Dieu, les femmes et Leonard Cohen (2)

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Idéaliser, idolâtrer, diviniser les femmes ? Voir en elles des anges, ou les messagères d’une union plus haute ? L’idée semble d’abord séduisante, voire avantageuse pour les représentantes de l’autre sexe, ainsi placées sur un  piédestal et offertes à l’adoration… La roche tarpéienne est pourtant bien proche de cette élévation, et plus d’une amante enflammée de Leonard (qui l’aura exaltée et choyée en retour) a fait l’expérience, relatée dans Untold Stories, de sa  brutale éviction. Il ne faisait pas bon d’être adorée par Leonard Cohen !

Beaucoup de témoignages, je l’ai dit, montrent des femmes comblées, ou portées par cette relation à un degré d’exaltation qu’elles n’avaient jamais éprouvé, et qu’elles ne retrouveront avec aucun autre homme ; Leonard fut, pour des centaines d’entre elles, un amant prévenant, généreux, doué d’une  rare perspicacité pour sonder les désirs, reconnaître la personne de l’autre, et la satisfaire. Leonard savait s’y prendre avec les femmes, et pour quelques temps lui-même se laissait prendre et déborder par elles : un grand nombre de ses chansons tournent autour de cet abandon, et de la dislocation des cœurs ainsi brisés par la violence de l’étreinte…

L’amour ne fut pas seulement pour lui un jeu, une aventure bornée dans sa course, mais une affaire de vie ou de mort, une passion jamais assouvie dont il ne cesse, au fil de ses textes, d’interroger l’énigme. Mais au vrai, de quel ou quels amours nous parle-t-il ?

Cette passion prit très souvent l’allure d’un défilé de passades. Ses amis remarquent, non sans jalousie, qu’à la fin d’une soirée Leonard « embarquait » invariablement la plus jolie des participantes. À la fin d’un concert de même, backstage, une ribambelle d’admiratrices s’alignaient pour solliciter son attention, et continuer avec lui la soirée. À moins qu’elles n’assiègent directement la réception de son hôtel.  Lui-même s’en amusait, s’en fatiguait, et il n’était pas rare qu’il refile telle ou telle de ses faciles conquêtes aux soins d’un musicien moins convoité, ou de l’ami qui venait lui rendre visite. Sa réputation d’homme à femmes, de « ladies’ man » (comme titre l’album Death of a Ladies’ Man, CBS 1977) ne pouvait qu’augmenter cette offre qui se pressait sur son passage : les femmes aussi tiennent un carnet d’adresses, et le téléphone de Leonard était une prise de choix, quel rêve d’être distinguée, élue par lui !

Dans une soirée, relate Untold Stories, une femme se vante de ses bonnes fortunes avec le chanteur devant un cercle d’amies qu’elle indispose par ses détails, jusqu’à ce que l’une d’elles l’interrompe en demandant « mais enfin, laquelle d’entre nous n’a pas couché avec Leonard Cohen ? ». Tandis que dans ce même deuxième volume, une autre à Montréal se dérobe devant les avances pressantes du chanteur en lui déclarant, non sans humour, qu’elle « préfère figurer sur la short list des femmes qui, dans cette ville, n’ont pas couché avec vous ».

Certains aspects de cette séduction effrénée seraient aujourd’hui mal tolérés, et Leonard aurait des comptes à rendre à Metoo. Comment ferait-il accepter son goût pour les très jeunes filles, auprès desquelles il pouvait jouer pleinement son rôle de mentor ou d’initiateur ? À Hydra, les gamines au pair ou les « nannies » de ses deux enfants partagèrent rapidement son lit ; et lui-même raconte comment la mère de l’une d’entre elles menaça d’appeler la police (sa fille n’avait que quinze ans), avant que le séducteur n’achète son silence en étendant jusqu’à elle son « service ». Le nombre des avortements qui furent la conséquence inévitable de ces passagères unions est impossible à connaître : Cohen fuyait la paternité, et le garçon et la fille, Adam et Lorca, qu’il eut avec Suzanne Elrod paraissent lui avoir été imposés par celle-ci, pour mieux se l’attacher. Marianne Ihlen, l’une des femmes véritablement élues de Cohen et qui aurait tant aimé porter de lui un enfant, reconnaît avoir avorté cinq fois ! Et Gabriela Valenzuela raconte, dans le volume deux, la très douloureuse terminaison de sa si riche et tumultueuse liaison avec Leonard par un avortement qu’elle résolut de lui cacher, effaçant de l’une de ses dernières lettres la mention que «  mon cœur s’était mis à battre à l’unisson de celui de ton enfant »…

La même Gabriela pourtant, native du Costa-Rica et l’une des figures les plus touchantes de ce copieux ouvrage, inspira quelques lignes de la chanson-phare « Halleluya » et, elle-même passionnée par Federico Garcia Lorca, aida Cohen à mettre au point la chanson « Take this Waltz », inspirée pour ne pas dire démarquée d’un texte espagnol de ce poète. Les échanges très intimes qui mêlèrent ainsi entre eux la confection des textes et les étreintes amoureuses constituent l’un des charmes, très prenant, de ce volume ; Leonard y est, au fil des pages, d’abord décrit par Gabriela comme l’amant parfait, et leurs nuits sont remplies d’un « endless love-making »…

Au débit de ces prouesses érotiques toutefois, qui causèrent tant d’avortements, sans doute faut-il ajouter la liste moins glorieuse des mensonges, des fausses promesses  et des cachotteries, ou le jonglage avec les fuseaux horaires quand Cohen fuit Gabriela restée aux Etats-Unis pour rejoindre à Paris Dominique Issermann, dont il lui dissimule l’existence. Les absences, les longs silences téléphoniques suivis de brusques réapparitions, comme si les deux amants s’étaient quittés hier et que rien n’était plus urgent que de courir dans une chambre d’hôtel, en  bref les montagnes russes de leur relation finissent par éprouver cruellement Gabriela, qui la mort dans l’âme se retire… Cohen n’enchaînait pas seulement les successives passions, il les menait de front, vaille que vaille, comme si leur simultanéité entraînait pour lui un surcroît d’énergie, ou d’excitation.

J’ai mentionné Hydra, il faut s’y arrêter un peu. Cohen débarqua dans cette île qui deviendra mythique en avril 1960, et il y composa notamment ses deux romans, The Favourite Game et Beautiful Losers. L’achat de sa maison, ses très nombreux séjours, la colonie d’artistes de tous bords qui y vécurent en même temps que lui, et dont il devint rapidement le centre, tout cela est très documenté dans Untold Stories. Ou montré par quelques photographies, dont la plus célèbre figure sur la pochette du deuxième disque, Songs from a Room (CBS 1969), d’une chambre chaulée de blanc où une ravisante jeune femme blonde, installée devant une machine à écrire, sourit à l’objectif – Marianne Ihlen bien sûr !  Mais on apprend aussi par tous les témoignages recueillis à quel point ce coin de paradis, avec ses tavernes bon marché, ses ânes comme moyen de locomotion dans les étroites ruelles aux murs blancs (l’une d’elle se nomme aujourd’hui Odos Leonard Cohen), ses bains de mer, la circulation de la drogue et l’extase solaire d’habiter un pareil refuge au cœur de la Méditerranée, pouvait tourner à l’enfer. À Hydra, tout le monde connaissait tout le monde, et les commentaires allaient bon train sur les incessants chassés-croisés entre les couples qui changeaient de partenaires, dans une frénésie de « lits musicaux ». Un endroit très dangereux ou toxique pour les ménages fidèles, et particulièrement pour leurs enfants : combien de divorces, de dérives suicidaires, d’addictions, de dépressions ou de névroses enfantines prirent à Hydra leur ravageuse origine ? Untold Stories en dresse une liste impressionnante, et nécessairement incomplète.

Il serait très facile à partir de là d’accabler Leonard Cohen par l’énumération de ses écarts de conduite, et j’imagine assez bien le réquisitoire qu’une féministe pourrait aujourd’hui dresser, à la tête d’un piquet de boycott barrant l’accès à ses concerts. Pour sa défense, il faut remarquer que le style de vie déjà mené à Montréal ou New York et pleinement développé à Hydra, terre promise des expériences ou des inventions de la contre-culture esthète des années soixante, participe d’une génération ou d’une époque où les jeunes gens se proposaient, contre les carcans et la vie médiocre de leurs parents, d’inventer justement de nouvelles voies par l’art, l’amour, le sexe, la religion, le voyage ou la drogue. Au nombre de ces inventeurs, sourciers ou pionniers d’une neuve sensibilité, l’œuvre et la figure de Cohen occupent nécessairement une place de choix ; et dans son cas, les séjours à Hydra se révélèrent particulièrement productifs.

Il convient de même, non moins impérativement je crois, de lier sa quête (désordonnée ou déraisonnable) des femmes à celle de Dieu. De quels amours nous parle Cohen, demandais-je supra ? À l’évidence d’amours brisés, ou impossibles, barrés par une exigence infinie qui ne trouve jamais à se satisfaire. Si l’on peut énumérer quelques-unes de ses relations les plus durables, Marianne Ihlen, Suzanne Elrod (mère de ses deux enfants), Gabriela Valenzuela, Dominique Issermann, Rebecca de Mornay ou Anjani Thomas…, on remarque aussitôt qi’il ne se fixa pour la vie auprès d’aucune : bien éloigné de faire rimer amour avec toujours, Leonard professa que le changement était le meilleur des aphrodisiaques, et il fit du nomadisme, et de la chambre d’hôtel, des maximes de son existence.

Il serait tentant à partir de ces évidences, mais trompeur ou trop facile de voir en lui un don Juan. Le burlador campé par Molière ou da Ponte-Mozart n’a que dédain pour l’intimité ou les sentiments des femmes, il fait d’abord du chiffre, et ne croit pas en Dieu. Cohen s’intéresse à leurs personnes, il chérit les particularités de chacunes, qui diront plus tard à quel point cet amant fut pour elles dévoué, attentif, pénétrant… Il exerça sur elles un effet magnétique, dont beaucoup de témoins s’étonnent dans Untold Stories : Cohen avait un impérieux, un dévorant  besoin des femmes, mais ce sont parfois elles aussi qui le prirent en chasse, l’attraction courait dans les deux sens. Et surtout Cohen, à travers chaque femme, au contact de leur chair frémissante comme au long des patientes, des tâtonnantes conversations qu’ils poursuivaient ensemble, cherchait Dieu. Ou du moins un peu de cet infini que promettent les soupirs, les caresses, les cris…

Or aucune ne résumait à elle seule l’infini ; Dominique pas plus que Suzanne, ou Gabriela, n’était Dieu ! Ni tout-à-fait des anges – lesquels ne peuvent, par conséquent et comme le souligne Lebold, que tomber. D’où cette quête jamais assouvie, ces incessants changements.

(à suivre)

16 réponses à “Dieu, les femmes et Leonard Cohen (2)”

  1. Avatar de Cėcile d’Eaubonne
    Cėcile d’Eaubonne

    Bonjour, Daniel (et aussi au XV autres passants )

    Vraiment ! Et Dieu dans tout «  le Ça » ? Le Ça de la psychanalyse et du Continent noir difficilement investigué pour qui s’y hasarde,

    Je vous lis avec plaisir. Vos rēflexions touchent la part la plus intime de moi- même, celle des envolées romantiques, et autres déceptions. Mais toujours avec la certitude d’en faire du Vivant.

    Un ressenti vis à vis de Léonard Cohen ? Je reste intriguée sur la suite que vous aurez à nous partager intellectuellement.

    Sentiment d’estime pour les femmes qui sont « choisies” ? Je m’insurge contre les dégâts physiques et psychiques que vous laissez entrevoir.

    Une Camille Claudel a offert sa jeunesse, abandonné son talent pour sa passion avec Auguste Rodin. Et c’est peu de dire combien le manque viscéral d’aimer et d’être aimé(e) peut conduire à la folie.

    5 avortements ! Un juste prix … le croyez-vous ?

    Que dire de ces rencontres qui apaisent fugacement, le corps, mais ne comblent pas l’errance du cœur.

    Et Dieu dans cette quête ?

    Un Dieu … qui se laisse entrevoir, mais jamais capturer tel le poème du Cantique des Cantiques. Où L’amour y est sensuel, passant par l’exaltation de la beautē et des relations physiques.

    Un texte évoquant lAmour qui ne se laisse pas enchaîner !

    1000 femmes désirables pour la soif d’un Léonard Cohen. Combien d’esclaves ?

    Bien … Le soleil derrière mes vitres !
    À plus tard

    Cécile d’Eaubonne

  2. Avatar de Assé
    Assé

    On ne peut s’empêcher de penser à Gainsbourg et son constat philosophique « l’amour physique est sans issue  » sur lequel s’achève le torride slow « Je t’aime moi non plus « . En voilà un autre qui cherchait Dieu…

  3. Avatar de Kalmia
    Kalmia

    Bonsoir!

    Ce premier commentaire devrait être le seul, car tout est dit.

    Mme D’Eaubonne a vu juste, elle nous fait là une belle leçon et ce n’est pas un hasard si « ça » nous parle.

    Je dirai pour faire plaisir à plus d’un joueur de lettres et de l’Être que « l’anatomique leçon du soir » est par ses lettres permutées « Le cantique du roi Salomon ».

    A l’école de la vie, on dit que « L’amour est la poésie des sens »…Sait-on que cette jolie phrase renferme par le même jeu lexical « La démesure et la possession »?

    « Inventer le masculin » pour reprendre le titre d’un bel ouvrage d’un ami correspondant, préfacier de deux livres de Gaston Bachelard, ce n’est pas devenir « un homme à femmes » qui se vautre dans la drogue et l’alcool pour, dans la douleur, expérimenter ses limites en issant de ses bas-fonds une petite cantate qui appelle au secours…

    En quête, peut-être, d’un nietzschéisme du féminin, une autre masculinité.

    Un sacré travail nous attend sur la planche de la piscine de Siloé, avant de plonger…dans le vide!

    Voir enfin, ce n’est pas rien!

    Kalmia

  4. Avatar de Cécile d’Eaubonne
    Cécile d’Eaubonne

    Kalmia, Assé
    Merci pour ces commentaires qui me touchent et enrichissent mes réflexions.

    – Sur quoi s’enroule un coup de foudre ?
    – Combien de temps dure une passion ?

    – Comment enrichir une relation au long cours ?

    Etc …

    Par la porte -fenêtre, j’observe un oiseau en haut d’un arbre. Il fait encore un froid d’hiver, mais tout est paisible. Le vent du Nord ne tourmente pas la nature en germination.

    Mon cœur et mes passions ? J’apprécie la tranquillité du moment. Je ferai le déjeuner du midi avec la satisfaction d’accompagner joyeusement ce moment.

    Chez Steven Spielberg, les repas ressemblaient à des piques-niques, à longueur de nourriture ?

    Éduquer – famille / environnement / au bonheur et à la liberté intérieure ?

    Je regarde le minuscule enfant qui vient de naître.
    Et pour quel destin …

    Le monde et les commodités de notre époque semblent plus confortables que les rudesse du début du siècle dernier. Mais l’amour, sexe .., jouissance et fantasmes seront toujours à redécouvrir, à sublimer.

    Mon âme vagabonde …
    Cécile d’Eaubonne

  5. Avatar de Assé
    Assé

    Il s’est aussi tapé sa caissière, qui en a profité pour lui piquer les clés du coffre… pour se venger ? À quelque chose malheur est bon, puisque apparemment c’est ce qui nous a valu sa magnifique dernière tournée.

  6. Avatar de Jacques
    Jacques

    Bonsoir, amis passants du blogue!

    A la claire fontaine m’en allant promener, j’ai trouvé l’eau si belle :

    « Nous ferons alors prévoir le passage d’une poésie des eaux à une métapoétique de l’eau, le passage d’un pluriel à un singulier. Pour une telle métapoétique, l’eau n’est plus seulement un groupe d’images connues dans une contemplation vagabonde, dans une suite de rêveries brisées, instantanées ; elle est un support d’images et bientôt un apport d’images, un principe qui fonde les images. L’eau devient ainsi peu à peu, dans une contemplation qui s’approfondit, un élément de l’imagination matérialisante.  » (L’eau et les rêves)

    …que je m’y suis baigné …Du côté de chez Gaston Bachelard, bien sûr!

    Oui mais, cette fontaine n’est pas la Siloé de Monsieur Roupnel…
    Quel « soigneur » au bord de la piscine saura nous apporter son anagramme, autrement dit « guérison »?

    Un jour, à la maison, un fumeur de Havane ne m’a pas parlé de son livre « Dieu, un itinéraire », ni de l’anagramme de « Je t’aime…moi non plus » que vous évoquez, Mme ou M.Assé dans votre commentaire compendieux et si attrayant. Les lettres permutées de ce torride slow, vous le savez, peut-être, s’enlacent pour écrire « On a simplement joui ». Pur hasard sans doute sans la moindre signifiance…Qui saura?
    Vous parlez de « Dieu », Monsieur Bougnoux, mais comment parvenir à sa connaissance dans le magma de nos balbutiements?

    Au plaisir

    Jacques

  7. Avatar de Guillaume Bardou
    Guillaume Bardou

    #Assé + Cécile

    Une anagramme édifiante et savoureuse trouvée par mon ami Michel qui nous lit en ce blog, de « je t’aime moi non plus » (dont on ne comprend pas le sens dans la chanson, parce qu’il n’y en a aucun à part l’effet de style) :
    « on a simplement joui »

  8. Avatar de Paqui
    Paqui

    Je « tombe » par hasard sur ce blog où je n’étais jamais allée (veuillez m’en excuser) et cet article sur Léonard Cohen…. J’ai peut-être zappé quelque chose…. ou bien je ne comprends pas….
    Quelle est la nécessité d’un article sur un tel personnage (même si on reconnaît son talent musical…), de plus, dans la Croix ?

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Paqui,je ne comprends vraiment pas votre dédain pour Leonard Cohen. Ce « personnage » est un des plus considérables de la chanson au XX° siècle ; à sa mort en octobre 2016, J-C Raspiengeas m’a demandé de faire sa nécro pour La Croix. LC ne fut pas seulement un chanteur, mais un maître spirituel : vous ne semblez pas connaître sa recherche en bouddhisme zen, suivie de séjours en Inde pour s’initier à l’hindouisme :profondément religieux, Cohen a cherché un oecuménisme entre les religions, et à l’heure où celles-ci redeviennent tellement offensives, lui y a vu un chemin de paix entre les hommes, et ses chansons en témoignent… Il y a donc un usage religieux à faire de ce chanteur, pour répondre à votre soupçon. Oui, vous avez, je le crains, « zappé quelque chose »…

  9. Avatar de Paqui
    Paqui

    Je prends note de mon « zapping ». Merci .

  10. Avatar de Alsacien
    Alsacien

    Je ne déteste pas les chansons de Léonard Cohen. Bien sûr elles sont un peu mollassonnes et nombrilistes, mais elles se laissent écouter. Du coup je ne suis pas certain de comprendre où l’auteur veut en venir. Je ne peux pas croire qu’il soit un de ces fossiles machistes qui considèrent que tout est permis aux Grands Hommes, et que peu importe les dégâts collatéraux infligés à des femmes, soit sans intérêt, soit qui l’ont bien cherché.
    Du coup je ne peux que renchérir : ce type était bien un égoïste irresponsable, dont la richesse et la célébrité devaient constituer la base de la séduction. Ses anciennes compagnes ont peut-être gardé quelques bons souvenirs, mais elles ont été virées sans ménagement quand le phénix en avait marre ou trouvait plus jeune à se mettre sous la dent. Sa propension à refiler ses conquêtes à ses amis peu habiles est plus une tendance proxénète qu’une forme de générosité. Et quant à des préoccupations métaphysiques, c’est purement théorique parce que aucune religion ou philosophie sérieuse n’autorise ce genre de comportement. Disons que ce mélange nauséabond des deux rappelle les « sympathiques » frères Philippe, de grands spirituels eux aussi…
    Alors oui, bien sûr le fait d’être un manipulateur déguisé en prêcheur n’empêche pas de produire de belles chansons ; s’il avait été garagiste, il aurait pu réparer très bien les voitures.
    J’ose espérer que j’ai bien compris dans quel esprit a été écrit cet article…

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      « Alsacien », je suis en Guadeloupe pour quatre jours encore, avec peu d’internet. Je ne partage évidemment pas votre charge sans nuances, même si j’ai mentionné moi-même au fil de mes billets pas mal de « dégâts collatéraux » causés par LC. Lisez, je vous prie, le livre sans égal écrit par votre compatriote Christophe Liebold, prof à l’Université de Strasbourg, « Leonard Cohen, l’home qui regardait tomber les anges » – en tous points très nuancé, et admirablement documenté. Il est malheureusement paru chez un petit éditeur, « Le Camion blanc ».

  11. Avatar de Roxane
    Roxane

    Bonsoir !

    Combien de personnes vont lire ce commentaire ? Je ne sais.

    Une, deux ou trois mille, qu’importe ! On aime répondre, c’est tout.

    Je comprends parfaitement la pensée de Monsieur l’Alsacien, et je ne suis pas la seule, sans nulle conteste.

    Et je lis, relis la réponse de notre randonneur quelque part en Guadeloupe.

    Je retiens cet extrait : » Lisez, je vous prie, le livre sans égal écrit par votre compatriote Christophe Liebold, prof à l’Université de Strasbourg, « Leonard Cohen, l’home qui regardait tomber les anges » – » (Fin de citation)

    L’homme L. Cohen ne regardait pas tomber les anges mais il les voyait tomber, d’où le titre :

    « Leonard Cohen : L’homme qui voyait tomber les anges »

    Ouvrons un dictionnaire et lisons ce qui suit :

     » « regarder » comme : porter la vue sur, diriger le regard vers, alors que « voir » implique de percevoir par les yeux, se représenter mentalement, percevoir par l’esprit et saisir par l’intelligence.

    Au contraire, « regarder » est un acte volontaire, actif, qui requiert de l’attention. Vous regardez quelque chose parce que vous voulez la voir.

    « Voir » est un acte involontaire, passif. Il ne demande aucun effort ou concentration, mais fait simplement appel à votre vision, votre capacité à voir quelque chose. Vous voyez quelque chose parce qu’il est devant vos yeux »

    Voyez ce petit passage enchanté du livre :

     » Une chanson est une petite chose qui colore votre solitude, qui sert de bande-son à votre vaisselle et à votre vie amoureuse. Mais sous cette modestie, une chanson peut stimuler votre imagination ou vous donner du courage; elle peut vous apporter un soulagement très profond, une consolation véritable. » (Fin de citation)

    Pas question, ici, de pérorer à qui mieux mieux sur le « tiqqun » avec quelques rares intellectuels qui, à ma pauvre connaissance, ne se sont oncques penchés sur la « rédemption » imaginée par l’auteur de « L’intuition de l’instant » ou sur la libération entrevue au sommet de l’État français dans un projet écrit pour le peuple de France.

    Si la grammaire est une douce chanson, alors, peut-être, saurons-nous écrire sur le tableau renversé, le mot juste pour notre professeur, entre pluie et beau temps, là-bas sur son archipel…

    C’est à voir !

    Roxane

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Qui voyait, qui regardait… Vous avez raison Roxane, j’ai inversé ces verbes, loin de ma bibliothèque et ne pouvant voyager avec le gros livre cité en référence (et grande révérence). Cet ouvrage a le mérite aussi de mêler dès son titre (inattendu) un peu de théologie au personnage de Leonard Cohen, dont il n’est pas exagéré de faire un mystique, même s’il fut débauché… Cette complication, loin de le condamner, fait de lui un sujet d’analyse particulièrement attirant.

  12. Avatar de DrFox
    DrFox

    Léonard Cohen a écrit les chansons les plus bouleversantes que j’aie jamais entendues. De 18 à 57 ans, je l’ai écouté avec ferveur. Je vis une expérience émotionnelle, et parfois spirituelle en l’écoutant. J’ai découvert récemment ses recueils de poèmes mystiques qui me touchent profondement. Et je lis votre chronique avec intérêt car vous pointez intelligemment le travers d’un homme à la fois égoïste et généreux, à la fois épris de transcendance et si charnel, amoureux des femmes sans être fidèle. Un grand dépressif aussi je pense, qui s’est battu toute sa vie pour trouver du sens et pour le partager à travers ses textes. Oui il a eu ses côtés sombres mais quelle lumière aussi!!!

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Merci Docteur Fox d’avoir placé ici le mot juste, « bouleversantes » – c’est ce que je ressens comme vous, et cela devrait clore une discussion oiseuse sur la question de savoir s’il faut ou non écouter encore Leonard Cohen. Oui, quelle lumière il apporte ! Et donc il faut essayer de comprendre ce que disent ses chansons, au lieu d’anathémiser leur créateur.

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À propos de ce blog

  • Ce blog pour y consigner mes impressions de lecteur, de spectateur et de « citoyen concerné ». Souvent ému par des œuvres ou des auteurs qui passent inaperçus, ou que j’aurai plaisir à défendre ; assez souvent aussi indigné par le bruit médiatique entretenu autour d’œuvres médiocres, ou de baudruches que je…

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À propos de l’auteur

  • Daniel Bougnoux, professeur émérite à l’Université Stendhal de Grenoble, est ancien élève de l’ENS et agrégé de philosophie. Il a enseigné la littérature, puis les sciences de la communication, disciplines dans lesquelles il a publié une douzaine d’ouvrages.

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