire ici moins le compte-rendu de ces riches rencontres, que dire le sentiment très particulier qui m’envahit, et me poursuit depuis, au fil de ces discussions.

J’étais monté à la tribune samedi matin avec une conscience préoccupée par les dangers de notre conjecture, en gros celle que reflète l’opus de Bruno paru en 2017, Où atterrir ? dont je partage volontiers les analyses et les mises en garde. La situation est catastrophique, mais pas désespérée. C’est cette restriction qui a peu à peu sauté, au fil des échanges ; je n’avais, pas plus que notre public j’imagine, une claire conscience des dangers, je n’avais pas pris la mesure du tableau d’ensemble, je n’en détenais qu’une vue partielle, très insuffisante. La suite des conférences et des tables-rondes a permis (hélas ou heureusement ?) de voir ce qui nous arrive à une plus large échelle, touchant l’espace comme le temps.

Le programme et son intitulé a permis en effet une focalisation étroite sur ce que veut dire habiter, en donnant la parole à des architectes, des urbanistes, des géographes, des historiens ou des spécialistes des diverses façons de vivre en prenant, ou non, racine. Habiter implique plus de dépendances ou de paramètres que demeurer, résider ou trouver un abri…

Différentes transformations de l’espace, urbain, rural, national et international y furent donc passées au crible, et c’est effrayant : le rythme de notre urbanisation et de nos consommations à l’échelle de la planète, n’est simplement pas soutenable. Et ne peut qu’engendrer de graves tensions, autour des matières premières, le sable, le bois ou le ciment, autour de l’eau et des mesures d’hygiène et d’assainissement, mais aussi bien sûr d’approvisionnement. Si la conurbation d’une ville comme Shangaï dépasse aujourd’hui 70 millions d’habitants (un nombre équivalant pour une ville à la population de la France), tous les équilibres traditionnels sont rompus, et cette course en avant, apparemment irrésistible en Extrême-Orient comme en Afrique, ne débouchera pas sur une cité radieuse ni un monde apaisé. Avec beaucoup de verve et sur un ton enjoué, le géographe Michel Lussault déversa ainsi sur nous une série particulièrement accablante de chiffres, de courbes ou de photos, accompagnée de cette affirmation bien faite pour fermer toutes les issues, ou nous interdire l’espoir, « Si vous croyez avoir la solution, c’est que vous n’avez pas fait le bon diagnostic » !

Cette vue très noire d’un espace saturé, voué à tous les fléaux de la pollution, du manque et du grouillement exaspéré de tous contre tous dans le chaos de l’urbain (comme disait Françoise Choay), semble sans retour. Comme semblent sans correction possible ni alternatives les chaînes longues qui relient quotidiennement nos consommations ordinaires à diverses scènes de crime. Pour ne prendre qu’un exemple, Lussault nous rappelait que le gramme de lithium contenu dans chacun de nos téléphones portables provient de l’altiplano chilien (désert d’Atacama), où des mineurs-forçats extraient le précieux métal en détruisant les nappes d’eau fossiles qui assurent là-bas la survie des habitants et de leurs troupeaux. Qui s’en soucie ? Ou plutôt, qui est prêt le sachant à renoncer à son portable, à son ordinateur et aux facilités de notre société « connectée » ? Qui est capable de chiffrer ces « externalités négatives », un calcul pourtant bien nécessaire si l’on se rappelle que l’écologie c’est l’économie au sens large ?

La voiture, pour ne prendre que cet autre exemple, fait partie des plus nobles conquêtes de l’équipement des ménages. Qui, surtout s’il habite en zone rurale ou péri-urbaine, renoncera aux facilités de prendre le volant ? Ou, pour des vacances vraiment relaxantes, de choisir l’avion vers d’exotiques destinations ? Peu soucieux des effets secondaires ou, ici encore, des externalités négatives que ces choix impliquent, mais qui ne s’affichent pas dans le calcul ordinaire de ce que nous coûtent collectivement nos déplacements.

Si nous songeons au bruit fait ces jours-ci face aux menaces de restrictions des carburants à la pompe, à l’allergie et aux réactions furieuses des adeptes du « Touche pas à ma bagnole ! », on mesure à quel point nos catastrophiques façons de voyager, d’habiter, de consommer en souillant et pillant la Terre sont ancrées, difficiles à corriger, peut-être irréversibles. L’écologie ne propose pas une inflexion, une transition hors de nos comportements séculaires, mais une attaque frontale, un radical bouleversement, un tête-à-queue. Elle n’est donc pas prête de gagner !

Séculaire : la conférence de Sylvain Piron, historien du Moyen-âge, m’a paru un autre temp fort et lui-même accablant de ces journées, en nous montrant à quel point notre modernité, et les exploits bien réels du capitalisme en termes de production et de révolutions techniques viennent de loin, des Pères de l’Eglise et d’une morale de l’occupation qui par exemple sanctifie le travail au nom de la pénitence. L’oisiveté, le droit à la paresse n’ont pas spécialement façonné notre culture, ni forgé la domination de l’Occident… (Je me promets de lire le livre de Sylvain Piron, Généalogie de la morale économique, et d’en rendre compte ici prochainement.) Mais en nous montrant la force, la cohérence et l’ancienneté de ce courant, le propos de Sylvain décourageait il me semble nos velléités locales, et bien tardives, de redressement.

La course à l’économie a donc, chez nous, pris le dessus, en supplantant et disqualifiant quantité d’autres valeurs ; en foulant aux pieds ce que seraient les conditions d’un habitat équilibré de notre Terre, respectueux du milieu, soucieux de produire dans les limites de la restitution, ou des ressources disponibles et qui doivent demeurer renouvelables. En bref, il fut beaucoup question ces deux jours de jardins, du care ou des soins qui s’y attachent, de ce qui compose un oikos ou une niche solidaire d’autres niches, sans désir d’empire ni course à l’appropriation.

J’expose dimanche soir au sortir de la salle mon accablement à Odile, c’est foutu, on fonce pied au plancher dans le mur et on ne reviendra pas en arrière. Elle ne partage pas mon pessimisme, mais si regarde, il y a une prise de conscience irréversible, et qui gagne… C’est formidable de voir ici, à la tribune, ces jeunes gens nous expliquer tout ça. Il n’y a pas si longtemps, l’écologie était portée par quelques marginaux babas cools qui, à force de négliger leur apparence, desservaient la cause qu’ils disaient défendre. Vois comme l’écologie s’est étendue, est devenue un sujet que des universitaires, des chercheurs, ou à la radio La Terre au carré tous les jours discutent…

Vraiment ? Tu es écolo dans ta consommation d’accord, tu ne prends pas l’avion facilement, tu n’achèteras jamais des kiwis de Nouvelle-Zélande ni d’avocats du Pérou… Et la 5 G ne t’intéresse pas. Tu privilégies les circuits courts et les commerces de proximité, less is more, small is beautiful, OK ! Mais toutes ces conversations et ces comportements ne font que jeter un verre d’eau sur une forêt en feu… L’immense majorité des gens ne te suivent pas, ils veulent bien prêter l’oreille aux écolos mais sans que ça imprime. « Je sais bien… mais quand même ! », ou « On exagère beaucoup tout ça », ou bof !, ou pire encore « Après nous le déluge »… Ils ne veulent pas voir, ils vivent dans la dénégation. Le mouvement acquis est bien trop fort. Et bien sûr tout est fait venant d’en haut, les dirigeants politiques mais aussi les capitaines d’industrie, les commerçants, les responsables économiques et la plupart des médias pour nous dorer la pilule. Pour euphémiser. Pour remettre à plus tard. Pour encourager et renforcer le mainstream. Tu ne crois pas ?  Le problème n’est pas ce que nous faisons, mais comment persuader les autres, comment convaincre ou forcer le plus grand nombre à un changement radical, draconien et dont au fond personne ne veut. Toucher à ma bagnole ! au chauffage !! à mon assiette !!!

Non je te dis, quand on découvre l’ampleur du problème (et il faut pour cela se rassembler comme on vient de le faire, s’écouter, prendre connaissance de plusieurs sources venues d’horizons différents), ça paraît foutu ! Irrattrapable ! Nous sommes tous dans le même bateau, et le bateau coule… (Et « le capitaine ment », comme chante Leonard Cohen.)

J’en suis là de mes réflexions ouvertes par les RPU, que j’aimerais poursuivre sur ce blog, qui est après tout un outil de dialogue. Vous qui venez de lire ce billet, comment voyez-vous l’issue de ce qu’on ne peut même pas appeler une crise, tellement notre effondrement semble inscrit, programmé dans le système ? J’écris ceci au jardin, qu’une buse survole de larges cercles, tandis que des oiseaux chantent – pour combien d’années encore ? Je vous prie, je vous supplie de dire ici comment nos enfants et petits-enfants habiteront ce monde (en, mettons, 2050), comment vous-même imaginez cet avenir, partagez-vous mon pessimisme ou avez-vous des raisons d’espérer, et lesquelles ?

28 réponses à “Le bateau coule !”

  1. Avatar de Jean Claude
    Jean Claude

    Merci Daniel de relater cette difficulté à penser le futur. Je n’ai pu être présent à Grenoble pour ces rencontres ! Cela me rappelle un film « Soleil Vert » qui avait lancé l’une de ces premières rencontres philosophiques. Curieusement, je travaille sur la même problématique du diagnostic global, sollicité par les éditions AFNOR pour mettre à jour un de mes livres, 15 ans après la publication.

    Je viens de produire un article ce jour même, qui traite de cela, vu du monde du travail. le voici.
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    Le Changement Permanent

    Le changement permanent est devenu notre quotidien dans la tranche de vie 2020 -2040. A cet horizon de vie sociale décarboné, une autre organisation sociale adviendra dans un occident impensable, hors de notre imaginaire. Pendant 10 à 20 ans, nous allons traverser multiples catastrophes, bifurcations au sens de René Thom et aussi de transformations douloureuses au sens de Pierre Zaoui. L’inimaginable est à nos portes.

    En peu d’années, nous avons été confrontés aux gilets jaunes (la paupérisation des zones rurales), la covid (confinement et arrêt brutal de la mondialisation commerciale) et enfin la prise de conscience européenne des enjeux de la guerre entre la Russie et l’Ukraine dévastant les grands équilibres mondiaux. Ce sont trois catastrophes (bifurcations, mécaniques des plis) collectives et traumatiques sur le plan individuel et psychique. L’impensable, l’impossible s’est réalisé.

    D’autres transformations tout aussi radicales se concrétisent : la dérégulation climatique et les pollutions multiples enclenchent des phénomènes migratoires et des modification structurelles, économiques, énergétiques et comportementales. Les mouvement intégristes et par oppositions les mouvement féministes modifient considérablement les rapports entre hommes et femmes et en final notre rapport à la vie familiale (20 à 30 % de familles monoparentales ; 150 féminicides par an.

    Notre rapport au travail en est bouleversé. Le chapitre I de 1980 à 1995 a vue s’installer le Just In Time, la tension des flux et le zéro stock, la maîtrise statistique des procédés et le 6 Sigma, et enfin la mise en place de la société numérisée. Durant le chapitre II entre 1995 et 2010, l’informatique, les big five et le mobile ont conduit à la première catastrophe numérique : la pression du temps. Les entreprises et surtout les multinationales œuvrant dans le domaine informatique ont été les premières concernées, elles ont du s’adapter. Le chapitre III entre 2010 et 2020 révèle le pouvoir de transformation du numérique sur toute la planète. Le marketing libidineux fer de lance de la société de consommation laisse pas à pas la place au marketing biface et à l’économie de l’attention (Yves Citton). Aucun système politique n’a su en si peu de temps faire évoluer les comportements individuels. Le chapitre IV qui s’ouvre devant nous conjugue toutes ces catastrophes simultanément.

    Dans les précédentes décennies, les entreprises, l’économie et particulièrement les multinationales ont conduit et transformer le monde. Aujourd’hui c’est le contraire, le monde du travail, les organisations sociales, les entreprises sont traversées par toutes ces bifurcations et subissent de plein fouet le mal être de bien des personnes. La féminisation des postes de travail participe au changement profond du rapport hommes femmes. La nature même du travail a changé. Hannah Arendt avait perçu sans pouvoir le nommer la mise en œuvre d’un nouveau métier : le chef de projet afin de mieux gérer l’incertitude. Par contre elle n’avais pas anticipé le changement profond de la nature de beaucoup de métiers.

    Après l’externalisation de la force physique, puis de l’énergie, les humains ont appris à délocaliser nombre de compétences cognitives. Le GPS, la conduite assistée des voitures, la gestuelle du chirurgien assistée par robots sont des marqueurs forts de la délocalisation cognitive. Depuis les années 2000 une autre externalisation est en œuvre, celle de l’intelligence de situation. Le machines intelligentes élaborent en grande partie les décisions stratégiques. Managers et dirigeants décident des décisions proposées par les machines. Globalement on peut dire que les cœurs de métiers sont passés de l’agir et du faire au métiers de la surveillance, ce qui facilite grandement la polyvalence puisque les métiers sont les mêmes ! On pourrait caractériser cette évolution comme une « dévirilisation » de cœurs de métier. En pratique des banques font de l’assurance voiture, de l’assurance santé, les mutuelles jouent à la banque, etc.

    Cette féminisation des professions et cette dévirilisation des métiers transforme le regard de la personne sur son travail. Les DRH spécialistes des plans sociaux se transforment en DRH spécialistes du maintien du personnel à son poste. Quelque soit sa mission, l’opérateur, le cadre ou le dirigeant changent de fonction, d’entreprise ou de métiers sur de simples coups de tête. Les entreprises doivent vivre et s’adapter à cette incertitude permanente. Comme dans la vie en couple, l’engagement à long terme dans l’entreprise se réduit à peau de chagrin.

    Le cœur de métier de chaque personne va devenir dans les prochaines années, la capacité à la construction d’un soi adaptatif, résistant, résilient et en pleine reliance avec ses proches pour faire face à un avenir imprévisible et déstructurant. Chacun de nous, quelque soi la génération sera confronté à une société en inventions de ruptures, sans plan ni sens évident. Chacun se retrouve ainsi en posture d’immigrant sociétal d’un monde en changement permanent.
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    et pour conclure sur ma posture personnelle face à cet avenir , c’est la grande aventure de la vie et je suis dedans sans l’avoir choisi au départ , ni suffisamment conscient au fil de mon itinéraire professionnel. Plusieurs des mes commentaires sur les précédents articles de ce blog affinent ma position et l’acceptation de ce qui advient collectivement comme personnellement avec cette maladie qui m’a cloué au sol depuis maintenant 4 mois, cancer de la prostate, ablation sans chimio ni rayons ce qui est déjà un moindre mal !

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Merci cher Jean-Claude pour ta vigoureuse argumentation, je ne te savais pas si touché par la maladie, je vois que tu te bats comme un lion ! courage cher camarade, et dommage de t’avoir manqué à ces dernières RPU, qui furent à mon avis les meilleures jamais tenues, par le sérieux et l’attention réunis…

  2. Avatar de Sylvain Piron
    Sylvain Piron

    Cher Daniel,

    Mon propos ne se voulait pas du tout accablant, bien au contraire. Je voulais surtout suggérer que si l’on veut tenter de rompre avec certaines tendances dominantes de l’Occident, il faut en faire l’histoire et en sonder la profondeur pour commencer à bien en comprendre les ressorts. Je n’ai pas eu le temps d’en expliciter les conséquences, mais le diagnostic conduit à une proposition très simple : toutes nos institutions sont à redéfinir, en subordonnant toute autre considération au bien commun des milieux de vie. La tâche est immense mais elle n’est pas insurmontable. Elle passe, à mes yeux, par la formulation d’un programme politique cohérent qui fait pour l’instant défaut aux partis qui se disent d’inspiration écologique. Mais, sur plein d’aspects, des réflexions sont en cours pour reformuler les concepts fondamentaux du droit, de la comptabilité, de la finance, etc. En attendant, les propositions que l’on a pu entendre à Uriage tendent à contourner la question institutionnelle (c’était le sens de la question piège posée par Damien Delorme à Joëlle, Jeanne et Paul). Mais elles indiquent déjà une voie stratégique en soulignant l’importance des initiatives et des voix minoritaires. Parce que c’est en cessant de tout attendre de l’Etat, du marché ou du capitalisme que l’on parviendra à désacraliser ces institutions enracinées dans un passé religieux.

    Je nous souhaite bon courage

    Sylvain

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Oui Sylvain, il nous en faudra du courage pour réaliser votre « proposition très simple : toutes nos institutions sont à redéfinir » ! Sans blague, sans rire… Car le propre de l’institution est d’échapper à la prise individuelle ou du petit groupe. Or, ceux qui conservent un certain optimisme, comme Odile citée dans mon billet, opposent à la catastrophe en cours la quantité des initiatives qui en effet fourmillent ici et là, ils soulignent que la prise de conscience gagne du terrain, que jamais on n’a mieux connu, mieux compris la sensibilité ou la conscience écologique… J’en suis d’accord, mais comme dit Latour : le parti écolo est actuellement majoritaire, mais en ordre radicalement dispersé. Il n’a pas de centre, pas de tête. Ecolo rime avec acéphale, « éco-centré » est une contradiction dans les termes… D’où absence d’un grand parti, d’une organisation coordonnée, et dès lors à quoi pouvons-nous nous attendre, que nous est-il permis d’espérer ? Comment passer du je, vertueux, responsable, à un nous de masse, adepte des mêmes comportements ? Comment cristallisent ou coagulent en un Parti, en une institution, ces excellentes initiatives trop éparses ? Les écolos ne se reconnaissent pas (encore ?) dans un centre, dans un porte-parole, comme l’a montré le si décevant vote Yannick Jadot aux dernières élections. Et certes une élection ne constituera jamais la panacée, mais cette condition insuffisante paraît tout de même nécessaire. Notre monde politique reste à la traîne, nous sommes sur ce plan tellement loin du compte, éloignés du but…

  3. Avatar de Alexandre
    Alexandre

    Bonjour cher monsieur Bougnoux. C’est avec beaucoup d’intérêt que j’ai lu votre billet et je partage votre pessimisme. Pour autant, il ne me semble pas que ce pessimisme soit final, qu’il n’y ait rien en dehors de lui. Je me permets de vous écrire pour vous faire part de l’absurdité de la situation dans laquelle nous nous trouvons. Dans un petit texte intitulé « Nos choix absurdes » je reviens sur le caractère profondément absurde, c’est-à-dire étranger à la raison, irrationnel. L’équation morale devant laquelle nous nous trouvons est la suivante, selon mon hypothèse : il s’agit de la raison contre le danger mortel qu’entraînent nos actions globales. Mais il faut préciser pour vraiment saisir l’absurdité de l’équation. Quand il s’agit de ma raison contre ma vie (R vs V) ma raison ne fait pas le poids, je préfère sauver ma vie (n’est pas Socrate qui veut). Mais ce n’est pas vraiment absurde. Il est même très logique de privilégier sa vie, bien que la vertu rationnelle exige de la sacrifier. L’équation dans laquelle nous sommes est plus pernicieuse car le danger qui pèse sur ma vie n’est pas le même. Dans R vs V le danger qui rôde ne rôde pas justement, il est direct. Or, le danger dans notre situation n’est pas tout à fait direct. Vous le notez très bien dans les expressions comme « bof, c’est exagéré, mais enfin est-ce si grave cette canicule ? ». L’équation est davantage celle de la raison contre le confort, c’est-à-dire R vs C, et par confort nous entendons ici le confort superficiel, pas celui qui permet de vivre décemment, sinon nous retournons à l’équation précédente. C’est bien dans R vs C que l’absurdité de révèle, puisque le danger est toujours mortel, mais perçu au niveau du confort superficiel et partant de façon indirecte. Le pire est à venir puisque R vs C s’alimente toute seule dans la mauvaise direction, celle de l’abandon de la raison au profit d’un confort aussi inutile et superflu que destructeur. Concrètement qu’est-ce que cela signifie ? Et bien que face au danger mortel de la situation climatique et environnementale, l’équation R vs C nous fait foncer pieds au plancher, comme vous dîtes, dans le mur.
    Après ce constat pessimiste que faire ? C’est là que l’absurdité de montre cruelle puisque c’est la force de la raison qui est contrecarrée par l’envie de confort. Il me semble alors qu’un renouveau moral soit attendu et nous fasse sortir de notre torpeur individualiste, pour remettre la relation au coeur de nos interactions.
    Merci pour votre présence à Uriage et nos échanges, pour votre billet aussi.
    Cordialement
    Alexandre Barrueco

  4. Avatar de Jacques
    Jacques

    Bonjour!

    L’intervention du maître à la tribune des RPU ne me surprend pas.

    On pouvait la prévoir telle quelle!

    Je ne suis qu’un survivant, au sens que donne à ce vocable François Jullien qui ne veut pas entendre parler de ces colloques, rencontres avec leurs panels, leurs « Actes » et… leur pandémique ennui.

    Pour vous en convaincre, lisez ou relisez le paragraphe 6 du chapitre VI de « De la vraie vie » et soyez, Messires universitaires, indulgents avec votre serviteur, sorte de dernier Mohican qui ose quitter son tipi pour aller, de ce pas, furtivement, glaner quelques bribes de vos discussions de saloons.

    Le bateau coule!

    Dans mon carquois, je trouve ces mots du Credo de Claude Imbert à la fin du chapitre du naufrage de l’arche :

    « Ce bateau qui donne de la gîte, c’était une arche monumentale .Dans sa navigation millénaire, elle a porté nos pères et les pères de nos pères. Il faut prendre le temps de la voir sombrer. ». Et pour terminer son chapitre sur les vérités de radeau et vérités d’erreur, il écrit :

    « Je crois (mais pas plus en effet) que ces vérités d’existence – morales, religions -, adorables pyramides d’illusions nécessaires, ne sont fondées par rien, hors du radeau. Beaucoup s’engloutiront dans nos tombes. D’autres s’engloutiront avec le radeau lui-même dans la grande nuit de l’espace et du temps – quand viendra la mort des planètes. Mais derrière leurs reflets en tous genres, au-delà de ce que je perçois et qui suffit d’ailleurs à m’émerveiller, l’artisan miroitier que je suis n’aperçoit rien. Nada. »

    En fait ou en somme, Claude Imbert se pose la question de savoir comment retrouver un nouveau surréel puisque le rationnel ne suffit pas à l’homme et à son organisation collective ?

    Son livre « vertigineux » des années quatre-vingt a sans doute été lu dans les chaumières et c’est très bien, mais a-t-on pour autant changé de cap pour éviter le naufrage ?

    Faut-il un « au-delà de la démesure » pour être du nombre des rescapés? Est-ce par hasard si cet « au-delà de la démesure » est l’anagramme du tableau de Théodore Géricault « Le radeau de la Méduse »?

    Régis Debray dans son manuel d’apprentissage « Du bon usage des catastrophes » écrit une lettre à un jeune prophète.

    Et de l’inviter à se jeter à l’eau pour être surpris des résultats, le soir de sa vie.

    Soit! Mais en réalité, n’en déplaise à notre ami, fin connaisseur des versets bibliques, depuis la parution de son ouvrage, en deux mille onze, je n’ai oncques vu le moindre Élie sur un plateau de télévision, nous tendre la perche pour nous sortir la tête de l’eau.

    Que des harangues et pas de sauvetage!

    Attendre un renouveau moral, dites-vous ! Peut-être, mais en quelle sphère et à partir de quels signes de reconnaissance ?

    Je n’ai pas la réponse.

    Aux gens qui ont les qualités requises de montrer le chemin !

    Jacques

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      J’apprécie votre réponse, cryptique et poétique comme toujours mon cher Jacques. Mais le chemin est connu, largement montré – les montreurs se bousculent, jusque sur les estrades de colloques, le problème est de savoir comment cela embraye, entraîne, et c’était la question de mon billet : il ne suffit pas de dire, il faut montrer (des images ou des faits parlants), il ne suffit pas de montrer mais il faut convaincre, entraîner, et sur ce point… panne dans la transmission ! Trop d’intérêts ou de simples routines se liguent, pour détourner l’attention.

  5. Avatar de Philippe Mouillon
    Philippe Mouillon

    Cher Daniel,

    J’ai pensé à toi en lisant cette phrase de Josep Borrell, secrétaire aux affaires étrangères et à la sécurité de l’Union européenne, qui déclare il y a deux jours : « L’Europe est un jardin. Nous avons construit un jardin : tout fonctionne, c’est la meilleure combinaison de liberté politique, de prospérité économique et de cohésion sociale jamais créée par l’homme. Ces trois choses réunies. […]. Le reste du monde, la plupart des autres pays du monde c’est la jungle. Et la jungle peut envahir le jardin. Les jardiniers doivent prendre soin du jardin, mais ils ne le protégeront pas en construisant des murs ».
    Car cette description du jardin prospère de notre « monde atlantique » semble ignorer combien nous avons contribué à la dévastation généralisée de la planète par la « mobilisation infinie » des ressources géologiques et humaines situées au-delà de notre jardin.
    Pour croiser tes 3 derniers billets sur Bruno Latour, le Jardin et notre noyade collective, je n’arrive pas à saisir le fondement de notre faute d’attention collective alors que les lanceurs d’alerte furent nombreux depuis 50 ans : Latour avait sans doute lu Ivan Illich, Rachel Carson ou Dennis Meadows dès 1972, mais n’en prend la mesure qu’en 2012 ! C’est pourquoi j’évoquais il y a quelques jours les auditeurs de Georges Cuvier en 1793 qui n’arrivaient pas à se représenter un monde « constitué d’animaux aujourd’hui disparus » car leur monde imaginaire était clos par le mur du récit de la création divine. Notre monde est tout aussi ridiculement clos et notre imagination aussi défaillante….

  6. Avatar de Diogène
    Diogène

    Mon commentaire : Pour avoir profité des Rencontres Philosophiques d’Uriage du vendredi soir (magnifique film d’Antonio Gùsman, le bouton de nacre, pour le coup accablant), je me retrouve complètement dans la présentation que Daniel Bougnoux fait de cet événement.
    Je voudrais cependant proposer deux ou trois remarques qui nuancent le « tout est foutu » spontanément exprimé à la fin des Rencontres :
    – Si les conférences et les tables rondes ont pu nous accabler, c’est parce que les analyses proposées étaient précises, sérieuses et qu’elles nous apportaient un véritable savoir. Preuve non seulement de la valeur des RPU (la 12e édition reste à la hauteur des précédentes), mais aussi que des prises sur le monde restent possibles, déjà sur le mode du concept (Begriff,greifen). Ainsi l’émotion ne débouche pas, pour le moment, sur le chœur religieux des naufragés du Titanic mais sur des analyses permettant ou promettant des actions.
    – Dans cet esprit, la notion de « Bien commun » affleurait en toutes les interventions à Uriage. Or c’est justement cette notion qui, me semble-t-il, faisait défaut aux débats médiatiques autour de l’écologie tendant toujours peu ou prou vers la moralisation (tous coupables) et, se faisant, abandonnant la définition de l’intérêt général au bon vouloir des lois impitoyables du marché, aveugles à tout saut aux intérêts immédiats des plus forts.
    – Enfin, une remarque sur le « tous responsables » : mon téléphone portable ne m’est devenu vraiment précieux qu’à partir du moment où les cartes téléphoniques à puce brevetées françaises (d’un usage nettement meilleur que celles des États Unis…) disparaissaient en même temps que les cabines téléphoniques présentes jusque dans les plus petits bleds de France et même d’Europe. Je crois que ce n’est pas le confort égoïste des usagers qui a supprimé tout cela, mais bel et bien l’intérêt d’un tout petit nombre de gens sur la planète. Aux RPU il m’a semblé que s’esquissait une hiérarchisation des degrés de responsabilité de chacun, même si la notion de « capitalisme » restait encore un mot fourre-tout. Lutter contre, certes, mais il faut pour ne pas trop désespérer savoir contre qui, le « quoi » étant aussi évident que paralysant.
    Merci à Daniel Bougnoux et bien à tous,
    Jean-Pierre Carlet

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Oui Jean-Pierre, la notion de « commun » était au centre de nos débats, et domine d’ailleurs la cause écologique : se déclarer écologiste, c’est mettre en avant cette évidence que l’individu est un mirage ou une simplification, tout vivant s’avançant entouré d’autres vivants, animés ou inanimés, une communauté d’humains, d’animaux, de végétaux… Mais ce « décentrement » heurte fortement nos réflexes séculaires, qui ont conduit à l’individualisme consumériste. D’autre part la réduction des valeurs à la valeur marchande est une émergence cruciale, et fatale ; c’est pourquoi le capitalisme est en effet l’adversaire principal, au point qu’on pourrait remplacer le mot anthropocène par « capitalocène », comme il fut dit aux RPU, mais ce néologisme n’est pas très seyant… Toi qui es philosophe tu partages certainement avec moi cette évidence que l’écologie aujourd’hui est notre sujet principal ou prioritaire de réflexion, car elle bouleverse à peu près tous les cadres de pensée précédents, elle apporte ou exige une refonte globale, impressionnante – raison pour laquelle elle rebute, ou se heurte à tant d’inertie. Bruno Latour l’avait bien compris, et mis en pratique. Je suis frappé qu’on le salue à sa mort comme « le plus grand philosophe français » : ça se discute (si je pense à François Jullien) mais c’est un signe de la façon dont sont perçues aujourd’hui nos urgences.
      Je partage ton impression de sérieux touchant ces rencontres, il y avait même, au-delà, une espèce de ferveur. Les gens étaient concernés, et frappés par la convocation écologique. Il faudrait que les RPU continuent dans cette voie…, mais je ne suis pas dans le Comité d’organisation !

  7. Avatar de Nib
    Nib

    Intéressante expérience de ce week end que vous avez passé à Uriage. Vous avez bien présenté l’abîme qui est devant nous. Aussi vais je être bref et me limiter à vous donner mon ressenti. J’ai vécu 10 ans en Asie , Taïwan, Pékin et Singapour, ce qui m’a frappé et transformé est qu’en Asie la primauté est le groupe alors qu’en occident c’est l’individu. Donc une forte parti de l’humanité privilégiera la survie de l’espèce. La mort d’un individu est contrairement à nos valeurs non pas négligeable, mais ne constitue pas un facteur de décision : ceci pour dire que nos médias se trompent de sujet quand ils cherchent à nous apitoyer sur la perte d’un individu qui cache le véritable problème. Plus largement le problème des humains est bien la survie.
    Mon métier, tres technique, m’a amené à vivre loin de chez moi et à composer avec les ressources locales tant matérielles qu’humaines, donc chaque fois à créer un environnement qui permet de réaliser le projet. Cela m’a appris qu’il était nécessaire de s’adapter et que ces expériences étaient toutes très enrichissantes : un milieu inconnu n’est pas un obstacle si on est prêt à s’adapter et à oublier le confort d’un milieu de travail connu.
    Pour résumer ma pensée sur ce sujet : je ne connais rien de l’avenir mais l’humanité survivra non sans dégâts et c’est bien la seule question intéressante, nos égoïsmse ne nous sauveront pas individuellement, mais l’espèce fera une cure nécessaire que nos politiques et intellectuels ne peuvent imaginer.

  8. Avatar de M
    M

    Bonjour les amis!

    Sans doute a-t-elle raison votre compagne, Monsieur Bougnoux, comme ont raison les disciples ou épigones de Bruno Latour dans leur façon de voir les choses, à partir de rencontres utiles entre intellectuels de thèses et de masters qui n’ont sans doute, oncques, mis les mains dans le cambouis ou les pieds dans la boue, si ce n’est les quelques jours de vacances en Province chez mamie et papy qui « cultivaient la terre ».

    Je ne sais si on parle de Martin Buber à L’Elysée et au Vatican et si le Président tutoie le Pape, mais peu nous chaut l’anecdote, voyons, si vous le voulez bien, ces mots de Gaston Bachelard dans sa préface au livre de Martin Buber
    « Je et tu » :

    « Recevoir, c’est s’apprêter à donner. Comment entendre sans exprimer ! Comment exprimer sans entendre ! Encore une fois, notre substance spirituelle n’est en nous que si elle peut aller hors de nous. Elle ne peut aller hors de nous, vaguement, comme une odeur ou un rayonnement. Il faut qu’elle s’offre à quelqu’un, qu’elle parle à un tu. Comme le dit Martin Buber, « la pensée la plus sublime est sans substance si elle est sans allocution ». Et comme il faut avoir dit tu pour dire nous, « la communauté des hommes ne saurait être bâtie que par la possibilité de relations particulières . Œil pour œil, souille pour souille, âme pour âme. Je te vois et te comprends, donc nous sommes des âmes.

    (…)

    En nous, c’est tout l’Univers que nous devons tendre vers Dieu, offrir activement à Dieu. Nous sommes ainsi responsables de plus que de nous-mêmes, nous sommes responsables de notre prochain. Dire avec Kierkegaard que la foule est fausseté, c’est manquer au devoir de substituer à ce qui est ce qui doit être. Sans doute la foule est « la matière de vérité la plus difficile à manier », mais il faut « démêler la mêlée ». « La chose publique, la chose résistante entre toutes, c’est là l’épreuve essentielle de l’homme au singulier». Et l’on peut ainsi mesurer l’immense effort de la pensée bubérienne qui tente, par tous les moyens, en des livres nourris des études les plus variées, formés dans l’exégèse des œuvres d’Israël et dans la méditation des philosophies les plus récentes, d’unir le singulier à l’universel, l’instant à l’éternité, la rencontre à la famille, le fait unique à la Loi inviolable. Gaston BACHELARD » (Fin de citation)

    Pas la peine de l’avoir étudié à l’école pour revenir à cet auteur qui nous parle tellement aujourd’hui…
    Un maire honoraire d’une ville de Province importante, qui fut enseignant, me disait un jour, à la maison, qu’il avait donné le nom de Gaston Bachelard à une rue de sa ville. Mais il n’a pas encore lu ce penseur-poète qui, par sa barbe, lui ressemblait tellement.

    Je ne sais si telle bifurcation va vous parler.
    En tout cas, elle s’adresse à « Monsieur tout le monde » dont la belle anagramme est :
    « Tu es le mouton endormi »

    Et si ensemble par les temps qui courent, nous chantions la ballade des gens heureux.

    Une autre façon, peut-être, de dire son mot à « Dieu »!

    Daniel qu’en penses-Tu?

    M

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Je suis bien d’accord, cher m, pour insister sur la réciprocité comme posture ou geste fondateur de notre ex-istence, la relation, et le don-contre-don, sont au coeur de nos vies, comment faire sans ? Mais je n’ai pas lu Martin Buber, et ne puis juger de la pertinence de sa réflexion pour nourrir une écologie. Quant au « mouton endormi », que Platon appelait « le gros animal », la foule quoi, elle n’est pas prête à emprunter ce chemin, et c’est tout le sujet de l’inquiétude de mon billet, comment entraîner, comment persuader nos contemporains qui sont aussi nos partenaires de la justesse de ce tableau, en effet très sombre ?

  9. Avatar de Jean Claude
    Jean Claude

    Pour reprendre la question de M sur cet appel à l’universalisme et Dieu rédempteur, les partis et mouvements écologistes s’inscrivent dans un schéma religieux fait de promesses, d’espérance, dans un réel déni du court et moyen terme (2030 – 2040).

    La foule n’est pas une. Elle est multiple et tire à hue et dia. Pourquoi chercher à la convertir alors que la nature humaine et le réel (Le Dieu immanent pour moi) s’en charge amplement. La Covid a donné un coup d’arrêt grandiose à la mondialisation des flux économiques. Mais la mondialisation des effets du dérèglement climatique s’amplifie à vitesse folle.

    La guerre Russie – Ukraine déstabilise gravement la gestion et la consommation des énergies.

    L’assistanat va vite trouver ses limites, De son apogée vers 2010 (50%) le taux de redistribution du PIB va se rapprocher des valeurs de 1950 (30%). La famine de nombre de pays dépend de deux greniers à céréales en cours de destruction. La question de survie si présente en Ukraine peut contaminer l’ensemble de l’Europe pour des causes multiples. Une partie des déjà nantis et gros émetteurs de CO² trouveront de nouveaux chemins de conforts.

    Le taux d’inflation va devenir un régulateur important des émissions du CO2.A l’est de l’Europe de l’ouest la voie royale se tourne vers le dirigisme nationaliste en bombant le torse. Sur quelle priorité investir son énergie aujourd’hui alors qu’une bonne partie de la population et de la jeunesse se trouve déjà gravement déstabilisée.

  10. Avatar de Kalmia
    Kalmia

    Bonjour!

    J’ai lu et relu le dernier message de Monsieur Jean-Claude et je le trouve tout empreint de sincérité, de bienveillance avec une analyse de la situation qui me paraît bien réaliste.

    Puissiez-vous Jean-Claude, recouvrer la santé et la joie de vivre en comprenant en votre for intérieur ce que le mal a dit!

    L’autre jour, je suis allé voir mon voisin et ami, à deux lieues à peine de chez moi.

    Il habite dans les bois et le chemin pour accéder à sa thébaïde n’est pas toujours aisé, en ces montagnes des Vosges, belles et mystérieuses. Cet ami-là, un peu moine, un peu poète n’est pas du genre très causant et s’il lit régulièrement le blogue du randonneur, il ne prend pas la plume pour y écrire un mot.

    Pour lui, ce sont des choses en l’air qui peuvent soulager ceux qui les écrivent mais tout compte fait, ça ne sert à rien.

    Alors, il préfère couper son bois, pardi!

     » – Oui, mais dites-moi, Jeannot, pourquoi refusez-vous d’apporter votre part de colibri à une société qui s’étouffe?

    Seriez-vous, à ce point, si peu charitable?

    Et le bonhomme de se relever de sa chaise pour aller chercher sur le bord de sa cheminée, une lettre apportée le jour-même par le facteur et de me faire écouter sur-le-champ un message téléphonique reçu dans la foulée.

    Notre rat dans son fromage des Vosges nous semble un écolo pur sucre mais ne vous y fiez pas, il n’est pas si retiré du monde que ça, l’apôtre! Oncques vous le verrez en 4×4 polluer l’air de nos campagnes pour aller, tels certains petits-maîtres écolos, militants gentillets plutôt bien endentés, au diable vauvert prendre en photo deux ou trois pèlerins, ramasser six douzaines d’huîtres en Bretagne et rentrer Gros-Jean comme devant au bercail.

    Curieuse et un peu gonflée, il est vrai, je m’enquiers assez habilement de ses correspondances du jour.

    Des autorités de « Culture et Territoire » de sa Région, mandées par le Ministère pour discuter d’un projet du paysan en sayon de poil de chèvre qui, entre pluie et beau temps, lance une sorte de randonnée pour se laver le cerveau et prendre un bon bol d’air, à l’intention de ceux qui veulent faire marcher leur tête et leurs jambettes.

    Un message vient de tomber sur son ordinateur et jetant un coup d’œil furtif, je vois que son correspondant lui parle de je ne sais quelles ondelettes (fonctions de carré sommable d’un espace de Hilbert). Il regarde vaguement, n’en dit mot et me verse un verre de son piment, en me parlant du temps qu’il fait!

    En fait, ce type de personnage ne demande pas, avant toute chose, un ducaton pour faire son truc en pleine nature, même s’il préside une association où est déclaré dans le bureau quelqu’un qui figure comme l’un des plus grands esprits de notre temps, dans « Le Livre de savoirs » de Constantin Von Barloewen.

    .Il propose aux gens en place qui instruisent l’affaire d’imaginer, hausser d’un ton le réel pour concrétiser quelque chose, mettre en forme, une idée qui fait son chemin, en les intéressant dans l’intuition vraie, autrement dit la réjouissance. Faire d’un lieu un lien, au ras des pâquerettes, la tête dans les étoiles. Pourquoi pas?

    Il ne vend pas du rêve ni de la gelée de coing. Monsieur H…expérimente (H comme hiatus) sans aucune illusion sur sa sobre pirogue. (Et Il n’y pas d’élision à ce mot au chapitre De la « vraie vie » de François Jullien qui écrit « le hiatus »…Digression? Pas sûr! En tout cas, réalité orthographique vérifiée et sans doute signifiante.)

    Mes neurones ensuqués, plus ou moins réveillés, j’ai quitté le vieux manoir en regardant le salut de la main de mon hôte dans le rétroviseur. Au volant, je me demandai si j’avais rêvé et si ce Monsieur H…existait réellement.

    Et si c’était moi, pauvre de moi, qui versait dans le romantisme et sur la route d’Épinal, au volant, je pensais à Gonzague saint Bris pour qui le nouveau romantisme n’est pas un vaisseau fantôme, mais la frégate blanche qui vient au secours des noyés du siècle. Dans la nuit noire, une biche traverse la voie étroite de montagne.

    Le passage. Valéry Giscard d’Estaing en a fait un roman, Michel de Montaigne une peinture et Michel Serres un chemin difficile.

    « Le romantisme », est-ce par hasard si dans ses lettres, il cache des « larmoiements » ?

    Ce matin tout tranquille et serein, je vois à la télévision quelqu’un présenter son livre « Heureux comme Abdallah en France » J’ai souri. Hier, bizarrement je recevais un courriel heureux d’une personne portant ce prénom, auteur d’un livre sur Bachelard et la mathématique des sciences expérimentales.

    Ainsi va la vie…

    Tellement complexe et plus belle.

    Demain, peut-être, bleu suivez-moi-jeune-homme et chiffon rouge danseront ensemble sur la piste des étoiles, le plus beau des tangos du monde…Qui sait!

    Bon dimanche.

    Kalmia

  11. Avatar de MKG
    MKG

    Bonsoir!

    Je viens de relire le billet et tous les commentaires.

    Rien à redire, que voulez-vous! Il y a là des intellectuels qui ont réponse à tout.

    Mais bon, permettez-moi de descendre un peu et voir comment ça se passe à l’intérieur des terres, si loin, si loin des tribunes des gens du haut qui savent beaucoup de choses et qui nous semblent à des kilomètres des gens d’en bas.

    Ce jour, dans beaucoup de villages de France, il y a ce qu’on appelle le « repas des aînés », organisé par la commune, auquel les personnes d’un certain âge peuvent participer pour un prix relativement modique.

    J’y étais. Assistance parsemée et réduite pour cause de maladie – et de désintéressement, à n’en pas douter.

    Absence et abstention quelque part vont de pair.

    Trois maires honoraires qui se sont succédé sont là, plus le maire en place. Maires délégués en des communes désormais associées à la ville centrale. On est entre gens qui se connaissent et qui se revoient. On parle des heurs et malheurs des uns et des autres, des résultats du dernier match vu à la télé, des problèmes de l’eau et du temps qu’il fait…

    Enfin des choses banales qui font la vie ordinaire des gens de la campagne et un courant de sympathie passe entre commensaux, autour de discussions simples et sans la moindre animosité.

    Repas interrompu…Un ange passe! Michel Serres, peut-être, qui s’y connaît en banquets, en société et de maladie en général. En mon for intérieur, une itinérance défile et je cherche à situer ce « tremblement d’histoire », nommé ainsi par André Frossard.

    Je me souviens.

    Je vois les générations à travers l’égrégore et me pose la question : Où est passé, ce tremblement d’histoire ou Mai soixante-huit et sa bohème?

    Entre poire et fromage, on ne parle pas de ça, bien sûr, mais la chose est ressentie car elle est écrite sur les murs d’un temple épars.

    Une table vide.

    Tout reste en définitive les affaires sérieuses que sont les affaires de cœur, comme le dit finalement Régis Debray dans « Le bel âge ». Et notre auteur de passer la ballade au suivant : « Si la nuit est longue, c’est que le jour est là ».

    Pour enchanter l’avenir.

    MKG

  12. Avatar de Roxane
    Roxane

    Bonjour!

    Une amie flamande, Mademoiselle Z… vient de m’appeler et de me dire avec sa franchise coutumière, sa fine intelligence et son esprit critique particulièrement vif, qu’elle applaudit des deux mains le propos de MKG.

    Voilà quelqu’un qui parle de la vraie vie bien au delà des cogitations des intellectuels assis, me dit la belle demoiselle qui n’est pas du genre à écouter sans ne rien dire, aux dimanches sonnants, le sermon du bedeau et même son Éminence, l’Archiprêtre qui prêche au couvent.

    Je n’ai pas voulu, au bout du fil, contrarier la manière de voir de l’amie dont je regrette l’absence en ce blogue, où plus d’un pourrait profiter de ses analyses pertinentes, de son intuition et de son bon sens, tout simplement.

    On peut aussi ne pas être toujours d’accord et sur ce point évoqué, je me permets de contredire Mademoiselle Z.., gente personne bien endentée qui apprend beaucoup de ses nombreux et lointains voyages, où elle va pêcher au thonaire des zées clairs en mers du Sud.

    Que MKG avec les gars du village parle des résultats footballistiques du PSV Eindhoven, des carottes du châssis, du lumbago de sa femme et de la pluie et du beau temps, entre café et pousse-café, je veux bien et pourquoi pas?

    Cependant, n’en déplaise à ma flamande interlocutrice, j’ai quand même du mal à imaginer ce convive dégrafer son corsage ou son gilet jaune col roulé, pour pérorer allégrement entre commensaux, sur la table vide et la définition du pire, au chapitre de la théorie du quasi-objet, dans « Le Parasite » de Michel Serres. Pourquoi?

    Eh bien, parce que les braves gens, honnêtes par-dessus le marché, s’en fichent et contre-fichent éperdument.

    MKG a beau épingler les intellectuels, c’est aussi un intello qui peut comprendre la rage des sans-dents, certes, mais ne fait strictement rien pour les sortir de la mouise. Oui le bateau coule et tous ces « gens d’ailleurs » avec leurs films, documentaires et tutti quanti, qui vivent des problèmes de la ruralité, ne sont que des petits soldats de plomb, totalement incapables de changer radicalement la vie en ce milieu paysan, qui s’est laissé séduire par les coquecigrues de la ville. Toute la question est de savoir si sur ce même bateau, il y a ou non des « sur-vivants ».

    Au lieu d’un sauve-qui-peut général, autant lancer un dernier SOS…

    Où es-tu Manu Rêva?

    Roxane

  13. Avatar de Jacques
    Jacques

    Le bateau coule…

    J’allume le poste de télévision et je vois des gens s’affronter dans une petite commune tranquille des Deux-Sèvres où s’était retirée pour se mettre à l’abri des rumeurs de la ville, une artiste de cinéma bien connue.

    Policiers et manifestants s’affrontent en zone interdite.

    Une vaste bassine de retenue d’eau est en chantier et pour la remplir, on devra puiser l’eau dans les nappes phréatiques.

    Scandale inadmissible pour les uns qui en appellent au respect de la nature et nécessité pour d’autres qui voient dans ce projet la possibilité d’arroser leurs cultures.

    Les passions se déchaînent et nonobstant les réunions et les rencontres entre parties concernées, l’entente semble impossible. Et ça continue encore et encore…Madame le député des Deux-Sèvres, Mme Batho, propose un referendum.

    Aussi les autorités départementales ont fait appel au Bureau de recherches géologiques et minières pour donner en toute impartialité et en parfaite connaissance du dossier son avis sur les risques de l’implantation de cette bassine.

    Le BRGM a rendu son rapport le 7 juillet dernier et, selon la synthèse du document rendu public, on apprend

    que les prélèvements hivernaux pour le remplissage des réserves de substitution auraient « un impact négligeable » ​sur les nappes souterraines et les débits des cours d’eau. Le projet permettrait même « une amélioration globale du niveau des nappes en printemps-été »​, la profondeur de la surface de la nappe « pouvant augmenter de plusieurs mètres dans les zones où d’importants prélèvements estivaux sont substitués »​.

    Le citoyen censé retenir la leçon s’arrête sur deux mots « IMPACT NÉGLIGEABLE »

    Rapport émanant de cet établissement public à caractère industriel ou commercial qui recrute chaque année deux cents chercheurs, ingénieurs ou techniciens, et qui accorde une grande importance à l’évolution de la carrière et à la qualité de vie de ses 1000 salariés.

    Or, il ne messied pas de dire que dans le Bureau du Directeur général où trône la photographie du prince, comme un prêtre dans la mine (1), on s’affiche tout sourire et bien assis, confiant dans l’avenir de l’entreprise en République française.

    Les gens du cru qui n’ont pas la mémoire courte peuvent faire un parallèle. En ce même département, à la fin des années sixties, des ingénieurs chevronnés des bureaux du Ministère, ont mis en œuvre en région de bocage, un vaste plan d’arrachage des haies, au nom de la rentabilité des exploitations. Et leur rapport chiffré tenait la route.

    Certains y trouvaient leur compte et d’autres, libres et responsables dans leurs têtes, ont dit non sans pour autant rejoindre la ville, son formica et son ciné.

    Avec le temps et le recul, on s’aperçoit, ici et maintenant, que ces paysans-là ont eu raison de résister aux incitations bureaucratiques. Aujourd’hui, l’État voit les choses autrement et subventionne les plantations de haies.

    Mais revenons aux deux mots du BRGM et au verbe « négliger » en ouvrant « Le contrat naturel » de Michel Serres.

    L’auteur précise : « La modernité néglige, absolument parlant. Elle ne sait ni ne veut penser ni agir vers le global, temporel ou spatial. La notion de négligence fait comprendre notre temps. »

    Or, si l’on se plaît souventes fois à parler du bon sens paysan, on néglige l’approche phréatique que l’on pourrait peut-être, de par notre milieu, notre histoire, notre conscience, avoir des choses.

    En Deux-Sèvres, des tout jeunes gens se sont plu à interroger la ruralité de leurs aïeux et en ont fait tout un cinéma. Un beau et bon travail d’artiste ( leur but est d’en vivre) qui cherche des réponses, toujours absentes face à la caméra. Ils ont trouvé un titre formidable « Où sont passés nos moutons? »

    La question s’adresse à « Monsieur tout le monde » auquel son anagramme lui répond « Tu es le mouton endormi »

    Avachi sur son canapé devant sa télé, « les bassines », ce n’est pas son truc. Lui aussi est négligent.

    « Qui nous rendra le réveil naturel, le réveil dans la nature ? » (L’eau et les rêves, Gaston Bachelard, page 48)

    (1) Le syntagme « Comme un prêtre dans la mine » est l’anagramme de « Emmanuel Macron, Président » par une étonnante et peut-être signifiante « echo /logie ».

    Jacques

  14. Avatar de MKG
    MKG

    Bonjour!

    Vous avez bien raison Mme Roxane, et sans doute dois-je plaider coupable!

    Même chez les gens simples qui n’ont pas beaucoup lu, il y a quelque chose à découvrir, à cultiver peut-être…

    Enfin bon, qu’est-ce vraiment un « intellectuel »?

    Peut-on vraiment se passer des livres?

    Oh la la, on pourrait encore se poser mille et une questions sans avoir la certitude d’y répondre justement!

    Autant aller dormir en rêvant d’oasis.

    Bonne nuit

    MKG

  15. Avatar de Kalmia
    Kalmia

    Bonjour, chers amis lecteurs, enfin s’il y en a!

    J’aimerais intituler ce commentaire « De la démocratie »

    Pourquoi, diantre? Parce que ses lettres permutées en font un « Art de la comédie ».

    Un mien ami, Abdallah…dans une très belle épistole, en date du 31 octobre, me parlait de la démocratie, cette vieille fille de la philosophie grecque, nécessaire et insuffisante.

    Aujourd’hui, dans l’hémicycle bourbonien, un député du Val d’Oise s’est exprimé sur une embarcation en mer et l’un de ses collègues, député de la Gironde a répliqué par une exclamation. Et tout ce joli monde de se déchirer sur une question de vocabulaire. « Qu’il ou Qu’ils? Monsieur le député de la Gironde a envoyé recta un message à son collègue pour s’expliquer sur la teneur et le sens de ses mots, en toute sérénité. Monsieur le député du Val d’Oise a déclaré, ce soir, dans une émission TV populaire qu’il n’avait pas regardé son téléphone, donc il n’a pu dire ce qu’il en pensait

    Spectacle donné, ce jour en « République française » dont l’anagramme est une exclamation « Quel bel africain! »

    Loin, si loin des interrogations des gens de la base, à l’intérieur des terres.

    J’en veux pour preuve, ce fragment d’une lettre adressée, hier, par un simple citoyen lambda à J S qui était l’invité de Pascal Praud, la vigile de la Toussaint :

    « Écoutez cette chanson, à mille lieues, des manifestations de Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres :
    Gérard Lenorman « Il » | Archive INA – YouTube

    Elle porte un titre qui tient en deux lettres « IL »

    Si nous voulons trouver une réalité à ce pronom, nous devons la quérir dans un travail de rationalité qui devra être mis sur la table. Sinon rien, ce n’est qu’un beau rêve sans la moindre assise dans le terreau social, économique et culturel où nous vivons.

    Question plaisante et heureuse que j’aime à poser à Jean et aux amis, aux aurores de ce jour des morts :

    Champagne pour vous, amis, si vous m’apportez noir sur blanc la preuve de l’existence de ce « Il » écrit dans les mystères de l’espace et du temps. Acceptez-vous le défi? » (Fin de citation)

    Le bateau coule…

    Entre la pluie et le beau temps, quel mot juste prononcé correctement peut nous sauver la vie?

    Voici revenu le temps du schibboleth et des Juges.

    « Je suis, en effet, un rêveur de mots, un rêveur de mots écrits. Je crois lire. Un mot m’arrête. Je quitte la page. Les syllabes du mot se mettent à s’agiter. Des accents toniques se mettent à s’inverser. Le mot abandonne son sens comme une surcharge trop lourde qui empêche de rêver. Les mots prennent alors d’autres significations comme s’ils avaient le droit d’être jeunes. Et les mots s’en vont cherchant, dans les fourrés du vocabulaire, de nouvelles compagnies, de mauvaises compagnies. Que de conflits mineurs ne faut-il pas résoudre quand, de la rêverie vagabonde, on revient au vocabulaire raisonnable. » (Gaston Bachelard, La poétique de la rêverie)

    Qui saura?

    Kalmia

  16. Avatar de Gérard
    Gérard

    Bonjour Madame Kalmia!

    J’apprécie beaucoup la citation d’un extrait de la page 15 de « La poétique de la rêverie » de Gaston Bachelard, que vous faites dans votre dernier commentaire d’actualité.

    Et si je me dois de saluer au passage votre « noire énergie » dont les douze lettres permutées en font une « reine ignorée », permettez-moi de vous faire remarquer que la « République française » ne se réduit pas en ses lettres interverties à votre exclamation : « Quel bel africain! » Je suis désolé mais ça ne marche pas, Madame! En revanche, si vous remplacez « bel » par « superbe » eh bien « République française » y trouve son compte et ses dix-neuf lettres!

    Ah, ce bateau, ce « il » précédé d’un – qu’- !

    J’observe par vos propos rapportés qu’il est au centre d’une belle discussion, au fin fond de nos campagnes de France et Navarre.

    Peut-on imaginer sur les bancs et au perchoir de notre nationale Assemblée, une telle réjouissance dans l’intuition vraie?

    Pour l’heure, on n’en donne pas l’image, mais il n’est peut-être pas impossible de travailler un trait d’union haut en couleur qui nous laisse entrevoir une autre vie, la vraie qui est ailleurs.

    Alors ramons, ramons, encore et encore…jusqu’aux rades inconnues du poète.

    Gérard

  17. Avatar de M
    M

    Bonjour!

    Oui, le bateau coule…Et nous sommes tous sur le même bateau.

    Où sont les bouées de sauvetage? Dans les anagrammes ou des citations de Gaston Bachelard?

    Foin des belles envolées littéraires, tout cela ne sert à rien!

    En pleine mer et à l’intérieur des terres, que faire?

    Un blogue dans La Croix lu par une poignée de pèlerins ne change pas grand-chose, bonnes gens,

    aussi savant et intrépide soit le meneur de lune.

    Reste plus rien.

    Que notre désespérance!

    J’ai décidé de nier ce rien.

    M

  18. Avatar de Jacques
    Jacques

    Qu’ils retournent à leur charrue!

    Vais-je me faire tancer ou pire encore, exclure du blogue pour une période indéterminée en m’exprimant ainsi, ce matin, par cette exclamation en exergue?

    Quèsaco? Le bateau coule et je pense à ce paysan du Danube dont Jean de La Fontaine brosse le portrait dans sa fable.

    On le créa « Patrice » cet ours mal léché qui parlait si bien et, en fin de compte, on ne sut pas longtemps à Rome son éloquence entretenir.

    Il y a deux décennies, un inattendu ministre m’envoyait son livre « Vous, les politiques… » Il était au gouvernail du bateau France et en « mer », puisque tel est son nom, du haut de sa cabine des Finances, il écrivait :

    « Le modèle de Cincinnatus, ce Romain qui après avoir sauvé la république s’en retournait à sa charrue, n’est pas si mauvais… »

    Et notre homme qui ne croyait guère à son retour, d’en appeler à la bravoure des politiques, celle qui résiste au temps et brise les moules du conformisme.

    Oui, mais ces gens venus de la base qui n’étaient rien et qui, à force d’années passés sur les bancs de écoles ou dans les rangs d’un militantisme organisé sont devenus « quelqu’un » en paradant bien habillés sur les plateaux de télévision, on en connaît plus d’un…Allumez vos postes et vous serez servis, bonne gens!

    Retourner à sa charrue? Est-ce bien raisonnable à l’endroit de nos beaux parleurs qui n’ont oncques planté un chou de leur vie dans leurs jardins d’agrément?

    Reste cette citation encore et toujours une citation :

    « La mystérieuse difficulté de la vie sort de toutes les trois. L’homme a affaire à l’obstacle sous la forme superstition, sous la forme préjugé, et sous la forme élément. Un triple ananké1 pèse sur nous, l’ananké des dogmes, l’ananké des lois, l’ananké des choses. Dans Notre-Dame de Paris, l’auteur a dénoncé le premier ; dans les Misérables, il a signalé le second ; dans ce livre, il indique le troisième. À ces trois fatalités qui enveloppent l’homme se mêle la fatalité intérieure, l’ananké suprême, le cœur humain. (Hauteville House, mars 1866)  »

    Une citation ne fait pas « se retourner les manches » et, « en somme », y’a bien des choses à comprendre avant de s’en retourner, tranquille, à la maison.

    Jacques

  19. Avatar de Jacques
    Jacques

    Mon commentaire

    Erratum
    années passées (ées), bien sûr!

    La citation faite est de Victor Hugo « Les travailleurs de la mer »
    1 Ananké (fatalité)
    Déesse de la destinée, de la nécessité inaltérable et de la fatalité.
    Le ministre s’appelle Francis Mer.
    L’expression « retourner à la maison » fait penser à Garo, à la fin de la fable « Le gland et la citrouille »
    Bon labour si vous avez une charrue!

    Jacques

  20. Avatar de Kalmia
    Kalmia

    Aujourd’hui 11 novembre…

    « Les poilus de la grande guerre »…

    Et dans leurs lettres permutées, il y a « Le sang lourd, le regard épuisé »

    Est-ce par hasard, une telle anagramme?

    L’homme de science et l’artiste voient en cette danse harmonieuse des lettres un sens caché du monde.

    Seulement, ils n’en disent pas plus!

    Je viens d’allumer le poste de télévision pour le refermer aussitôt.

    Mon voisin, l’autre jour, me disait qu’il a reçu une longue lettre signée par deux ministres pour lui dire qu’il ne paiera plus, désormais, redevance TV et taxe d’habitation.

    Mais ça fait des lustres que ce voisin, économiquement faible, comme ils disent, ne paie pas ce genre de choses.

    Retranché derrière ses bureaux l’Homo numéricus voit défiler des ombres…

    Comment toucher terre? Telle est la question qu’il devrait se poser…

    Kalmia

  21. Avatar de M
    M

    Bonsoir!

    Juste un mot pour notre guide randonneur. Un mot en 5 lettres pour dire le titre d’un livre de Sylvain Tesson : « BLANC »
    Il commence par une citation de Lord Byron et se termine par celle des Psaumes.
    Je suis sûr que ce mot lui donnera encore plus d’ardeur pour aller plus loin vers ceux qui pensent pour nous («Le Figaro-Magazine» de ce jour, page 40)
    Là-haut sur la montagne, une voix, une présence, des sons et des couleurs.
    Un pur silence qui parle…
    Blanc inconnu sous clé stricte.
    Sésame ouvre-toi !

    M

  22. Avatar de Roxane
    Roxane

    Bonsoir les amis du blogue!

    Comment habiter le monde? Telle était la question de nos « uriagites » réunis en aréopage, il y a quelques semaines, en région Auvergne-Rhône-Alpes

    J’imagine un auditeur libre se relevant de son siège pour déclarer haut et fort : « Eh bien, tout simplement en restant chez soi, palsambleu! »

    Plus de bateau qui coule…Adieu les croisières, pour gens bien endentés et ainsi de suite.

    Retournez à vos moutons et laissez-nous en paix vivre notre colloque, eût répondu sans nulle conteste, le tribun à ce ronchon des pluies d’antan.

    Oui, mais imaginons notre ermite voyageur, archaïque et novateur, brandissant un livre faisant l’apologie de l’exil à domicile.

    Un petit ouvrage plein d’esprit sur le bandeau duquel, on trouve un nom. Un nom qui nous invite à la vraie vie qui n’a rien à voir avec un curriculum vitae.

    Aux saveurs des saisons à deux pas de la thébaïde du maître, j’en vois deux qui rigolent entre la mimolette et bon-chrétien. Point de cahiers ni de revue sur la nappe blanche de l’auberge, ni directeur, ni rédacteur…Juste quelque chose de numineux au mont Thabor de la médiologie.

    Je n’ai rien vu, rien entendu…Et pourtant cette transfiguration relationnelle, ce n’est pas du vent. Elle est là dans le nombre et le lieu. A trois cent soixante-huit kilomètres de la « haute montagne », je viens d’ouvrir « La figure du dehors » où l’exil créateur a voix au chapitre. Kenneth déteste le pathos de l’exil…Il essaie d’être ce « quelqu’un » qui sait que la vallée du Tarim a été autrement plus importante pour la culture mondiale que le Jourdain ou le Rhin…

    « La rivière suit sa vallée » en écrivant sur son cours, par ses lettres permutées, cette petite phrase :

    « La vraie vie est ailleurs » Autrement dit chez soi.

    Bel exil…à domicile.

    Roxane

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Eh bien Roxane nous lisons le même livre, fort réussi et sur lequel j’espère bientôt rédiger un billet pour ce blog. Il traite en effet d’habitation lui aussi, mais l’écologie n’est pas son fort, et l’auteur s’en est expliqué dans « Le Rouge et le vert »… Vieux débat à reprendre, j’ai toujours regretté pour ma part que la médiologie ne se montre pas plus sensible à l’examen des milieux, des biotopes, des mondes propres…, tout ce que discutent Latour, ou Baptiste Morizot, ou déjà bien sûr notre cher Morin.

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À propos de ce blog

  • Ce blog pour y consigner mes impressions de lecteur, de spectateur et de « citoyen concerné ». Souvent ému par des œuvres ou des auteurs qui passent inaperçus, ou que j’aurai plaisir à défendre ; assez souvent aussi indigné par le bruit médiatique entretenu autour d’œuvres médiocres, ou de baudruches que je…

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À propos de l’auteur

  • Daniel Bougnoux, professeur émérite à l’Université Stendhal de Grenoble, est ancien élève de l’ENS et agrégé de philosophie. Il a enseigné la littérature, puis les sciences de la communication, disciplines dans lesquelles il a publié une douzaine d’ouvrages.

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