Confinement

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Consentement fut le maître-mot du premier mois de l’année, largement consacré au cas Matzneff et à la dénonciation d’abus sexuels jadis tolérés et soudain dénoncés en série, dans le sport, le cinéma, le monde des livres, etc. L’irruption du coronavirus a balayé cette vague d’indignations, nous ne parlons plus que de précautions à prendre, du nombre des victimes, de la progression exponentielle du fléau… Confiner le mal, se claquemurer soi-même est devenu notre obsession. Prendre le train, faire ses courses, ou sortir dimanche pour voter constitue aux yeux de certains une prise de risque trop élevée, « tutti a casa » comme disent nos voisins italiens, dans un mouvement peut-être excessif de fermeture des lieux publics, voire de la rue – peut-être, car qui le sait ? Où placer le curseur, quelle est la juste mesure de la précaution ? Nul ne peut le dire, l’avenir est désespérément flou et dans le doute…

Les flottements de l’exécutif jusqu’au 12 mars ont bien reflété cette incertitude constitutive de notre situation. On a trop longtemps laissé atterrir les avions, minimisé les cas suspects, ménagé le marché du tourisme, ou le marché tout court, les précautions à prendre valaient pour des pays lointains comme la Chine ou l’Iran, elles ne devaient pas peser sur notre économie. Ce n’est que jeudi, avec un discours qui fait déjà date, que notre Président a enfin pris au sérieux la situation en annonçant quelques mesures drastiques, qui vont beaucoup compliquer la vie des foyers et des entreprises, pour ne rien dire des administrations, mais qui s’imposaient et qu’on n’avait que trop différées, si l’on en croit le corps médical.

Tout gouvernement dans une pareille situation se trouve placé en effet devant le dilemme de savoir comment bien communiquer : faut-il alarmer le public, au risque de déclencher une panique (ruée sur les pharmacies, les super-marchés, catastrophe boursière, etc) ? Ou rassurer en mentant un peu, au risque d’affaiblir nos défenses et de remettre à plus tard (à trop tard) des choix jugés peu supportables ?

Il s’agit bien d’un dilemme, dans la mesure où les deux branches de l’alternative semblent également fâcheuses, là où il n’y a pas de décision optimale, mais un compromis fait de déni, de louvoiement et de demi-mesures… On dissèquera plus tard le discours historique de Macron, car il marque un tournant majeur dans son quinquennat, on y pèsera le double souci de mobiliser tout en donnant confiance, de responsabiliser chacun tout en affirmant combien l’exécutif de son côté, et tout le personnel de santé, se trouvent à leurs postes et préparés pour la lutte. C’était un discours de combat, et un Président n’est jamais meilleur que dans ce rôle ; Hollande avait su se montrer à la hauteur des attentats, Macron s’est grandi en mobilisant le pays contre le virus.

La lutte en effet passe aussi par les mots, ou comme on dit la communication, chose par excellence virulente voire virale. Comment doser le message pour ne provoquer ni l’indifférence ni un affolement général ? Comment se tenir au plus près de la vérité, quand celle-ci risque de désespérer ? La contagion qu’il s’agit d’endiguer appelle des formules qui ont elles-mêmes un pouvoir de contagion extrême ; le remède et le poison s’avèrent dangereusement mitoyens, ou en contact.

Contact est un de ces mots sur lesquels nous n’avons pas fini de rêver, et de revenir. Tout notre corps se nourrit en effet d’une panoplie de contacts qui vont de soi, depuis les banales poignées de main, bisous ou embrassades, jusqu’à l’insurmontable barrière que doit franchir un Julien Sorel pour prendre la main de Madame de Rênal, dans la nuit du jardin de Verrières. N’ayant pas été moi-même un amant précoce, je goûte comme une extrême félicité ces frôlements furtifs ou ces caresses arrachés à la distance ou à la froideur ordinaires. Tout contact physique contient une promesse d’attachement, voire de fusion pour un imaginaire amoureux, vite arrêté pourtant par la résistance du corps de l’autre : notre rêve de le pénétrer ne va jamais très loin… Mais la peau offre mille méandres à parcourir, et les caresses courent dans les deux sens : toucher c’est être touché, et le tact, contrairement aux quatre autres, est un sens réversible, passif, réceptif ou auto-affecté au vif de son activité.

Ce caractère invasif du contact ouvre la brèche de la contagion : certaines caresses nous envahissent, ou poussent leur récepteur au bord de la défaillance, de même que, a minima, l’inflexion d’une voix, ou l’effet poignant d’une photographie de visage pouvent nous « toucher »  profondément. On décèle dans chacun de ces cas la présence de l’indice, bien digne d’examen dans nos études d’info-com. L’indice est en effet ce signe qui attache à son phénomène, parce qu’il en constitue une partie visible, ou active : la fumée pour le feu, l’odeur d’une chevelure, la pâleur d’un corps malade ou l’intonation d’une voix ; ces signaux ne sont pas enrôlés dans un code (comme ceux, arbitraires, de la langue), et ils jouent leur partie à même les corps, en deçà de la coupure sémiotique qui fonde la représentation ; ils sont de l’ordre, plus direct, de la manifestation, ou de la présence réelle. « Un fragment arraché à la chose », comme le définit Peirce, de sorte que les animaux y sont sensibles, et qu’ils ne connaissent qu’eux pour communiquer.

L’indice est donc un signe singulièrement ambivalent ou flottant, signe ou chose, présence ou représentation ? Contact, ou contagion ? Toute notre culture vise à nous conduire au-delà de ce stade animal des indices, du côté de l’ordre symbolique fondé sur l’arbitraire des signes et leur détachement, mais une bonne part de l’art, comme des communications ordinaires, tend à nous y ramener : pour réchauffer un message, il faut y mettre des indices (du corps, de la présence, ces ingrédients impalpables et en même temps indéniables qui font le charisme)… Et il semble vital en effet d’équilibrer la sécheresse des lettres et des nombres par la chaleur et la présence réelle des indices, ces signes qui attachent : les signes aux choses, et les hommes entre eux.

C’est à cet attachement, ou à ce riche fouillis indiciel, que les décisions de confinement et les gestes de protection qu’on nous conseille vont nous forcer à renoncer. Partiellement bien sûr, puisque je continuerai de téléphoner à ma vieille tante faute de lui rendre visite, et que chacun sait multiplier les signes d’attachement sans passer par le charme des peaux frottées. Mais notre société risque de ressembler, pour combien de temps ? à ce motif de la peinture religieuse d’un Christ ressuscité rencontrant Marie-Madeleine au jardin, sous laquelle on peut lire Noli me tangere, littéralement : veuille ne pas me toucher.

Je ne connais pas l’exégèse de cette injonction célèbre, qui inverse celle, symétrique, du Christ enjoignant plus tard à l’incrédule Thomas de porter ses doigts dans sa plaie. Mais je sais que la foi religieuse se soutiendrait mal si l’on interdisait aux fidèles les contacts charnels, les assemblées de prière et les grands rassemblements : une solide trame indicielle innerve et soutient l’édifice plus théorique, ou abstrait, des articles du credo. On ne croit pas tout seul, retiré dans sa chambre ; le spirituel se nourrit d’attaches très corporelles. Et la double étymologie du religieux désigne sans doute une liste de préceptes à suivre, autant que des textes sacrés (du latin religere, recueillir), mais aussi ou surtout une capacité de liaison (religare, tresser ensemble ou relier).

Comment va évoluer notre société à l’épreuve de ce confinement ? Macron l’a souligné dans son discours, nous gagnerons ensemble, par la force coalisée de nos gestes de protection. La solidarité consiste ici, paradoxalement, à s’isoler, et l’égoïsme semble donc cotoyer l’altruisme ; en se retirant du corps social, chacun œuvre à sa protection ou à son maintien ; renonçant aux voyages, aux cinémas, aux fêtes, c’est le premier venu autant que moi que je sauvegarde. Le contrat ou le lien social ne sont donc pas rompus, ils n’ont jamais été plus sensibles peut-être, pour une génération qui n’a pas connu les grandes épreuves de la guerre, qu’en ces jours où l’on nous prêche le chacun chez soi.

L’avouerai-je ? Ce confinement me convient assez bien ; un bon livre, la fréquentation modérée de cet écran d’ordinateur (par lequel le confiné parle aux confinés) suffisent à mon contentement. Le bonheur consisterait-il à se circonscrire ? Oui mais pas seul car il y a Odile. Odile me confine et j’aime ça.

18 réponses à “Confinement”

  1. Avatar de Colette
    Colette

    Entièrement d’accord avec toi surtout la dernière phrase
    Amilties de Colette guedj

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Merci chère Colette, haut les coeurs !

  2. Avatar de Marina
    Marina

    Oui mais moi je n’ai pas d’Odile, ni de voiture et mon maire vient de prendre la décision de m’empêcher de prendre le grand air, sur la plage des Sables d’Olonne où je réside. Peu-être que pour supporter cet emprisonnement dans mon isolement, je devrai demander à mon médecin de me prescrire des anti-dépresseurs…. je n’aurai pas le covid, je ne l’aurais pas eu, mais j’ai peur de tomber lalade de l’enfermement…. MERCI monsieur le maire !!!!!

  3. Avatar de E M
    E M

    Bonsoir!

    J’aime beaucoup ce blanc, ce vide, ce sans commentaire fixe, dans le précédent billet…

    Décidément « les trous noirs » « sont irrésolus »…Belle anagramme, n’est-ce pas?

    Daniel, Odile, Marina, Colette, que vous dire?

    Rien, comme d’autres l’ont fait en gardant le silence? Quid de ce rien, aux confins du confinement?

    Comment écrire sur le tableau invisible, des mots qui font du bien en les donnant à lire?

    Je ne sais mais on peut toujours essayer, palsambleu!

    Je vais envoyer votre commentaire, Marina, à une gente et généreuse personne de la municipalité sablaise (service culturel), que je connais…Peut-être pourra-t-elle vous aider!

    Notre blogueur universitaire émérite nous instruit sur la difficulté d’un personnage de roman pour prendre la main d’une petite bourgeoise de Verrières. Et son lecteur de rouvrir « Mensonge romantique et vérité romanesque » pour essayer d’y comprendre quelque chose en matière de désir…

    Dévoiler sans dévoiler, toucher sans toucher…Faire signe.

    Est-ce par hasard si dans ce merveilleux billet, le verbe côtoyer semble ignorer ces deux versants? Notre auteur n’a visiblement posé sur la première voyelle du verbe, l’hirondelle de l’écriture, une présence que la règle ou la politesse de la langue (orthographe) eût recommandée.

    Petite perle rare ou infime détail qu’il serait, à mon sens, malséant de mépriser.

    Les fins connaisseurs de la sémiotique d’Umberto Eco et de Ch.S.Peirce reconnaîtront peut-être là, quelque chose d’indiciel, qui sait?

    E M

  4. Avatar de E M
    E M

    Bonjour!

    Petit post-scriptum aux aurores :

    M. Bougnoux insiste sur deux contraires qui se côtoient et qui semblent ne faire qu’un.

    On pourrait reprendre le mot « abduction », cher à U.Eco, traitant des indices au chapitre du signe et inférences.

    Abduction et en même temps adduction. La référence johannique au « Noli me tangere » est superbe et l’on retrouve en d’autres tableaux « attirance et distance » avec Psyché et Cupidon, par exemple.

    Brisons là.

    J’ai reçu, hier, un long message d’un ami de longue date qui, vous a parlé plus d’une fois dans vos salons par l’entremise d’une étrange lucarne où il présentait son « JT ». Chez moi, un jour, il n’était pas dans le poste mais, assis, devant cet appareil ménager, dans la cuisine, où nous devisions allègrement autour d’une soupe chaude, chère à René Fallet.

    Voici quelques extraits de son message :

    « j’ai troussé en quelques minutes un petit billet sur « la revanche des paysans, éleveurs et autres agriculteurs »…

    ces gens de la terre et de la nature, qui font vivre les citadins de leurs productions, tout en enrichissant les actionnaires des intermédiaires, si nombreux, puissants et avides…

    Or, la panique du chariot de supermarché, vue à la télé, la peur de manquer, nous ramènent au fonctionnement éternel de la vie : les hommes des campagnes savent ou est la vérité…les hommes des villes, incultes dans tous les sens du terme, croient avoir la puissance avec un billet de 200 euros…qui ne se mange pas…et en cas de dysfonctionnement majeur de la société, comme aujourd’hui, seuls les terriens sachant faire le blé, la farine, le pain et le beurre s’en sortiront sans problème, et reprendront la place qui leur a été volée par les financiers…

    (…)

    Du coronavirus au lion en passant par l’Homme, le schéma est le même.

    Volonté de puissance..;puissant désir de féconder la femelle pour créer la vie…création d’un territoire que le mâle va protéger pour permettre le développement des vies créées…

    C’est aussi simple que cela.

    Dans le virus, il y a la puissance du Créateur, comme dans toute chaîne d’acides aminés il y a les racines d’une vie intelligente future…

    Bien sûr nous commençons à peine à comprendre ce qu’est la physique quantique…et les autres mondes qui sont autour de nous…

    (…)

    Ne jamais oublie que la destruction d’un gramme d’atomes de plutonium en 1945 à Hiroshima a détruit cent mille humains en trois secondes et a rasé une ville…

    La puissance du Créateur s’est ventilée dans chaque atome.

    Caresse à vos vaches.. » (Fin de citation)

    Et à l’instant, le message d’un correspondant ami de longue date que j’ai rencontré à Paris et en Vendée, un parisien aux semelles de vent qui a un « chez soi » en province, comme tous les intellectuels qui « font des livres et passent à la télé ». Rencontré, en ses lieux de conférences, sans oncques lui serrer la main. Pourquoi ce retrait amical, alors que le bon sens paysan eût voulu plutôt l’accolade et la chaleureuse effusion? Allez savoir, vraies gens!

    Voici de larges extraits de la pièce jointe :

    « Au-delà de nos humeurs, craintes, convictions, réactions, consentement, toutes choses étant de l’ordre de l’opinion, il convient d’aller à l’essentiel. C’est-à-dire, qu’au-delà des apparences, ce que le poète nomme bellement « le clapotis des causes secondes », revenir à l’être des choses. En-deçà des « médiations », de ces évidences déversées ad nauseam par l’intelligentsia, revenir à ce qui est immédiatement évident. Ce que la sagesse populaire a su formuler d’une manière lapidaire : tout passe, tout casse, tout lasse !

    En la matière fin d’une Modernité en bout de course. Saturation d’un ensemble de valeurs de plus en plus désuètes.

    Rappelons-nous, ici, d’une des étymologies du terme crise : « krisis » comme le jugement porté par ce qui est en train de naître sur ce qui est en train de mourir. Cela, on l’oublie trop souvent, en réduisant la crise à son aspect économique. Simple dysfonctionnement de ce que mon regretté ami, Jean Baudrillard, nommait « la société de consommation »., que quelques ajustements d’ordre politique ne manqueraient pas de corriger pour le plus grand bien de tous.

    Et que dire de la « peste noire », appelée également « mort noire » qui au XIVem siècle fut corollaire de la fin du Moyen-Âge ? La Renaissance devait lui succéder. Ce que les historiens nomment Black Death exprime bien le deuil qu’il convenait de faire vis-à-vis d’un ensemble de valeurs n’étant plus en adéquation avec un nouvel esprit du temps en gestation.

    Terminons-en avec la métaphore. Mais voilà fort longtemps qu’avec quelques autres, tout en subissant les foudre d’une intelligentsia apeurée, je pointe, souligne, analyse la décadence de la modernité. La fin d’un monde n’étant plus défendu que par des castes fières de leur supériorité illusoire continuant à seriner leurs fallacieuses élucubrations. Il s’agit là d’une « société officielle » de plus en plus déconnectée de la vie réelle. Et donc incapable de voir la dégénérescence intellectuelle, politique dont les symptômes sont de plus en plus évidents.

    Dégénérescence de quoi, sinon du mythe progressiste ?

    (…)

    Ce qui est concret, je le rappelle : cum crescere, c’est ce qui « croît avec », avec un réel irréfragable. Et ce réel, c’est peut-être ? réellement ? la mort de cet « ordre des choses » ayant constitué le monde moderne !

    Mort de l’économicisme dominant, de cette prévalence de l’infrastructure économique d’origine marxiste, cause et effet d’un matérialisme à courte vue. Outre la « société de consommation », Jean Baudrillard a fort bien montré en quoi toute la vie sociale n’était qu’un « miroir de la production ». Ce qui est la réduction d’un être-ensemble essentiel à un « étant » on ne peut plus abstrait, uniquement préoccupé par le matériel que l’on ne maîtrise plus. On ne possède plus les objets, l’on est possédé par eux !

    Tout cela s’exprimant dans des formules alambiquées où les esprits aigus et le bon sens populaire repèrent aisément les amphibologies et les cercles vicieux. Formules stéréotypées ne traduisant que l’essence de leurs pratiques et le fondement de leur désir profond, celui d’une « suradministration » leur assurant un pouvoir indépassable sur un peuple indécrottablement débile.

    Ces élites ayant oublié que commander c’est servir. Ce que traduit l’adage exprimant au mieux la cohésion sociale : regnare servire est. En bref, l’équilibre devant exister entre la puissance de l’instituant et le pouvoir de l’institué, c’est-à-dire des institutions économiques, politiques, sociales.

    C’est parce qu’elles ne saisissent pas que la mort quotidienne, se rappelant à notre bon souvenir, signe inéluctablement, la mort de la matérialiste civilisation moderne, qu’il va y avoir ce que le sociologue Vilfredo Pareto nommait, justement, la circulation des élites.

    Circulation qui, Internet aidant, prend acte de la mort de la verticalité du pouvoir au profit de l’horizontalité de la puissance sociétale. Je l’ai souvent rappelé, la postmodernité n’est rien d’autre que la synergie de l’archaïque et du développement technologique. Autre manière de dire le retour du partage, de l’échange, de la solidarité et autres valeurs premières, fondamentales que la paranoïa des élites modernes avait cru, dialectique aidant, pouvoir « dépasser ».

    La mort de la civilisation utilitariste où le lien social est à dominante mécanique, permet de repérer la réémergence d’une solidarité organique. Organicité que la pensée ésotérique nomme « synarchie ». Ce qu’avait également bien analysé Georges Dumézil en rappelant l’interaction et l’équilibre existant, à certains moments, entre les « trois fonctions sociales ».

    La fonction spirituelle, fondant le politique, le militaire, le juridique et aboutissant à la solidarité sociétale. Ainsi, au-delà de la suradministration déconnectée du Réel, c’est bien un tel holisme que l’on voit resurgir de nos jours.

    Mais la prise en compte d’une telle synarchie organique nécessite que l’on sache le dire avec les mots étant le plus en pertinence avec le temps. Il est amusant, il vaudrait mieux dire désolant, de lire sous la plus d’un éditorialiste bien en cour, que la situation est dramatique et quelques lignes plus loin parler de son aspect tragique.

    La formule de Platon, toujours d’actualité : « la fraude aux mots », est le signe inéluctable d’une dégénérescence achevée. La conception « dramatique » est le propre d’une élite croyant trouver à tout une solution opportune. Le « tragique », bien au contraire, s’accorde à la mort. Il sait, d’un savoir incorporé, savoir propre à la sagesse populaire, vivre la mort de tous les jours.

    Voilà en quoi la crise sanitaire porteuse de mort individuelle est l’indice d’une crise civilisationnelle, celle de la mort du paradigme progressiste ayant fait son temps. Peut-être est-ce cela qui fait que le tragique ambiant, vécu au quotidien, est loin d’être morose, conscient qu’il est d’une résurrection en cours. Celle où dans l’être-ensemble, dans l’être avec, dans le visible social, l’invisible spirituel occupera une place de choix. » (Fin de citation)

    Alors, les amis, ont fait quoi, entre confinés qui ne se sont jamais vus et qui se parlent en cet espace électronique?

    Pour l’heure, j’attends un livre que le messager de la FNAC doit m’apporter…entre 8 H et 18 H.

    « Ligne du ciel » Tel est son titre.

    On aimerait descendre dans les jardins du maître des étoiles, entrer dans la danse, pour y cueillir sans aucune appréhension, une petite fleur nommée balsamine des bois.

    A chacun sa sérotonine, palsambleu!

    Message envoyé…Répondez.

    E M

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Un »petit » post-scriptum ? Palsambleu cher Michel, comme vous y allez ! Mais doit-on discerner dans ce « Ligne du ciel » l’esquisse de l’anagramme du nom du signataire ?

  5. Avatar de Cécile d’Eaubonne
    Cécile d’Eaubonne

    Message envoyé … Répondez !
    Merci aux promeneurs sur le blog. C’est plaisir E.M de vous lire … Je reviendrai plus tard : je suis attendue au jardin où les primevères sauvages se moquent de la peur ambiante.

    Les avions ont disparu du ciel d’Eaubonne ! Chance ? Cette année, nous nous sommes régalés d’une salade de pissenlits aux lardons.

    Un temps pour regarder la course des nuages. N’est-ce pas ?

  6. Avatar de E M
    E M

    Le titre exact est « Indicateur de la ligne du ciel », un recueil de poésie de Jean-Pierre Luminet (le neuvième), reçu, ce jour.
    Il y a en exergue, une citation du « Désespéré » de Léon Bloy.
    L’ouvrage se termine pas ces mots : « En chacun, il y a toujours une zone obscure que personne ne peut atteindre. »
    Dans « Ligne du ciel » il y a « euclidien » mais cela ne fait pas un nom.
    Petit en effet ce P.-S. De longues citations ne font pas un sens!
    Bonne journée avec l’arrivée du printemps.

    E M

  7. Avatar de JFR
    JFR

    Mon commentaire
    « Noli me tangere ». Un bel ouvrage du philosophe Jean-Luc Nancy, paru chez Bayard en 2003, nous apprends ceci. Noli me tangere, Ne me touche pas, est une traduction latine qui ne rends pas toute la dimension de la véritable parole du Christ. Jésus s’adresse à Marie-Madeleine après sa résurrection. Dans l’ordinal grec de Jean, la phrase de Jésus se dit : » Me mou Haptou ». « Haptein » ne veut pas seulement dire toucher mais aussi « retenir ». « Ne me retiens pas ». Le Christ ne veut pas être retenu car il part. Il part rejoindre le Père. Le toucher, le retenir, serait adhérer à la présence immédiate et non à son cors divin. « Ne me retiens pas, ne cherche pas à me retenir, renonce à toute adhérence, car je pars vers le Père… ». Deux corps, l’un de gloire, l’autre de chair, se distinguent… Un psychanalyste y verrait plus prosaïquement le mouvement de séparation, le départ de l’enfant quittant sa mère vers la vie adulte. Non plus une position phobique, d’évitement, vis à vis de la femme et de la sexualité (Marie-Madeleine) mais le mouvement qui engage l’Oedipe et la question du père….

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Suggestive mise au point, merci cher JF !

  8. Avatar de E M
    E M

    Bonsoir!

    Madame Cécile, votre commentaire si vivant me ravit…

    D’abord, je voudrais vous transmettre la respectueuse amitié de gens inconnus qui sont partis sur la pointe des pieds quand vous avez, dans ce blogue, fait votre réapparition. Votre retour fut comme un bouquet offert, autant de fleurs pour marquer leur départ sur ce chemin de randonnée.

    Garo, comme dans la fable, est retourné à la maison, Roxane à son prieuré, Jacques à son abbaye et W. Jaroga, je ne sais où exactement…

    Pour méditer, peut-être, sur « la chute des corps » dont la belle anagramme met sa loi « hors du spectacle ».

    Chevauchée bizarre laissant là ses longs commentaires pour explorer une dimension à part, un autre rivage.

    On ne les lira plus jamais et je sais qu’ils gardent dans leur silence la belle image d’une samaritaine qui, sur le chemin, s’est arrêtée pour panser, il y a quelques années, la blessure de quelqu’un sans lequel, je ne serais pas là en train de vous écrire.

    Vous êtes descendue dans votre jardin pour y cueillir, peut-être, le romarin du surréaliste, cité par Gaston Bachelard dans sa « Poétique de l’espace »…Qui sait?

    En tout cas, votre question finale m’a fait rouvrir « L’air et les songes » du même auteur, pour y relire quelques beaux passages au chapitre des « Nuages » qui connaissent notre enfance.

    Vous nous parlez des machines qui ne volent plus et du régal d’une salade de pissenlits aux lardons.

    On dira que vous avez de la chance, Madame!

    Ici, sur le plancher des vaches, en élevant son regard, se dessine là-haut ou dans un livre qui associe science avec conscience…un nuage d’inconnaissance, que l’on eût cru tout droit sorti d’un tableau de Jérôme Bosch. A quelle station qui porte bien son nom, va-t-il « lancer ce futur »?

    Minuit va bientôt sonner.

    E. M

  9. Avatar de Cécile d’Eaubonne
    Cécile d’Eaubonne

    Confinement … consentement ? C’est bien au défi de trouver la juste distance relationnelle dans nos vies de couple, en famille, avec chacun et tous.
    Au fil de vos derniers écrits, Daniel, vous nous évoquez le bonheur d’être deux pour goûter la minute à vivre. Et tant mieux …
    L’injonction de « Ne me touche pas » traduit par «  Ne me retiens pas » m’amène une fois de plus à réfléchir à toutes mes relations où j’ai laissé la place du vide … du manque. Le collé-collant pourrait donner bien évidemment une impression de confort sécurisant.
    Au mot sécurisant vient se superposer celui d’infantilisant. Aïe ! Dans le confinement en vigueur, s’il nous faudra durer (… ) ne faut-il pas ajouter le mot « séduisant » ?

    Séduire ? Une expression qui décuple ma force d’exister. Toujours à bonne distance pour ne pas devenir ni proie, ni prédatrice.
    Un lent apprentissage au cours du temps. Pour Marina, j’évoquerai le sentiment de solitude qui rattrape les plus chanceux, même ceux en couple ou en famille.

    Apprentissage me renvoie au mot tissage …
    Tissage de liens qui soutiennent, réchauffent, propulsent sans étouffer ni retenir.

    L’existence ? C’est au mieux un appel à « Va vers toi ». Ce qui a été juste pour nos jeunes années, reste un défi encore aujourd’hui. Avec l’âpreté de l’autonomie à préserver.

    Hier .. surprise inattendue sur mes quelques m2 de pelouse : des violettes avaient fleuri.
    J’ajouterai aussi que j’ai été « sauvé » d’une longue immobilisation en regardant le jeu des nuages à travers la fenêtre.
    Depuis, j’essaie de ne pas oublier que savoir regarder, c’est apprendre à aimer

    Confinement … consentement ?

  10. Avatar de E M
    E M

    Mon commentaire
    Oui, c’est éclairant et comme l’écrit l’auteur , citant B.Pascal :
    « L’homme passe infiniment l’homme »
    Quant à décrypter les chiffres du projet divin d’une révélation secrète et singulière dans la misère et la grandeur de l’homme, au milieu d’une épistémologie nocturne de l’infini…
    J’ai lu que la pensée nancéienne de l’excédence du sens semble en négliger la complexité.
    E M

  11. Avatar de Magdalina
    Magdalina

    Bonjour

    Je reviens vers vous sur votre blog car je suis en train de relire, avec le plus grand plaisir, votre ouvrage « Introduction aux sciences de la communication » (La Découverte-Repères)
    J’en arrive au titre Cure et care en médecine : sujet d’une actualité poignante en ces temps de pandémie et de confinement.
    Mais une remarque m’interpelle : « … Winnicott rappelle que ce mot [cure] qui veut dire « traitement » et « guérison » dérive de care, c’est-à-dire « soin, intérêt, attention ». (p.23)
    Je suis abasourdie, car si sémantiquement parlant il y a bien eu, en anglais, un glissement de sens du « soin » vers le « traitement », du geste humain vers le geste technique pointu, étymologiquement parlant cette remarque, non accompagnée de considérations supplémentaires d’ordre linguistique, pourrait induire en erreur sur l’origine et le sens des mots.
    Or, la forme anglaise (verbe et nom) « cure » vient de l’ancien français ‘curer’, ‘cure’, qui, lui, vient du latin ‘curare’, ‘cura’. Alors que l’anglais « care », qui est d’origine germanique, n’a, de toute probabilité, rien à voir avec ‘cura’, en dépit d’une certaine similitude phonétique, tout à fait aléatoire.
    Je suis certaine qu’on pourra facilement pallier ce manque dans les prochaines éditions de cet ouvrage, d’ailleurs fort utile pour des étudiants (français ou étrangers) en sciences du langage et de la communication, en journalisme et en relations publiques, voire en sciences économiques …

    M.M.

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Merci Magdalina, vous avez bien sûr raison sur l’étymologie, je ne sais comment j’ai laissé passer ça… Ce petit bouquin, dont j’ajoute la référence à votre commentaire, est constamment réimprimé, et il est au programme du concours d’accès au CELSA depuis pas mal d’années, m’assurant dans cette école (prestigieuse) une certaine notoriété – pourvu que ça dure ! Bien à vous…

  12. Avatar de E M
    E M

    C’est vrai MM, « care » signifie soin et caritas (St Jérôme), terme se rapprochant peut-être de hesed en hébreu, souventes fois cité dans la Torah. La bonté, la bénévolence…J’aime bien ce dernier mot qui relève en d’autres lieux d’un principe et a fait l’objet d’un petit traité.
    Ce billet fait référence aux « bonnes nouvelles », autrement dit aux évangiles.
    La parabole du bon samaritain est très parlante, ici, dans les commentaires.
    Tant de lévites, de maîtres en tous genres, universitaires compris, faiseurs de livres et beaux parleurs, tous marchands dans le temple du système ont passé leur chemin de réussite sociale, sans regarder les malheurs des gens laissés sur le bord de la route.
    Celle ou celui touché par la souffrance de l’autre, peut-il se contenter de lui donner à penser avec un livre? Panser ses plaies, est un autre geste plus original et s’appuyant sur la tradition …Et ce n’est pas l’auteur de « Jeu et réalité » nommé en cet espace, qui dira le contraire.
    Heureuses personnes qui ont choisi une autre route que celle de ces braves gens!
    On rêve d’un jardin aux sentiers qui bifurquent…Avec et sans violettes impériales _
    Quelque chose d’invisible et d’intouchable…A voir et à toucher dans la ronde ailée du temps où réside la madeleine de l’écrivain.
    Impossible paradoxe dans le jeu des possibles?

    E M

  13. Avatar de Cécile d’Eaubonne
    Cécile d’Eaubonne

    Bonjour, aux promeneurs sur le blog !

    Cher EM à la plume dont la légèreté me ravit, me demandez-vous de faire des excuses pour que Garo, Roxane, Jacques et Walter reprennent le fil de leurs discussions ?

    Pour ma part, le confinement s’annonçant dans la durée, j’ai l’intention de relire les contributions depuis fin août. J’avais pris en compte les intérêts des uns et des autres. Parfois avec des arguments trop savants pour que j’ose y ajouter mon grain de sel.
    Mais .., ça suffit, n’est-ce pas ! la ritournelle de la dévalorisation de n’avoir pas assez de « rosettes à la boutonnière » ou de « diplômes «  à afficher. Ou surtout les lettres nécessaires pour s’exprimer.
    Qu’on se le dise ! j’ai eu mon permis de conduire et j’utilise essentiellement les transports publics. Pourquoi cette remarque saugrenue ? C’est que pour apprécier un parcours en TGV, bus et même avion, j’ai repéré la toute petite place qui peut être la mienne.

    Ainsi sur le blog du Randonneur, il y a partage d’émotions , de réflexions, d’encouragements, de colère et d’indignations. Pour moi, en respect des personnes sans caricatures outrancières comme il devient habituel et glorieux en vie politique aujourd’hui.
    Mon agacement longtemps réfréné ? Un étouffement désagréable. Incompris ? Je ne veux chasser personne et pas davantage qu’on me pique la place que je peux occuper.

    Et que l’on me pardonne d’apprécier après Aragon, la forme d’écriture épurée d’un François Cheng, l’audace d’Albert Camus et la compagnie de René Char.

    À vous , Daniel, je confie la mission de transmettre à ceux que j’aurais fait fuir que la discussion devient incomplète sans eux et … elle.

    Bon courage pour les heures à vivre.

  14. Avatar de E M
    E M

    Bonsoir au maître flâneur et aux baladeurs et baladins de ce blogue admirable.

    Si ce blogue était un papillon, j’aimerais saluer la belle-dame (avec un trait d’union) dont les élytres bleutés ont ébloui plus d’un passant.

    Oh, que nenni, Madame Cécile, de grâce ne posez pas une telle question!
    Les personnes que vous nommez et qui ne sont plus là m’en ont voulu de n’avoir pas su faire passer le message à votre endroit et vous m’en voyez marri.

    Je vais donc essayer de réparer ma faute pour ne pas dire mon incapacité flagrante à faire passer le message.
    Sachez que leur décision était prise avant votre réapparition…Des mots, toujours des mots, des avis sur tout ou presque, des commentaires à n’en plus finir. Ils se sont plu à ce jeu-là , jeu de hasard et de cache-cache… Pour qui? Pour quoi faire? Ils n’ont pas trouvé la réponse, se sont sentis un peu honteux et pour tout dire incertains et inutiles.
    Et votre beau commentaire à point nommé, fut une révélation, une confirmation, un bruissement d’ailes pour les guider tout naturellement non vers la porte de sortie mais à l’entrée d’une clairière où le silence a aussi son langage et la fuite mérite l’éloge. Ils rêvent d’un autre monde…Quelque chose en eux ne veut pas être touché. Laissons leur cette liberté indicible au delà des neurones.
    Pour les connaître un peu, j’ai le sentiment – et le sentiment est enfant de la matière, disait R. Char – qu’ils vous parlent parce qu’ils vous comprennent. Et si leur absence définitive de ce blogue était une autre forme de présence, une discrète
    métamorphose?
    Ce dont, je puis vous assurer, Madame, c’est de leur estime et de leur reconnaissance , parce que vous avez su exprimer au bon moment les mots qu’ils attendaient.
    Vous n’avez pas fermé une discussion, vous l’avez ouverte…Et c’est extra!
    Je suis arrivé à temps et à contretemps ou par hasard parmi vous, en quête, moi aussi, de complétude quelque part.
    Au jardin imparfait de l’Humain, un nouveau départ peut rendre plus belle la vie.
    Puisse Maître Daniel, notre réalisateur, se montrer plus qu’indulgent avec votre serviteur qui s’introduit ici sans crier gare et sans rôle à jouer.
    Par sainte Marie-Madeleine, quel cinéma!
    A mon tour, je vous dis à tous, bon courage, vertu animée d’une folle espérance.
    Aux confins du confinement…On ne sait jamais!

    E M

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À propos de ce blog

  • Ce blog pour y consigner mes impressions de lecteur, de spectateur et de « citoyen concerné ». Souvent ému par des œuvres ou des auteurs qui passent inaperçus, ou que j’aurai plaisir à défendre ; assez souvent aussi indigné par le bruit médiatique entretenu autour d’œuvres médiocres, ou de baudruches que je…

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À propos de l’auteur

  • Daniel Bougnoux, professeur émérite à l’Université Stendhal de Grenoble, est ancien élève de l’ENS et agrégé de philosophie. Il a enseigné la littérature, puis les sciences de la communication, disciplines dans lesquelles il a publié une douzaine d’ouvrages.

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