Entrer en résonance

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Nos études de communication, et singulièrement l’analyse de la formation des affinités, des groupes, des couples…, peinent à prendre en compte un modèle musical, ou vibratoire, ou ondulatoire, qu’on appellera en première approche de la résonance. Que de ressources pourtant, et d’indéfectibles attachements, pour celui qui est parvenu avec quelqu’un (ou quelque chose, un livre, une philosophie, un paysage, un lieu…)  à entrer comme on dit en résonance, ou en sympathie, ou encore à se placer « sur la même longueur d’onde » !

C’est par exemple ce qu’articule Leonard Cohen au premier couplet de son plus célèbre tube, « Suzanne » : « She puts you on her wave-length (elle vous met sur sa longueur d’onde) », auquel j’ai déjà consacré ici un billet, en relevant tout ce que cette chanson contient de procédés venus de l’hypnose, une pratique ou une approche relationnelle chère au jeune Leonard (et récemment renouvelée, chez nous, par le moins chanceux Gérard Miller)…

Demeurons-nous séparés par d’invisibles murs ? Ou, comme semblent nous le suggérer quelques instants d’indicible grâce, vivons-nous rattachés et reliés ? Soulevés par une même vague ? La métaphore ou le paradigme de l’onde s’imposent, et méritent examen à l’époque de nos très pénétrants smartphones, bluetooth et autres branchements à distance : sommes-nous onde, ou corpuscule ? Ego, ou écho ?

Il se trouve qu’Aragon, et Breton, ont très tôt traité de cette mystérieuse dimension de nos communications ordinaires.  D’abord dans l’ouvrage (si l’on peut dire) princeps Les Champs magnétiques où, dès 1919, André Breton s’adonne avec Philippe Soupault à l’écriture automatique. Dans un texte peu étudié mais dont on célébrera cette année le centenaire, aux côtés du Manifeste du surréalisme, Aragon célèbre dans Une Vague de rêves (octobre 1924) les prestiges justement de la vague, ou plus largement d’un modèle ondulatoire de la pensée. Reprenons l’incipit : « Il m’arrive de perdre soudain tout le fil de ma vie », qui renvoie premièrement à la filiation, en effet perdue ; notre auteur n’est, littéralement, le fils de personne. Une seconde acception désignerait, dans le cours de cette vie ou de cette pensée, une crise ou une critique de la linéarité : les moments ne s’enchaînent plus, ou plutôt l’auteur ne connaît que des moments, « alors je saisis en moi l’occasionnel (…), l’occasionnel c’est moi ». Formidable déclaration, riche de nombreux développements concernant un temps météorologique qui bouscule ou tourne en dérision le temps orienté d’une histoire, ou d’une chaîne d’actions. D’où, ici même, cette interrogation substituant la fuite à la suite des idées : « Comment suivre une idée ? ses chemins sont pleins de farandoles ». Nos pensées pas plus que nos vies n’épousent le modèle cartésien de la chaîne.

Une Vague de rêves s’efforce de restituer ou d’approcher a minima le fonctionnement même du rêve, dont la première qualité est qu’il est tout sauf linéaire, autrement dit qu’il relève moins d’un récit (par forçage logocentrique) que du libre jeu des images ou de l’imagination. D’une figuration. Bildsprache, disait Freud, un langage d’images, formule oxymore  où Bild et Sprache semblent tirer en sens contraire. Dans le rêve et aux deux sens du terme, nous perdons le fil : il n’y a pas d’enchaînement logique, pas de chaîne, nulle intention ni programme présidant à sa confection, les images du rêve sont subites, et subies. Ou mieux dit encore, elles nous contraignent, nous dominent, nous sommes devenus sujets aux images : « Nous avions perdu le pouvoir de les manier. Nous étions devenus leur domaine, leur monture ». Extraordinaire renversement, qui souligne bien, à mes yeux, la bascule du processus secondaire au processus primaire (pour manier des concepts freudiens qui ne sont pas ceux d’Aragon). Je dirai au plus bref que le rêve, où nous devenons la proie des images (à deux ou trois dimensions donc) n’est pas un récit (unidimensionnel), et encore moins une scène, fût-ce la trop fameuse « autre scène » freudienne. Nous n’assistons pas à nos rêves, à bonne distance, en vis-à-vis, ils nous emportent, ils nous roulent ! Ils supposent ou comportent une destitution du sujet. Et, à tout le moins, ils rompent en nous le fil.

Une autre voie s’ouvre à partir de cette perte du fil mentionnée à l’ouverture, qu’il faut rapprocher de l’incipit du Discours sur le peu de réalité par lequel, en 1927, André Breton semble dialoguer avec Une Vague de rêves de son ami : « ‘Sans fil’, voici une locution qui a  pris place trop récemment dans notre vocabulaire, une locution dont la fortune a été trop rapide pour qu’il n’y passe pas beaucoup du rêve de notre époque, pour qu’elle ne me livre pas une des très rares déterminations spécifiquement nouvelles de notre esprit. (…) Je cherche l’or du temps ».

Si, depuis la rédaction de ce constat, le développement des télécommunications a extraordinairement enrichi le simple modèle de la TSF ici visé par Breton (qu’aurait-il pensé de nos Wifi, Blue-tooth et autres fréquences partout insinuées), il semble capital, à propos du modèle ondulatoire des vagues, d’examiner nos communications à distance, soit la question de comprendre comment se toucher sans contact apparent ; comment par la résonance de corps vibrants peuvent se propager sans le secours d’aucun fil un message, une image, une présence… Il faut parler du modèle ou du monde alternatif des ondes.

Donc reparler de l’écho (auquel j’ai déjà consacré, dans notre Bestiaire d’Aragon, l’examen de la chauve-souris lors d’une conférence ici reproduite en billet). La phrase-clé figure dans Traité du style (1928), ou une définition ne laisse pas d’étonner : « J’appelle style l’accent que prend à l’occasion d’un homme donné le flot par lui répercuté de l’océan symbolique qui mine universellement la terre par métaphore ». La suite est fâcheuse pour le critique : « Et maintenant détache cette définition, valet d’écurie ! Qu’elle rue et te casse les dents ! » (page 210). La page précédente évoquait les sommeils de Desnos, et comparait sa parole à « la masse abyssale, l’écumante et large mer intérieure, qui passe sous Paris et qui coulait sous Delphes (…) une méditerranée de rumeurs. (…) La grande mer commune se trouvait du coup dans la chambre, qui était n’importe quelle chambre (…) ». On rapprochera ces pages, qui reprennent à propos de Desnos le lyrisme hugolien d’Une Vague de rêves, de diverses métaphores immersives qui traversent La Défense de l’infini ou Le Paysan de Paris : « Passe à travers, passe à travers mes paumes, eau pareille aux larmes, femme sans limite, dont je suis entièrement baigné » (Le Paysan de Paris, Folio page 208). Ou du sentiment de l’amour souvent comparé à la nage.

Il est frappant de retrouver dans cette définition du style écrite en 1927 un des mots-clés du texte de 1924, occasion. Et d’envisager l’écriture comme un ressac façonnant le littoral. Communiquer par le style, ce serait s’accorder ou s’élever à la tonalité d’une fréquence poussée par un flot plus général ; si petite soit la goutte que nous formons dans l’océan du monde, c’est répercuter un peu de celui-ci. Et dans cette mesure participer de sa masse, de sa puissance motrice…

Que nous dit plus précisément ce modèle ondulatoire ? À la différence de la chaîne cartésienne des causes ou des raisons, qui produit un imaginaire déterministe, un corps vibrant véhicule l’information sous forme d’ondulations. Il faudrait ici longuement citer Diderot et son clavecin-philosophe (qui est en même temps le musicien et son instrument), se rappeler la définition de Paul Denis dans Aurélien, « un Diderot de vingt-deux ans », ou encore préciser que Crevel, plusieurs fois cité dans Une Vague de rêves, écrivit un Clavecin de Diderot…  Au plus bref, pour citer Le Neveu de Rameau : « Nos sens sont autant de touches qui sont pincées par la nature qui nous environne, et qui se pincent souvent elles-mêmes ». Les cordes vibrantes en font à distance frémir d’autres, de même qu’une première idée en appelle une seconde, puis une troisième, et de proche en proche peut faire frémir tout un bouquet d’harmoniques, dans un éloignement incompréhensible ; à la différence du paradigme de la chaîne, il faut avouer que la nature comme nos idées font ici des sauts…

Frisson est le dernier mot du « Passage de l’opéra » ; et que de poèmes d’Aragon tournent  autour du frémir d’aimer ! Ce monde ou ce paradigme des cordes vibrantes implique, cruciale aux yeux de notre auteur, une critique de l’individualisme. Combien de cordes contient une corde, toujours tressée de plusieurs brins ? À l’émission de la vibration, il semble difficile d’isoler un sujet. Quant à la réception, les effets de la résonance ou de la consonance fondent plusieurs cordes séparées par la distance en un unisson commun, et leur pluralité constitue donc un seul individu, si nous définissons l’individu comme ce qui bouge ensemble.

Si notre pensée nous vient ou nous traverse par vagues, si elle nous transit, l’acte de penser consiste à surfer ou, métaphore radiophonique, à nous accorder à ce qui nous fait vibrer. Notre véritable milieu se définirait donc comme un espace vibratile, ou une longueur d’ondes. J’ai souvent, dans mes cours d’information-communication, utilisé la formule de l’école de Palo-Alto, « communiquer c’est entrer dans l’orchestre ». Il conviendrait plus précisément de dire : communiquer donc vivre c’est se mettre au diapason, s’élever au ton dominant (pour entrer en société), mais c’est aussi travailler ou défendre sa modulation personnelle, pour affirmer sa petite différence et trouver son individualité.

En bref et pour conclure (sans le borner) ce parcours, la relation amoureuse, la création poétique comme l’accordage social et la formation de groupes politiques, de partis ou de classes par mimétismes et affinités…, sont également construits ou relèvent d’effets de résonance. Le modèle aragonien de la chauve-souris (et son monde tissé d’échos) développé en 1960 dans Les Poètes permettrait un peu d’avancer dans cette difficile (mais combien évidente et intime) expérience de la résonance ; j’ai tenté de lire à ce sujet quelques développements d’Hartmut Rosa, qui en a fait son label, mais je les ai trouvés bien médiocres, et inférieurs au sujet. Poète ou shaman par son chant traversé, Aragon nous en dit tellement plus ! Il conviendrait de mieux établir ce paradigme de la résonance en poussant l’enquête du côté de tout ce qui vibre, à commencer par la poésie fondée sur la rime et les rythmes, et en particulier traiter du chant d’Aragon, facteur d’unisson s’il en est, et de réparation de nos corps morcelés.

(à suivre)

14 réponses à “Entrer en résonance”

  1. Avatar de Alicia
    Alicia

    Bonjour !

    « Aragon se chante et tient chaud, Aron se lit et refroidit » (Bref, page 45, Régis Debray)

    Pour l’heure, je ne vois qu’une chanson pour répondre à ce merveilleux billet du maestro.

    Mais je reviendrai avec des mots comme des bouts de bois pour nous réchauffer.

    « Une vague bleue qui veut m’emporter
    C’est comme un espoir que j’aurais effleuré
    C’est comme un bateau voguant sur les flots
    Ce n’est rien que moi
    Revenant près de toi

    (MICHELE TORR une vague bleue »)

    Alicia

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Alicia inconnue, je ne connais ni cette chanson ni Michèle Torr… Mais j’étais déjà tombé sur la page 45 de « Bref », que son auteur m’a gentiment envoyé avec une chaleureuse dédicace. Ce petit livre a le défaut des aphorismes, on aimerait qu’il développe… Et longtemps pour moi, Debray (qui ne lit guère Aragon) a tenu chaud.

  2. Avatar de JFR
    JFR

    Mon commentaire Résonance avec un seul N

    Entrer en résonance… Faites entrer l’infini… « Levez-vous vite orages désirés »… Champs magnétiques, influences, échos et vibrations célestes, force d’attraction… « I feel your vibes », « je sens vos vibrations », disaient, jadis, les jeunes gens aux jeunes filles sur le campus de Berkeley et à Cape Cod (Massachussets). « She puts you on her wavelength », « Elle vous mets sur sa longueur d’onde », chantait Leonard Cohen avec Suzanne. Que leur disent-ils maintenant ? Rien ! Juste un « match » sur Internet. Super, il a matché avec elle sur Tinder ou Instagram ! Mais attention à l’emprise, à l’influence, à l’hypnose, au charme, à tout ce qui peut conduire à se trouver soumis à un séducteur, à un prédateur ! Quel est le nouveau langage amoureux ? « Belle qui tient ma vie, captive dans tes yeux, tu m’as l’âme ravie… » chantait l’amour courtois … Le ravissement (de Lol V. Stein), est redevenu aujourd’hui un état crépusculaire, un enlèvement, une folie triste. L’enlèvement de Proserpine est devenu aujourd’hui un viol, the rape of Proserpine et l’enlèvement des Sabines un viol collectif. A quand un voile sur les tableaux au Louvre ? L’emprise, mot galvaudé, a fait disparaître la résonance amoureuse et fait partie maintenant du vocabulaire juridique.
    Entrer en résonance, c’est céder à cette force d’attraction, ce charme, qui m’attire, qui me lie, me transporte, vers l’objet de mon désir. C’est céder à cette onde, cette mystérieuse communication sans fil, qui pourtant me lie, me relie et m’attache vers ce mystérieux objet petit a, le furet du désir, comme disait Lacan, qui toujours file et se défile. Temps sans fil de l’inconscient, hors-temps de l’inconscient, que l’on retrouve dans le rêve et que les romantiques allemands et les Surréalistes ont amplement reconnu. Une vague de rêves nous y conduit avec un modèle ondulatoire de la pensée, nous dit le Randonneur. Le rêve est un autre monde, l’outre-tombe de la mémoire, l’aimantation de la face nocturne de notre existence par cet au-delà du réel (le surréel) que définit la perception vigile. Le rêve s’impose comme vision, comme révélation, comme instrument de connaissance et comme poésie involontaire. Voilà ce qui nous est offert et nous trouble toujours, écrivait J-B Pontalis dans La force d’attraction. En quoi consiste l’opération freudienne ? D’abord à substituer à la vision d’image, l’écoute d’un récit. Puis de ramener ce récit à un texte qu’il va falloir décomposer, délier, détisser (déchirer le tissu) pour en dernière analyse en atteindre le Wunsch, ce mot allemand si difficile à traduire en français (désir, souhait, vœux ?). Le récit du rêve est ce que raconte le voyageur qui voit défiler le paysage de la fenêtre de son compartiment de chemin de fer, comme l’écrit Freud. Mais le train des pensées n’emprunte jamais la voie directe mais plutôt des voies latérales avec des détours, des aiguillages nombreux et compliqués, des retours en arrière. Chaque rêveur invente son parcours, chacun organise son réseau. Le rêve est comme le désir, mystérieux, tortueux, ondulatoire et changeant. Dans le rêve, pas d’enchainement logique, pas de chaîne, écrit le Randonneur. Le rêve nous entraine dans ses jeux d’images, brouille les époques, joue des métaphores et des métonymies, déplace ses objets, inverse les contraires, il construit des rébus et propose ses énigmes à l’interprète, jusqu’à l’ombilic du rêve. Faites entrer l’infini…
    Comment ce modèle ondulatoire des vagues peut-il relier les corps ou les faire se défaire, demande le Randonneur. « Comment se toucher sans contact apparent ? ». « Que nous dit ce modèle ondulatoire… ? ». « Communiquer, c’est entrer dans l’orchestre » (Palo-Alto), communiquer, c’est se mettre au diapason », ajoute-t-il. Le modèle musical et les wavelengths reviennent ici pour traduire l’harmonie et l’émotion retrouvées. Mais ces riches formules épuisent-elles le sujet ? Je retiens du Randonneur qu’il met en couple la relation amoureuse avec la poésie et la création littéraire. « Les mots font l’amour » écrivait Breton. « Je parle un langage de décombres où voisinent les soleils et les plâtras », écrit Aragon dans Traité du style. Faut-il conclure ? Le Wunsch est ce qui a poussé le voyageur à prendre le train et le rêveur à rêver. Chaque rêveur invente son parcours. On ne connait ni la gare de départ (l’infantile) ni la gare de destination… Ce qui compte c’est l’attente, l’attente qui est magnifique. « Indépendamment de de ce qui arrive ou n’arrive pas, c’est l’attente qui est magnifique », écrit Breton dans « L’amour fou ». A suivre à la prochaine station.

  3. Avatar de Roxane
    Roxane

    Résonner et Raisonner avec deux n

    J’aimerais juste donner suite de façon sereine au commentaire du randonneur répondant à Alicia.

    J’ai vu des milliers de gens applaudir Michèle Torr à la Foire d’une ville de France et repartir contents, avec un petit refrain entraînant qui résonne dans le cœur, pour un prix d’entrée acceptable au commun des mortels.

    J’ai vu Régis Debray invité par une grande fédération liée à l’Éducation nationale, pas très à l’aise à la tribune, face à un public parsemé de quelques dizaines de militants dont plus d’un en a profité pour faire une bonne sieste sur les fauteuils d’une salle des fêtes de province.

    Rassurez-vous, je ne regarde pas les émissions de téléréalité, mais je n’aime pas ce ton supérieur d’intellectuels se moquant des goûts des gens simples qui n’ont pas d’argent pour faire les grands voyageurs, aller au musée ou se payer des places de cinéma deux fois par semaine !

    Il est peut-être à la base des petites gens qui ne réfléchissent pas ou mal, détestés par quelques élites bien payées par le système – qu’ils n’ont, pourtant, de cesse de critiquer – parce qu’ils votent mal, ces gueux, ces vilains, selon eux.

    Il est urgent « d’élever le ton » avec le sourire et un peu de sapience.

    Donner vie à cet oxymoron, dans la réjouissance de l’intuition vraie…

    Et si c’était possible !

    Amicalement

    Roxane

  4. Avatar de Jacques
    Jacques

    Bonjour !

    Quel plaisir de se retrouver là avec vous, chers interlocuteurs commentateurs et avec vous aussi chères inconnues !

    Heureux d’être là avec vous… C’est peut-être un détail pour vous mais pour moi ça veut dire beaucoup, vous comprenez !

    Comment interpréter les silences, les timbres, les vivacités et les lenteurs, toutes les résonances et tous les arpèges de la sympathie ? Ce sont là des mots de Gaston Bachelard dans sa préface au « Je et tu » de Martin Buber.

    À notre endroit, ce lieu où la caravane stationne et rêve sur notre chemin de croît, suspendons nos lyres aux saules de la contrée et tentons de répondre à l’attente des maîtres.

    Il a dit « attendre », l’homme d’État au sommet de son pouvoir, s’adressant au peuple souverain. Quelques jours plus tard, c’était le jour de Noël mil neuf cent soixante-seize, l’artiste français lui a répondu :

    « ATTENDRE !…L’homme occidental reste informe parce qu’il attend, répond Lazare-Malraux.

    Paradoxe de la France qui nous regarde dans les yeux, mais dont les républiques sont aveugles ! » (Georges Mathieu)

    Et à votre tour, vous vantez l’attente, messires.

    Godot ou l’intensité d’un travail relationnel où peut surgir quelque chose qui fait sens ?

    Pour ce faire, il faut être sur la même longueur d’onde (Wellenlänge), n’est-ce pas cher Jean-Michel Wavelet, auteur d’un livre sur « Bachelard l’inattendu » ?

    Dimanche dernier, l’amie de mon frère s’est relevée de sa chaise pour nous citer entre deux verres de Jurançon et quelques crêpes faites maison, une citation dans un poème de sa composition affiché au mur de la cuisine : « À toute particule en mouvement est associée une onde périodique ». Quésaco ?

    Mon hôte nonagénaire, maire honoraire, enseignant en retraite, qui achète des livres de luxe qui coûtent cher et parle en mètres de la longueur de sa bibliothèque, opina du chef sans discuter la chose.

    Et s’il n’y avait rien à dire ? Et si ce blanc était aussi une résonance ?

    Qui peut sortir de ce lac inconnu ?

    On laisse aux professionnels le soin de développer une réponse à la terrible question.

    Bonne journée

    Jacques

  5. Avatar de Jean Claude
    Jean Claude

    Quelques réflexions suite à cette belle thématique. Merci Daniel.

    Entrer en résonance ?

    En réfléchissant à la nature d’une rencontre profonde bien explicitée par le philosophe Charles Pépin, il me semblerait à première vue qu’entrer en résonance avec une autre personne est la meilleure façon de ne pas la rencontrer.

    Nous devons discerner et construire pour pouvoir avancer. L’activité de penser se réalise en notre for intérieur, notre intimité cérébrale. La parole intérieure s’inscrit dans des langages internes plus vastes et performants que les langages externes qui nous servent à communiquer avec les autres.

    Dans le champ de réflexion de la parole intérieure : penser par soi-même voire penser contre soi-même (Cf. Nathan Devers) nécessite d’interroger les modalités d’apprentissages. Ainsi nous pouvons caractériser quatre canaux pour penser et apprendre.

    Nous pouvons discerner plusieurs processus de parole intérieure ou actes de penser :
    1 – pensée-récit : logique déductive, thèse antithèse, cause-effet, récit etc.
    2 – pensée-paysage : image (faible imagination) schéma (plan, volume, vectorielle à n dimensions, multipolaire et fractale, en interdépendanc,e etc
    3 – pensée-résonance : coup de foudre, fréquence de résonance cérébrale, musicale
    4 – pensée-métaphore : métaphore (relation de relation), analogie, expérientielle, corrélation.

    Dans la réalité, notre façon de penser puis de communiquer intrique très fortement ces différents processus, sans que l’on puisse précisément les distinguer.

    Dans un ancien article j‘avais déjà sommairement évoqué la pensée-paysage. En fait, chacun des quatre canaux se ramifie en plusieurs modalités de pratiques différentes. Les canaux un et deux s’appuient sur le fonctionnement cérébral symbolique et connexionniste d’élaboration des savoirs. Pour aller du savoir à la connaissance et puis à la compétence il nous faut intérioriser et exercer.

    Au contraire, les canaux trois et quatre s’appuient sur le fonctionnement cérébral expérientiel sans passer par l’étape symbolique. L’usage des métaphores (relations des relations) plus que l’analogie permet à la personne d’éprouver sans mentaliser par le passage au symbolique. Dans le champ de la thérapie, l’usage de métaphores permet « d’agir » sur le patient dans le plan comportemental sans affronter le mur du refus : du cognitif et du symbolique.

    On pourrait considérer que la pensée-résonance relèverait uniquement d’un processus métaphorique. Cependant le cerveau neuronal ou biologique produit des états de conscience discrets ( à la fréquence de 10 images par seconde) par synchronisation des fréquences d’excitation neuronales. Quand un coup de foudre amoureux ou simplement intellectuel se passe, les deux cerveaux se trouvent sans doute en résonance magnétique. L’un peut poursuivre la phrase initiée par l’autre.

    Cette réflexion ouvre la porte au phénomène d’hypersensibilité. Quinze pour cent de la population est “hyper-sensible” (c’est aussi vrai pour d’autres mammifères, c’est une question de survie pour chaque espèce). Ce n’est pas une maladie mais une capacité de perception plus développée pour une grand nombre de registres ( empathie, émotion, cognition, sensoriel, artistique, spirituel, intuition). La pensée peut entrer en résonance avec ces perceptions.

    Dans la dimension métaphorique de la résonance, nous pouvons faire allusion aux systèmes vibratoires. L’océan avec ses ondes de grande amplitude (ex 8m), ses vagues (50cm) et les vaguelettes de la risée peuvent illustrer les phénomènes de résonance qui produisent ces fameuses vagues scélérates.

    Aujourd’hui notre société est entrée en zone de dérégulation, de battement ou de synchronisation des vagues, fournissant des vagues scélérates comme la Covid, la guerre en Ukraine ou en Palestine. l’inversion des amplitudes pour la communication médiatique ou les vaguelettes à très forte amplitude d’audimat se remplacent de jour en jour alors que l’onde de fond réalise une transformation silencieuse de nos modes de vie, sur une période de 100 ans suivant Marc Halévy !

    bonne journée
    Jean Claude

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Que d’étonnantes précisions cher Jean-Claude, tu vas jusqu’à mesurer les vagues ! Je voulais t’interroger sur Hartmut Rosa car il me semble que tu l’as lu, qu’en penses-tu, que peut-on lire de cet auteur ?

  6. Avatar de Aurore
    Aurore

    Bonsoir Monsieur Jean-Claude !

    Bonsoir aussi aux autres !

    On serait tenté de faire bref pour aller à l’essentiel sans le moindre développement.

    Mais quand Monsieur Pépin, il y a, difficile de cracher le morceau sans manger la pomme, palsambleu !

    Des livres, des conférences, des émissions pour expliquer ce qu’il ne messied pas de faire, c’est bien, évidemment, et ça peut rassurer, aider et peut-être sauver en nous, ce qui peut l’être.

    On peut aussi ne pas écouter la radio, ne pas acheter le dernier livre en vogue, ne pas prendre le TGV pour aller en séminaire à Cerisy-la-Salle et vivre sa vie loin de tout ce tapage…Pourquoi pas ?

    Vous me direz que cette possibilité-là nous laisse sur le banc en train de faire tapisserie et loin de nous, la chance de rencontrer la vague qui danse en nous…Peut-être !

    Un tour de piste pour quoi faire, les amis ? Pour chercher l’Être, pardi ! Le physicien qui nous invite à faire ce premier pas, n’est-il pas lui aussi un épitomé d’albatros ?

    Cette quête du surréel ne date pas d’hier…Voulez-vous des noms dans la compagnie des chevaliers de la plume ?

    Quid de cette « hyper-sensibilité » ou de cette connaissance musculaire, en pensant à Monsieur Lautréamont ?

    Dans l’homme imaginant, elle appelle toute une éducation, celle de l’intuition, sans doute…Dans la réjouissance vraie, précise Monsieur Serres.

    Lire la Méthode de long en large ne suffit pas…Il faut bien décider enfin, sans sauter comme un cabri sur sa chaise… L’atome a ses caprices, pourtant, et la nature peut faire des sauts, Monsieur !

    Quelle sauteur olympien, ici-bas, saura dans l’épreuve abyssale « calculer le spectre d’un fantôme » ?

    Et de la perle, à bord, la rapporter…

    Aurore

  7. Avatar de Jean Claude
    Jean Claude

    Oui, j’ai pu mesurer les hauteurs de vagues sur les onde de la houle où nageait les dauphins qui suivaient la proue de notre voilier en faisant la transat des alizées il y a bien longtemps ! Et d’autre part les systèmes vibratoires ont été l’une de mes spécialités professionnelles en mécanique, que j’ai utilisé plus tard par un usage métaphoriques à la psycho sociologie des organisations.

    Sur Hartmut Rosa le livre à lire est Accélération. Je sais qu’il est critiqué mais je le trouve juste et pertinent. J’ai beaucoup plus de réserve sur Résonance. Ce sont deux livre que j’ai travaillé en groupe et sur lesquels j’ai effectué un rapport d’analyse en 2019

    Il est aussi à prendre en compte que j’ai évolué de puis sur la notion de résonance et de rencontre…….

    Voici le rapport un peu long !
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    ACCÉLÉRATION – RÉSONANCE
    Publié le 6 septembre 2019
    1
    Hartmut Rosa Sociologue Allemand a publié deux livres très importants : Accélération en 2010 et Résonance en 2019, important par son approche novatrice sur le plan méthodologique et la profondeur d’analyse dans le rapport au temps de la société occidentale.

    C ‘est la découverte de l’auteur et la lecture de « résonance » (en quelque sorte livre solution) qui m’a incité à lire son livre précédent : Accélération.

    A – ACCÉLÉRATION

    Accélération traite de deux questions essentielles : L’analyse temporelle du fonctionnement de notre société moderne d’une part et la méthodologie en sociologie pour traiter du temps, perspective absente des travaux en sociologie (manque de concepts, de moyens de mesures et de pratiques pour traiter du temps.

    H Rosa distingue trois dimensions à prendre en compte dans l’étude de notre rapport au temps :

    l’accélération technologique
    L’accélération sociale
    L’accélération des rythmes de vie personnels

    Sa contribution est très importante sur le plan méthodologique : il est difficile de caractériser une accélération : évolution de la moyenne des vitesses de déplacement, évolution des maximums, caractère exponentiel de l’accélération etc… ???? L’évolution peut revêtir des aspects paradoxaux : la moyenne de la vitesse de déplacement dans une ville augmente grâce à la performance des véhicules jusqu’à une limite et puis une décroissance liée à l’augmentation du flux.

    Les disfonctionnements les plus importants sont entre autre la désynchronisation organisationnelle de la vie politique toujours en retard et en décalage par rapport aux modes de vie sociale et de l’économie : l’irruption de la trottinette motorisée dans la circulation urbaine, le besoin de don de sperme ( PMA GPA) les problématiques de fin de vie, etc… La rupture des modes de vies intra génération, entre frères et sœurs ayant un décalage ‘une dizaine d’année, la reconnaissance parentale dans les familles recomposées ou la transformation des métiers lié a la numérisation ultrarapide de nos sociétés nous place dans une situation d’immigré dans cette société entrain d’advenir où tout doit être adapté sinon réinventé. La démocratie représentative actuelle n’a plus sa place et sa pertinence dans la phase de transformation que nous traversons. Une post démocratie plus agile et plus anticipative est à inventer

    Parallèlement aux prises de notes et réflexions issues de la lecture de ce livre très dense et très bien documenté, je vais soulever certains points critiques qui ne visent pas à contre argumenter et à critiquer les contributions de H. Rosa mais simplement à compléter dans des directions ou dimensions qu’il n’a pu prendre en compte ou observer.

    B – Contribution complémentaire à ACCELERATION

    Le sociologue est inscrit dans le champs de l’expérience en tant que sujet lui même touché par les effets qu’il analyse. A titre d’exemple il n’ a pas vécu de l’intérieur d’une entreprise vecteur de cette accélération comme cela a été mon cas à HP entre 1981 et 1993. C’est donc dans cet angle mort de son analyse et de son champs de recherche sociologique que je vais essayer d’apporter des compléments.

    A l’intérieur d’une telle firme, Hewlett Packard et dans les divisions concernées on peut constater que l’on ne peut dissocier innovation technologique, innovation organisationnelle, innovation culturelle et adaptation individuelle.

    L’innovation technologique ( doublement des puissances des Microprocesseurs tous les 2 ans) est synchrone à l’innovation organisationnelle, sociale, culturelle et individuelle dans l’entreprise entre 1981 et 1983 :
    a) développement et production des PC,
    b) mise en place d’une formation à la gestion du temps
    c) puis à la gestion par projet,
    d) parallélisassions maximales des activités,
    e) modification du processus de conception pour diviser par trois le temps de conception.

    Cette synchronisation induit un effet mobilisateur, de motivation et coopératif du personnel très jeune. Chacun peut s’épanouir sans être sous stress. Chacun est libre de se développer et dispose d’un temps de formation conséquent pour cela. La limite critique de ce mode de fonctionnement est de réaliser une forme de « secte » hors du champs social externe (puissance du CE sur le plan culturel, facilités bancaires etc…)

    Dans le champs social externe c’est tout autre et c’est toute l’analyse pertinente de H. Rosa qui caractérise ce décalage sociétal :

    L’innovation technologique impose l’innovation organisationnelle qui induit l’innovation culturelle ce qui en final impose au travailleur-consommateur de s’adapter sans disposer des ressources de formation et de travail aidant collaboratif . C’est cela qui génère les effets destructeurs sociétaux observés finement par H Rosa.

    Le phénomène doit être observé dans une grille d’analyse et d’expertise plus vaste que la sociologie
    a) dans les années 1995 : psychosociologie des organisations, JIT, Kaizen
    b) dans les années 2005 : ce sont ajouté maitrise des risques, management de l’innovation, processus d’accélération du changement management dans l’incertitude et de la complexité, philosophie éthique, normalisation ISO neurosciences, nouvelles formes de gouvernances, etc….

    I – Caractéristiques de l’accélération vue de l’intérieur des firmes :

    a) Parallélisassions massive des tâches
    b) incomplétude des produits livrés : les consommateurs deviennent testeur et contributeurs de l’entreprise – l’entreprise consomme de leur temps (en 2010 les entreprises consomment de leur faculté d’attention – économie de l’attention)
    c) désynchronisation des activités d’innovation( innovation de rupture – innovations partielles) ex durée de conception carte mère 6 mois structure mécanique du produit 12 à 18 mois, durée de commercialisation d’une carte mère 6 mois = temps de conception, d’une structure mécanique deux a trois ans
    d) élargissement des gammes de produits du plus simple au plus complexe
    e) Stimulation des ventes par les différents produits (effets de marque)

    II – Autre mise en perspective Modèles influents de représentation du monde :

    Les mots mal choisis polluent nos représentations : le temps ne s’accélère pas. à l’échelle humaine il est immobile comme le lit d’une rivière (rivières jeunes comme la Drome ou vieille comme l’Ardèche).
    Tout n’est pas en accélération : les arbres poussent suivant leur rythme, les bébés humains naissent au bout de 9 mois, allongement des temps d’apprentissage et de scolarisation, diminution du temps de travail global par individu.
    La perception de ce qui s’accélère est relative à ce qui ne change pas. Nous pouvons apprendre à identifier les invariants pour paradoxalement les faire varier et les développer. En quoi chacun devient nomade ou sédentaire, en mouvement ou stationnaire ?

    Les modèles « mathématiques » de constructions de nos représentations mentales peuvent évoluer :
    a) cause effet
    b) systémique
    c) paradoxal
    d) vibratoires
    e) chaotiques

    Langage informatique orienté objet : apprendre à contextualiser, à identifier les invariants -(héritages). Cela induira une nouvelle forme de gouvernance de type contextuelle

    III – Notre représentation du temps

    Le modèle de la rivière est très intéressant à développer comme métaphore de notre relation au temps. Le flux d’eau est le flux d’information qui ne cesse de croître (accélération) rivière en crue. Suivant la vitesse que l’on a par rapporta au courant (posture du kayakiste) on peut manœuvrer sans effort faire le point observer immobile ou même remonter des parties du cours d’eau ( écoulement turbulent avec des courants inverses, ceux qu’utilisent les poissons)

    Apprendre à vive dans l’accélération

    La gestion du temps si mal nommée regroupe les compétences pour gérer sa vie, maîtriser ses risques et son énergie, savoir être disponible à l’essentiel et planifier strictement ce qui ne l’est pas ( principe d ‘incomplétude et d’imperfection). Les mots clés sont efficacité efficience et pertinence tout en gardant un visage humain : hybrider les pensées et les types d’actions à la place de les opposer.

    Nouvelles formes de gouvernances

    Les évolutions non démocratiques des gouvernances efficaces des firmes ( les big five) ouvrent des espaces de possibilités nouvelles post démocratiques plus humaines. A nous de les saisir. Les frontières deviennent poreuses et multiples. L’Europe expérimente avec difficulté une gouvernance tournante sans chef fixe et doté d’un principe de subsidiarité très puissant. Communautés de destins et de territoires doivent générer la multiculturalité déjà présente dans les villes monde comme Toronto par exemple

    Le temps hebdomadaire promu par les religions à l’échelle de l’agriculture n’est plus adéquat. Ce n’est pas le mobile qui doit être l’horloge mais une nouvelle temporalité peut être mise en œuvre : une dévaluation du temps pour se donner du temps : la période de temps devrait être le mois avec un ou deux weekends de 4 jours par exemple et des jours de repos flottants.

    Nos organigrammes fonctionnels sont du type « domaine de compétence ». Ils peuvent se transformer de façon matricielle en domaines de compétences et domaines temporels :
    a) le temps court et opérationnel : de la journée à plusieurs mois : la mise en œuvre de la stratégie opérationnelle
    b) le temps capacitaire : du trimestre à l’année – celui du développement des compétences , de l’organisation stratégique.
    c) le temps long traitant de la question du sens et des orientations sur 5 a 10 ans (exemple HP de 1980 a 1990 L’orientation du PDG J Young de réduire de manière drastique les coûts de maintenance de réparation et de produits en pannes, en clientèle)

    Ces dispositions s’appliquent aussi bien à la firme , qu’à chaque divisions, qu’aux équipes et surtout à chacun des employés. La notion de bilan mensuel, trimestriel, annuel ou quinquennal est autant pertinent dans la vie professionnelle que la vie de couple ou de famille.

    Cela ne peut pas dire que l’on réduit pour autant la vie couple, de ménage ou de famille à la gestion d’une entreprise !

    C – « Résonnance » Une sociologie de la relation au monde du sociologue allemand Hartmut Rosa

    Prises de notes et commentaires

    Résonance

    Synchronisation dans l’acceptation de ce qui est sympathie, harmonie consonance, empathie, désaccords, dissonance antipathie, inouï, imprévu, étrange….. Au lieu d’une relation muette quantitative et cumulative. Co transformation de soi de l’autre et du monde : percevoir et agir.

    Ne pas penser en termes de ressources (nécessaires ou à améliorer, à accumuler pour bien vivre) mais de posture, d’être au monde comme à soi ou à l’autre – présence, disponibilité, mise en danger ou en fragilité par la rencontre

    Accélération

    Croissance quantitative des biens et ressources pour mieux vivre une fois acquises

    Aliénation consommatrice de toujours plus du même : assimilation

    Trois problématiques d’être au monde posé par l’accélération (cause et conséquence) :

    Rapports à l’environnement,
    au déséquilibre relationnel social
    et dans la subjectivité du rapport à soi (à son corps, au temps, à la mort)
    Son opposé vital pour un bien vivre ou une vie bonne n’est pas de décélérer mais de se mettre en résonance avec le monde : c’est l’objet de la rencontre vécu comme une opportunité ou événement mais surtout comme une continuité de moments de rencontre avec la même personne.

    Système en tension entre :

    Résonance – aliénation – assimilation

    – aliénation : comme incapacité de s’engager dans une remise en cause, une prise de recul, dans une bifurcation de rupture engendrant des deuils – situation de dépendance. Absence de transformation de soi, de transformation de l’autre et du monde – indifférence, absence d’affects

    – résonance : situation d’apprentissage de remise en cause ou d’épanouissement dans la rencontre – chacun parle en « je » affects et rencontre ouvrent la porte à la triple transformation de soi de l’autre et du monde

    – assimilation accroissement de ressources en vu de plus d’efficacité personnelle ou collective : apprentissage dans une direction instrumentale et ou de résonance

    Cf les trois cercles de l’apprentissage, de l’épanouissement et de la dépendance

    Fonctionnement systémique et interactions d’hybridation vers des cercles vertueux ou viciés

    L’expérience du monde et de sa représentation

    L’omniprésence de l’écran, du visuel et de la musique : sur-stimulation visuelle du cérébral, modifie l’usage « perceptif » du cerveau

    Synthèse – forces et faiblesses de l’ouvrage Résonance

    Forces :

    Cet ouvrage fort dense (500 pages) est bourré de témoignages vivants et vécus par l’auteur comme preuve que le but de l’auteur, sa thèse et les moyens qu’il utilise pour affirmer cette thèse sont en pleine cohérence. L’auteur me parait en parfaite résonance avec son œuvre, il en témoigne. Bien que sociologue et donc scientifique, il ne stérilise pas l’objet de sa recherche, il ne l’instrumente pas. Cet état de résonance lui permet de contourner les points faibles méthodologiques qui seront exprimés plus loin. Ses témoignages sont empreints d’une subjectivité décelable en second niveau. Il s’exprime en tant qu’être humain et non pas seulement dans le prisme réducteur de la scientificité. D’autre part, il laisse une large place au doute et il utilise des approches de discernement proche des heuristiques…

    Cet ouvrage génère une mine de réflexions, il est enrichissant.

    Faiblesses :

    Sa perception du « sujet » est datée, du XIX et XX siècle
    Il utilise le dualisme méthodologique réducteur (mais compensé par le discernement heuristique) ex : Résonance # Aliénation
    Les trois axes de déclinaison de la dualité « Résonance – Aliénation » 1 – Vertical, 2 -Horizontal 3 – Diagonale devraient être trois direction indépendante (x, y, z). En plus l’axe diagonal devrait être segmenté en deux dimensions Rapport aux choses matérielles d’une part et rapport à l’argent d’autre part ( ce que ses propos induisent dans les faits.)
    Un autre point d’ordre méthodologique : à la différence du livre précédent, l’auteur ne questionne pas sa posture méthodologique qui n’est plus seulement celle d’un sociologue. Comment envisager un changement d’ordre individuel ou communautaire et comment conduire de tels changements ?
    En pratique, l’approche dialogique quadripolaire aiderait largement le propos de l’auteur dans une visualisation heuristique portant sa part d’arbitraire :

    le sujet devient une de facettes ou pôles de l’individu multipolaire (personne – acteur – sujet – personne méta

    la résonance se divise en deux pôles de résonance : résonance synchrone ou en harmonie et résonance dé-synchrone ou résonance dissonante. L’aliénation (forme de dépendance) doit être dissociée de l’instrumentalisation ou posture calculatoire.

    les quatre axes de déclinaison sont :

    axe 1 de rapport aux êtres

    axe 2 de rapport au sens aux valeurs et à la transcendance

    axe 3 de rapport aux choses matérielles, activités et services

    axe 4 de rapport à l’argent au statut et au pouvoir

    Il est évident que chacun de ces pôles de discernement interagissent les uns les autres rendant ainsi chaque configuration individuelle totalement singulière. La ligne de tension entre les résonances disruptives ou dissonantes cruciales pour les phases d’apprentissages, les résonances synchrones caractérisant les espaces d’épanouissement et la dérive toujours possible du toujours plus de la même chose jusqu’à l’aliénation de dépendance puis l’addiction est singulière pour chaque segment analysé des différentes postures de chaque personne.

    A cette ligne de mise en tension qui se trouve être en posture méta et méthodologique une résonance disruptive entre « résonances » et « aliénations », il existe une autre ligne celle de non tension ou relation symétrique muette (en posture méta) entre ces deux pôles. Entre « résonances » et « aliénations » il existe un espace neutre, celui de l’indifférence, de la non relation, du vide.

    La prise en compte de la relation méta, méthodologique, entre la ligne de mise en tension et la ligne d’indifférence nous rapproche de la quête de l’inouï, ici dans le cadre méthodologique, propre à François Jullien.

    Jean Claude Serres

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Merci Jean-Claude, c’st long en effet mais instructif !

  8. Avatar de Kalmia
    Kalmia

    Bonjour !

    Oui, Monsieur Jean-Claude doit connaître Monsieur H.Rosa, le philosophe et sociologue allemand qui fait de la résonance, la clé de la relation réussie au monde. On sent sa pensée, en filigrane, dans le commentaire si bien argumenté de Jean-Claude

    Par ce trait d’union mystérieux ou cette « corde vibrante » porteuse de quelque chose, on attend la réponse du monde.

    Prendre le temps, décélérer, s’arrêter et écouter pour essayer de vivre autrement, loin de tous ces bruits, n’est ce pas ?

    Oui, comment ne point penser à Michel Serres et aux rats de la fable ? Ne pas détaler et rester vivant. Résister.

    Notre penseur d’outre-Rhin a du succès face à son public d’une catholique université, admiré par de jeunes doctorantes qui, elles aussi, rêvent d’une bonne vie.

    « Effondrement des axes de résonance essentiels aux sujets », lit-on quelque part. Oui, sans doute.

    Mais enfin, cette aliénation fondamentale et constitutive de la modernité tardive, n’a-t-elle pas été perçue, analysée sous toutes ses coutures par Herbert Marcuse, à la fin des années sexties… Et dans les manifestations de l’époque, Madame, Monsieur, qui, lisait « Eros et civilisation », « L’homme unidimensionnel » et « Le nœud gordien » du président de la république ?

    Durant tout ce temps, une écoute poétique de la nature et du monde était-elle encore possible ?

    Quid de la culture dans la durée ? Il ne s’agit pas seulement de lire « Le Monde diplomatique », faut-il encore s’accrocher à la glaise sans penser aux décorations et à la diplomatie mondaine.

    Terre amoureuse, amoureuse initiation.

    Comment, chers amis, ne point citer « La poétique de l’espace » ? Voici un extrait de l’introduction :

    « Les résonances se dispersent sur les différents plans de notre vie dans le monde, le retentissement nous appelle à un approfondissement de notre propre existence. Dans la résonance, nous entendons le poème, dans le retentissement nous le parlons, il est nôtre. Le retentissement opère un virement d’être. »

    Votre billet, cher maître, a provoqué ce ricochet.

    Merci.

    Kalmia

  9. Avatar de Guillaume Bardou
    Guillaume Bardou

    Fort intéressant commentaire de jean Claude, qui synthétise Hartmut Rosa, que je ne connaissais pas. je l’imprime et vais le lire attentivement, les solutions intellectuelles pratiques proposées par ce dernier m’émoustillent, car les idées audacieuses portent une ombre de sensation facile à vivre.

    En effet, rien qu’une ombre, car le fondamental est sensation avant que d’être parole, sorte d’augmentation d’intensité, mouvement, résonance pour parler comme dans ce billet.

    Certains sentent s’ils sont en contact avec le Tout, une pause, l’en-dehors… s’ils savent contourner la pensée binaire faite de langage. Certains apprennent ce contact, le désirent, s’en illusionnent peut-être. C’est mon cas.

    D’autres peuvent l’apprendre, d’autres ne le connaîtront jamais, d’autres le dédaigneront comme erreur. Mais la Totalité fait son chemin avec l’ensemble de ces petits mondes.
    .

  10. Avatar de m
    m

    Merci Monsieur Serres de cette présentation exhaustive.

    Merci à vous aussi Kalmia et Monsieur Bardou pour vos points de vue qui font réfléchir.

    Voici un épitomé d’un autre livre de l’auteur en question, qui pourrait plaire, peut-être, au blogueur de « La Croix » :

    « Pourquoi la démocratie a besoin de la religion
    Hartmut Rosa

    Partout en Europe, et indépendamment des scandales qui les traversent, les Églises chrétiennes font face à des difficultés majeures et voient de plus en plus de fidèles déserter leurs rangs. On pourrait sans doute s’en réjouir. Après tout, la religion peut être perçue comme une force obscurantiste et réactionnaire, voire archaïque, un obstacle dressé face aux choix rationnels et aux élans émancipateurs de la modernité.
    Le célèbre sociologue Hartmut Rosa, lui, suggère une tout autre analyse et s’inquiète des effets de cette crise : que se passe-t-il quand la religion dans son ensemble n’a plus d’écho dans les sociétés démocratiques ? Que perd la société quand la religion n’y joue plus aucun rôle ? Quel est l’avenir d’une démocratie sans religion ? Est-il vraiment sage de renoncer au riche trésor du religieux ?
    Avec son acuité habituelle, Hartmut Rosa nous montre que cette situation de crise aiguë coïncide avec le triomphe d’un rapport instrumental au monde né à l’aube de la modernité capitaliste. Ainsi, ce que nous perdrions avec l’effacement de la religion, ce ne sont pas seulement une série d’histoires, de croyances ou de rituels, mais avant tout une capacité à entrer en résonance avec le monde, à le laisser venir à nous et à lui permettre de guérir des traumas que nous lui avons infligés. »

    Bonne nuit à tous

    m

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Epatant, cher M ! DFécidment, aiguillonné par vous et par Jean-Claude, je vais mieux considérer cet Hartmut Rosa…

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À propos de ce blog

  • Ce blog pour y consigner mes impressions de lecteur, de spectateur et de « citoyen concerné ». Souvent ému par des œuvres ou des auteurs qui passent inaperçus, ou que j’aurai plaisir à défendre ; assez souvent aussi indigné par le bruit médiatique entretenu autour d’œuvres médiocres, ou de baudruches que je…

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À propos de l’auteur

  • Daniel Bougnoux, professeur émérite à l’Université Stendhal de Grenoble, est ancien élève de l’ENS et agrégé de philosophie. Il a enseigné la littérature, puis les sciences de la communication, disciplines dans lesquelles il a publié une douzaine d’ouvrages.

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