Manouchian, Aragon et Ferré entrent au Panthéon

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(Je republie aujourd’hui, en l’actualisant légèrement, ce billet paru sur Le Randonneur en juillet  2023).

Accompagné de sa femme Mélinée, Missak Manouchian entrera donc le 21 février prochain au Panthéon ! Cette consécration l’emportera-t-elle dans notre imaginaire sur celle d’avoir fait l’objet d’un des plus beaux poèmes du Roman inachevé d’Aragon, mis en musique sous le titre « L’affiche rouge » par Léo Ferré ?

Cette pièce de trente-cinq vers reçut successivement trois titres : « Groupe Manouchian » pour sa première parution, dans L’Humanité du 5 mars 1955, la veille de l’inauguration d’une rue du même nom dans le vingtième arrondissement de Paris ; « Strophes pour se souvenir » dans Le Roman inachevé (qui paraît le 5 novembre 1956), puis « L’Affiche rouge » pour la (très belle) adaptation musicale qu’en donne Léo Ferré, dans un disque intitulé Les Chansons d’Aragon chantées par Léo Ferré (dont huit sur dix extraites du Roman inachevé), paru chez Barclay en février 1961.

Le premier changement de titre s’explique, sans doute, par la soigneuse composition du Roman inachevé. Cet ouvrage n’est pas un recueil, où l’auteur rassemblerait sa dernière production poétique (le précédent volume, Les Yeux et la mémoire, d’une facture bien inférieure, était paru deux ans auparavant jour pour jour, le 5 novembre 1954) ; Aragon y voit un poème au singulier, comme sera Le Fou d’Elsa (1963), doué d’unité organique et d’une continuité de pensée. Or, contrairement au titre très politique de 1954, l’auteur nous prévient dans son texte de couverture 4 que Le Roman inachevé, sa seule autobiographie, concerne le domaine privé ou une mémoire plus intime.

Mémoire très sélective puisque l’enfance, puis l’après-guerre des années vingt, s’y trouvent longuement et amoureusement évoquées, notamment le surréalisme et la liaison avec Nancy Cunard (à laquelle Aragon consacre des poèmes dont Elsa, dédicataire obligée du Roman inachevé, put se montrer jalouse) ; en revanche, la seconde après-guerre et le naufrage de l’espérance révolutionnaire née de la Résistance sont l’objet de pages sarcastiques, surtitrées « Poésies pour tout oublier ». C’est à côté de celles-ci qu’Aragon introduit, en contrepoint positif, « Strophes pour se souvenir » ; voulait-il corriger par elles la déception sensible exprimée dans les pages précédentes, et plus encore le meurtre de l’utopie révolutionnaire mis en scène dans les vers contrastés et in fine très noirs du grand poème suivant, « La Nuit de Moscou », commencé en 1955 et achevé après le terrible « Rapport attribué au camarade Khrouchtchev » (comme disaient alors par conjuration les communistes français depuis février 1956) ? Face à l’espérance trahie, l’exaltation de l’héroïque Groupe Manouchian ravive en effet les solidarités de la Résistance, et la générosité internationaliste de ces étrangers qui surent donner leur vie pour que vive la France.

Ce poème, pourtant, sera l’objet d’une curieuse exclusion posthume : dans leur édition de l’Œuvre poétique, Lionel Follet et Édouard Ruiz le retranchent du Roman inachevé et le rétrogradent à sa date de publication en lui restituant son titre initial, sans explication. Ces glissements de titre et de place reflètent, autour de ce très célèbre poème, la persistance d’un certain malaise. Si le conseil municipal fut unanime en 1954 pour baptiser, sur proposition du groupe communiste (conduit par Albert Ouzoulias), « Groupe-Manouchian » une rue de Paris, et si L’Humanité donna à la cérémonie d’apposition de la plaque, le 6 mars 1955, un certain retentissement, l’accord n’allait pas de soi, au sein du PCF comme des forces issues de la Résistance, sur la place réservée à la mémoire des fusillés, selon qu’ils étaient étrangers ou français. Une anthologie publiée en 1951 à Moscou recueillait les Lettres des communistes fusillés sans y faire figurer aucun membre du Groupe Manouchian ; et Aragon lui-même, préfaçant ce volume, y vantait « l’héroïsme patriotique et français du PCF dans la Résistance ». Faut-il entendre un regret, voire une culpabilité tardive à l’endroit de ces fusillés eux-mêmes communistes mais étrangers, murmuré dans le vers « Onze ans déjà que cela passe vite onze ans » ? Ces querelles rebondirent et s’exaspérèrent avec la sortie, en 1985, du film d’Alain Mosco, Des « terroristes » à la retraite, diffusé sur Antenne 2 le 2 juillet, et dans lequel Mélinée Manouchian revenait sur les circonstances de la chute du groupe, en impliquant dans celle-ci le Parti communiste. Aragon avait certainement connaissance de ces allégations puisque c’est Mélinée elle-même qui lui avait communiqué, en décembre 1954, le texte intégral de la dernière lettre de son mari, et qu’on y lit une phrase, supprimée des éditions de cette lettre qui circulèrent à partir de 1945, concernant le traître responsable de leur capture.

Quelles que soient ces péripéties, il est clair qu’Aragon entend par ce poème clore la polémique au nom du devoir de mémoire. Pour mieux exalter celle-ci, la cadence des alexandrins tend à l’hymne, et le poème au tombeau. « Fais de cela un monument », enjoignait « Frédéric » (Jacques Duclos) à Aragon en lui transmettant à Nice, en janvier 1942, les récits des otages de Châteaubriant dont il tira aussitôt « Le témoin des martyrs », diffusé clandestinement. Quelques mois plus tard, préfaçant Les Yeux d’Elsa (1942), il s’empara de la formule de Virgile, « Arma virumque cano » ; la déploration poétique fixe quelques hauts faits pour célébrer les héros. Au seuil de Hourra l’Oural (1934) déjà, Aragon avait pareillement énuméré les noms des ouvriers tombés lors des émeutes de février ; et au dernier volume des Communistes (1951), il consignait avec piété ceux des mineurs, notamment étrangers, tués en affrontant autour de Lille l’envahisseur allemand. Quelques pages de ce gros roman plein de désastres et de fureurs dressent aux morts une chapelle ardente. De même, ces « Strophes » une fois encore élèvent un monument, sans cependant nommer les compagnons de Manouchian, sinon par ellipse, « Parce qu’à prononcer vos noms sont difficiles » ; une dizaine d’entre eux figuraient sur la célèbre « affiche rouge », diffusée par l’occupant à des milliers d’exemplaires après leur arrestation : Grzywacz, Elek, Wajsbrot, Wichitz, Fingerweig, Boczov, Fontanot, Alfonso, Rayman, Manouchian.

Il est émouvant de lire, sur les brouillons manuscrits conservés au Fonds CNRS, les tâtonnements d’Aragon tentant de résoudre le problème du poème, en y incorporant maladroitement l’origine des « vingt et trois étrangers » : « Roumanie Arménie et vous Pologne Espagne / Ils étaient vingt et trois lorsque pour dernier chant (…) », avant de décider à force de ratures de les fondre en un seul groupe, « Vingt et trois » répété, emporté dans l’incantation de la dernière strophe, microcosme ou creuset de la ferveur internationaliste rabattue sur « la France », abattue en criant son nom. Poème exemplaire d’une confrontation du chant épique avec le travail de l’historien : Aragon unifie, simplifie, et il va surtout à l’intime sous le drame public et politique, sachant que la mémoire populaire retiendra sélectivement le nom d’un homme, et entendra un drame universel dans son triple amour : de Mélinée, de la nature ou de la vie, de l’humanité par-delà les combats qui la déchirent…

Or, l’intime s’atteint ou se touche particulièrement par le vibrato de la voix. Deux voix s’entendent successivement au fil des strophes, du narrateur-poète qui s’adresse aux vingt et trois, puis celle de « l’un de vous » qui se détache pour dire calmement ses derniers mots à « Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses ». Cette double adresse, du poète aux fusillés et de Missak Manouchian à Mélinée, introduit un irrésistible sentiment de fraternité. Elle relie fortement les deux hommes : Aragon comme Manouchian sont en effet tous deux résistants et poètes, et tous deux ont exprimé dans leurs paroles un humanisme né de l’internationale des résistants, décidé à sauver l’Allemagne contre elle-même ; tous deux surtout ont résumé leur désir impérieux d’un avenir qui chante dans l’amour proclamé pour leur femme. En transcrivant à voix nue les mots si simples de la lettre de Manouchian dans ses propres alexandrins, Aragon a certainement touché au sommet de son chant, et de la poésie universelle, capable face aux fusils d’exprimer avec sobriété et grandeur des sentiments imprescriptibles : absence de haine, amour de la vie, amour de Mélinée, confiance dans l’avenir résumé par « La justice viendra », ou la naissance d’un enfant. On vérifie la virtuosité poétique d’Aragon en comparant ses vers à la lettre de Manouchian : « Au moment de mourir je proclame que je n’ai aucune haine contre le peuple allemand et contre qui que ce soit, chacun aura ce qu’il mérite comme châtiment et comme récompense. (…) Bonheur à tous ! J’ai un regret profond de ne t’avoir pas rendue heureuse. J’aurais bien voulu avoir un enfant de toi comme tu le voulais toujours. Je te prie donc de te marier après la guerre, sans faute, et d’avoir un enfant (…). Aujourd’hui il y a du soleil. C’est en regardant le soleil et la belle nature que j’ai tant aimée que je dirai adieu à la vie et à vous tous, ma bien chère femme (…) ».

Nous savions Aragon passé maître dans l’art du collage, de la traduction et de la translittération ; dans Le Roman inachevé déjà, l’adaptation du « Quadrille des homards » tiré d’Alice au pays des merveilles, dont le thème nimbe l’amour de Nancy Cunard, propose une page étourdissante ; l’adaptation de la lettre de Manouchian, autrement dramatique et poignante, constitue une réussite absolue.

Léo Ferré n’a pas peu fait pour la diffusion de cette lettre, et de ce poème, en le retitrant, en composant pour lui une musique dépouillée aux cadences graves, aux accords monotones de sol mineur qui, tels l’orgue indiqué au deuxième vers, créent un effet puissant d’hymne ou de litanie religieuse. « Funèbre », porte en en-tête la partition (au copyright daté de Monaco, 1959). Les deux voix successives du poème sont enchâssées dans un chœur aux intonations d’abord voilées, sur lesquelles se détache la déclamation généreuse, impérieuse de Ferré, relayée à la chute finale par le bouquet explosif du chœur. Cette interprétation géniale, qu’on ne peut écouter sans frémir, a fait voyager « L’Affiche rouge » et les autres poèmes de ce disque fort au-delà du livre ; mais le mariage providentiel du texte et de la musique survit dans d’autres interprétations, également irrésistibles : je me souviens de Claire Gibault conduisant, à l’auditorium de l’Opéra de Lyon, une version orchestrale ; les jeunes gens du chœur, répartis dans l’assistance, se levaient un à un pour chanter une strophe, et la dernière était déclamée par tous à l’unisson ; à Lyon toujours, ou Villeurbanne au théâtre Gérard Philipe, au cours d’une soirée de textes et de causerie poétique, Françoise Maimonne (d’origine arménienne) a murmuré ce poème au micro, retirée en fond de scène dans un crépuscule bleuté, éclairé par une grande photo de Manouchian projetée sur le cyclo. Dans les tournées qu’il m’est arrivé de faire, enfin, avec mes amis de La Manivelle, quand Jean-Marie commence à plaquer les accords et que Liselotte entame son texte, la gaîté qui préside aux chansons précédentes, « Le Roi pluie » ou « Les amants de la place Dauphine » soudain reflue, l’écoute se fige, le poil se hérisse, on est pris à la gorge et on sent monter, oui, « les larmes ».

Annette Wieviorka vient de publier, dans la collection « Libelle » du Seuil et sous le titre Anatomie de l’Affiche rouge, un opuscule quelque peu polémique où elle regrette que les vingt-et-un autres résistants fusillés en même temps que Manouchian (Olga Bancic sera guillotinée quelques mois plus tard) soient éclipsés par cette commémoration ; et aussi que le couple ainsi panthéonisé cède un peu trop à une imagerie sentimentale du type « Nous deux », et transforme l’Histoire en légende. Mais la mise en légende, en poème, en chanson, en « monument » », ne constitue-t-elle pas le passage obligé pour qu’une tragédie, et une grande cause nationale, s’impriment dans notre mémoire et se trouvent reprises au fil des générations ? Aragon eut ce génie, qui n’est pas si fréquent dans notre culture, et sa propre mémoire malheureusement n’en recueille pas parmi nous la reconnaissance que son nom mérite.

La chanson, vitamine des vivants et des morts ?      

Et qu’est-ce qu’un grand poème ? Celui dont nous nous redisons les vers devant l’inexplicable « beauté des choses » : les jeux du givre, ou n’importe quelle colline éclairée par « un grand soleil d’hiver »… Grâce aux mots d’Aragon, et à la voix majeure de Léo Ferré, le groupe Manouchian est entré en 1961 dans la mémoire populaire, et par la force de cet hymne a su toucher le cœur de tant de Français…

Ce poème, ce disque n’ont-ils pas constitué, avec plus de soixante ans d’avance, le vrai Panthéon ?

23 réponses à “Manouchian, Aragon et Ferré entrent au Panthéon”

  1. Avatar de O.F.
    O.F.

    Je n’ai pas lu tout votre article, M. Bougnoux, trop long, trop universitaire. J’en ai lu les premières phrases, juste assez pour me rassurer.

    Le titre est (volontairement et en clin d’œil) trompeur ! J’ai cru quelques minutes qu’on voulait transférer les cendres de Ferré au Panthéon ! Même s’il le mériterait sûrement autant que d’autres « locataires », quel affront aurait-ce été à sa mémoire ! L’anarchiste chanteur au superbe vers « La poésie, ça pue des pieds ! »

  2. Avatar de M
    M

    Bonsoir !

    Peut-on dans un commentaire faire « Bref » ?

    Dire l’essentiel sans balbutiement, en allant au fond des choses.

    Être compendieux.

    L’autre jour, en allant sous les halles faire mes courses, un homme à l’entrée, s’approche vers moi pour me tendre un dépliant ou un prospectus. Merci Monsieur, et je mets la chose dans ma poche machinalement sans même la regarder.

    Mes pénates regagnés, je sors de ma poche le dépliant et par curiosité regarde ce que c’est.

    Je vois un poème à côté d’un appel au rassemblement à la préfecture du département pour « lutter contre l’extrême-droite ». Ce poème, c’est L’affiche rouge d’Aragon. Tout de suite, j’ai pensé à M. Daniel Bougnoux.

    Aux résistants, bien sûr, et Jean Cavaillès fait partie de cette armée des ombres.

    Comment ces esprits libres, quelque part dans leur univers, regardent-ils, aujourd’hui, ces gens qui ne peuvent pas sentir une chaîne de télévision privée qui ose dire ce que personne ne dit et qui, au fin fond du pays, a une résonance, une écoute, chez les plus faibles qui ne sont pas les plus bêtes ?

    Il y a des « courts-circuits » dans l’air du temps…Une résistance, un envol aussi, peut-être, dans le maquis de la culture.

    Et nul ne voit la couleur de cet appel qui ne s’affiche pas !

    Bonne nuit

    M

  3. Avatar de Spartacus
    Spartacus

    Mon commentaire
    Dans un billet passé Aurore m’invite à faire un tour du côté de ceux qui souffrent des difficultés de l’existence.
    Et on doit à Manouchian que des difficultés mortelles ne soient plus.
    Et à tous les résistants sont dues une reconnaissance absolue et une admiration.sincère.
    La sincérité oblige tout de même à refuser cette récupération quasi patriotarde.
    Manouchian ne s’est jamais défini en tant que Français et défenseur de la patrie.Humaniste,internationaliste,communiste .Rien d’autre
    Seul un écrit fait référence à la France ,mais juste pour une utilité de sauvegarde pour Mélinée.
    Enfin les mots « morts pour la France »censés avoir été écrit sur l’affiche ne sont pas vraiment vérifiés historiquement.
    Le patriotisme assez lourd d’Aragon ,peut être exigé par le parti ,est en contradiction avec le sens du combat de Manouchian.
    Une habitude chez Aragon.On se souvient que Brassens refusa de chanter la dernière strophe d’ « il n’y a pas d’amour heureux »justement parce que Aragon y mentionnait « l’amour de la patrie »
    Aurore j’y suis du côté des souffrants,depuis mes 15 ans ,je me revois mangeant ma soupe avec sous mes yeux dans la vitrine de la bibliothèque de mes parents,deux reproductions :
    Le « j’accuse » de Zola et l’ « affiche rouge ».

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Spartacus, Je trouve fâcheux que vous blâmiez le « patriotisme » d’Aragon dans ces années quarante, l’amour de la France avait alors un sens bien précis, et Aragon en fit en effet une légende en trouvant des rimes et des rythmes qui pouvaient raviver cette mémoire, ou cet amour… Je ne vois aucune contradiction avec Manouchian, et je ne comprends pas qu’on minimise ou qu’on repousse cette orientation alors tellement nécessaire… Le poème « Il n’y a pas d’amour heureux » date de 1943, et Brassens a eu tort à mon avis de l’amputer de son dernier vers, au mépris de ses « circonstances » !

  4. Avatar de Aurore
    Aurore

    Bonsoir !

    Un sacré débat entre vous, Monsieur Spartacus, Monsieur Bougnoux !

    J’en connais plus d’un dans mon pauvre milieu qui n’a jamais vu un livre de Zola ou d’Aragon en mangeant sa soupe, quand il avait quinze ans. Dans les chaumières de France et de Navarre, il n’y avait, il n’y a ni salon, ni bibliothèque.

    Alors, ces gens sans livres sont-ils devenus pour autant des mécréants, incapables de comprendre la misère des autres, riches ou pauvres, indifférents au malheur de notre monde, juste des veaux qui regardent la télé ?

    De grâce, mes bons amis, ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain !

    Qu’est devenue aujourd’hui la devise « Le travail, la famille, la patrie » ?

    Je ne vois qu’une réponse, celle de l’anagramme de ce syntagme entre guillemets.

    Je vous laisse dans la nuit trouver les mots et la musique qui chantent et font la vie.

    Aurore

  5. Avatar de Kalmia
    Kalmia

    Bel hommage touchant rendu, ce soir, par Monsieur le Président de la république française.

    Est-ce vivre, rêver, survivre, aujourd’hui comme hier, avec « La villa, le mari parfait, la télé » ?

    Réponds, toi l’étranger !

    Kalmia

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Ayant assisté hier à la belle cérémonie du Panthéon, sur laquelle je reviendrai sur ce blog, je poste ce soir le lien vers le commentaire d’Hervé Chaygneaud-Dupuy, avec le quel je me trouve entièrement d’accord :
      Dans la nuit, « L’affiche rouge »… – persopolitique.fr

  6. Avatar de Roxane
    Roxane

    Bonjour !

    C’est bien là où l’on reconnaît les qualités d’un professeur, fût-il émérite.

    En nous proposant de lire M.Hervé Chaygneaud-Dupuy, M.Daniel Bougnoux nous invite, bien sûr, à la réflexion mais aussi à la contradiction sereine et joyeuse, celle qui veut réunir pour avancer dans une même direction.

    Le professeur se fait éclaireur( Aufklärer ). Qu’il soit remercié pour oser réveiller nos neurones parfois ensuqués dans les habitudes et de nous inviter en toute discrétion à faire un effort de conscience pour essayer de comprendre, autant dire mieux aimer !

    Vous êtes le bienvenu pour échanger, m’écrit, ce matin, la référence du randonneur, un intellectuel de par son métier qui s’est toujours intéressé à l’expression de chacun et a animé bien des rencontres qui ont tenté de faire droit à cette parole de la France silencieuse, me précise cette fine intelligence avec laquelle, c’est un bon heur de réenchanter une discussion sans croiser le fer avec ou sans témoins à la lisière du bois d’à côté.

    Je tiens pour commencer à citer notre provincial par ces quelques passages qu’il ne messied pas de redécouvrir :

    «  » »L’inverse de réarmer, c’est vivifier. Sans RE devant, comme dans revitaliser ou régénérer. Oublions donc le réarmement ; passons au vivifiement. J’ai vérifié le mot existe, il a simplement été oublié, négligé. »

    « Nous avons besoin de démultiplier les lieux/occasions d’entrer en conversation. »

    « Le vivifiement, à l’inverse, s’appuie sur l’existant, conduit à un foisonnement d’initiatives locales/globales, repose sur des alliances multiformes entre acteurs sociaux et économiques. C’est l’œuvre de toute une société placée sous le signe du d’Hermès le dieu messager. »

    « Netanyahou nous rend complice des morts par milliers qui ensanglantent la terre déshéritée de Gaza. Les morts, nous en avons tenu le compte, en Ukraine puis à Gaza … et nous avons cessé de compter.Tout disait hier soir combien nos identités sont composites, qu’il n’y a pas à choisir entre être étranger et être Français. On peut être Arménien, juif, ouvrier, poète, communiste, résistant et Français (d’espérance, comme disait Manouchian). Ceux qui cherchent les identités dans des appartenances uniques trouvaient hier un formidable démenti, une vivante démonstration de leur racornissement mortifère. La vie était absolument, évidemment, magnifiquement du côté du métissage identitaire. »

    « Tout doit se focaliser désormais sur l’école conçue comme le moyen de discipliner un peuple rétif à l’ordre. C’est l’exact opposé de ce qui me semble nécessaire : nous avons assurément besoin de l’école mais d’une école ouverte, créative qui aide chaque enfant à comprendre combien son avenir est étroitement lié à la vitalité du monde qui l’entoure. Non à l’école-caserne qu’on nous propose, oui à une école du vivifiement ! »

    « Baptiste Morizot dans Inexploré rappelle que les fourmis et les pucerons peuvent devenir alliés face à un danger qui les menace ensemble alors que les fourmis mangent habituellement les pucerons. Nous ne prenons pas le chemin de cette cohabitation sous menace extérieure. Pas encore … mais je continue à espérer le sursaut mondial auquel nous appelle, bien seul, le secrétaire général des Nations Unies, Antonio Gutteres »

    On est bien évidemment d’accord avec le contenu de ces propos. Cependant, la nuance est de mise…Et la nuance, c’est quelque chose ! Alors, une loupe s’impose, pas une « simple loupe » dont l’anagramme fait « le populisme », mais celle de l’homme de « La poétique de l’espace » qui fait du détail un attribut de la grandeur.

    Dans Le Chant des partisans, les paysans sont là avec les ouvriers. On ne les voit pas dans ce florilège de citations.

    Dans les villages français, il y avait du marché noir, certes, mais aussi des gens simples, des paysans qui ont su protéger des réfugiés juifs.

    Dans le bel et touchant hommage rendu, hier, on nous le dit et redit que la Résistance avait un cœur qui battait à gauche. Pourtant, de nombreux partisans de l’extrême droite nationaliste ont tourné le dos à Vichy pour rejoindre les forces de la France libre aux côtés de leurs adversaires politiques d’avant-guerre…

    Rappel qui s’impose dans ce petit résumé :

    « Comme beaucoup de Français, une grande partie de l’extrême droite s’est ralliée au régime de Vichy. Mais les patriotes qui ont rejoint Pétain font pression sur lui pour qu’il manifeste son autonomie à l’égard de l’Allemagne. Ainsi, le commandant Georges Loustaunau-Lacau et Marie-Madeleine Fourcade, future dirigeante du réseau de résistance Alliance, restent à Vichy tout en conspirant contre l’occupant.
 D’autres rejoignent l’Angleterre et s’engagent auprès du général de Gaulle qui a lancé son appel à la résistance le 18 juin 1940. C’est le cas du monarchiste Gilbert Renault, un patriote nourri de l’Action française de Maurras, qui intègre, comme beaucoup de ses congénères, les services secrets gaullistes – résistants juifs, militants de gauche et nationalistes de droite tous réunis sous la bannière de la France libre.

    En zone occupée, une organisation clandestine voit le jour sous l’impulsion d’hommes issus de diverses mouvances d’extrême droite : l’OCM (Organisation civile et militaire). Ses membres organisent filières d’évasion, caches d’armes et actions paramilitaires. L’extrême droite, présente en force dans les premières heures de la Résistance, joue aussi un rôle à Alger, où un groupe de résistants d’extrême droite aide les Anglo-Américains à débarquer en 1942 avec le concours de résistants juifs pieds-noirs. De nombreux nationalistes de droite figurent également au sein du plus gros mouvement de résistance, Combat, dans lequel les monarchistes Pierre de Bénouville et Jacques Renouvin assument d’importantes fonctions. »

    Vous avez dit réarmer ?

    Malgré l’arrivée au pouvoir des nazis en 1933, la gauche française choisit de continuer à croire que la réconciliation reste possible : « Il n’y a pas un article sur le réarmement allemand en 33, 34 et 35 dans Le Populaire (le journal de Léon Blum), parce que l’obsession de la gauche est une obsession pacifiste (…). On dénonce le nazisme dans sa nocivité, on ne veut pas dénoncer le danger que représente pour la France une Allemagne qui réarme », explique l’historien Simon Epstein.

    Oui réarmer est un verbe qui a du sens quand dans la république des âmes mortes, l’important c’est d’essayer de sauver avec les moyens du bord, « l’âme désarmée » pour paraphraser, si je puis dire, le titre du bel essai d’Allan Bloom sur le déclin de la culture générale, au cœur des démocraties, autrement dit à l’université.

    Par quel miracle hermésien, Michel Serres aidant, pourrait-on voir réunis pour la bonne cause et tous unis vers Cythère, si tant que cette île soit possible, fourmis et pucerons ?

    Telle est la question, messire.

    Est-ce par hasard, si sur une chaîne de télévision privée, les gens du peuple aiment voir écouter, chaque vendredi, un ancien ministre qui leur parle, à sa manière bleue, de quelque chose qui leur ressemble, qu’ils ressentent au tréfonds de leur être, au delà des prêches des sentiers battus ?

    Trop facile de conseiller les gens de la terre, à partir d’un bureau, sans oncques avoir mis la main à la pâte et d’aller manifester au diable vauvert pour sauver la planète, avec un gros 4×4, palsambleu !

    On se souvient de la réplique du puisatier de M.Pagnol : »Il faut se méfier des gens qui vendent des outils et qui ne s’en servent pas ».

    « Le travail, la famille, la patrie » avez-vous dit ! Pourquoi faut-il, gentes dames qui écrivez en cet espace, que ce syntagme par ses lettres transposées découvre « La villa, le mari parfait, la télé » ?

    Est-ce par hasard ou cela a-t-il un sens ? La question est posée aux gens de lettres.

    Revivifier, enfin !

    Oui-da ! Mais avec quelle potion exactement ? Pas sûr de trouver la solution avec des écrivaines, auteures, cheffes et tutti quanti ! Insuffler la vie avec des mots justes et des bons gestes…Cela doit pouvoir
    s’apprendre !

    Peut-être à l’école permanente, dans une société faite pour elle et non le contraire.

    « En admettant même qu’une tête bien faite échappe au narcissisme intellectuel si fréquent dans la culture littéraire, dans l’adhésion passionnée aux jugements du goût, on peut sûrement dire qu’une tête bien faite est malheureusement une tête fermée. C’est un produit d’école.

    En fait, les crises de croissance de la pensée impliquent une refonte totale du système du savoir. La tête bien faite doit alors être refaite. Elle change d’espèce. Elle s’oppose à l’espèce précédente par une fonction décisive. » (La formation de l’esprit scientifique, Gaston Bachelard)

    C’est peut-être de cette façon que revivront les hommes.

    Roxane

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Pour ce commentaire plus long que mon billet, chère Roxane, vous avez laissé courir votre plume, ou vos doigts sur le clavier, avec quelle énergie ! Vos appels, et rappels, sont en effet fort utiles, pour aider à l’union des fourmis et des pucerons… Et vos anagrammes, qui n’appellent aucune explication, me sidèrent toujours !

  7. Avatar de JFR
    JFR

    Mon commentaire
    Désaccord complet avec Spartacus ! Ce commentaire est une véritable insulte pour Manouchian et tous les résistants étrangers, juifs et non-juifs, fusillés pendant l’occupation ! « Humaniste, internationaliste, communiste, rien d’autre », est-il écrit. « Seul un écrit fait référence à la France, mais juste pour une utilité de sauvegarde pour Mélinée… ». Manouchian n’était donc qu’un simple réfugié économique, aux ordres de Moscou ! On les appelait les « indésirables » tous ces métèques et ces juifs étrangers venus profiter de la France pendant les années de l’Occupation. La police de Bousquet n’a cessé de les traquer, de les arrêter, de les livrer, avec leurs femmes et leurs enfants, aux allemands, pour qu’ils soient fusillés ou qu’ils partent dans les camps de la mort.
    L’entrée au Panthéon de Mélinée et Missak Manouchian n’est qu’une « simple récupération patriotarde », pour Spartacus, le mot « patrie » lui arrachant sans doute la bouche. Les « Français de préférence », tous ceux dont « les noms à prononcer sont difficiles », lui en sauront gré, tous ces « morts pour la France » qui n’ont plus que leur nom gravé sur nos stèles et sur les murs de nos villes. Dans la lettre sublime qu’il adresse à sa femme Mélinée et qu’Aragon a reprise dans son magnifique poème, Manouchian exalte la vie, l’amour, l’enfant à naître avec un autre. Il s’élève au-dessus des nationalismes et va jusqu’à pardonner, « sans haine en lui pour le peuple allemand ». Manouchian, arménien, est resté chrétien, il n’est pas juif, comme celui dont toute la famille a été assassinée à Auschwitz et qui, lui, ne peut pardonner. Il meurt sur le poteau d’exécution comme un Christ crucifié. « Pardonnez-leur… ».
    Certains crimes, cependant, sont imprescriptibles… Sa voix s’élève, oui, « internationaliste », comme l’écrit Spartacus, mais dans un sens bien différent, celui des valeurs universelles portées par les philosophes des Lumières et par la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen énoncée par la France en 1789. Manouchian y croyait en ces valeurs universelles quand les fusils fleurirent et quand tous ces immigrés criaient la France en s’abattant. Oui, il était bien temps qu’avec cette panthéonisation de deux immigrés membres de la Résistance, la France reconnaisse à tous ces étrangers, à tous ces « indésirables » qui ont combattu le nazisme, ce qu’elle leur doit. Ce sont eux qui portaient les valeurs universelles promues par la France de la Déclaration des Droits de l’Homme, ce sont eux qui étaient l’honneur de la France quand tant de Français applaudissaient Pétain et Laval, quand tant d’eux dénonçaient ou traquaient les juifs. Quelle grandeur cette Lettre à Mélinée, quelle ferveur ce poème d’Aragon ! A faire lire d’urgence aux écoliers Français, avec la Lettre de Jean-Pierre Timbaud, pour que le mot « patrie », portée par tous ces étrangers de la MOI puisse leur être transmis. Merci à Missak Manouchian d’avoir porté ces valeurs universelles qui sont celles de la France.

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Ta réponse à Spartacus, cher JF, me dispense d’en ajouter beaucoup en réfutation de son lamentable « commentaire » : quelle simplification, chez lui et quelques autres, de toujours lire avec leurs lunettes d’aujourd’hui des mots comme patrie, internationalisme ou communisme ! Ils n’avaient pas le même sens en ces années de plomb, et Aragon nous a pourtant prévenus, on ne comprendra rien à ses écrits si l’on omet de les dater. D’en rappeler les (parfois terribles) circonstances. Mais nos « toreros de salon » préfèrent s’en saisir comme de chiffons rouges….

  8. Avatar de Spartacus
    Spartacus

    Mon commentaire
    L’insulte est la recuperation par Macron qui essaie de réhabiliter Petain de Manouchian et de ses camarades.
    Décevant tout de même cet aveuglement .
    Comprendre ma position sur l’internationalisme de Manouchian comme une soumission de sa part à Moscou,et sa précision sur sont statut militaire comme une demande d’aide de réfugié politique est une stupidité absolue.
    Suis je vraiment sur un site d’intellectuels ?
    Cette cérémonie reprend la mystique du tableau d’une résistance à deux dimensions ,gaulliste et communiste.
    Mise en scène d’un credo patriotique exécrable.
    Une part importante des 23 rejoignirent les brigades internationales en Espagne,d’autre luttèrent contre le fascisme en Italie.
    Leur engagement sur des valeurs universelles n’était pas cantonné à la patrie France.
    Leur combat c’était lutter pour l’idéal communiste,le social,l’internationalisme.Que le PCF et Macron évacuent cela au profit du combat pour la France ,concept niant le caractère de classe de cet état c’est cela l’insulte.
    Abandonner le caractère lutte de classe internationaliste de leur combat au profit de l’unité nationale c’est cela l’insulte.
    Dans sa lettre Manouchian prophétise la prochaine humanité ,je n’ai aucune haine contre le peuple allemand.
    Et n’écrit rien sur la France.
    Ainsi « les circonstances » obligent à avoir une lecture autre de nos jours d’après le maître randonneur.
    Mais à circonstances égales les réponses humaines sont multiples et diverses.
    Ho ho vous n’avez pas remarqué?
    De Gaulle,Môquet,Bousquet,Manouchian,Doriot …etc.
    Chacun avait sa perception du patriotisme.Avec les mêmes circonstances.

  9. Avatar de Anetchka
    Anetchka

    Mon commentaire
    Comme toujours, merci , Daniel pour ton billet à brûle-pourpoint, sur cet événement si fort et émouvant, consacrant enfin, par cette panthéonisation, l’action héroïque du groupe Manouchian. Et merci à JFR pour sa vive réaction au texte désolant, à bien des égards, de Spartacus.
    Pour contrer l’idée choquante de « récupération quasi-patriotarde » émise par Spartacus, juste quelques précisions-rappel quant aux deux grandes diasporas, arménienne d’une part, et juive (ashkénaze et judéo-espagnole) d’autre part en France, marquant leur attachement profond et historique à notre territoire, ses valeurs , sa culture.
    Leurs langues respectives , l’arménien occidental (distinct de l’arménien oriental) et le yidiche portent déjà en elles-mêmes les traces de cette histoire. La diaspora yidiche, par exemple, qui compte 10 siècles d’ancrage en France, inclut une composante romane de vieux et moyen français, ainsi que de français, moderne, dans ses structures comme dans son lexique. L’arménien occidental qui compte plus d’un siècle d’ancrage en France, s’est trouvé lui aussi passablement remodelé. Ces langues substitut de territoire portent en leur sein les traces indélébiles de la langue d’accueil, vue comme celle d’une terre de liberté, de libération des jougs respectifs, culminant dans deux grandes Catastrophes du XXe s : le génocide arménien par l’empire ottoman de 1915 et le génocide juif de la Shoah par l’Allemagne nazie.
    Au delà de la dimension communiste bien réelle de l’engagement arménien et juif dans les mouvements de résistance à la barbarie nazie et fasciste (cf. leur participation respective également dans les Brigades internationales au côté des Républicains Espagnols), il faut considérer une adoption beaucoup plus large de ces deux diasporas à une terre « de préférence ». Pour les Arméniens comme pour les Juifs, la Ville-Lumière notamment a exercé sur eux une attraction et leur a octroyé un nouveau départ, une renaissance sur un sol refuge. Dans cette adoption, il est significatif que l’arménien et le yidiche ont non seulement été remodelés de l’intérieur, mais leur usage même a été relégué à la sphère privée et communautaire tandis que le français a prévalu dans la sphère publique, par adhésion enthousiaste. Tant il est vrai que l’identité est moins une donnée primordiale qu’une construction; et ici, elle s’est élaborée par un processus d’identification aux drames parallèles vécus par ces deux diasporas, et par l’identification à une espérance d’émancipation et de libération offerte par le modèle français hérité des Lumières. L’appartenance au PCF représentait un solide vecteur d’intégration pour le jeune Manouchian, le jeune Ataman (des Brigades internationales), comme pour les jeunes juifs du groupe des 23, dans leur lutte à dimension sacrificielle. Mais il ne faut oublier que le mouvement juif des Lumières, de la Haskala (« connaissance », « éclairage ») préexistait dès la fin du XVIIIe s., en Europe et en France notamment; il a constitué un puissant courant social et culturel du Judaïsme ayant contribué à son intégration à la société globale. Il a été aussi l’un des ferment d’un romantisme émancipateur, qui est passé par la littérature yidiche entre autres.. En parallèle, on retrouve cet élan par exemple, dans la correspondance du jeune Atamian à sa sœur, qui manifeste une abnégation de type quasi -mystique , une exaltation pour une cause universelle, en solidarité avec le peuple d’accueil: « nous les combattants de la liberté mêlés à un peuple ayant un instinct extraordinaire de la liberté ». (Fonds de l’ex-Institut du marxisme-léninisme à Erevan).
    Voilà quelques réflexions susceptibles de rectifier certains propos, pour les recadrer dans un contexte élargi, pour tenter de restituer en somme un brin de vérité…

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Merci chère Anetchka pour cette splendide érudition, qui plonge dans un tel réseau de liens affectifs et vitaux ! On ne doit jamais, comme le demande Argon dans « Blanche ou l’oubli », oublier la linguistique, elle éclaire tant de choses…

  10. Avatar de Jacques
    Jacques

    Mon commentaire
    Vous, qui savez tant de choses, Messieurs Bougnoux, J FR, Spartakus ,Anetchka, O.F, pourriez-vous nous dire avec « certitude », si possible, quelle est la part de responsabilité du Parti Communiste dans les arrestations de résistants – dont les 23 de l’Affiche rouge ?
    Merci de bien vouloir essayer.
    Amicalement

    Jacques

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Honnêtement Jacques, je n’en sais rien !

  11. Avatar de JFR
    JFR

    Mon commentaire
    Réponse à Spartacus.
    Ma réponse restera calme et courtoise, tant ce que je lis est « désolant », comme l’écrit avec amabilité Le Randonneur.
    1/ « Macron essaie de réhabiliter Pétain… », écrivez-vous. Vous devez confondre le Président avec Eric Zemmour, auquel on a reproché la chose. Je ne vois aucune complaisance pour Vichy, dans le discours de Macron au Panthéon.
    2/ « Credo patriotique exécrable ». C’est vrai, les vingt trois fusillés du Mont Valérien sont « morts pour la France », c’est-à-dire qu’ils ont offert leur vie pour que nous soyons libres et pour que vous soyez libre, vous aussi, d’écrire n’importe quoi. Leur refuser cette identité, c’est vouloir faire comme les Nazis, en faire des bandits, des terroristes, des juifs étrangers, des assassins, et surtout pas de « vrais Français » !
    3/ « Manouchian n’écrit rien sur la France ». Vous devriez lire une biographie de Missak Manouchian. Vous y apprendriez que Manouchian qui avait appris le français au Liban, à l’orphelinat de Jounieh en 1920, avec le professeur Krikor Bogharian, aimait lire Victor Hugo et Baudelaire et qu’il citait les auteurs français dans ses Carnets. En 1935, Manouchian publie dans l’hebdomadaire Zangou, le 12 juillet 1935, un compte rendu du Premier Congrès international des écrivains dans lequel il cite longuement André Gide, André Malraux, Marc Bloch et Henri Barbusse. Dans la revue qu’il avait fondée avec son ami Sema, Tchank (Effort) et Mechagouyt (Culture), Manouchian traduisait Baudelaire, Verlaine, Rimbaud. Il s’inscrivit en auditeur libre à la Sorbonne et lut les auteurs classiques. Henri Barbusse et Romain Rolland, dont Jean Christophe qui le marqua particulièrement.
    4/ En ne voulant faire de Missak Manouchian qu’un internationaliste affilié à Moscou, vous reproduisez très exactement la Une de Paris Soir qui, le 20 février 1944, titrait ceci : « Le Mouvement ouvrier Immigré était dirigé par des juifs qui prenaient leurs ordres à Moscou ».
    C’était pour Pétain, Laval, Philippe Henriot, René Bousquet, tous ces noms abjects, « L’armée du crime contre la France ». Et l’on voudrait que Missak Manouchian, « mort pour la France » au mont Valérien, ne soit pas Français, que nous ne l’accompagnions pas au Panthéon ?
    J’arrête ici la polémique, ma dette personnelle étant trop grande vis-à-vis de tous ceux qui ont donné leur vie pour la Liberté.

  12. Avatar de Anetchka
    Anetchka

    Mon commentaire
    D’abord, merci Daniel, d’avoir rappelé à quel point Aragon – linguiste était époustouflant dans Blanche ou l’oubli. Quelle considération, mais surtout quelle incarnation des faits de langues!
    Je rebondis encore sur deux points: l’un pour compléter par quelques mots ma réaction à Spartacus, et l’autre pour esquisser une hypothèse quant à l’interpellation de Jacques envers nous tous.
    Spartacus. Sur cette « récupération quasi-patriotarde » qui décidément ne passe pas, j’ajoute que l’attachement des Juifs de France à leur patrie hôte était telle qu’elle a gagné jusqu’aux « ultra-orthodoxes » , ces milieux traditionalistes (hérités des lointains piétistes médiévaux) . Ainsi des Loubavitchs de la rue des Rosiers qui intègrent les deux premiers vers de la Marseillaise dans l’incipit d’un chant synagogal.
    Jacques. Sur ce lâchage du groupe des 23 par le PC, j’abonderai pour ma part vers l’hypothèse suivante, fondée sur deux paramètres. D’une part, on sait que dès 1920, Maurice Thorez et Jacques Duclos appliquaient avec zèle les consignes de Moscou; Staline avait des émissaires chargés de bolchéviser le PCF de Paris; le KGB infiltrait de nombreux cercles sociaux et politiques par le biais d’une certaine presse complaisante pour ne pas dire complice. Par ailleurs, divers historiens ont montré que l’antisémitisme et quelques courants xénophobes traversaient, depuis la 1e Guerre Mondiale (même avant guerre) toutes les couches sociales et tous les partis politiques sans exception. Y compris le Parti communiste, même sur cela reste un tabou. Par la convergence de ces deux éléments, on peut penser que ce groupe de vaillants « métèques », prêts en outre à sacrifier leur vie pour la cause, au lieu d’être mis à l’abri pour mieux intervenir plus tard dans une nouvelle mission, aient éminemment « dérangé » certains cadres du Parti, d’où le drame de cet abandon. Cette hypothèse déjà émise me semble assez plausible…

  13. Avatar de Spartacus
    Spartacus

    Mon commentaire
    Macron essaie de réhabiliter Petain,je le redis et l’affirme .Voir le tollé de ses déclarations lors des cérémonies du 11 novembre.
    Zemmour aussi .
    Relisez moi JFR ,c’est dans sa dernière lettre que Manouchian ne dit rien sur la France.
    Ne feignez pas de croire que je dis cela pour toute autre chôse.

    Ou avez vous lu que j’accuse Manouchian d’être affilié à Moscou?j’écris même le contraire !
    La position internationaliste opposée au PCF était défendue par les anarchistes,les opposants de gauche regroupés sous le terme « trotskistes « que les staliniens appelèrent hitlero trotskistes.
    Quelle infamie.
    Allant jusqu’àl’assassinat.
    Non et non je ne pense pas que Manouchian sans haine en lui pour le peuple allemand aurait repris à son compte le mot d’ordre horrible et honteux duPCF: a chacun son boche .
    Quant à son arrestation,je n’ai aucune certitude.

  14. Avatar de Spartacus
    Spartacus

    Mon commentaire
    Voici les dernières lignes d’un article paru sur le site de l’UJFP et intitulé :
    Missak et Mélinée Manouchian n’ont pas besoin du panthéon:
    « Missak Manouchian s’assumait comme résistant communiste immigré. Il ne demandait ni sépulture majestueuse ni célébration fastueuse. Il n’était héros d’aucun roman national. Il se réclamait des damnés de la terre. S’il vivait aujourd’hui, en pleine réhabilitation du pétainisme, il serait fiché, pisté, traqué par la police. »

    Ni drapeau ,ni patrie,ni dieu,ni maître voilà ce qu’est l’homme de toujours et de demain.

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      J’ajouterai ceci, que je reçois ce matin, pièce versée au procès qui se dessine autour de cette panthéonisation :
      Je prends la liberté de relayer vers quelques proches la tribune libre publiée dans Causeur par Pascal Avot, pour remettre un peu les pendules à l’heure concernant la panthéonisation des Manouchian, initiative politicienne habile mais reprise navrante de l’incendie idéologique communiste qui avait ravagé le XXè siècle et que l’on croyait enfin éteint. Le pire est que le bon peuple, biberonné aux grands spectacles télévisuels, ait pris cela au premier degré et absorbé sans même s’en rendre compte la potion qu’on lui servait. Il ne reste plus au Conseil d’État, conservatoire vétilleux de l’alignement idéologique sur la Gauche, qu’à censurer Causeur après C News pour délit de malpensance, et plus personne ne bronchera. Il n’y a pas que Poutine qui falsifie l’histoire pour asseoir son règne, c’est devenu un mode de gouvernance universel, grande victoire posthume du communisme. PhR

      De l’extrême gauche (c’est compréhensible !) à Marine Le Pen, en passant évidemment par Emmanuel Macron, tout le monde politique s’est fourvoyé à honorer ainsi les Manouchian, déplore cette tribune libre.

      « Parce qu’ils sont communistes, ils ne connaissent rien d’autre que la fraternité humaine. » Cette phrase prononcée par Emmanuel Macron pendant la cérémonie de panthéonisation de Missak et Mélinée Manouchian a résonné comme un coup de tonnerre dans les âmes des Français qui s’intéressent à l’histoire du communisme en général et du communisme français en particulier.

      Contre-vérité

      Elle efface d’un trait de plume le plus grand crime idéologique jamais commis sous le ciel des hommes : des nations dévastées par dizaines, des myriades de fosses communes sur trois continents, une bonne centaine de millions de morts par la famine ou la balle dans la tête, et des mensonges tellement innombrables qu’ils infestent encore, à bien des égards, la politique mondiale. Disons-le sans ambages : si ceux qui ont adhéré au communisme n’avaient connu que la fraternité humaine, il n’y aurait jamais eu de communisme. Ils ont, bien au contraire, connu la manipulation, la trahison, le cynisme, la haine assumée, la torture, les camps de concentration, l’assassinat de masse. Tous en ont été les complices plus ou moins conscients. Certains, quand la révolution dévorait ses enfants, en ont même été les victimes, et ont compris trop tard qu’en prenant leur carte du Parti, ils avaient signé un pacte avec le diable – leur imprudence ne les excuse pas.

      À lire aussi : Qui tient la porte d’entrée?

      La phrase du président de la République est donc, qu’on s’en scandalise ou non, un acte de révisionnisme caractérisé. Elle ne se contente pas de réécrire l’Histoire : elle l’enterre. En faisant du choix communiste un pur acte d’amour, elle en nie la réalité, la vilénie, l’extrême culpabilité. Car enfin, comment aurait-on réagi, si Macron avait dit, aux obsèques d’un ancien de la Wehrmacht, « Parce qu’ils étaient nazis, ils ne connaissent rien d’autre que la culture allemande » ? On aurait hurlé. Pourtant, dans la classe politique, très peu de voix se sont élevées contre l’énorme contre-vérité lancée à la face de la nation, mercredi soir au Panthéon. On peut comprendre ceux qui se sont tu, serrant les dents et les poings, préférant laisser passer l’orage. À quoi bon, en effet, perdre son temps à condamner une cérémonie particulièrement infantile, où l’on dut subir force chansons exécutées avec une grande niaiserie, assorties de deux extraits de l’Internationale et d’un poème d’Aragon, grand poète mais prédateur bien plus grand encore, l’homme qui écrivait en hommage aux purges staliniennes « J’appelle la Terreur du fond de mes poumons » ? Il était loisible de regarder passer sans aboyer la caravane du ridicule.

      Capitulation

      Bien entendu, la gauche a adoré. Les communistes d’abord, car cette grande fiesta du drapeau rouge leur lavait un peu les mains. Les socialistes également, eux qui ne gagnent jamais une élection sans s’allier avec leur cousin totalitaire. Jean-Luc Mélenchon, quant à lui, a dansé sur la table. Il s’est très officiellement réjoui. Mais de quoi, au juste ? Il faut toujours écouter Mélenchon avec la plus grande attention, car son flair de tacticien, allié à sa rage systématique, lui fait parfois proférer des vérités intéressantes. Sur Twitter, il a lancé que les Manouchian « ont obtenu la capitulation sans condition de l’extrême droite, qui a rendu hommage à la résistance communiste ». Bigre. Qu’est-ce à dire ?

      Marine Le Pen, malgré les herses dressées contre l’éventualité de sa présence lors de la cérémonie, a tenu à s’y inviter. En effet, mélangeant hâtivement la méthode Coué et le voyage dans le Temps, et balançant la Constitution par-dessus bord, elle considère que les sondages des européennes tiennent lieu d’élection présidentielle anticipée : elle a donc décidé mordicus qu’elle est d’ores et déjà la prochaine présidente de la République, trois ans avant l’échéance. Elle se doit de faire acte de présence à toutes les grand-messes du culte national. Elle a joué des coudes avec la morgue qu’on lui connaît et obtenu un strapontin dans la crypte. Pour un peu, elle exigeait de prononcer le discours de clôture en lieu et place de Macron, flanquée de Bardella en tenue de premier communiant.

      Ici, le bât blesse. Car, malgré qu’elle ne se dise « ni de gauche, ni de droite », et que son électorat soit aujourd’hui composé pour moitié d’ex du PCF et du PS, Marine Le Pen est supposée issue d’une lignée anticommuniste. On peut ô combien reprocher à son père d’avoir festoyé avec des chevaliers teutoniques de la pire espèce, mais on ne l’a jamais surpris à faire la bamboche avec des bolchéviques. En mettant un genou en terre devant les cercueils des Manouchian, elle opère une rupture majeure avec la tradition de famille politique. Mélenchon a raison d’éclater de rire. Il sait lui, le disciple de Staline, le possédé dostoïevskien, ce qu’il en coûte de jouer avec les allumettes de l’enfer totalitaire. Il s’écrie avec bonne humeur : « Bienvenue au club, Marine ! Entre ici, avec ton cortège d’hypocrisies ! La porte s’est refermée derrière toi et je veillerai à ce qu’elle ne se rouvre plus jamais ! » Oui, la présence de Marine Le Pen sur l’étagère des têtes réduites du communisme est un événement crucial. Il entérine le basculement du RN dans un espace idéologique où tout est permis, brumeux, vaseux, mouvant tel des sables qui sont autant de pièges, y compris l’absolu désaveu de soi : un no droite’s land où l’on impose aux militants honnêtes les torsions morales les plus douloureuses. On s’en doutait. On n’en doute plus.

      À lire aussi : Manouchian et l’extrême droite: les pieds dans le plat de Résistance

      Elle sent bien qu’elle est allée trop loin. Le lendemain de la panthéonisation, elle tweete : « Honorer un résistant fusillé par les nazis : cent fois oui ! En profiter, comme le fait Emmanuel Macron, pour faire l’éloge d’une idéologie meurtrière, c’est gravissime. » Trop tard. Mélenchon a vu juste : la génuflexion devant le stalinisme ne s’oublie pas. Cette posture ne permet pas la marche arrière. Il n’y a pas de « en-même-temps » entre le révisionnisme et l’intégrité. En se rendant à cette cérémonie, Marine Le Pen savait parfaitement que Macron allait rendre gloire au communisme. En y assistant, elle y a donc participé activement, physiquement, quelles que soient ses dénégations. Seul un mea culpa pourrait encore la sauver, et ce n’est guère le genre de la maison. La voilà enfermée dans le gravissime qu’elle dénonce.

      Désolant

      Elle n’est pas la seule, hélas. Car il y a François-Xavier Bellamy, qui se tortille avec elle dans la fange mélenchonienne. À cette différence près qu’il n’a pas l’alibi d’avoir été élevé par un butor friand de provocations. Il a grandi à l’ombre de l’Église, du scoutisme et des meilleures écoles. Bellamy est un doux. Féru de philosophie, vraiment chrétien, pétri de bonnes manières, il se fait remarquer par sa prudence. Le peuple de droite dit volontiers de lui qu’il a une jolie cervelle et une belle éthique. Mais patatras ! Il déclare sur France Inter : « Missak et Mélinée Manouchian ont engagé leurs vies pour que la France survive à la menace totalitaire. » C’est terriblement faux. Missak et Mélinée étaient d’authentiques staliniens, avec tout l’aveuglement intellectuel et la violence intentionnelle que cela suppose. Ils incarnaient la menace totalitaire autant que les nazis qu’ils combattaient. Qu’ils aient fini fusillés est certes émouvant et leur procure un visa pour le pardon, mais cela ne fait en rien d’eux des héros de la démocratie, ni du pluralisme, et surtout pas de la tolérance.

      Missak a adhéré au PCF au moment où le NKVD lançait la Grande Terreur en URSS. Il était aux ordres des dirigeants de son parti – un parti où l’on pouvait aller jusqu’à tuer d’une balle dans le dos un militant insuffisamment aligné sur les idées du Kremlin. Le manouchianisme n’est pas un humanisme. À mon humble connaissance, il n’y a pas, dans l’Allée des Justes à Jérusalem, d’Allemands qui ont adhéré au parti nazi en 1941. L’assertion de Bellamy est une insulte à tous les résistants qui ont combattu non seulement la SS, mais aussi la tentation soviétique. Eux sont les vrais modèles, les défenseurs de la liberté. Eux méritent le Panthéon.

      Ne dressons pas la liste des politiciens de droite qui, comme Marine Le Pen et François-Xavier Bellamy, ont donné dans le révisionnisme de gauche cette semaine. Ils sont désolants. Accordons plutôt du crédit à ceux qui ont gardé le silence par pudeur. Et applaudissons l’historien Stéphane Courtois, illustre spécialiste du communisme, qui est monté, en solitaire, au créneau de la vérité. Il a démontré, dans le Figaro et Desk Russie, que l’héroïcisation des Manouchian constituait une opération de propagande menée par l’Union Soviétique, et que les deux panthéonisés étaient en réalité des personnages fort peu recommandables, encore moins admirables. Courtois a fait son métier : montrer le réel, même quand il est grimaçant et qu’il infirme de manière implacable l’unanimité des faux-semblants.

      Nous nous sommes débarrassés de Faurisson. C’est bien. Mais le plus dur reste à faire : nous devons encore demander des comptes au révisionnisme communiste français et à tous ceux qui, à droite, lui prêtent main-forte. Parce que cent millions de morts nous le demandent du fond de leurs tombeaux, la plus grande sévérité est requise. La gauche a fait ses gorges chaudes du fait que Manouchian était un étranger. Une fois de plus, elle nous trompe : qu’il soit de souche ou immigré, quelle que soient ses origines, sa couleur de peau, sa religion ou ses convictions, aucun totalitaire ne doit trouver le repos éternel au Panthéon.
      Fin de citation.
      À ce « commentaire » ou cette charge très lourde, je viens de répondre ceci :
      Ce billet formidablement écrit est réjouissant à lire, mais je suis évidemment en désaccord. J’avais, c’est vrai, sursauté moi-même en entendant la phrase de Macron sur l’équation rapide entre communisme et (donc) fraternité !… Mais la suite du discours m’a emporté et je l’ai trouvé très réussi ; d’ailleurs, achevant de le prononcer, Macron était au bord des larmes, et cela m’a touché : il faut des poèmes, des chansons, et aussi des héros à la République, et ce Panthéon fut donc pour moi un temps fort, dont je n’ai pas envie de rire…
      Manouchian était-il un candidat mal choisi ? Je suis surpris qu’on le soupçonne d’une orientation « totalitaire », les mots n’ont pas le même sens, et le grand nom de Staline, à l’époque, faisait tellement illusion !… Il était par exemple jeté par les fusillés (communistes) face aux pelotons d’éxécution, comme le mot qui résumait tout ! Les rêves, la fraternité, la révolution… Aragon commente tout cela et ajoute : « Jeunes gens, connaissez-vous le rire amer ? »
      Encore une fois, si l’on ne date pas les paroles, les écrits, les engagements (et par exemple la fameuse Ode d’Aragon à la Guépéou, que l’auteur du billet croit bon de lui jeter à la figure, comme si la phrase de 1930 s’appliquait aux années cinquante et au-delà), on mélange tout. Du temps de Manouchian, une adhésion au PCF signifiait d’abord un contre Hitler (même si le pacte de 39 fut pour les communistes un terrible coup de poignard). L’époque était manichéenne, ce n’est plus la nôtre et nous en parlons à notre aise…

  15. Avatar de Bruno martinica
    Bruno martinica

    Passionnant débat qui rappelle des points d’OMbre, la nécessaire prise en compte du contexte historique pour chaque mot, et les trajectoires admirables, bien que pour certaines sujettes à récupération, politique actuelle) de Manoichian, Aragon et Ferré. Merci à Daniel.

  16. Avatar de Spartacus
    Spartacus

    Ha bon l’époque était manichéenne?
    Et on melange tout?
    Sans nommer des milliers de militants antistaliniens de cette époque qui se levèrent contre ce qu’Aragon soutenait et qui par milliers furent assassines par le Guepeou ,le nom de Victor Serge vous parle? Et les 4 militants trotskistes assassines par les communistes du maquis Wodli en 1943 ?

    En effet vous en parlez bien à votre aise.

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À propos de ce blog

  • Ce blog pour y consigner mes impressions de lecteur, de spectateur et de « citoyen concerné ». Souvent ému par des œuvres ou des auteurs qui passent inaperçus, ou que j’aurai plaisir à défendre ; assez souvent aussi indigné par le bruit médiatique entretenu autour d’œuvres médiocres, ou de baudruches que je…

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À propos de l’auteur

  • Daniel Bougnoux, professeur émérite à l’Université Stendhal de Grenoble, est ancien élève de l’ENS et agrégé de philosophie. Il a enseigné la littérature, puis les sciences de la communication, disciplines dans lesquelles il a publié une douzaine d’ouvrages.

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