Décès de Jean-François Tétu

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La nouvelle – pas vraiment une nouvelle quand l’événement est redouté, donc attendu – est tombée en ce retour de vacances, Jean-François Tétu n’est plus. Et je m’en veux terriblement de ne pas t’avoir revu depuis tout ce temps, Jean-François, la distance de Lyon à Grenoble n’est pas infranchissable mais notre vie est ainsi faite, d’oublis, de négligences, et un beau jour, ce 31 août, on se retrouve dans un temple du 1er arrondissement de Lyon autour de cette caisse de bois vernie qu’on nous invite à toucher d’un dernier geste avant la crémation… 

Tu combattais le cancer depuis deux ans, silencieusement, courageusement, le pancréas pardonne rarement. J’aurais dû dix fois t’appeler, t’en parler, comme je regrette ces paroles perdues en écoutant celles qui te rendent hommage, qui tentent de cerner l’homme que tu fus… Je recopie ici, pour une information plus objective, des extraits de la nécrologie mise en circulation par notre collègue Isabelle Garcin-Marrou

 :

« Jean-François fut l’artisan, avec Yves Lavoinne et Jean Mouchon, puis Simone Bonnafous et Michael Palmer, de l’existence du Gram, qui qui vit passer / parler / discuter beaucoup des chercheurs et chercheuses travaillant sur les médias.


Agrégé de Lettres classiques, docteur d’État en 1982, assistant de littérature française à l’Université Lumière Lyon 2 dès 1971, après avoir été enseignant en lycée et en classes préparatoires, Jean-François Tétu a été un des membres de la « Constituante » de Lyon-2. Il a été directeur-adjoint de l’UFR de sciences du langage à Lyon-2, université où il s’est occupé, par ailleurs, de nombreuses autres tâches, depuis le service audiovisuel jusqu’à la formation des personnels administratifs. 
Après avoir rejoint, en 1983, la toute nouvelle section des Sciences de l’Information et de la Communication, la 71ème, il a été le premier directeur de l’UFR des Sciences de la Communication à l’Université de Grenoble-3. Il est ensuite revenu à Lyon en 1983-84, à l’IEP, où il a mis sur pied la section « Politique et Communication » ; c’est également à l’IEP qu’il a créé, avec le journaliste Bernard Fromentin, L’Écornifleur, support pédagogique d’une initiation au métier de journaliste, qui continue sa vie avec les étudiant·es en journalisme de l’Institut. 

Professeur des Universités à l’IEP, il a créé en 1991 l’équipe d’accueil Médias et Identités, qu’il a dirigée et qui est devenue ELICO en 2006. Cette désormais « Unité de Recherche » rassemble la quasi-totalité des enseignants-chercheurs de la 71ème section à Lyon et Saint-Etienne et fédère les différents établissements du site de Lyon – Saint-Etienne. C’est également sous son impulsion que s’est créé et que perdure, avec quelques variations, ce qui fut le DEA, puis le Master 2 Recherche en Information-Communication, porté par tous les établissements universitaires lyonnais.

Comme Professeur des Universités, Jean-François a été, pendant deux mandats (de 1995 à 2003) membre du CNU en 71ème section, assurant la présidence de cette section lors de son second mandat (1999-2003) et permettant une clarification certaine du recrutement dans cette discipline. Enfin, Jean-François Tétu a siégé dans le jury d’environ (chiffre approximatif) cent-cinquante thèses (sans compter les HDR).

Une trajectoire professionnelle exemplaire donc, au cours de laquelle il n’a pas hésité à changer deux fois de discipline pour mettre sur pied des formations qui répondaient à une « demande sociale changeante ». Là où d’autres auraient attendu, il a sauté le pas, montant des projets dont beaucoup portent encore leurs fruits. Cette volonté de construire était profondément liée à son attention aux autres. Jean-François n’a pas cherché à construire « sa place », il a construit, d’abord et avant tout, celle des autres ; il a pensé et agi, de façon fondamentalement humaniste, pour les étudiant·es, les collègues, les institutions, sans se dérober aux nombreuses tâches ingrates qui occupent aussi les carrières universitaires. Il en a toujours pris sa part, même lorsque son « statut » lui aurait permis de les esquiver.


L’apport majeur de Jean-François aux SIC (sciences de l’information et de la communication) fut, sans doute, le lien qu’il a proposé entre l’analyse du discours, la sémiologie et le discours politique. D’abord enseignant en littérature française, il s’est peu à peu intéressé aux médias et à l’analyse de leur discours, de leurs images et de la sémiologie de l’information, en construisant une articulation entre ces recherches et en travaillant à la reconnaissance, en France, du champ disciplinaire des SIC.


Jean-François était un esprit curieux, d’une capacité à s’enthousiasmer demeurée intacte, toujours en éveil devant de nouveaux textes, de nouvelles recherches. Et les nombreuses heures passées dans la lecture des travaux des étudiant·es, dans la rédaction de projets de recherche, dans la formalisation des contrats quadriennaux successifs de l’unité de recherche ou dans la gestion de cette unité n’avaient pas entamé son implication jamais démentie dans son métier et dans les établissements où il avait exercé.

 
Pour celles et ceux qui ne le connaîtraient pas, et pour retrouver le parcours intellectuel et professionnel qui a été le sien, un entretien a été mené avec lui en 2022 par Sandrine Lévêque et Denis Ruellan, disponible sir ce lien :

 https://revue.surlejournalisme.com/slj/article/view/473/447.

Il laisse un vide immense ».  

(à suivre)

Une réponse à “Décès de Jean-François Tétu”

  1. Avatar de Dominique
    Dominique

    Bonjour !

    Le témoignage de Monsieur Bougnoux à l’endroit de son ami qui s’est est allé est touchant.
    Nous ne pouvons que garder silence et respecter sa parole.
    Mais c’est sur un autre plan, qu’il me plaît de réagir.
    La vie de la pensée continue et s’il est admis que la communication est la dimension nouvelle qu’apporte la vie, on peut avec Edgar Morin, par exemple, s’interroger sur des communications inconnaissables.
    Dans son billet, M.Bougnoux a tenu à publier un article de Mme Isabelle Garcin Marrou (avec et pour Valérie Colomb, Bernard Lamizet, Françoise Pasquienséguy, Jean-Michel Rampon et Max Sanier).
    L’auteur (je ne mets pas de e final) se présente comme professeur (qu’elle écrit avec un e final) des universités en sciences de l’information et de la communication.
    On constate qu’elle utilise « l’écriture inclusive » qui, dans ses lettres mélangées, pose question : « Civiliser un lecteur? »
    On connaît la réponse.
    J’ai lu sous la plume de cette gente dame des universités sa critique pertinente et justifiée des comportements indécents, insupportables de certains de ses collègues en son milieu où l’on passe son temps à discourir dans les colloques (SIC), avec aussi, l’argent des contribuables.
    Je trouve courageux de sa part le fait de dénoncer tel comportement qui n’est ici, celui de « grands, forts et bêtes » que nos intellectuels disent parfois rencontrer au détour d’un chemin de randonnée.
    Mais martyriser notre belle et difficile langue française pour en finir avec des attitudes inconvenantes vis-à-vis de la gent féminine, n’est sûrement pas la bonne solution.
    Bien au contraire, porter aux nues la politesse de notre langue, c’est affaiblir et ridiculiser tous ces imbéciles grossiers, fussent-ils diplômés, qui voient dans la femme, un objet pour satisfaire leurs démons.
    Inventer le masculin ? Sans doute.

    Madame, Monsieur, on a du pain sur la planche !

    Cordialement

    Dominique

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À propos de ce blog

  • Ce blog pour y consigner mes impressions de lecteur, de spectateur et de « citoyen concerné ». Souvent ému par des œuvres ou des auteurs qui passent inaperçus, ou que j’aurai plaisir à défendre ; assez souvent aussi indigné par le bruit médiatique entretenu autour d’œuvres médiocres, ou de baudruches que je…

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À propos de l’auteur

  • Daniel Bougnoux, professeur émérite à l’Université Stendhal de Grenoble, est ancien élève de l’ENS et agrégé de philosophie. Il a enseigné la littérature, puis les sciences de la communication, disciplines dans lesquelles il a publié une douzaine d’ouvrages.

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