Bernard Pivot serviteur de deux maîtres

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La radio nous annonce hier mardi le legs à l’IMEC (Institut Mémoires de l’édition contemporaine) de Caen des archives de Bernard Pivot, ainsi mises à la disposition des chercheurs. Je n’ai jamais consulté l’IMEC, où reposent à l’abbaye d’Ardenne des fonds considérables qui auraient intéressé ma propre recherche, comme les papiers de Roland Barthes, ou ceux d’Antoine Vitez, un jour peut-être…

Je croyais l’IMEC réservé à des écrivains ou des penseurs, l’entrée des archives de Pivot dans ce lieu éminent a de quoi surprendre mais pourquoi pas ? Pivot a beaucoup fait pour l’entretien de notre vie littéraire, et ses notes et correspondances présentent sans doute quelque intérêt pour démêler celle-ci. Je saisis donc l’occasion de cette intronisation pour tenter, à la suite d’une conversation ce midi avec Odile, de mieux évaluer le phénomène-Pivot.

C’est dans Le Pouvoir intellectuel en France de Régis Debray (Ramsay 1978) que nous avions lu la mise au point la plus juste, celle qui nous faisait comprendre notre propre déclin à nous les profs. Que disait alors Debray ? Il y analysait comment le magistère glissait inexorablement de l’Université à la scène des médias ; ou comment le monde académique, toujours occupé à la cotation de la valeur des clercs par les diplômes, agrégations et soutenances de thèse, se trouvait court-circuité par le tribunal parallèle et énergumène des médias, au premier rang desquels l’émission-phare Apostrophes : un passage réussi sur le plateau de Pivot pouvait vous propulser en quelques minutes de l’obscurité à la gloire éditoriale, là où dix années passées à rédiger votre thèse ne vous assurait qu’un tirage confidentiel, et la reconnaissance étriquée d’un cercle de collègues. Le temps médiatique ne collait pas à celui du savoir, et les parcours d’accès, les critères de sélection et les enceintes acoustiques y étaient en tous points différents. La bruyante fortune des « nouveaux philosophes » adoubés par Pivot venait de donner de cet ordre nouveau une éclatante (ou accablante) démonstration.

Combien de titres s’imprimaient alors bon an mal an en France ? Mettons vingt-cinq mille. Combien, dans le même temps, d’auteurs sur le plateau d’Apostrophes ? Cinq par semaines, soit deux-cent cinquante. Sur cent auteurs, un seul accédait ainsi à la lumière convoitée, puis chez les libraires aux piles des « Vu à Apostrophes » ; derrière chaque élu, l’armée des ombres de quatre-vingt dix-neuf soutiers de l’écriture !…

Une autre façon d’apprécier ce phénomène consistait à établir pour notre pays un « temps de lecture globalement disponible » (Patrick Le Lay parlera plus brutalement du temps de cerveaux disponible), qui n’est guère extensible et que tous les livres se partagent. En l’absence de recommandation centrale, l’attention des lecteurs se répartit d’elle-même, en occupant diverses niches ; si survient dans ce champ un prescripteur puissant, une polarisation affecte cet étalement en écrasant les tirages moyens de la répartition précédente, condamnant les auteurs au bide ou au boum.

Or, argumentait Debray, Pivot n’était pour rien dans cette injustice, ne pouvant à lui seul ouvrir son plateau à tous les prétendants, aussi talentueux soient-ils. C’est son excellence même à faire de son émission une référence qui verrouillait le système : hors de son invitation, les auteurs ne disposaient pas, à hauteur égale, de repêchage. Quelles que soient les réserves qu’on pouvait faire sur l’homme et sur ses choix, sa machine à sélectionner travaillait à simplifier brutalement le commerce de la lecture.

Je me rappelle que Debray avait, à l’époque, refusé une invitation à Apostrophes (pour y débattre de ce livre ?), et qu’une brouille sévère s’en était suivie. Bien oubliée depuis, car il m’a plusieurs fois raconté quel délicieux camarade était Bernard Pivot, retrouvé à l’Académie Goncourt. On a beaucoup écrit sur ce personnage, censé tenir les clés de la réussite littéraire dans notre pays, qu’en dire en ce jour de consécration de ses notes de lectures ? Personnellement je ne l’appréciais pas beaucoup – sans aller à son égard juqu’aux splendides excès de dénigrement qu’on trouve dans Exorcismes spirituels du regretté Philippe Muray : un « télé-évangéliste, avec sa fausse bonasserie postillonnante, ses fous-rires de pucelle, ses yeux ronds de poisson des Alpes, sa jovialité de ballot du Danube, ses extases d’épicier empâté, ses lunettes sur le front, ses finasseries de fanfare municipale et ses pseudo-sévérités de maître d’école ballonné de fleurs de rhétorique », en bref concluait Muray un « absolu de l’horreur anti-littéraire ».

Philippe Muray

Et c’est vrai que Pivot ne représente pas, à mes yeux, un modèle de lecteur. Entendons-nous : il faisait tourner, réservant à chaque figurant de son plateau une attention apparemment égale. Courriériste impartial, il passait en courant, en survolant, s’efforçant de débusquer chez les uns et les autres les traits autobiographiques cachés sous l’affabulation, les connotations piquantes ou émoustillantes propices à pimenter son brouet hebdomadaire. On sentait que la frasque morale, ou le bling-bling intellectuel, l’intéressaient plus que la facture de la phrase ou la robustesse d’une pensée. Et c’est ainsi qu’il invita à cinq reprises je crois Gabriel Matzneff à étaler ses succès amoureux dans le salon d’Apostrophes, ce qui lui fut en janvier dernier durement reproché. Mais nul (à part Denise Bombardier) ne relevait à l’époque la jactance de ce personnage, dont Pivot le premier s’amusait en épousant docilement le sens du mainstream. Il servait imperturbablement la soupe, et caressait l’opinion dans le sens du poil.

Gabriel Matzneff et Denise Bombardier à Apostrophes

Plus précisément, il me semble que Pivot s’interdisait, en bien comme en mal, de juger pour ne pas entrer en contradiction frontale avec son public ; il n’aimait pas personnellement ou avec des arguments intimes un auteur, mais il s’efforçait de coller aux goûts supposés de la multitude. La valeur intrinsèque d’un livre n’était pas prioritaire, mais se trouvait rabattue sur ce que les autres en pensaient, sur sa valeur d’échange ; de même qu’à la Bourse il n’est pas prudent d’acheter une valeur choisie pour sa « vérité » intrinsèque (une telle vérité sur le marché n’existe pas), mais en fonction de sa désirabilité par les autres opérateurs : il est prudent, il est gagnant sur ce  marché de toujours rester mimétique, et de raisonner en anticipant le raisonnement des autres, sans nulle autre considération. Arlequin intellectuel, Pivot se parait ou s’habillait ainsi de toutes les couleurs affichées par ses auditeurs.

-Je te trouve très injuste ! Moi j’aimais bien Apostophes, je n’aurais jamais lu Raphaëlle Billetdoux (Mes nuits sont plus belles que vos jours), Yann Queffélec (Les Noces barbares) ou Jacques Lanzmann (Le Têtard) si Pivot ne les avait pas invités…

-Moi aussi, je lui dois comme chacun quelques bonnes pioches. Mais son créneau n’était pas la grande littérature, il rapetissait un peu tout.

-Ce que tu lui reproches, c’est d’avoir cassé l’entre-soi du petit cercle des élites, d’avoir ouvert le livre au plus grand nombre.

-C’est vrai que dans le modèle précédent, si je songe à Lectures pour tous des regrettés Dumayet et Desgraupes, on était mieux qu’entre soi, on entrait au confessionnal ! Mais tu n’étais pas née, tu ne peux pas te rappeler ces tête-à-tête intimes avec Mauriac, ou Albert Cohen. Les deux Pierre ne faisaient pas dans le people, ils essayaient de descendre dans l’intime, de sonder la profondeur d’une vraie création…

Pierre Dumayet

-Est-ce que tu n’idéalises pas la télé de ton enfance, mon chéri ? Le huis-clos que tu me décris devait décourager le plus grand nombre…

-Je ne sais pas. Je t’accorde que Pivot a eu le talent de faire lire à beaucoup de gens des livres de valeur, mais il ne fallait pas lui demander le grand frisson, ni le sens du mystère. Il se mettait rarement au service des auteurs difficiles, ou trop exigeants, je n’imagine pas Gracq,  Maurice Blanchot, Derrida, Aragon au micro de Pivot…

-Ils n’avaient pas besoin de lui, ils ne jouaient pas dans la même cour. Et la télé n’est pas un cours de fac !

-Pivot était excellent dans la bande moyenne, et il aura sûrement contribué à élever (ou à retenir de s’effondrer) la lecture en France. Mais au fond, il était au service du grand public, pas des auteurs trop exigeants. Difficile de servir à la fois ces deux maîtres !

10 réponses à “Bernard Pivot serviteur de deux maîtres”

  1. Avatar de m
    m

    Bonsoir!

    En ce jour de « mémoire » décrété par le Président de la république, ce billet consacré à Bernard Pivot est un bon heur.

    On se souvient de son émission « Apostrophes » (199 ème) consacrée à Guy de Maupassant, le vingt-sept juillet mil neuf cent soixante-dix-neuf.

    Elle est maintenant aux archives avec son invité d’exception qui les aimait particulièrement.

    Désormais, dans cette archéologie normande du savoir, l’auteur d’un projet écrit pour le peuple en mil neuf cent soixante-seize et mil neuf cent soixante-dix-sept (préface inédite rédigée en décembre, à Authon), va revivre… à sa manière.

    Bien sûr, Monsieur Bougnoux, « Le pouvoir intellectuel en France » paru en 1979, aux éditions Ramsay, est un bel essai au service d’une stratégie de la désobéissance. Page 172, on lit :

    « Seul vaudra plus que les autres celui qui pose entre eux le signe égal. Celui qui sait d’avance que tout se terminera autour d’un verre à la télé, « chez Pivot ». C’est-à-dire Pivot lui-même. Le courriériste de l’Éternel : celui qui a surmonté l’Histoire, parce qu’il s’amuse de toutes les histoires. »

    Et page 276 :

     » En effet Michel Serres qui aime la musique, peut expliquer pourquoi Johnny Hallyday domine la scène des idées sociales. Johnny Hallyday qui ne l’explique pas, ne peut que détourner ses fans d’aller écouter Michel Serres. Asymétrie classique mais grosse de dangers, passé un certain écart. »

    Enfin, c’est quand même grâce aux médias que des gens de la base, ont pu connaître l’existence de ce livre et dans le meilleur des cas en faire l’acquisition!

    Je me souviens de ces soirs d’hiver tout ouïe devant « Apostrophes » essayant de butiner le miel de justes paroles et, de ce fait, ne pas rester à la ruche.

    « Nous voilà donc atteints d’un Bien incurable. Ce millénaire finit dans le miel. Le genre humain est en vacances. »( Philippe Muray, au tout début de son livre de sabotage « L’Empire du Bien » 1991) Ne resteraient-ils donc que des opposants et des muets?

    Qui se souvient du frelon qui piqua Michel Serres et de la leçon qu’icelui en a tirée?

    Au début des années septante, un Inspecteur général de l’Instruction publique, Monsieur Lucien Géminard, au chapitre du problème des valeurs, s’est plu à citer « Le Marteau sans maître » : « Effectivement tu es en retard sur la vie, la vie inexprimable, la seule en fin de compte à laquelle tu acceptes de t’unir, celle qui t’est refusée chaque jour par les êtres et par les choses, dont tu obtiens péniblement de-ci, de-là quelques fragments décharnés au bout de combats sans merci. »

    Ah, cher Maître randonneur, si j’avais un marteau! Ici dans le blogue, les petits coups des commentaires sont sans résonance et le joli cou-de-pied de la ballerine de Maurice Béjart ne va pas faire sursauter les fauteuils d’orchestre, palsambleu!

    Rideau. A quand les trois coups d’une nouvelle aurore, s’il est vrai qu’il y a quelque vérité théâtrale dans la théorie élaborée par le physicien?

    Et passe le temps, Italiques, Apostrophes et Bouillon de culture…Comme les championnats de France d’orthographe et les Dicos d’or (1985 -2005) Une facette de l’animateur que vous laissez dans l’ombre.

    Relisons Régis Debray qui devint membre de l’Académie Goncourt, dans sa « Critique de la raison politique », page 363 :

    « L’apprentissage de l’orthographe est peut-être le B.A.Ba de l’esprit d’orthodoxie, mais ce qui est sûr c’est qu’un illettré sera plus facilement victime des docteurs de la loi qu’un alphabétisé. » (Extrait reproduit fidèlement avec la jolie petite perle (B.A.Ba), nom masculin B.A.-BA, bien orthographié par Bernard Pivot dans sa dictée de la finale des Dicos d’or 2001, à l’université René-Descartes, intitulée « C’est bon à savoir »)

    Bernard Pivot a -t-il « remué » au sens noble du terme la conscience collective avec ses dictées de compétition? Remuer les méninges des athlètes du vocabulaire sans doute et, peut-être aussi, a-t-il apporté dans « la ronde ailée du temps » « la madeleine de Proust » (Belle anagramme) en quelques chaumières isolées de la dolce France…

    A l’heure de petite poucette, que sont ces exercices d’école devenus? Qui saura faire un sans-faute au schibboleth de la « dictée » de la nature, bien au delà des parades des cracks de l’orthographe dans leurs kraks dorés?

    Pour terminer ce long commentaire, il me plaît de citer la fin de la préface de Gérard Gengembre, du livre de Balzac « Le médecin de campagne ».

    C’est un extrait du « Gouvernement moderne » du romancier :

    « Ce que non pas l’humanité, non pas la philanthropie, mais l’intérêt de l’État réclame, et ce qui est d’une civilisation bien entendue, c’est qu’il sorte de l’esprit des lois sociales la faculté, pour les hommes capables, en quelque classe que le ciel les fasse naître, de s’élever à leur destinée (…), que tout pouvoir soit donné à qui veut s’élever vers la sphère supérieure. »

    Utopie balzacienne?

    Alors ça, c’est à voir, et si possible gaiement!

    Bonne nuit

    Donné le neuf décembre deux mille vingt

    m

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Il est très difficile au Randonneur, petit m, de répondre à vos longs et sinueux « commentaires », mais je prends plaisir à les lire et votre faconde m’émerveille ! Merci d’avoir précisé la date du « Pouvoir intellectuel en France », 1979, c’est un livre qui a compté, où apparaît pour la première fois le mot « médiologie », promis à une belle carrière ! Un livre sans lequel, peut-être, je n’aurais pas renoué avec Régis Debray, d’abord rencontré en Bolivie (en septembre 1966), que d’événements depuis ! Je ne suis pas sûr d’aimer autant Michel Serres, mais n’est-ce pas, à chacun ses maîtres…

  2. Avatar de M
    M

    Bonsoir!

    Je viens de ce lire ce beau billet et le long commentaire de mon minuscule homonyme.

    J’apprécie comme beaucoup d’autres, j’espère, le finale si je puis dire de ce billet avec ces échanges judicieux, intelligents, entre Odile et Daniel.

    On retrouve là, les deux maîtres de l’animateur de télévision, le prédécesseur de Didier Decoin, à l’Académie Goncourt.

    Le public d’un côté et de l’autre, le travail solitaire, acharné de l’universitaire qui fuit les projecteurs.

    Peut-on penser, incorporer et vivre ces deux versants? Cette circonflexité est-elle une utopie, une illusion d’un doux rêveur?

    Imaginons l’hirondelle de l’écriture se posant sur la vigie d’un merveilleux trois-mâts et laissant chanter sa plume jusqu’à la soute du navire.

    Elle nous dirait, peut-être, ce qu’elle a pu ouïr en quelque chaumière où par un râteau sur la cheminée arrivent mille et une choses de toutes les couleurs, sans pourtant être chassées du logis par un bélître exigeant, palsambleu!

    Un dialogue au sein d’un couple dans un village au fond d’une vallée, peut-être…On ne se dit pas « ma chérie ou mon chéri » comme chez les gens de la ville, mais on se parle quand même avec d’autres hypocoristiques inconnus d’un « drame sexuel flou » qui constitue par une renversante anagramme, comme chacun sait, « Les feux de l’amour ».

    Voici le rapport de la belle aronde :

    « – Dis-moi Céline? questionnait ce cher Hugo qui voulait en savoir un peu plus sur un dialogue manqué entre Monsieur M… un spécialiste du concept de l’ipséité chez Paul Ricœur, et Monsieur D…un marron qui a parcouru bien des fois de Tristes Tropiques.

    – Terre enchantée plus qu’une terreur en chantant, les protagonistes de cette discussion qui date d’une quinzaine d’années, nous apprennent que la lecture de soi-même comme un autre, est une promesse au manoir de l’intersubjectivité, répondit sereinement la gente fermière. »

    Et l’oiseau de s’envoler, en laissant tomber le verbatim éclairé du faiseur de « nous » en plein mitan de la frégate.

    Sa façon à lui, peut-être, de s’exprimer dans le ciel des idées, par la force de la nature ou du rêve tout simplement et dans sa complexion.

    Si c’était vrai, ce serait quand même chouette!

    M

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Cher M, il y a donc deux « M », le majuscule et le minuscule ? Vous voici, commentateur scissipare, plus habite à vous diviser en deux (au moins) que le ver de terre… Non, l’universitaire que je suis ne fuit pas les projecteurs, et je m’en accommoderais assez, mais la lumière médiatique toujours chichement distribuée ne ruisselle pas sur mon petit lopin, c’est ainsi, je me contente de cette médiocrité dorée qui permet aussi un peu d’intimité avec des interlocuteurs tels que vous…

  3. Avatar de Gérard Fai
    Gérard Fai

    Mon commentaire

    Bonsoir!

    J’ai bien reçu votre message, cher M…, me demandant mon avis sur son contenu mais les heures liturgiques m’ont éloigné un temps de l’ordinateur et je n’ai pu vous apporter avec la célérité que j’eusse souhaité, une réponse digne de votre sollicitation.

    Je vais essayer dans la mesure du possible de me rattraper avec ce commentaire.

    Je ne suis pas sûr – mais M.Bougnoux est sûrement mieux informé que moi, pauvre moine, retiré du monde – que votre livre de chevet soit le Petit traité de scissiparité, de Mme Galera et de M.Jeudy, paru aux Presses du réel et je m’en tiendrai, ce soir, seulement à votre entièreté.

    En ce qui concerne Bernard Pivot, nous l’avons regardé et écouté plus d’une fois dans ses émissions et nous n’en portons pas plus mal.

    Sept cent vingt-quatre émissions de « Apostrophes », ce n’est pas rien! Du dix janvier mil neuf cent soixante-quinze au vingt-deux juin mil neuf cent quatre-vingt-dix, je pense qu’il a essayé d’apporter quelque chose pouvant être profitable à ses millions d’auditeurs.

    Maintenant, c’est à l’universitaire sur son chemin de croît des connaissances – qui n’a pas lieu de se faire apostropher – de nous éclairer sur l’enjeu de l’élision du sujet connaissant, surtout quand icelle précède quelque part l’esprit et la matière.

    L’appel est lancé.

    Concernant un dialogue manqué dont il est fait mention dans un précédent commentaire, force est de constater qu’il n’a pas été inventé pour le besoin de la cause. Nous le trouvons dans le N° 5 de « Médium » (dernier trimestre 2005), un entretien entre Julien M et Régis D, pages 116 à 131. Pour tout dire, un monologue réussi.

    Il est d’une randonnée comme d’une quête…inachevée.

    Et pour honorer Maître Bernard et Maître Daniel, il ne messied pas, je pense, de citer la fin de la dictée de Micheline Sommant « La randonnée inachevée » lue pour la demi-finale 1986, au Lycée Montaigne, à Paris :

    « Enfin crânement, ils avaient remonté les réveille-matin, comptant bien, le lendemain, soulever des montagnes! »

    Gérard

  4. Avatar de Kalmia
    Kalmia

    Bonsoir!

    Je sais que je vais de nouveau me faire lapider mais que celle ou celui qui n’a « oncques » (comme dit un parachuté du site) commis une seule faute d’orthographe me jette la première pierre!

    Bernard Pivot? Connais pas. Je sais qu’il a produit et animé des émissions littéraires moyennant un salaire très confortable sans commune mesure avec les revenus des paysans et ouvriers de ce pays. On cause, on dicte et alors? Les choses ont-elles réellement changé, les gens sont-ils plus réceptifs, sensibles aux souffrances engendrées par un système ou dominent la culture et le pouvoir de l’intellectuel citadin. Qu’ont-ils fait, gens de lettres et bellétriens, du « il » kafkaïen, isolé dans la crise de la culture?

    L’autre jour, en stage à la préfecture des Deux-Sèvres, quelqu’un me parlait du recensement agricole actuellement en cours sous l’égide du ministère de tutelle. Eh bien tous les paysans ne sont pas des moutons qui obéissent béatement à des gens assis, bien payés dans un bureau qui leur demandent par moult messages et missives envoyés, de répondre à des questions par l’entremise du sacro-saint ordinateur, parce que 80 % des agriculteurs ont répondu sans broncher, sous entendu « par ce si moderne et si vénérable outil! « (nombre en cinq chiffres dont le dernier se termine évidemment par 9 (sic) -)

    Certains à juste titre disent non! L’un qui n’a pas la langue dans sa poche et dont le montant mensuel de sa retraite est inférieur, comme tant et tant d’autres, au seuil de pauvreté, leur a répondu poliment que sa bécane était en panne et qu’il n’avait pas un sou pour payer le quincailler électronique.

    Alors débrouillez-vous, Monsieur le Ministre!

    D’autres sur un autre ton, les envoient balader sans ambages.

    De Normandie, de Gascogne ou d’ailleurs, des voix silenciaires, entre les murs, s’accroissent…

    Il y a en ce monde un tel malaise, une telle incompréhension, qu’on est en droit de se poser la question:

    Les gens de culture – chose entendue essentielle – sur mille plateaux, n’ont-ils pas demandé quelque part la tête du bon sens?

    Cela donne la collaboration et les jacqueries…Pas la Renaissance. Rouges bleus ou verts, pour résister, il faut de bons fils sur les bons boutons, dorés ou non.

    Puissions-nous, un jour de chance, danser en bonne compagnie sur le pont nommé Médium!

    Kalmia

  5. Avatar de Cécile d’Eaubonne
    Cécile d’Eaubonne

    Peut-on demander « au cher petit écran » autre chose qu’une pitance roborative pour gens fatigués du travail quotidien et autres contraintes ?

    L’heure de Bernard Pivot nous aura donné l’illusion d’entrer si peu dans la Culture. Et si Philippe Murray, en critique subversif, s’est plu à lui dresser un portrait féroce et caricatural, le legs à l’IMEC ressemble à une dernière chevauchée pour une gloire éventuelle.
    Émission d’érudition ou tour de piste dans le cirque du monde littéraire ? Le ratio des 250 personnes mis en avant fait oublier les 25 000 thésards et chercheurs à jamais dans l’ombre. Vous en parler avec justesse, cher Daniel. Nous ne sommes que des anonymes dans un univers où chacun cherche une place. De préférence au détriment du voisin …

    « Le temps s’en va et nous, nous en allons » . Qui connaît Philippe Murray sauf à être intrigué par la liste de ses fâcheries au vu de la liste impressionnante des maisons d’édition, écrivains, philosophes, polémistes qu’il a fréquentés ?

    Reparler de Gabriel Matzneff ! Cette cécité d’adultes surprend désormais. Un retournement d’intérêt plutôt spectaculaire : profit financier pour les éditions Grasset avec les pleins feux sur la carrière littéraire de la victime du prédateur pédophile épinglé.

    Et si l’attrait de très jeunes filles pour de vieux barbons ne risque pas de diminuer, il devient indécent d’applaudir publiquement. Sauf à regretter les frasques de Casanova …

    VGE … Anne Sylvestre nous ont quittés : goût de cendres dans la bouche. Il restera d’eux la ténacité d’une féministe volontaire et joyeuse de l’une, une ambition pour la France avec grandeur et misères pour l’autre.

    Merci à Odile de rappeler que nous avons besoin de lucarnes dans « ce cher petit écran » incontestable … à contester.

    Je reste fidèle à Télérama qui me sauve de l’idée d’être volontairement à l’écart des mondes d’autrui. La télé ? Pas de temps à lui donner. Inculte … et sans cultes.

  6. Avatar de x
    x

    Mon commentaire

    Médiologie. Oui, c’est exact. Page 154.
    L’année suivante, J-A Debray, publiait chez le même éditeur : « Haendel ».

    X

  7. Avatar de Cécile d’Eaubonne
    Cécile d’Eaubonne

    “Réagissez “ dit l’invitation aux textes proposés. J’ose … mais où sont les contributeurs disparus ?

    La faconde sinueuse d’un Gérard Fai, grand M et Kalmia réunis me laisse au bord du chemin de pensées. La plupart du temps, je n’y comprends rien ! Sans doute me faudrait- il réviser les principes de la médiologie qui s’y cachent …
    Pour qui écrire ?
    Sauf à se conforter entre soi. Les médiologues avertis peuvent-ils avancer une explication ?

    En 1991, le livre “le Tiers-Instruit” de Michel Serres m’a fait l’effet d’un viatique. J’ai pu lire :
    – Tout apprentissage consiste en un métissage
    – Aime l’autre qui engendre en toi une troisième personne , l’esprit
    – Voués à la recherche de la vérité / … / par des analyses, des équations, expériences ou évidences formelles ou par l’essai quelquefois /…/ tenter le récit. Celui qui raconte se montre philosophe.

    Tel un manteau dArlequin ?

    Dans chaque livre, j’y repère une ou deux pépites qui me viennent enrichir. L’écrivain obtient de 8 à 9 % du prix d’un livre vendu en librairie. Soit une baguette de pain à 1 euro 20 sur un livre vendu 15 euros.

    Les émissions littéraires sauvent l’existence financière de quelques “plumistes” qui peuvent négocier ensuite les 10, 15, 18 % espérés. Et le job alimentaire dans l’Education Nationale ou autres ministères devient de moindre importance. Mais contribue à payer leurs impôts.

    En cette fin de mois de décembre, je croiserai probablement Melle Duchesnes de Cergy-Village. Je lis avec “Mémoire de fille” sa vision de l’existence en 1958. Glauque fut celle-ci pour trouver place parmi ses pairs et rejoindre la cohorte enviée des nantis. Annie Ernaux devrait recevoir le Nobel de la littérature prédisent ses admirateurs. Un passé pour elle qui suinte la peur, la honte ! “Mémoire de fille” ? Texte à l’écriture chirurgicale incisive. Et je lis à la page 143 : “ J’ai commencé à faire de moi-même un être littéraire, quelqu’un qui vit les choses comme si elles devaient être écrites un jour”.
    Pasambleu ! me suggère m. Ce qui m’invite à fuir la prétention de faire sourire la froide Annie Ernaux la prochaine fois que nous irons lisser nos cheveux au prestigieux coiffeur de Pontoise.

    Chut ! Les vieilles dames indignes se doivent de rester très coquettes. Notre beauté est à préserver, non ?

    Mais où en étais-je de mes questions sur le concept de médiologie qui provoque une telle connivence entre les gens de ce sérail ?

  8. Avatar de m
    m

    Pas juste, Monsieur X…Le trait d’union est entre les deux noms : Alexandre-Debray.
    Quant à Arlequin, il couvre « Le Tiers-Instruit » et précède en un mot, les trois verbes du livre de Michel Serres.
    Bonne journée à tous.
    m

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À propos de ce blog

  • Ce blog pour y consigner mes impressions de lecteur, de spectateur et de « citoyen concerné ». Souvent ému par des œuvres ou des auteurs qui passent inaperçus, ou que j’aurai plaisir à défendre ; assez souvent aussi indigné par le bruit médiatique entretenu autour d’œuvres médiocres, ou de baudruches que je…

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À propos de l’auteur

  • Daniel Bougnoux, professeur émérite à l’Université Stendhal de Grenoble, est ancien élève de l’ENS et agrégé de philosophie. Il a enseigné la littérature, puis les sciences de la communication, disciplines dans lesquelles il a publié une douzaine d’ouvrages.

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