Ce que Hugo écrivait des moniales

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Je recopie ici, pour la beauté du texte et la gravité de la réflexion, deux passages tirés des Misérables. Sur les religieux en général :

« Chose étrange, l’infini leur suffit. Ce grand besoin de l’homme, le fini, qui admet l’embrassement, ils l’ignorent. Le fini, qui admet le progrès, ce travail sublime, ils n’y songent pas. L’indéfini, qui naît de la combinaison humaine et divine de l’infini et du fini, leur échappe. Pourvu qu’ils soient face à face avec l’immensité, ils sourient. Jamais la joie, toujours l’extase. S’abîmer, voilà leur vie ».

Et plus loin, sur les religieuses du Petit Picpus :

« Cette existence claustrale si austère et si morne,  dont nous venons d’indiquer quelques linéaments, ce n’est pas la vie, car ce n’est pas la liberté ; ce n’est pas la tombe,  car ce n’est pas la plénitude ; c’est le lieu étrange d’où l’on aperçoit, comme de la crête d’une haute montagne, d’un côté l’abîme où nous sommes, de l’autre l’abîme où nous serons ; c’est une frontière étroite et brumeuse séparant deux mondes, éclairée et obscurcie par les deux à la fois, où  le rayon  affaibli de la vie se mêle au rayon  vague de la mort ; c’est la pénombre du tombeau.

Transverbération de Sainte Thérèse par le Bernin, détail

Quant à nous, qui ne croyons pas ce que ces femmes croient, mais qui vivons comme elles par la foi, nous n’avons jamais pu considérer sans une espèce de terreur religieuse et tendre, sans une sorte de pitié pleine d’envie, ces créatures dévouées, tremblantes et confiantes, ces âmes humbles et augustes qui osent vivre au bord même du mystère, attendant, entre le monde qui est fermé et le ciel qui n’est pas ouvert, tournées vers la clarté qu’on ne voit pas, ayant seulement le bonheur de penser qu’elles savent où elle est, aspirant au gouffre et à l’inconnu, l’oeil fixé sur l’obscurité immobile, agenouillées,  éperdues, stupéfaites, frissonnantes, à demi soulevées à de certaines heures par les souffles profonds de l’éternité. »

Le Dialogue des Carmélites de Francis Poulenc

(texte de Bernanos), mise en scène du MET, sera diffusé dans les cinémas

Pathé-Gaumont le samedi 11 mai prochain

3 réponses à “Ce que Hugo écrivait des moniales”

  1. Avatar de Philippe
    Philippe

    J’ai lu avec attention votre 2è lettre evoquant le deces de votre femme et en particulier le paragraphe « l’euthanasie consiste,il me semble, a mettre la fin du patient en continuité avec sa vie ….
    Je vous communique mon adresse mail,
    En vous remerciant de m’indiquer les references du produit et les manières de s’en procurer
    Philippe LE COZ
    philippe.le.coz@orange.fr

  2. Avatar de Philippe
    Philippe

    Cher monsieur,
    Hugo a certes écrit ces lignes, mais il aussi consacré un chapitre entier de son ouvrage, très sévère à l’égard de la vie monastique, et en particulier de l’entreprise de restauration que Dom Guéranger menait à Solesmes depuis les années 1830 (je crois me souvenir qu’il ne le nomme pas, mais l’allusion est transparente). J’ai toujours mal compris comment il pouvait être aussi dur dans sa critique, et en même temps présenter les religieuses du Petit Picpus sous le jour que montre bien vos extraits. Mais son génie est peut-être indissociable de ces stupéfiants excès.
    Cordialement.

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Oui, Hugo est très ambivalent sur la vie monastique, qu’il fait entrer d’ailleurs dans un parallèle avec le bagne, une comparaison qui va loin dans « Les Misérables ». Quel passionnant roman !

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À propos de ce blog

  • Ce blog pour y consigner mes impressions de lecteur, de spectateur et de « citoyen concerné ». Souvent ému par des œuvres ou des auteurs qui passent inaperçus, ou que j’aurai plaisir à défendre ; assez souvent aussi indigné par le bruit médiatique entretenu autour d’œuvres médiocres, ou de baudruches que je…

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À propos de l’auteur

  • Daniel Bougnoux, professeur émérite à l’Université Stendhal de Grenoble, est ancien élève de l’ENS et agrégé de philosophie. Il a enseigné la littérature, puis les sciences de la communication, disciplines dans lesquelles il a publié une douzaine d’ouvrages.

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