Aragon personnage de roman ?

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Qui dira la souffrance d’Aragon ?

roman de Gérard Guégan (Stock, janvier 2015)

 

Précédé d’un titre attirant, ce livre malaisé à cerner et à évaluer me laisse quelque peu insatisfait, pourquoi ?

L’hypothèse centrale qu’il met en scène fait en effet difficulté, sans que l’auteur s’y étende ou tente de la traiter : en nous montrant un Aragon homosexuel en 1952, alors que se trame au sommet du Parti ce qu’on appelle « l’affaire Marty-Tillon » (le procès en exclusion de deux membres majeurs du PCF), Guégan affirme tranquillement que son personnage a toujours fait ce choix sexuel, Elsa ne lui étant qu’une couverture. Lors d’un dîner à trois rue de La Sourdière, il imagine donc un Aragon prenant à part son amant pour lui glisser à l’oreille sa détestation d’Elsa ; tandis que celle-ci symétriquement, profite d’un complaisant éloignement de Louis pour forcer « Mahé » à l’embrasser sur la bouche, quêtant auprès de l’amant de son mari ce que celui-ci ne pourrait ou ne voudrait lui donner…

Cette présentation du couple de légende bouscule à l’excès les faits, ou du moins les témoignages à partir desquels nous croyons pouvoir les reconstituer. Dans mes chronologies et notices de l’édition Pléiade, j’ai moi-même défendu la thèse d’un Aragon bisexuel, qui bascule certes pleinement dans l’homosexualité après la mort d’Elsa (1970), mais dont les choix antérieurs, notamment lors des années d’avant celle-ci, montrent une forte attirance pour les femmes mêlée de velléités homosexuelles qui demeurèrent, autant qu’on sache, contenues. Les indices les plus nets de ces tendances refoulées figurent dans Le Cahier noir, qui met en scène autour d’une certaine Blanche le couple homosexuel de Firmin et Gérard, d’où Guégan tire le prénom qu’Aragon (selon lui) exige que son amant lui donne. Or, s’il y eut bien au cours des années vingt une « séance de gymnastique pas ordinaire » qu’Aragon se vanta (auprès de Maxime Alexandre) d’avoir pratiquée une nuit avec Drieu La Rochelle, ce témoignage est demeuré à l’état d’hapax non recoupé ; et les passions successives d’Aragon pour Eyre de Lanux, puis Nancy Cunard (qui se plaignait de cet amant trop « demanding »), ne plaident pas précisément pour un libertinage homo. Est-il vraisemblable que les dithyrambes à Eyre (de tendance elle-même lesbienne), dans « Le Sentiment de la nature aux Buttes-Chaumont » (1926), puis ce que nous savons de la liaison d’Aragon avec Nancy jusqu’au « suicide » de Venise en 28, n’aient été que propos de façade et simagrées destinés à tromper une censure qui dominait alors dans le groupe des surréalistes comme dans la société ?

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Les citations tirées de « L’enquête sur la sexualité » (1928) dont Guégan parsème ses entrées de chapitre sont à cet égard complaisantes, sans rien prouver : peu porté sur les vantardises de ses camarades, Aragon y fait des réponses ironiquement modestes, à partir desquelles il semble difficile de conclure. Plusieurs femmes, dit-on, eurent la curiosité de vérifier ses déclarations et s’en trouvèrent très satisfaites, comme si sa stratégie du profil bas avait servi à lui rallier alors plus de conquêtes que le machisme affiché par le groupe surréaliste !

Ce livre dans l’ensemble paraît bien documenté (avec de petites fautes, comme celle concernant le pseudonyme d’Albert de Routisie, forgé par le dernier éditeur et qui ne figure que sur la couverture de la reparution d’Irène en 1964 : si Guégan avait eu en main, comme son personnage Mahé, la rare édition originale de 1928, il aurait vu que l’ouvrage tiré à si peu d’exemplaires parut en effet « sous le manteau », sans aucune mention d’auteur ni d’éditeur). La gêne surgit ailleurs, dans la façon dont l’auteur réussit mal à faire parler son « Aragon ». Et certes, la restitution physique et les attitudes prêtées au personnage semblent souvent convaincantes ; ancien militant, Guégan put observer son modèle en maintes circonstances, et il suggère bien sa mobilité aux aguets, son impatience chronique (« Tu n’es pas impatient, lui disait Elsa, tu es l’impatience… »), ses propos abrupts et souvent cocasses dans la vacherie, ou l’acuité d’observation… Mais au-delà de quelques traits physiques ou langagiers, comment faire entendre vraiment Aragon dont la conversation était éblouissante, sans trahir sa verve de poète, ou son incessante fabulation romanesque ? Guégan lui prête des souvenirs lancinants, des lambeaux de phrases tirées de ses livres, une tenace nostalgie de Breton, de la rouerie souvent touchante dans l’aveu du désir ou ses demandes tantôt obliques et tantôt brutalement directes d’amant…, mais l’essentiel échappe dans les passages mêmes qui voudraient le mimer : le torrent verbal, l’incessante provocation des mots ne sont pas rendus, ce n’est pas Aragon qui parle mais le pâle ersatz de sa marionnette.

Si l’on assimile « Aragon » à son étourdissante capacité de parole, ce roman qui prétend le montrer souffre d’un déficit majeur d’incarnation, ou de style. Il sous-estime nécessairement son héros dans ce qui faisait sa singularité éclatante, cette permanente création de soi, cette propension qu’avait l’original à vivre dans l’excès, au bord de la destruction carnavalesque d’un personnage toujours recommencé… Et surtout, Guégan laisse en suspens la question que son titre pose non sans pertinence, « Qui dira la souffrance d’Aragon ? » : pas lui, pas ce livre ! Car cette souffrance qui fut bien réelle, très étendue (si l’on en croit le témoignage tardif et émouvant de Soupault), ne s’est aucunement limitée, comme ce livre l’affirme, à la dissimulation tenace d’une tendance sexuelle.

Guégan cite à peine La Mise à mort, pièce pourtant capitale à verser au dossier des tourments de l’auteur, torturé par la jalousie, tordu et contraint au silence politique par l’incapacité où il se plaça de dire en clair ses griefs, contre les pratiques staliniennes du PCUS autant que de son propre parti. Confronté à l’imposture et au désastre où s’engagèrent les siens, Aragon ne sut que murmurer, quitte à s’enfoncer dans la honte, et à endurer les reproches d’Elsa – et bien sûr des adversaires qui eurent beau jeu de l’en accabler, et qui furent légion. Cette souffrance (de la honte) n’était pas d’hier mais, pourrait-on dire, de naissance, et l’œuvre ou la vie d’Aragon montrent à cet égard une bizarre stratégie de répétition, qui l’enfonce autant qu’elle le sauve : car son art, jamais analysé ni même évoqué par Guégan, lui a ouvert une porte de sortie ou une catharsis qui nous permet peut-être, quels qu’aient été les méandres de cette histoire et du personnage, d’imaginer in fine et au bout du compte un Aragon souverain, étrangement heureux.

L’histoire imaginée par Guégan a du nerf, et elle sonne souvent juste – mais elle semble tellement lacunaire, et inférieure à son « sujet » ! Romanciers, encore un effort si vous devez vous attaquer à de pareils personnages, qui vous ont précédés d’assez loin dans l’étalage et la mise en scène – mais aussi, dirais-je, dans l’analyse qui manque fâcheusement ici – de leurs propres tourments.

16 réponses à “Aragon personnage de roman ?”

  1. Avatar de Nicolas Mouton
    Nicolas Mouton

    Je partage pour l’essentiel votre sentiment sur ce piètre roman. Tout d’abord pour des raisons esthétiques évidentes : je ne trouve pas là-dedans la moindre trace de style, et le récit (absolument bancal) n’a pas réussi à accrocher mon attention. Bref, je n’ai pas éprouvé de plaisir de lecture.
    Pour ce qui concerne l’ami Aragon (mais peut-être mon admiration pour lui m’aveugle ?) je le trouve bien injustement malmené. Certes l’auteur a essayé de situer le contexte d’une époque, et semble s’être un peu renseigné sur son sujet, mais Aragon s’exprime sous sa plume d’une manière invraisemblable (et pour tout dire assez vulgaire) qui n’était pas dans sa manière. Car, nous en avons de multiples exemples en tête, même dans l’injure, il savait à l’oral être d’une invention de tous les instants. C’était un prince et ce livre en fait un homme mesquin. J’ai été arrêté également par cette idée ultra-rétrograde d’un Aragon traitre politique, communiste soumis, veule… bref tous ces clichés ridicules que les recherches ont depuis longtemps démontés. Quant aux suppositions sur sa sexualité… D’abord, personne à part lui-même n’en peut rien savoir, et les témoins croyant avoir tout compris, tout décelé me font bien rire ! Ensuite je ne vois pas en quoi ça nous regarde. Par contre je vois très bien en quoi cela regarde Guégan, qui s’est saisi de cet aspect (d’ailleurs anachronique) pour inventer une histoire sur laquelle on allait pouvoir parler, ricaner, polémiquer, faire le buzz. Et que dire de la façon si racoleuse dont est traité le personnage d’Elsa Triolet ?
    Pourtant, il y avait un passionnant roman à écrire : celui d’un Aragon monstre de travail, trouver un équilibre dans la vie réglée par Elsa (et pourquoi balayer d’un revers de plume le mystère de ce couple ?), dominant ses passions, ses tentations peut-être. Bref, l’aventure d’un homme aux prises avec lui-même et maîtrisant sa vie pour produire une oeuvre sans égale (journalisme, romans, poèmes, traductions, discours etc.)… Mais Guégan avait-il les épaules pour écrire un roman à la mesure de son modèle ?
    Enfin, les motivations de notre « fellateur de la nécessité » comme dirait l’autre, me paraissent assez peu élevées. Militant communiste quand le PCF avait le vent en poupe, puis maoïste sous Mao et gauchiste au temps des gauchistes, cet esprit indépendant, sous le cul de 2015 fait office d’une belle commode. Commode de se servir d’un nom connu pour attirer l’attention sur la couverture d’un livre ; commode de bricoler une marionnette qui mettra les rieurs de son côté, plutôt que de se coltiner avec une oeuvre complexe.
    L’interview donnée samedi sur France Culture, assez calamiteuse (et à vrai dire assez stupide), renforce l’impression d’un travail bâclé et volontairement crade.

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Merci, cher Nicolas, de ce renfort inespéré ! Je viens en effet d’écouter (en différé) l’émission d’Ono-Dit-Biot sur FC intitulée (samedi 31 janvier à 17 h.) « Homosensualité », où défilent l’inévitable Dominique Fernandez, Gérard Guégan et une dame dont le nom m’échappe. C’est (pour les deux premiers) assez consternants ; ils sont d’emblée d’accord pour accabler Aragon, et mobilisent pour cela les plus éculés ragots. J’espérais qu’on interrogerait GG sur ses sources, ou sa documentation, mais cet ancien « témoin » se défile derrière la défausse connue, je suis romancier voyez ma plume, je suis bien renseigné voyez mon parcours… Le « mentir-vrai » de celui qu’on n’ose appeler son modèle avait une autre classe ! La plus petite fréquentation des travaux des chercheurs, ou de notre séminaire de l’ITEM, l’aurait retenu sur cette pente, mais notre homme ne se donne pas tant de peine, il n’a cure d’éclairer le lecteur, ni d’ajouter à la connaissance (difficile) d’Aragon, il ne veut qu’épater les gogos, qui n’attendent que ça : du caniveau, de la très basse littérature.
      J’ai été assez surpris qu’à trois reprises dans l’émission il évoque mon travail en Pléiade, puis mon livre publié par Pontalis et censuré par Ristat, « Aragon, la confusion des genres », mais sans jamais me citer : il m’appelle cocassement « le garçon » (à mon âge !), il mélange tout (avec la chaude approbation de ses deux comparses) et me prête pour finir la même « lâcheté » qu’à Aragon : devant les ciseaux de Ristat, j’aurais préféré me coucher au lieu de bravement porter mon livre à un autre éditeur… Sur cette « affaire » de novembre 2012, qui n’a pas tourné au triomphe du censeur comme celui-ci l’espérait, je crois m’être assez expliqué, et je n’ai pas voulu en reprendre le dossier sur ce blog (initié en janvier 2013), pour ne pas y introduire la polémique. Ce n’est pourtant pas l’envie, ni la copie, qui manquaient… Mais bref et à en croire Guégan, nous sommes tous des lâches, des timorés de l’université, lui seul a écrit un livre courageux, LE témoignage qui déballe enfin une vérité-qui-dérange et qui ose tout dire en démasquant « le traître » ! Je comprends, à écouter cette émission bien vulgaire, que j’ai été trop retenu dans mon compte-rendu, j’aurai dû y souligner dès le début la désinformation constante, le racolage, la bêtise de prêter à l’autre (Aragon) son inculture ou sa propre bassesse, car ce monsieur n’imagine pas que son personnage évoluait à cent coudées au-dessus de sa tête, que lui-même dirige obstinément vers le bas. Il y a par exemple une culture des sentiments, qui s’acquiert en effet par la souffrance, mais celle d’Aragon était tellement plus complexe, plus riche et productive !… Comment aurait-il écrit « Le Roman inachevé », « Le Fou d’Elsa » ou « La Semaine sainte » sans des tourments qui vont très au-delà de ceux que M. Guégan lui prête, ou consent à ressentir. La souffrance, bien réelle, d’Aragon reste à analyser ou à décrire ; quant à ce méchant livre, il fera souffrir tout lecteur un peu renseigné. Mais Aragon s’en fiche et il rigole peut-être, là où il est, de ces efforts de pion pour salir sa mémoire.

  2. Avatar de Nicolas Mouton
    Nicolas Mouton

    Qui dira la souffrance du lecteur ?

  3. Avatar de xavier-lew b.masset

    Àragon a souvent prêté le flanc a toutes sortes de rumeurs bien avant le voyage à Kharkov, André Thirion a parlé dans ses mémoires de son côté « petit garçon », volontiers efféminé.
    Plusieurs biographes ont invoqué à leur (ou son) secours; les conséquences de son éducation reçue en un milieu exclusivement féminin. Je n’y crois pas trop, et-là je vous rejoins,
    Aragon a montré toute l’attirance, le désir, qu’il éprouve devant la femme (pas seulement lorsqu’elle apparaît dans toute sa splendeur surréaliste orthodoxe), il suffit de lire les merveilleux « Le Con d’Irène » et « Le Paysan de Paris. »
    Si plus tard il fut attiré par les filles très typées lesbiennes, amusons-nous à considérer qu’il fut observé à son tour d’une façon plutôt gourmande par Adrienne Monnier, le prêtresse du monde lesbien à Paris dans les années vingt.
    Je le trouve courageux d’oser affirmer un peu contre la doxa bretonnienne, dans l’enquête « Recherche sur sexualité »; qu’il est pour qu’on parle de l’homosexualité en toute liberté, et qu’il se déclare pour l’égalité de l’homme et de la femme dans la relation amoureuse.
    Je le trouve très moderne.
    Cela devait aller certainement dans le sens rimbaldien de sa vision des choses, mais pas seulement.
    Ce qui, pour moi, casse un peu la magie du comportement aragonien, exemplaire ici, c’est son assujetissement à la morale communiste après 1930 qui le met dans l’incapacité d’aimer encore ce qu’il adorait hier, l’étrange, le dérangeant, qui battent au coeur de la société.
    Dali devient persona non grata dans le Surréalisme ASDLR parce que sa « Rêverie » est obscène.
    Ses compagnons, on le sent bien, ne le défende qu’avec un peu de dépit amer dans la bouche, à l’occasion de la parution de « Misère de la Poésie. »
    Je pense qu’Aragon voulait plaire et complaire à tout le monde, ne froisser personne, et qu’il appréciait sincérement développer un goût pour la simplicité, le non-compliqué des relations humaines, le PCF lui servant de toit idéal pour cela.
    En ce qui concerne Elsa, le biographe de Breton, Polizzotti, raconte comment elle s’y prit pour séduire le bel hidalgo des lettres françaises.
    C’est du direct, digne d’une pro des backrooms, on peut imaginer que Louis y trouva physiquement un certain compte.
    J’ai bien aimé l’avant dernier livre de Guégan, sur un autre grand séducteur.
    Bien à vous.

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Nous nous rejoignons en effet, Xavier, pour trouver du mérite à Aragon, je me sépare de vous quand vous l’accusez de vouloir plaire à tout le monde, il me semble au contraire qu’il aura beaucoup fait pour se mettre énormément d’ennemis sur les bras, et que ses textes les plus vifs ou virulents des années vingt (préface du « Libertinage », « Traité du style », « La Grande gaîté »…) semblent conçus pour déplaire, et le brouiller avec le monde entier – mais c’est aussi, je vous l’accorde, une stratégie paradoxale de séduction. Son conformisme au sein du PCF est une autre façon de déplaire, ou d’aller vers l’impardonnable : dire oui à Thorez ou Staline équivalait à un NON augmenté vis-à-vis de la bourgeoise. Mais son adhésion (de quelque cinquante ans) au PCF n’allait pas sans réserves, ni combats très vifs menés de l’intérieur.

  4. Avatar de Gérard Jambrun

    Vos critiques adressées au livre de Guégan sont à côté de la plaque et, pour tout dire, hors de propos. On pourrait discuter de leur pertinence si l’auteur avait voulu écrire une biographie d’Aragon, mais il a écrit un roman, c’est-à-dire une oeuvre de fiction. Dès lors, peu importe la distance qui sépare le personnage de fiction nommé Aragon du personnage réel qui l’a inspiré. C’est le droit du romancier de manipuler à sa guise les données qu’il emprunte aux documents biographiques ou aux oeuvres de l’intéressé. Si Guégan avait fait d’Aragon un agent de la Gestapo ou du patronat, un pédophile ou un zoophile, cela ne m’eût pas autrement gêné. Un de vos commentateurs est plus près du vrai débat que vous quand il parle de « piètre roman », quoiqu’il ne fournisse pas ses raisons et se retrouve finalement sur le même terrain que vous. La question n’est pas de savoir si quel est le degré de fidélité de la peinture de Guégan à la réalité biographique, mais de savoir si ce produit de son imaginaire tient la route en tant qu’oeuvre d’art, puisqu’en principe c’est à ce titre qu’il convient de juger un roman. Pour le reste, Aragon est mort depuis longtemps et vous conviendrez que la fidélité à sa mémoire n’intéresse plus guère qu’un quarteron d »inconditionnels.

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Je vous répondrai que chacun est toujours « à côté de la plaque » pour chacun : nous ne partageons pas les mêmes mondes propres, n’avons pas les mêmes parcours ni raisons de s’indigner, de s’enthousiasmer ou de pleurer. Il se trouve que j’aime et admire Aragon, qui m’a tellement appris ; je supporte donc mal qu’on le traîne dans la boue. Ce n’est pas tant le roman, dont j’ai donné une critique « mesurée », que le débat qui a suivi sur FC et qui m’a révolté par sa négligence, son conformisme vulgaire. Je suis d’accord que les livres d’imagination sont libres, donc non critiquables dans leurs affabulations. Il se trouve que GG joue sur les deux tableaux : je suis romancier, foutez-moi la paix avec les références venues du « monde réel », mais j’en profite pour jouer des vérités insinuées. Cette notion d’insinuation devrait, avis à la critique, compliquer les partages un peu simples de l’imagination et du document, du vrai et du mentir. Aragon s’y connaissait, et il a écrit là-dessus des choses tellement plus fortes !

    2. Avatar de Daniel Bougnoux

      Un autre point me choque dans votre commentaire, « Aragon est mort ». Eh bien non, pas pour moi, et tant pis si je vous semble étrange, mais devant une oeuvre forte, de Montaigne, Shakespeare, Valéry ou Segalen… pour citer quelque admirations, je m’efforce d’en être le contemporain, ou de parler de ces gens-là comme s’ils pouvaient me répondre. En bref, l’art véritable (je ne parle pas du factum hâtif de GG) nous oblige à un peu de respect. Quarteron vous-même !

  5. Avatar de Margotte

    C’est toujours rassurant de voir que des journalistes « officiels » proposent encore une véritable critique des livres, c’est un gage de sérieux et c’est ce qui fait que les lecteurs se dirigent encore vers certains critiques littéraires.
    Je n’ai pas aimé du tout ce livre et suis étonnée de le voir partout en ce moment parce que franchement, en terme de style, c’est indigent..

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Confronté à Aragon, le styles est plus qu’indigent, et c’est mon principal reproche à ce livre, il ne fait pas parler son « personnage » à la hauteur qui était la sienne. Mais si vous avez vu l’émission « La Grande librairie » de jeudi dernier, quel ramassis d’approximations et de ragots ! Aragon se faisait payer par le PC ses loyers, Elsa était cupide, etc. Or, personne ne relève, tous accueillent ces propos à la limite de la diffamation avec des sourires comblés d’aise Cette amnésie collective, et cette connivence satisfaite font mal – je ne dirai pas que nous avons là une « véritable critique des livres ».

  6. Avatar de Dutrieux Mirella
    Dutrieux Mirella

    Signe des temps : une ouverture médiatique tous azimuts pour un écrit si médiocre qui se prétend roman .Tant de suffisance pour une si grande médiocrité… L’ oeuvre si diverse, si vaste, d’ Aragon que beaucoup, à juste titre, considèrent comme le Victor Hugo du 20è siècle, , ne souffrira pas de cette tentative d’attirer l’ attention sur soi en utilisant la notoriété du romancier-poète à l’aide d’affirmations de caniveaux dont ne manqueront pas de se repaître les lecteurs de Gala et de Paris Match …on a les lecteurs qu’ on peut , le scandale racoleur fait toujours recette.

  7. Avatar de Cécile d'Eaubonne
    Cécile d’Eaubonne

    La médiocrité du livre qui nous fait enrager ? Pfuttt !!!
    Mais ma colère va bien davantage vers Christophe Ono-dit-biot qui lui décerne un satisfecit de complaisance.
    L’émission avait un ton de guimauve. Ainsi nous rejoint l’air du temps qui donne place au n’importe quoi et valorise n’importe qui. Uhh ! Je préfère ne pas savoir que l’émission était diffusée sur France-culture.

  8. Avatar de Florane Brusco
    Florane Brusco

    Gérard Guégan sait que l’anticommunisme rapporte toujours! Il va se faire une belle cagnotte après avoir écrit cette bien piteuse oeuvre d’art!

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Oui, piteuse parce qu’il ne prend jamais en compte la position d’Aragon dans le parti, et la façon dont le créateur (de génie) que fut Aragon tira sa force des obstacles mêmes que lui opposait l’organisation. Guégan ne cite pas une seule oeuvre d’Aragon pour la louer, ou s’en étonner, or si l’on ne parle pas d’Aragon d’abord comme un écrivain, et un artiste hors pair, on passe à côté du personnage, on n’en dit simplement RIEN !

  9. Avatar de marie-france boireau
    marie-france boireau

    Effectivement, c’est bien un roman, et c’est en tant que tel qu’il doit être apprécié ; piètre roman en effet, le personnage qui a pour nom Aragon n’a pas de vraisemblance.
    Je me demande si on ne pourrait pas intituler ce roman « Qui dira la souffrance de Gérard Guégan ? » qui n’en finit pas de régler ses comptes avec le PCF, ou plutôt avec lui-même, via Aragon.

  10. Avatar de L'incongru

    C’est pourtant une belle histoire d’amour aux détails croquants et sur fond d’intrigues communistes mille fois relatées ailleurs et dont les détails auraient ruiné l’allégresse du roman. Quant au Mahé, je mise soit sur Edouard RUIZ soit sur Léo FIGUERES. ça m’intrigue d’être sans réponse.

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À propos de ce blog

  • Ce blog pour y consigner mes impressions de lecteur, de spectateur et de « citoyen concerné ». Souvent ému par des œuvres ou des auteurs qui passent inaperçus, ou que j’aurai plaisir à défendre ; assez souvent aussi indigné par le bruit médiatique entretenu autour d’œuvres médiocres, ou de baudruches que je…

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À propos de l’auteur

  • Daniel Bougnoux, professeur émérite à l’Université Stendhal de Grenoble, est ancien élève de l’ENS et agrégé de philosophie. Il a enseigné la littérature, puis les sciences de la communication, disciplines dans lesquelles il a publié une douzaine d’ouvrages.

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