Quelle heureuse surprise ce fut de voir et d’entendre, mardi soir sur le plateau de LCI, Dominique Strauss-Kahn interviewé par Darius Rochebin ! Très pédagogique, riche d’une longue expérience de terrain, l’ancien directeur du FMI ne se privait pas de démolir le programme (ou l’absence de programme) économique du RN, et d’expliquer pourquoi lui, vieux social-démocrate, voterait sans répugnance LFI si le fameux « barrage » l’exigeait.
Mais le plaisir, ou la curiosité suscités par cette émission tenait aussi à la superposition peu banale des images. Première évidence : DSK qu’on ne voit et n’entend plus guère a beaucoup vieilli, et son visage accuse son âge (« un homme qui boit », me glisse Odile à l’oreille, comme pour insinuer entre l’écran et nous le fantôme du vieillard libidineux doublé d’un poivrot). Pourtant les cheveux blancs et les rides profondes n’affectent aucunement un sourire gourmand, ouvert aux questions, et une élocution bien timbrée, sûre d’elle-même et très persuasive : DSK savoure son come back, il s’épanouit dans ce rôle de conseiller (qui est je crois devenu sa profession), il sait de quoi il parle, il en disserte en homme d’Etat, et la parole des journalistes n’est pas lestée du même poids (même si face à lui Rochebin fut, comme toujours, impeccable).
Il ne fut évidemment, à aucun moment de cet entretien, question du SOFITEL ni des péripéties fameuses (ou sordides) qui brisèrent sa carrière, mais l’image était dans nos têtes : celle d’un directeur du FMI menotté, au visage violemment crispé, traîné dans la rue, offert en pâture aux caméras américaines pour une exhibition d’une minute qui fit le tour du monde entier ! En ce jour de 2011 sans doute, l’histoire de France bascula, et le boulevard des élections présidentielles qui s’ouvrait à lui profita à une personnalité très différente, François Hollande. Qu’aurait accompli, où nous aurait menés dans cette fonction un quinquennat de DSK ?
On ne peut que rêver à une branche de l’Histoire qui s’est ce jour-là refermée. Je rêve aussi à la double nature de DSK, que son impérieux besoin de femmes, ou de chair fraîche, éloigna à jamais du pouvoir. On a murmuré au moment de sa chute qu’il s’en accommodait assez bien, l’Elysée (un but pourtant désirable et à sa portée) lui paraissant moins tentant, ou contradictoire avec sa dévorante, sa dévastatrice vie sexuelle.
Voici en tous cas un homme, tout bronzé au soleil de Marrakech, qui fit le choix, entre deux versions ou réalisations de lui-même, d’écraser son ambition présidentielle au nom d’une vie des sens plus impérieuse et au fond supérieure à toute vocation publique ou politique. Cette bifurcation libidinale laisse rêveur. Il est rare que l’érotisme d’un homme d’Etat se trouve à ce point exposé : depuis l’aventure de la chambre du SOFITEL, puis les enquêtes sur les réseaux à travers lesquels il puisait (vous souvenez-vous de Dédé la Sardine ?), DSK se présente à nous le pantalon aux chevilles, l’athlète du lit a effacé le directeur du FMI. Spécialiste en finances et en économie mondialisée, il l’est davantage encore en caresses, il connaît sur le bout des doigts tous les enchevêtrements qui peuvent lier deux corps, les méandres et les perfectionnements infinis de la sensualité ; il ne se cache pas de désirer une femme et d’aimer faire l’amour, tout son corps (qu’on devine soigné au soleil marocain mais néanmoins un peu gras) en redemande.
Et l’on se plaît à imaginer le harem qu’il entretient au fond de son ryad, ou combien de femmes substituées à la délicieuse Anne Sinclair y ont fréquenté sa couche, et partagé sa volupté.
Et je me demande encore : si j’étais femme, lui aurais-je cédé ? Il y a dans le passage à l’acte amoureux une prise de risque, et aussi un calcul : le partenaire auquel je cède, ou que je séduis, saura-t-il accueillir ce don et s’en montrer digne ? Plus précisément, va-t-il m’apprendre sur moi-même et sur les complications infinies du désir tapies au fond du cœur et du corps humains quelque chose de neuf, une sensation que j’ignorais encore, une percée intime hors de l’ordinaire ? Il semble en effet qu’en raison même de sa (sulfureuse) notoriété, DSK conserve pour les intrépides un charme toujours attirant, ou que l’âge ne périme pas : cet homme a quelque chose à nous apprendre sur ce plan-là aussi, il est riche d’une expérience ou d’un bagage que le personnage qui souriait à l’écran hier soir ne démentait pas, une sensualité séfarade avec laquelle il jouait. Cette ardeur ou cette ouverture, en amour comme en politique, ne se refuse pas… Mais ces deux traits demeurent introuvables sur d’autres visages qui défilent ces jours-ci à l’écran, Coquerel ! Bardella !! Mélenchon !!! Vous les imaginez, au lit ?
(Le compteur m’apprend que ce billet est, depuis l’ouverture du blog, le six-centième)
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