C’était hier soir (jeudi 2) réunion du Conseil scientifique de la Cinémathèque de Grenoble, qui inaugurait du même coup ses nouveaux rutilants locaux, 4 rue Hector-Berlioz entre Isère et jardin de ville… Ils ne seront ouverts que dans quelques semaines (les jeudi, vendredi et samedi après-midi) au public, qui y trouvera :
– une petite salle de visionnage pour se projeter un film (16 mm, 35 mm ou DVD) issu des collections ; celle produite par le Festival du court-métrage, qui en est à sa 37ème édition, a déjà déposé sur les étagères plus de mille bobines ou DVD ;
– deux postes de consultation reliés au CNC et à l’INA, où l’on pourra donc également visionner en employant un casque ;
– un fonds d’archives-papier riche en livres, revues, affiches (dix-mille ?), dossiers de presse ou de documentation… J’ai hâte de m’y plonger à la recherche, notamment, de la filmographie concernant Shakespeare ;
– des accueils de stages, de « résidences » ou de séminaires, ou encore des équipes de tournage quand elles opèrent, comme c’est assez fréquent, sur Grenoble ou sa région.
Dans leur présentation militante et imaginative de ces ressources, Nicolas Tixier et son complice Guillaume Poulet ont souligné l’ouverture, l’appel aux bénévoles, les synergies qui pourraient faire de ce remarquable équipement (un des tout premiers en province ou, comme on dit, « région ») un lieu qui fasse lien avec nos propres envies touchant ces chères vieilles toiles. Programme à suivre, donc. Qui prend aussi la forme (enfin aboutie après cinq ans de gestation) d’un fort cahier de 30 pages où la Cinémathèque décline les activités du trimestre à venir, notamment la programmation détaillée de la salle Juliet Berto.
Le buffet qui suivit la présentation et la visite permit d’autres contacts, et formulation de projets. Puis nous nous engouffrâmes en face, dans la chère salle Juliet Berto où se donnait le film ouvrant la saison, et du même coup une rétrospective des années 1958-1968, films d’auteurs en marge de la Nouvelle vague, à revoir ou à découvrir. J’y retournerai lundi 6 octobre pour le Maine Océan de Jacques Rozier, que je n’ai jamais réussi à voir à ce jour. Que ne l’ont-ils programmé hier ! Car franchement, le choix de Jean-Pierre Mocky n’augurait rien de bon.
Ce détestable (à mes yeux) cinéaste auteur de quelques 170 films s’est donc spécialisé dans le bâclage et le racolage. Les Compagnons de la marguerite ne font pas exception, et je n’ai pu que vérifier, durant cette ennuyeuse projection, mon aversion tenace pour cette esthétique de papa : tout y est laid, l’intrigue, les dialogues, les costumes (les pyjamas dans des intérieurs à pleurer ! La bouffarde des flics, leurs vélos, Francis Blanche en mariée !!), le jeu des acteurs tellement surligné… Film potache en effet, comme argumentait à mon intention en sortant une charmante jeune femme, croyant ainsi le défendre, « vous n’aimez pas le burlesque ? ». Si bien sûr mais le burlesque, ça se travaille, ça ne se bricole pas à coup de situations convenues, de mots d’auteur superficiels…
Comment goûter aujourd’hui, sinon par une douteuse nostalgie, la pathétique performance de Francis Blanche, les débuts de Michel Serrault ou de Claude Rich (qui à la même époque se montrait magnifique de grâce ou de rouerie post-adolescente dans Oscar par exemple, et qui ne tient ici qu’un premier rôle de patronage)… Or je suis bien forcé de constater que les gens aiment ça, car la salle riait, quelques-uns ont même aplaudi à la fin, donc j’ai tort !
Je me retrouve minoritaire, vaguement atrabilaire, un peu seul face aux rires et au plaisir des autres à bouder dans mon coin… Vraiment ? Et vous qui lisez ceci, quel est votre sentiment ? Même dégoût je me rappelle (mais je vais aggraver mon cas) quand des amis nous ont prêté le DVD des Tontons flingueurs avec beaucoup d’encouragements, de blagues en coin et de claques dans le dos, ils en riaient encore, leurs yeux se mouillaient de plaisir, vraiment on allait ce coup-ci se marrer, s’en payer une tranche ! Mais nous à la vision du même Francis Blanche encombré de ses faux barbouzes et de ses mots d’auteurs – rien, pas le plus petit frisson, zygomatiques en berne et libidogramme plat… C’est grave docteur ?
Je me retrouve, prenant de l’âge, fréquemment bousculé par ces décalages d’appréciation. Non seulement une bonne part de la culture jeune m’échappe absolument, mais je me sens souvent en porte-à-faux avec les émotions, surjouées ? de mes contemporains, est-ce la nostalgie qui les porte, ou quel conformisme générationnel, on se rattache à quoi en aimant dans ce film Francis Blanche ?
Imbécile « Marguerite » dont je ne serai jamais le compagnon, même si sa musiquette de foire et ses dialogues de guignol, écrivant ceci, me poursuivent…
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