Cambodge 1975-1979, pour mémoire

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Ne rien voir, ne rien entendre, ne rien savoir, ne rien comprendre, aimer et obéir à l’Angkar sans poser de questions…, tenait lieu dans ces conditions de tables de la loi – et de règle élémentaire de survie. De quelle révolution peut-on dire qu’elle identifia à ce point la terreur avec le retour à la terre ? Mais les travaux des champs imposés aux citadins devaient être effectués sans engins mécaniques, signes encore trop évidents d’une société industrielle ou dépendante de l’étranger ; de même les exécutions épargnaient les balles, et se faisaient largement à coups de trique sur la nuque, suivis d’égorgement.

On tue les gens non pour ce qu’il font mais pour ce qu’il sont, et la mention à abattre s’attache aux plus infimes détails remarqués sur leurs victimes par les persécuteurs : porter des lunettes, parler une langue étrangère, fredonner une chanson « contre-révolutionnaire » ou populaire sous l’ancien régime, pleurer, tomber de fatigue…, revenait également à « trahir », c’est-à-dire à refuser son enthousiaste adhésion à l’Angkar. Les chlops (les enfants dressés à espionner les adultes) provoquaient souvent de dangereux aveux : se porter volontaire pour changer de village, se plaindre du travail trop dur pouvait signer son arrêt de mort.

Là où la moindre faute ou faiblesse vaut pour trahison, on ne peut pas ne pas trahir, et personne n’est plus à l’abri de cette persécution, pas même les nouveaux nés ! « Celui qui proteste est un ennemi, s’il s’oppose, il devient un cadavre ». La paranoïa hygiéniste du régime voyait dans les hommes des villes autant de microbes à éliminer avant qu’ils n’infectent le peuple ancien, ou ne reconstituent sa tumeur bourgeoise. Le Kampuchéa  démocratique fut une immense vengeance des paysans sur les citadins, et des individus les plus brutaux sur les civilisés.

Une culture du secret

Ne pas tenir ce procès controversé équivalait enfin à reconduire le déconcertant silence qui accompagna la tuerie, au dedans comme au dehors du Cambodge.

Le plus stupéfiant dans les images d’archives consultables au centre Bophana de Phnom-Penh (et dont une bonne part, tirées des médias français, sont également disponibles sur le site INA de la BNF de Tolbiac), c’est de revoir les dénégations des dirigeants de l’Angkar du temps de leur superbe, et jusqu’après leur chute. « Regardez-moi, déclare Pol Pot au journaliste qui le presse de questions peu de temps avant sa mort, ai-je un visage de tueur ? » Et l’on disait en effet de lui, étudiant dans les années cinquante à Paris, qu’il arborait toujours un sourire charmant et qu’il n’aurait pas égorgé un poulet…

Même au sein d’un village, les exécutions restaient discrètes. La mort s’effectuait à l’écart, la nuit de préférence et sans armes à feu. On constatait au matin des disparitions, ou bien les vêtements des victimes réapparaissaient sans explications portées par les gardiens, et cela alimentait le silence, la terreur et le sentiment d’impuissance devant le mystère. Les cadavres se dissimulaient. Mais il arrivait en revanche qu’on en laisse pourrir un au milieu de la rizière, pour l’exemple ; ou que le « candidat » arpentant la campagne tombe inopinément, ici ou là, sur d’effrayants charniers, corps entassés dans une marmite de bombe ou une pagode désaffectée. Qu’est-ce qui insinue le mieux le sentiment de la terreur, son spectacle direct, étalé, ou sa suggestion sourde, son infiltration continue ?

Dans le même registre de la dénégation, et d’un mensonge érigé en véritable culture, il faut mentionner les douces paroles des bourreaux, le sourire toujours plaqué sur leur visage, comme pour mieux se dédouaner d’aucune animosité ou passion individuelle, et affirmer la puissance souveraine de l’Organisation. Le jour de l’évacuation, motivée auprès des populations par d’imminentes attaques aériennes des Américains, pas seulement à Phnom-Penh, les citadins furent priés de laisser leurs affaires et de n’emporter qu’un bagage  de trois jours, délai garanti pour leur retour. La novlangue analysée par George Orwell, l’euphémisation et une systématique désinformation dominaient la communication verbale. (La même dénégation a été bien observée dans le langage nazi de la « solution finale ».)

De même, la passion dissimulatrice des dirigeants fut portée à un degré inouï, très supérieur aux maximes prodiguées au souverain par Baltazar Gracian sur les avantages de ne se point trop découvrir, pour mieux laisser planer le mystère. Le Prince classique régnait par ses apparitions, soutenues par une pompeuse machine, les ressorts de l’État comme de la cour s’apparentaient à ceux d’un théâtre. Avec Pol Pot, aucune visibilité ; on a dit que les dirigeants changeaient leurs noms pour des pseudonymes, eux-mêmes bientôt abrégés en numéros, Long Bunruot alias Nuon Chéa alias « frère numéro 2 »… Bien loin de s’incarner ou de se complaire au spectacle, la toute-puissante Angkar s’enveloppe d’opacité et cultive un épais mystère ; comme le premier moteur, ou Dieu retiré dans l’empyrée, ou les maîtres du Château de Kafka, nul ne peut se vanter de l’avoir rencontrée. Les séances de tortures et les exécutions,  en revanche, sont introduites auprès des victimes par une courtoise invitation : l’Organisation a des questions à vous poser, vous allez faire dans ce camion un petit voyage… Ou bien : le Prince Sihanouk est de retour, que les anciens militaires et les fonctionnaires se déclarent pour aller dignement l’accueillir !  Ou encore : la Révolution passe l’éponge et elle a besoin des compétences de tous, où sont les médecins, les ingénieurs parmi vous ?

Le régime a systématiquement menti, déformé la promesse des mots et des relations humaines jusqu’à la perte irrémédiables des repères, mais son plus grand mensonge ne fut-il pas d’avoir, en prêchant l’altruisme, la solidarité et le dévouement à la Cause, déchaîné le chacun pour soi parmi les hommes réduits à l’état de bêtes ? La lutte aveugle pour la vie piétinait tous les acquis de la culture en poussant à voler, à tricher, à opposer le mensonge au mensonge, à se montrer en toutes choses et dans les pires circonstances insensible. Ces conditions sine qua non de la survie auront entraîné une brutalisation, et une déséducation de la société cambodgienne dont celle-ci traîne le fardeau aujourd’hui, et dont on peut se demander comment ce petit pays livré à la corruption, et à une consommation sans perspectives culturelles, pourra sortir.

À quoi bon punir ?

Lors d’un voyage récent au Cambodge, où j’évoquais avec des interlocuteurs français l’imminent procès des Khmers rouges, j’eus la surprise de recueillir de deux d’entre eux, et particulièrement de François Ponchaud, le respecté auteur de Cambodge année zéro (écrit en 1976) et récemment d’une Brève histoire du Cambodge, un témoignage particulièrement sceptique. À en croire le père Ponchaud, ce tribunal révolutionnaire ne peut être que le type même de l’injustice internationale. Si l’on doit juger les Khmers rouges, qu’on fasse asseoir sur le banc des accusés leurs alliés objectifs ! Les Etats-Unis d’abord, qui déversèrent entre 1970 et jusqu’au 15 août 1973 plus de 500 000 tonnes de bombes sur un pays avec lequel ils n’étaient même pas en guerre, faisant des centaines de milliers de victimes et jetant les autres dans les bras des Khmers rouges ; la Chine qui les soutint fidèlement, et ceux qui donnèrent à l’Angkar une respectabilité internationale (et un siège à l’ONU jusqu’en 1989) ; la France donc, qui poussa à la formation de la « coalition ignominieuse » par laquelle, en 1982, Sihanouk, les Khmers rouges, les Vietnamiens et Hun Sen se groupèrent au sein du GCKD (Gouvernement de Coalition du Kampuchéa Démocratique). De même et plutôt que de juger les Khmers rouges, Hun Sen toléra leur présence en leur attribuant des concessions, comme celle de la zone de Païlin au Nord-Ouest, où moururent Pol Pot et Ta Mok ; ces sortes de résidences surveillées revenaient, de la part du gouvernement, à acheter la paix au détriment de la justice.

Cette coalition, nous l’avons dit, peupla l’actuelle administration et la classe politique d’anciens Khmers rouges, tranquillement recyclés et installés aujourd’hui à des postes convoités. Qui les inquiètera ? Que sont devenus les milliers de chlops qui, âgés alors d’une quinzaine d’années, faisaient du zèle pour surveiller, espionner et aussi abattre les malheureux « candidats » ? Les documentaires de Rithy Panh en montrent quelques-uns, revisitant l’ancienne prison de Tuol Sleng où ils étaient gardiens, filmés dans l’exercice difficile de la remémoration. Aujourd’hui encore, on peut compter sur le gouvernement de Hun Sen pour surveiller de près les initiatives du tribunal, et empêcher autant que possible ses ingérences et les débordements gênants de l’instruction.

Une autre série d’arguments développés par Ponchaud concerne la culture bouddhiste du petit véhicule. Le savant missionnaire rappelle que, selon cette doctrine, il n’y a pas de véritable rééducation au cours de cette vie ; seule la mort, suivie de réincarnation, peut « améliorer » l’individu et le faire échapper au poids du mal. Les Khmers rouges n’étaient certes pas bouddhistes, puisqu’ils s’acharnèrent contre les bonzes et leurs pagodes, mais ils ne pouvaient échapper au vieux pessimisme culturel qui fait de la mort un passage entre deux vies également douloureuses, qui invite l’individu à se déprendre de ses attaches terrestres, à critiquer le sentiment de sa propriété jusqu’à dissoudre la notion illusoire d’un soi, à adorer enfin dans l’idée du karma celle d’un ordre inflexible, que tenta de récupérer l’Angkar.

Dans ce contexte rappelé par Ponchaud, l’entreprise d’un tribunal international, même fondu dans le savant équilibre d’une « Chambre extraordinaire » associée aux cours de justice, peut apparaître aux Khmers comme une manifestation supplémentaire de colonialisme ou d’ingérence judiciaire. Beaucoup d’observateurs ne vont pas jusqu’à cette critique, mais ils ne se privent pas de remarquer combien ce tribunal coûte cher ; tout cet argent ne serait-il pas mieux employé au service des paysans pauvres et des zones déshéritées ? Cet argument n’est pas frivole, et il pose en effet la question des priorités qu’une société (nationale ou internationale) se donne, et du prix qu’elle consent à payer pour reconstruire du symbolique : la loi, la justice, la mémoire, la transmission intergénérationnelle des récits, rien de tout cela n’est spontané ni gratuit, mais combien ça coûte?

La demande de justice vient aujourd’hui des exilés comme Rithy Panh et concerne assez peu les Khmers de l’intérieur, objecte François Ponchaud. Y aurait-il plus de justice dans le fameux sourire khmer, tel celui, d’une compassion et d’une sérénité infinies, de Jayavarman VII cent-quarante huit fois suspendu au-dessus des terrasses du Bayon d’Angkor, que dans tous nos tribunaux, nos Bibles, nos anamnèses et nos « explications » ? Inversement et quels que soient les aléas d’un procès en effet à risques, on peut espérer avec Marcel Lemonde que son ouverture aura entraîné la constitution de parties civiles, et de proche en  proche fait remonter des profondeurs de la société le travail de la mémoire, des récits, de l’identification des criminels et d’une meilleure évaluation de cette période (complètement occultée ou traitée en deux lignes dans les actuels manuels scolaires). Notre justice n’est pas la leur ? La première audience, préliminaire, de la Chambre vit affluer cinq-cents personnes ; on peut considérer ce procès comme une étape dans l’émergence d’un droit commun international, en germe dans chaque culture et intégrant les apports de chacune.

Les CETC sont venues tard (trente ans après les faits) ; le procès de Nuremberg, pour citer un précédent éminent, fut certes plus rapide, mais il appliquait une justice de vainqueurs sans constitution de parties civiles. Le délai cambodgien correspond, en gros, au travail de la perlaboration mémorielle, à l’échelle d’un individu comme à celui, peut-être, du corps social ; c’est à peu près le temps qu’on mit, en Europe, à envisager frontalement le fait de la Shoah (dont les premiers témoignages, de Primo Levi et tant d’autres, se virent d’abord impitoyablement refoulés). Il est certain que ce travail fait mal, et rouvre bien des plaies ; on ne fera pas dire à certains témoins ce qu’ils ont vécu tant ils en ont honte, tant cela ravive une terreur intime. La marque paradoxale du traumatisme ou du tort subi, quand il est trop grand, c’est de ne pouvoir être représenté : on préfère, par sursaut vital ou défense ultime, l’enfouir ou le dénier, notre conscience cale, il neige sur le trauma. Mais reculer devant l’indicible, n’est-ce pas favoriser une culture de l’impunité ? Non seulement il faut que justice soit faite, argumente Marcel Lemonde, mais il faut que les victimes sachent qu’elle a été faite, en pleine lumière ; non seulement il fallait ce tribunal, mais il fallait assurer sa publicité, voire sa mise en scène. On n’en finira avec les Khmers rouges et leur régime du secret que par la représentation la plus exacte, la cartographie la plus scrupuleuse possible des trois ans, huit mois et vingt jours de leur règne (auxquels s’ajoutent les exactions qu’ils perpétrèrent bien avant la prise de Phnom-Penh, et que raconte par exemple François Bizot dans Le Portail.

Comment aider les victimes, sans se substituer à elles, à témoigner de leur histoire ? Là où toute institution symbolique a été détruite, quand les survivants ont cheminé dans les décombres de toute dignité, ne devant leur salut qu’au hasard, à la ruse ou à la loi du plus fort, et qu’ils se trouvent ensuite dans leur vie quotidienne contraints de coexister avec leurs bourreaux, comment restaurer le lien social et l’ordre symbolique de la loi ?

Ceci suppose, en amont du procès, la recherche des témoins, leur assistance psychologique et l’aide de médiateurs ; l’aide aussi des médias et d’une information qui tienne à bonne distance tant le sensationnalisme gore et la complaisance dans l’horreur que le renoncement amnésique à montrer et à raconter. Si la tenue de ce procès est  parvenue à libérer à travers le territoire la parole des victimes, on peut en espérer un bénéfice cathartique ou un pouvoir de réparation immanents, indépendamment des sanctions prononcées.

Encore une fois, comment juger de pareils crimes ? Il a fallu accueillir et défendre  ce procès, tout en doutant de sa vertu. Que savons-nous des voies de la catharsis ? Peut-être la vraie justice, celle qui apporte réparation, vient-elle par les chemins mystérieux de l’art, et particulièrement du récit, littéraire ou cinématographique. Je songe au livre de Philippe Roth, La Tache, quand vers la fin de ce roman une voiture fauche volontairement une protagoniste de l’histoire et que cet assassinat demeure impuni, pas même élucidé par le narrateur quand celui-ci rencontre le meurtrier, occupé à pêcher dans un trou sur la glace. Sauf que nous, lecteurs, savons que c’est lui ; une justice supérieure veille sur les hommes par les ressources du roman. (Dans le film dénonciateur Tant de beauté et de sang versés, chroniqué ici même, comme dans La Syndicaliste, toujours sur les écrans, les coupables sont nommés en clair, et puisque la plupart sont vivants aujourd’hui, demandons-nous comment ils reçoivent cette actualité cinématographique !)

La guerre du Viêt-Nam a engendré des films et des romans de grande valeur, sans équivalents au Cambodge. La mémoire du génocide, ou de quelque nom que l’on qualifie le crime de masse, est aujourd’hui portée par le film de Roland Joffé La Déchirure (1985), et par les beaux documentaires de Rithy Panh ; par une bande dessinée aussi, et quelques récits. C’est un Français, François Bizot, qui a signé le plus connu, Le Portail, arrêté à l’évacuation de l’Ambassade de France en avril 1975. On aimerait disposer, sur l’histoire récente du Cambodge, de romans indigènes qui aient l’ampleur des Cygnes sauvages (sur la Révolution culturelle chinoise), ou de Terre des oublis (Duong Thu Huong), du Chagrin de la guerre (Bao Ninh) pour le Viêt-Nam. Cette carence aussi nous renseigne sur le vide culturel dans lequel les Khmers rouges ont plongé leur pays – pour combien de générations ?

(La tête de Bouddha qui ouvre ce second billet figure sur mes étagères ; de retour du Cambodge, je l’ai achetée à un antiquaire de Grenoble. A-t-elle été sciée ou prélevée nuitamment dans quelque temple d’Angkor, comme fit sans scrupules excessifs Malraux dans les années vingt ? Je l’ai choisie pour ses blessures : toute cabossée,  ses propres tribulations reflètent il me semble celles de ses fidèles cambodgiens.)

4 réponses à “Cambodge 1975-1979, pour mémoire”

  1. Avatar de Aurore
    Aurore

    Bonjour!

    Ce bel article, en ce blogue reproduit fidèlement en deux billets, date du second trimestre deux mille neuf.

    La revue qui l’a publié, en ce même n° 19, nous parle de « ce qui marche » et c’est signé par notre randonneur.

    Ce qui marche, telle l’acheteuse photographiée par M. Oppenheim…

    Ce qui marche, tel ce croquant, cette année-là, qui va « jouer à faire le prof » dans un grand lycée public de Vendée et quelques semaines plus tard, dans une salle de l’Université Paris Descartes, en Sorbonne, comme ils disent.

    L’un et l’autre marchent…Comme Perrette dans la fable! Elle achète aux soldes des Galeries Lafayette et l’autre n’a rien à vendre et n’achète rien à Fontenay-le-Comte et à Paris.

    L’un et l’autre, la citadine dans le coup et le rural « hors système » ont-ils retenu la leçon du professeur au Lycée Henri-IV qui, en cette même revue, souligne le fait que la transmission et la création mathématiques sont des processus complexes, non indépendants du contexte culturel et spirituel qui les entoure et les nourrit?

    Et quand bien même, ils l’auraient comprise, détiendraient-ils la réponse, aujourd’hui, à la question posée par le professeur émérite à l’université Stendhal de Grenoble : Quel traitement du trauma?

    L’un et l’autre se sont envolés, sans doute, avec leurs guenilles dans la nature où ils se laissent oublier.

    Bonne journée, ici bien ensoleillée.

    Aurore

  2. Avatar de Roxane
    Roxane

    Bonjour!

    Je trouve le propos de Monsieur Jean-Claude juste et plein de bon sens. (Relire son commentaire du 20 avril 2023, suite à l’antépénultième billet du randonneur)

    Monsieur Jean-Claude en appelle finalement à l’écrivain Marc Dugain qui sait pertinemment, qu’il ne peut y avoir de transition écologique sans transition spirituelle…

    Reconquérir le sacré, dénoncer la « Décadanse » comme le font avec maestria une belle journaliste d’origine étrangère, de Cnews, et un écrivain rencontré un jour, à l’orée d’un bois, pas loin d’ici, c’est certainement utile pour ouvrir les yeux des gens, sans les inciter à « la dérive très droitière » (expression de M.Jean-Claude). La dérive très gauchère serait-elle une simple glissade sans moindre mal pour ceux qui n’acceptent pas la voix légitime du peuple quand celle-ci les dérange et ne leur plaît pas?
    « Le cœur du futur » titre d’un livre de Laurent Fabius, c’est prendre la bastille du savoir.
    Mais comment « lancer ce futur » belle anagramme de « France-Culture »? Avec l’image d’une triste bourgeoise, animatrice payée grassement avec l’argent des pauvres gens, qui lance à la cantonade :  » Renaud Camus, c’est Hitler en pire! »?
    L’esprit sur les ondes de la radio nationale? Vous me la baillez belle!
    « L’unité humaine ne procède que de l’esprit »nous dit M.Philippe Ratte, citant Charles de Gaulle, dans sa conférence du 21 mai 2021. Cet ancien élève de l’ENS a su nous dire, fable à l’appui, ce qu’il ne messied pas de penser de « Une onde de on » quand la foule sentimentale se déchaîne.(Médium, n° 43)
    Au sortir de sa conférence reproduite, un badaud lui a posé une question sur l’esprit, absent de son livre consacré à « L’autre grand président » qui, dans son projet écrit pour le peuple, l’inclut dans sa conclusion.
    Esprit es-tu là? Telle était, dans la rue, la question du badaud, à l’agrégé d’histoire.
    Avant de monter dans sa voiture, notre homme d’esprit, lui a promis une réponse à son retour de voyage.
    Revenons, s’il vous plaît, au voyage de Monsieur Bougnoux parlant avec justesse du génocide cambodgien.
    Merci pour ce témoignage fort bien écrit qui nous invite à ne pas perdre la mémoire, Monsieur le randonneur.
    J’ai parlé d’un autre génocide, vendéen, celui-ci, voté par la Convention et dont les lois n’ont pas été abrogées.
    Les auteurs de ces crimes contre l’humanité, en Vendée, inventeurs d’un système d’extermination où le totalitarisme a pris ses racines, ont leurs noms et statues aux frontons et sur les places de nos officiels monuments.
    Pauvre jeunesse française, complètement déboussolée, abêtie par des gens que le contribuable entretient, incapable de réagir, face à cette mémoire infâme! Pourquoi? Parce qu’il ne faut pas toucher, aujourd’hui, au soldat Robespierre!
    Notre excellent M.Serres voulaient les mettre aux Petites-Maisons dans son « Parasite », palsambleu!
    Voyez ce que m’écrivait, l’autre jour, un membre éminent de l’Unesco, qui n’est pas Reynald Secher :

     » Si les proportions diffèrent de beaucoup entre le génocide cambodgien et les massacres de Vendée, vous avez raison de rappeler que ces derniers furent d’une sauvagerie impardonnable de la part des bleus. Je suis toujours étonné que l’on fasse de nos jours tout un plat du rétablissement de l’autorité aux Antilles et que « passez muscade » sur la répression de la Vendée. Sans doute les chouans avaient-ils le tort de ne pas être noirs !
    Quant au rapport à la terre, c’est une affaire complexe qui ne faisait pas question il y a mille ans, et qui tend à redevenir une question fondametnale structurante autour de laquelle tout se recompose, mais ce retour à des fondamentaux se fait à partir du fait qu’entre-temps un véritable schisme s’était creusé entre la Terre et les sociétés humaines, que ce soit ici par saccage éhonté, ou là bas par surpopulation dévastatrice.
    Traverser la France en voiture m’est devenu une souffrance, tant le trajet me fait frémir d’épouvante (…) »
    (Fin de citation)
    Toujours la même chanson, le même sempiternel refrain qui oppose la ville à la campagne.
    Mais où sont les paysans, qui font du paysage dans un pays? Dans les bureaux de la république des âmes mortes avec un bouquin à la main qui parle d’écologie? Vous connaissez beaucoup de paysans du Danube dans les ministères concernés, bonnes gens? Ils sont tous fils ou petits-fils de paysans mais pas un seul a mis la main à la pâte, fors peut-être pour la photo à montrer à leur dernière conquête féminine ou masculine?
    Comment devenir une personne / Planète? Sans doute en relisant, entre autres, Theodore Roszak…pour inventer une « Californie » bien française où l’on verrait ensemble, heureux et souriants, Marine, Emmanuel et Jean-Luc cueillir dans un verger les fruits d’une culture où l’on se plaît à rêver chacun pour l’autre…
    Ailleurs sans doute! Mais où exactement sur la carte déployée?
    Peut-être en retrouvant avec l’ami Edgar, l’esprit de la vallée avec la rivière qui la suit.
    Et de citer « L’eau et les rêves », Gaston Bachelard, page 252 :

    « Il y a des mots qui sont en pleine fleur, en pleine vie, des mots que le passé n’avait pas achevés, que les anciens n’ont pas connus aussi beaux, des mots qui sont les bijoux mystérieux d’une langue. Tel est le mot rivière. C’est un phénomène incommunicable aux autres langues. Qu’on songe phonétiquement à la brutalité sonore, du mot river en anglais. On comprendra que le mot rivière est le plus français de tous les mots. C’est un mot qui est fait avec l’image visuelle de la rive immobile et qui cependant n’en finit pas de couler… » (Fin de citation)

    « La vraie vie est ailleurs » nous dit l’anagramme quand « La rivière suit sa vallée ».

    Allez encore un effort et on finira bien par ar/river!

    Roxane

  3. Avatar de Gérard
    Gérard

    Bonjour!

    Ainsi va la vie…si bizarrement!

    Allant chez ma fille quelque part en Argonne, je lisais dans le train, un livre de Michel Serres « Le Parasite » quand un brave Monsieur s’assied face à moi dans la voiture, accompagné de sa fille d’une dizaine d’années. Il a dans les mains « La métamorphose » de F.Kafka. Il est tout sourire et la discussion s’engage facilement. En comparant les titres de nos livres, la boutade s’ensuivit : « Eh bien, on va pouvoir parler d’entomologie! »

    Mon interlocuteur inattendu, agrégé de lettres classiques, connaît bien Kafka, que j’ai découvert en lisant « La crise de la culture » de Hannah Arendt. Nous devisons sur le « il » de Kafka et de son parallélogramme de forces dont il est question dans la préface du livre de H.Arendt. Et de fil en aiguille, je me retrouve à mentionner le dernier billet du randonneur où le mystère règne au « Château »…Assez pour piquer la curiosité du voyageur qui, en cinq sec, fait apparaître le billet en question. Il le lit attentivement et s’exclame en refermant son smartphone :

    « Dire que la quasi-totalité de ces dirigeants Khmers rouges a été formée dans les cercles marxistes parisiens du Quartier latin ! »

    Et d’ajouter en précisant que la digression était plutôt de bon aloi :

    « Ma fille ici à mes côtés s’est vu, l’autre jour non proposer mais imposer un travail de recherches sur Annie Ernaux.

    Je suis allé voir les responsables du collège dont l’un ne s’est pas gêné pour me lancer à la figure : « Vous ne voulez tout de même pas qu’on lui demande de lire Michel Houellebecq ! »

    Trois jours plus tard, sans tambour ni trompette, elle a quitté le collège et nous l’avons placée dans un établissement privé, censé ne pas faire de politique où, du moins, l’idéologie ne s’affiche pas. »

    Revigny-sur Ornain, il faut descendre. J’ai une pensée pour « La modification » de Michel Butor :

    « Alors dans cette chambre, seul, vous commencerez à écrire un livre, pour combler le vide de ces jours à Rome sans Cécile, dans l’interdiction de l’approcher.
    Puis lundi soir, à l’heure même que vous aviez prévue, pour le train même que vous aviez prévu, vous retournerez vers la gare, sans l’avoir vue. »

    On s’est quitté, on se reverra…Promis juré! Le voyageur inattendu fait un signe de la main et sa fille tout heureuse agite son mouchoir…
    Quelqu’un m’attend sur le square d’en face…On dirait que le jour se lève.

    Gérard

  4. Avatar de m
    m

    Bonjour!

    Il est 4 h à Venise, il est 9 h à Phnom Penh.

    Le randonneur s’en est allé…au pays de la ville chantée par l’auteur de « Médium » (livre)

    Au pays de la ville où le directeur de « Médium » (revue) s’affiche contre.

    Va-t-il nous revenir avec le lieu et la formule?

    Quelque chose de radicalement nouveau…Inattendu.

    L’heure de s’enivrer…

    m

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À propos de ce blog

  • Ce blog pour y consigner mes impressions de lecteur, de spectateur et de « citoyen concerné ». Souvent ému par des œuvres ou des auteurs qui passent inaperçus, ou que j’aurai plaisir à défendre ; assez souvent aussi indigné par le bruit médiatique entretenu autour d’œuvres médiocres, ou de baudruches que je…

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À propos de l’auteur

  • Daniel Bougnoux, professeur émérite à l’Université Stendhal de Grenoble, est ancien élève de l’ENS et agrégé de philosophie. Il a enseigné la littérature, puis les sciences de la communication, disciplines dans lesquelles il a publié une douzaine d’ouvrages.

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