Un an déjà !

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C’est vers la troisième semaine de janvier 2013 il me semble, à l’invitation de Jean-Claude Raspiengeas, que j’ai ouvert ce « Randonneur » hébergé par La Croix. Un an déjà ! Et 77 articles mis en ligne, 150 commentaires – plus quelques pages plus anciennes ici repêchées, sur des sujets variés anciennement traités…

J’ai pris goût à l’exercice, mes lecteurs aussi puisque, à ma grande surprise, quatre semaines d’absence à Cuba (où internet est inaccessible) n’ont pas réduit à zéro la fréquentation de ces pages : vous étiez une petite cinquantaine à y picorer encore durant ce long passage à vide, contre près de mille consultations au cours des semaines fastes (celles où je réussis à poster trois billets)… Merci à tous ceux qui me suivent, et surtout à ceux qui réagissent par une idée, une humeur : s’il y a eu des « commentaires » consternants, très peu, la plupart de vos réactions sont positives et toujours bienvenues – mais je les valide et les mets tous en ligne, par principe, en me réservant aussi d’y répondre.

Pourquoi tenir un blog ? J’y vois une sorte de journal de bord de mes rencontres « culturelles » (livres, films, colloques, voyages…), occasion de fixer des idées qui me viennent et de les faire partager. Car ces papillons n’ont que trop tendance à s’échapper ; le cas du colloque est typique, j’ai pu grâce au blog faire à chaud la synthèse de mes notes (et penser d’abord à en prendre), et les mettre aussitôt en circulation, entre le cercle des participants, et bien sûr en direction d’un plus large réseau d’amateurs inconnus : sur François Jullien, sur l’édition numérique au CNL ou sur les rencontres des Treilles, je sais par les retours et les taux de fréquentation que cette diffusion fut appréciée, et utile.

En fait, cette écriture au jour le jour me sert surtout, à moi, à mieux aimer ce qui me frappe, à expliciter l’émotion ressentie. Soit l’exemple d’hier, tout frais, du Loup de Wall Street ; Françoise ne l’avait guère aimé et je ne pensais pas en parler ici, mais une première phrase a entraîné les suivantes, les idées sont venues en tapant, et j’ai compris Scorsese en me l’expliquant : que cet italien moraliste et peut-être catholique avait fait un film satanique du plus grand intérêt, et très nécessaire à montrer, quelles que soient les réserves des spectateurs pudibonds ou des ligues de vertu.

Je m’aperçois que la provocation des films me fait plus écrire ici que les livres, ou que les faits de société. Après tout, j’aurais pu commenter la conférence de presse de François Hollande, qui fut un événement, ou ajouter ma voix au débat, après tant d’autres mais cela tombe aussi dans ma spécialité professionnelle de prof de communication, sur la mouvante frontière du public et du privé – sur laquelle peut-être je reviendrai. Pourquoi ce privilège du cinéma ? Parce que les films, à leur sortie, demandent à être défendus plutôt que les livres ?  Ou que la controverse y est plus facile à mener, étant donné les étourderies de la critique, assez souvent consternante ? Ma première analyse de film sur ce blog fut, je crois, pour la ressortie en salles de La Porte du Paradis de l’immense Cimino ; film à voir absolument en version longue, et elle vient d’ailleurs de sortir en DVD, la FNAC à Grenoble en a rempli un tourniquet entier, avis aux amateurs, aux chercheurs. Or c’est un film que la critique avait inexplicablement (ou trop explicablement) assassiné à sa sortie en 1980, quel scandale ! D’autres méritent de même d’être analysés un peu au-delà de ce qu’en disent les journaux, récemment La Vénus à la fourrure, Suzanne, ou justement ce Loup de Wall Street… Aidons-nous réciproquement, chers lecteurs, à surveiller les sorties et à sauver ici et là quelques œuvres tristement malmenées.

Toute création est fragile à sa naissance, publier n’a rien d’évident, tellement le bruit menace de recouvrir les propositions sincères ; dans ce domaine aussi, dans ce domaine surtout le teasing publicitaire de la mauvaise monnaie chasse la bonne – et il y a tant de faux-monnayeurs ! Pourquoi la critique ? Parce que le goût s’affirme en croisant les regards, les arguments ; aller au cinéma à plusieurs, ou banqueter autour d’un bon livre font d’agréables moments de socialité, de civilité. A l’opposé du mutisme ou de la cécité volontaires, du « J’te raconte pas ! » ado, ou du « Circulez y’a rien à voir » de la doxa, tristes fins de non-recevoir.

En bref, ami(e)s lecteurs, assistez, racontez, animez ce blog par vos commentaires, vos avis ou vos suggestions, la parole solitaire s’étiole, la curiosité s’enrichit par la conversation. Avec tous mes vœux pour de multiples échanges en cette nouvelle année !

 

photo

Et, en carte de voeux, cette vue du perchoir corse où le randonneur se pose,

et n’a plus qu’à regarder…

2 réponses à “Un an déjà !”

  1. Avatar de BLACK
    BLACK

    Cher Daniel,
    depuis que j’ai repéré votre Blog, je viens régulièrement y pêcher des des infos et des analyses, toujours intéressantes même si je ne partage pas toujours leur enthousiasme (c’est le cas pour « le loup de wall street ». Je ne sais si c’est par adhésion à la ligue de vertu anti libérale, mais contrairement à ce qui était annoncé sur le regard critique de Scorcese, j’y ai vu, moi, peut-être à son insu, une fascination pour tous ces débordements. Fascination que j’ai partagée pendant le film, mais dont je regrette que la seule distance critique puisse trouver son fondement dans l’excès même de ces débordements. Au lieu de montrer les arnaqueurs avec complaisance, il aurait pu aussi laisser voir les dégâts que leur appétit sans limite provoque chez ceux qui ne seraient plus iniquement des gogos, mais aussi des victimes. A cet égard, les dernières images du film où l’on voit le flic du FBI rentrer chez lui en métro au milieu de gens ordinaires, par contraste, donne vraiment envie de s’éclater avec les financiers).
    Je reviens à votre Blog. J’apprécie vos critiques parce qu’elles sortent de l’ordinaire de la promotion automatique ou parisienne qu’on trouve dans la plupart des revues grand public inféodées à la nécessité de vendre ou de suivre la mode pour survivre. J’aime aussi la subtilité de vos analyses, toujours l’occasion de réflexions enrichissantes. Merci donc de toutes ces fenêtres sur la vie culturelle qui donnent envie de se faire sa propre opinion et de trouver des arguments pour l’étayer.

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Et moi j’apprécie vos commentaires ! Celui-ci pose un problème de fond sur lequel vous me donnez envie de rédiger le prochain billet : la dimension « fascinée » de Scorsese réalisant ce film n’est pas niable, et c’est un bon moteur je crois de sa création. La question devient : est-ce que ça nuit à la « critique » que chacun peut faire spontanément des excès (mot faible !) des traders ? Ou plus précisément : la bonne critique morale doit-elle être explicite, ou demeurer implicite ? Qui va le plus loin, le moraliste qui condamne, ou celui qui se contente (avec ou sans complaisance) de montrer ? Il me semble qu’en montrant dans le dernier plan les gens ordinaires du métro, au côté desquels s’assied le flic intègre, le film en dit assez – et remet tout ce qui précède à l’échelle du monde tel qu’il est : la vie des gens d’en bas continue, avec ses difficultés (qu’explique peut-être la folie des gens du haut).
      Faut-il devant l’état du monde clamer son indignation, ou simplement montrer ? Par exemple, on a beaucoup dit que Coluche était vulgaire – non, rétorquaient ses partisans (dont je suis), il montrait la vulgarité ou la connerie ambiantes, il surlignait en s’abstenant de condamner explicitement : montrer suffit, et c’est souvent plus intelligent. Idem avec Laurent Gerra (celui-là vraiment, je l’adore). Cherchons des exemples plus haut placés : lisant « Les Liaisons dangereuses », chef d’oeuvre de perversité et de manipulation cynique, allons-nous attribuer les vices voluptueusement décrits aux personnages, ou à l’auteur ? Laclos ne les couvre pas, il ne leur fait même pas de la réclame, il montre – avec éventuellement une fascination qui ne retire rien à la force de son propos, au contraire ! Bon, j’arrête car je sens que je tiens là l’amorce d’un prochain papier : « Dénoncer, ou montrer ? »…
      A vous bien amicalement.

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À propos de ce blog

  • Ce blog pour y consigner mes impressions de lecteur, de spectateur et de « citoyen concerné ». Souvent ému par des œuvres ou des auteurs qui passent inaperçus, ou que j’aurai plaisir à défendre ; assez souvent aussi indigné par le bruit médiatique entretenu autour d’œuvres médiocres, ou de baudruches que je…

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À propos de l’auteur

  • Daniel Bougnoux, professeur émérite à l’Université Stendhal de Grenoble, est ancien élève de l’ENS et agrégé de philosophie. Il a enseigné la littérature, puis les sciences de la communication, disciplines dans lesquelles il a publié une douzaine d’ouvrages.

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