Elsa Triolet, cinquante ans déjà !

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Je ne sais qui, en France, songera ces jours-ci à célébrer Elsa Triolet (1896-1970) morte dans les bras d’Aragon entre les allées de leur beau jardin de Saint-Arnoult en Yvelines, le 16 juin. Les titres de cet auteur ne se vendent plus beaucoup, et dans les bibliothèques des villes (communistes) qui portent son nom, la tendance serait plutôt à « désherber » ses livres… Le numéro des Lettres françaises qui suivit sa disparition lui consacrait un hommage-souvenir de seize pages, combien suffiront aujourd’hui à retracer son visage, son œuvre ?

Je dois en faire l’aveu, je n’ai pas beaucoup lu Elsa Triolet, je n’ai jamais vraiment accroché, pourquoi ? Quand Aragon m’explique que c’est Elsa se lançant dans l’écriture du Cheval blanc (circa 1941) qui lui donna le courage de reprendre ou poursuivreAurélien, je ne peux qu’opposer à ce témoignage, faussé par l’amour, la différence abyssale entre ces deux romans :Le Cheval blanc m’ennuie, Aurélien me hante par ses inépuisables ressources de réflexions psychologiques, sociales ou morales. J’ai dû lire dix fois ce roman, y compris sur le manuscrit, vendu par Jean Ristat et préempté par la BN, pour l’éditer dans la Pléiade.

J’ai raconté dans La Confusion des genres (Gallimard 2012) comment je me suis vraiment mis à Aragon en juin 1970, sur une plage de Tunisie où une souriante Elisabeth, qui promenait Blanche ou l’oubli dans son sac, me le mit en main. Quel coup de soleil ou de foudre me causa ce livre, et comment à partir de cette date (voici donc cinquante ans) cette lecture a réorienté ma vie. Mais je me rappelle aussi comment, sur cette même plage de Rawad, un exemplaire du Monde m’apprenait la mort d’Elsa Triolet, sortie de la vie d’Aragon les jours où celui-ci entrait dans la mienne.

Pourquoi Elsa, et j’en demande pardon à Marianne Delranc, à Alain Trouvé qui ont publié sur elle des pages de valeur,  demeure-t-elle jusqu’à aujourd’hui pour moi lettre morte ? Aragon à chaque page me semble renouveler, décaper la langue, lui rendre un éclat ou une vivacité incomparables, alors qu’Elsa à mes yeux (à mes oreilles) n’y touche guère, se contentant bonnement de l’employer. Or c’est toujours le critère décisif, quels sont les écrivains qui s’attaquent au défi de nous changer la langue ? Assez peu en un siècle, Proust, Céline, Aragon, plus près de nous Roland Barthes, Richard Millet, Pierre Michon ?…

Elsa ne fut pas une styliste, mais elle avait des choses à dire : sur l’exil, le plurilinguisme, la condition des femmes mais aussi des artistes particulièrement menacés sous le régime des Soviets (Le Monument 1956). Ce dernier livre détesté par le Parti communiste (auquel elle n’adhéra jamais) fut écrit dans le contre-coup de l’affaire dite « du portrait de Staline » (mars-avril 1953, faut-il préciser davantage ?), mais aussi pour mettre en garde « Aragocha » contre sa trop grande complaisance envers ce qui sourdement l’écrasait. Plus que son compagnon Elsa fut lucide, et critique envers sa première patrie. Par exemple quand, à la lecture (qui la bouleverse) de la nouvelle encore non traduite d’Alexandre Soljenitsyne Une journée d’Ivan Denissovitch, elle se demande à quoi eux-mêmes collaborent, et quelle image de leur couple au bout du compte restera, dans cet avenir qui fut leur passion commune. Comme elle l’écrit alors à sa sœur Lili, « ce n’est pas nous les faux-monnayeurs, mais nous aurons quand même mis les fausses pièces en circulation ». Le suicide de Maïakovski (1930), puis l’exécution de Primakov (1937) la touchaient de trop près, et ne pouvaient que nourrir ses doutes ou son remord.

Vladimir Maïakovski

Elsa fut donc dans ce couple lyrique la conscience critique, ou véritablement malheureuse ; le contre-point ou le contre-chant au torrent des fabulations d’Aragon. Qui avait certes besoin de ce lest de réalité pour ne pas sombrer dans le rêve, la logorrhée ou une certaine folie. On met trop facilement en doute son amour pour Elsa, dont la vie ne fut pas facile, quelle place était la sienne, comment survivre auprès d’un génie littéraire qui vous écrase sous le dithyrambe et multiplie ad nauseam les témoignages de sa passion ?

Louis pourtant eut le souci, en marge de l’icône que tant de poèmes exaltaient, de garder à sa femme réelle toute sa place et de la chérir, de la protéger. L’entreprise assez folle de leurs Œuvres romanesques croisées (quarante-deux volumes aujourd’hui soldés à vil prix) en dit assez, il me semble, par ce mot de croisement qui évoque celui du chevalier pour sa dame, et par la générosité du dispositif, assez unique dans notre littérature : imagine-t-on Sartre, ou Malraux, tailler une pareille place à Simone ou Clara ? Mais Simone a reçu la place Saint-Germain des Prés, plus un pont sur la Seine pour pérenniser son patronyme ; à Paris, Elsa attend encore sa rue.

Elle fut la première femme à recevoir le Goncourt, en 1945 pour Le premier accroc coûte deux-cents francs, mais cette distinction lui fut âprement contestée ; de même elle demeura toujours suspecte aux yeux du Parti, comme on le vit au moment de la parution du Monument. En marge de ses poèmes quelque peu étouffants, Aragon se battit comme un lion pour la défendre et imposer son talent ; mais il eut soin aussi, dans un roman comme La Mise à mort (1965), d’évoquer les tourments liés à leur amour, et la face parfois très noire de sa passion : ce roman s’enfonce très loin dans les affres de la jalousie, de la dépossession de soi ou d’une certaine psychose ; les démons de l’oralité s’y déchaînent, autant que le piège narcissique de l’amour quand il se chante… Il est troublant de comprendre à quel point Aragon veut s’y voit, s’y entendre ou s’y peindre en Elsa (rebaptisée Fougère), plus encore si l’on se rappelle qu’elle-même se prénommait d’abord Ella, soit les initiales mêmes de Louis Aragon.

Une autre coïncidence curieuse attend le lecteur dans Blanche ou l’oubli (1967) où Aragon, au chapitre « Un perpétuel mourir », relate ou imagine une panne de l’horloge parlante dans la nuit du 16 au 17 juin ; à l’incipit du grand poème Elsa de 1959, il écrivait en effet : « Je vais te dire un grand secret Le temps c’est toi », affirmation réitérée dans Blanche, « Je ne savais pas que tu étais le temps, que le temps est femme ». Il est frappant de rapprocher la date alléguée de cette panne de la mort à venir d’Elsa. Et de comprendre à quel point, en plusieurs sens du terme, Elsa fut celle qui lui donna le temps.

Mais Blanche ou l’oubli contient aussi un collage ou une allusion à une lettre cruelle, « l’acte d’accusation le plus terrible qu’un homme puisse entendre », attribuée à Blanche mais écrite par Elsa en 1966, retrouvée et publiée après leur mort ; j’en donne le texte dans mon édition de la Pléiade pages 1450-1451, c’est en effet un réquisitoire accablant, où l’on peut lire notamment cette phrase, souvent citée quand on évoque ou résume Elsa : « Même ma mort, c’est à toi que cela arriverait ».

Il est assez passionnant de suivre ce couple dans ses bonheurs et ses tourments ; d’étudier comment, autour de 1929, deux naufragés à la dérive se rencontrent et l’un par l’autre se reconstruisent ; lui-même a dit de plusieurs manières que sans cette rencontre il se serait tu – ou tué. Cette création continuée d’Aragon par Elsa fut réciproque, comme dit en passant ce distique du Fou d’Elsa, au laconisme vertigineux, « Ma femme sans fin que j’enfante / Au monde par qui je suis mis »… Aragon a témoigné, dans une conférence de 1959, qu’il avait appris dans sa dure existence une chose, mais dont il était sûr et assez fier, « savoir aimer ». Cet amour compliqué, tortueux autant qu’on voudra mais d’une extrême richesse créatrice confère à ces deux œuvres, à jamais inséparables, une profondeur de secrets bien dignes de nous occuper.

18 réponses à “Elsa Triolet, cinquante ans déjà !”

  1. Avatar de Ganate
    Ganate

    …Celle que Céline appelait « Triolette » n’est plus guère lue et cela ne risque pas de s’arranger. Occasion de rappeler qu’elle participa en 1934 à cette mauvaise action que fut la traduction expurgée de « Voyage au bout de la nuit » en russe. Au moins cela permit-il à l’auteur de séjourner en Russie soviétique (grâce à ses droits d’auteur dépensés obligatoirement sur place) et d’en ramener un témoignage édifiant.

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Oui , cette histoire est pleine d’ironie : à l’époque, Aragon et Elsa avaient conscience de soutenir chez Denoël un futur grand écrivain prolétarien! Céline n’estimait pas ses protecteurs, qu’il appelait en effet Triolette et Larangon. N’empêche, on comprend leur enthousiasme devant ce débutant prometteur, quel bouquin que « Le Voyage » !

  2. Avatar de M
    M

    A chacun son voyage…au bout de la nuit.

    Commenter ce beau billet en attendant le jour qui vient…Pourquoi pas?

    Cette après-midi, j’étais sur les gradins d’une sorte d’amphithéâtre et dans le public, le seul à porter un masque.

    Mascarade dirait quelqu’un qui connaît l’étymologie italienne du mot…

    Plus tôt, au cours du déjeuner entre amis, au restaurant du foirail, j’ai parlé à la dame d’en face de la disparition, il y a un demi-siècle, jour pour jour, d’Elsa Triolet.

    A peine, avons-nous entonner quelques bribes de la chanson de Didier Barbelivien, qui porte en titre son prénom.

    Nous n’avons parlé ni d’Elizabeth ni de Michel et la belle s’en est allée sur son « cheval blanc » en signant son passage…Pesante légèreté qui ne semble avoir effleuré les commensaux de ce midi, à notre table, sans doute à des parasanges de l’auteur de la célèbre citation:

     » L’énoncé d’un fait serait : celle que j’aime n’est pas avec moi, alors je me sens seul… Un seul être vous manque et tout est dépeuplé est l’art de dire immensément. » (Elsa Triolet)

    Mon interlocutrice tout occupée à découper sa viande, sans mot dire, voyait certainement juste quelque part en elle:

    « Ce sont là choses humaines et rien de nouveau sous le soleil, tu sais! »

    Et la conversation repris entre amis sur tout et sur rien…Sans doute eût-elle été tout autre si le jeune étudiant de cette année septante, tout à l’heure, entre la mimolette et bon-chrétien, là-bas, sous le ciel de gâtine, nous eût régalé des mots de « Blanche ou l’oubli »…mis dans ses mains, par sa dulcinée, sur une plage paradisiaque de Raouad. C’était sans doute, un jour de chance.

    Un villageois lui aurait peut-être posé une question, que diantre! Mais que saviez-vous des secrets du septuagénaire, cette année-là, mon bon Monsieur, bien avant de publier son œuvre dans une collection majeure de l’édition française?

    Oui mais bon, revenons sur terre les amis. Cette discussion n’aura pas lieu…Ce manant, appelons-le Aurélien, n’existe pas et à chacun son monde et ses invités au banquet _ avec et sans robe nuptiale, palsambleu!

    Avant de chanter W.Maïakowski, Gaston Bachelard dans « Lautréamont » en appelle au verbe brisant, voulu dans sa brusque décision :

    « On ne peut comprendre sa signification énergétique par la diction; il faut accepter une induction active, nerveuse, éprouver sa virilité induite. »

    J’imagine un scolarisé ou un éleveur assis sur des banc publics, écoutant tel propos.

    J’imagine aussi leur réaction commune.

    0 + 0 = 0. Tel est le degré de l’écriture de votre serviteur, mon bon Seigneur.

    Quant à le faire remonter dans la rayonnante ténèbre…

    Donné dans la nuit du seize au dix-sept juin deux mille vingt.

    M

  3. Avatar de Cécile d’Eaubonne
    Cécile d’Eaubonne

    Deux photos d’Elsa Triolet ! L’une attire avec le regard vif et la bouche gourmande quand l’autre laisse imaginer un teint blême, les yeux éteints et les lèvres crispées. Le dieu Éros qui donne couleurs à l’existence avait-il déserté le moulin de Villeneuve de Saint Arnault en Yvelines ?

    Questionnement … oui, solitude dans l’Amour même.

    Prenons le second volume des œuvres poétiques d’Aragon ( édition de La Pléiade ) p.447, Elsa rentre dans le poème :
    – Entre soleil …
    – Entre amour …
    – Entre dans mon poème

    Et une réponse avancée à la page 440 : «  Que faites-vous de moi, Monsieur, dans cette affaire ? « .

    J’écoute encore nos grands artistes : Georges Brassens, Jean Ferrat , Léo Ferré, Marc Ogeret et tant d’autres chanteurs de plus jeunes générations faire vibrer l’art de dire du poète Aragon.

    Ainsi nous est donné un chemin où nos cœurs chantent et s’illuminent nos yeux. L’Amour toujours sublimé ?

  4. Avatar de m
    m

    Bonjour en ce matin de juin!

    En relisant ce qui précède, je me demande si l’on ne devrait pas mieux jeter son bonnet par-dessus les moulins, palsambleu!

    Mais comment quitter ce chemin où nous mènent inexplicablement les mots?

    Chemin du serpent ou celui des oiseaux…Est-il sensé de le suivre encore? Dans « l’épais taillis du siècle »(Les Adieux, T2, p 1140 BDLP) des voix peuvent-elles encore se faire entendre? Prisonnier des choses interdites, le fils de la traductrice du « diable rouge » n’a peut-être pas tout dit, Madame.
    Un jour un jour comme un oiseau sur la plus haute branche…Ce sont là les mots de son chanteur qui, dans le septième vers, fait de la violence un mot pluriel.

    Quid du minime oiseau spirituel valéryen dans les yeux de la science, maintenant? Dans ceux de la mémoire, on sait la chose singulière et le rêve est permis. Il n’est pas sans appel…Celui de l’Être.

    Mes bons amis, de la randonnée inachevée comme est inachevé le roman du poète, au temps de « la religion drapeautique » (L-F Céline), que peut le Dieu Eros – puisqu’il est dans nos besaces, n’est ce pas?

    Un jour, quelqu’un d’une fine écriture me parlait d’un signal dans la nuit en sa belle épistole. L’un de ses fidèles qui se reconnaîtra ici, écrivait justement: « La sexualité n’explique certainement pas tout d’un individu (…) Jacques trouva dans la sienne un moteur (…) et qu’il écrivait à partir de « ça » : en vue d’une relation passionnée, d’un pathos effréné ». (Médium, n° 27, page 103)

    Moulin de amours qui tournent ses ailes…Un sang chaud peut-il s’y approcher sans la crainte de s’y laisser happer?

    Puisse notre maître, sublime et preux chevalier, répondre joyeusement à la terrible question!

    m

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      J’insère ici le commentaire qu’Alain Trouvé m’envoie sur mon mail, pour que je l’ajoute à ce billet consacré à « Elsa » :
      Oserait-on parler sans craindre le ridicule des « romans de Marcel » ou de ceux de « Louis » comme on évoque si souvent avec le plus parfait naturel les « romans d’Elsa » ou ici le « style d’Elsa » ? Le nom choisi par un écrivain – en l’occurrence Elsa Triolet – fait partie de son œuvre. Le réduire à son prénom opère une défiguration et manifeste dans toute sa puissance le pré-cadrage plus ou moins conscient qui conditionne l’acte de lecture. Le mythe Elsa n’a pas fini d’obnubiler les esprits, si cultivés et animés des meilleures intentions soient-ils, comme mon ami Daniel Bougnoux…

      1. Avatar de Daniel Bougnoux

        Mais je ne me retiens pas d’y ajouter une remarque : non, le diminutif du prénom « Elsa » n’est pas dévalorisant, pourquoi ? Aragon a élevé celui-ci à une sorte de mythe, il en a fait un nom dix fois « propre ». Est c’est donc un peu par ses yeux que nous voyons Elsa, la nommant ainsi. Autre exemple : il arrive souvent que nous nommions Rousseau « Jean-Jacques », comme lui-même le fait , ce n’est pas par condescendance mais plutôt affectueusement, comme si ses écrits nous le rendaient (ce qui est le fait) plus intime ou fraternel. Où est le préjugé ?

  5. Avatar de Luc Vigier
    Luc Vigier

    Soutenue par la force du combat mené pendant et après la Résistance, Elsa Triolet romancière est aujourd’hui l’ombre d’une ombre dans la mémoire collective, même si quelques manuels scolaires, après s’être souvenus de l’existence d’Aragon, ont ces dix dernières années parfois pensé à elle. Moins de chercheurs, mais de très belles thèses (celle de Marianne Delranc, celle d’Alain Trouvé, par exemple d’autres viendront certainement) et des lecteurs passionnés, convaincus, emportés. Cela n’interdit pas chez les fous d’Aragon et chez les autres, souvent, et pas toujours dites, quelques réticences, qui s’expriment, qui heurtent ceux qui tentent de préserver la mémoire d’un esprit majeur repéré par Camus, d’un grand reporter remarquable, d’une traductrice méticuleuse, d’une chroniqueuse ironique et fine, d’une préfacière de grande dimension (lisez les préfaces des Oeuvres romanesques croisées, la plume d’Elsa Triolet s’y révèle d’une précision d’étincelle). Ni pour Aragon ni pour Elsa Triolet, bien sûr, et jamais, l’admiration n’est obligatoire. Il faut faire connaître l’oeuvre d’Elsa Triolet, cela tombe sous le sens, mais il faut aussi laisser la place à une lecture critique, aux regards plus perplexes, notamment à mon sens sur les romans. Je crois que ce n’est pas lui faire offense, bien au contraire. Parler d’Elsa Triolet plutôt que de faire silence, mais alors en parler sincèrement, dire la précision du regard et l’amplitude de la pensée, dire aussi parfois (et c’est un avis strictement personnel que nombre des lecteurs d’Elsa Triolet ne partagent pas) le malaise dans lequel cette écriture se déploie, les écueils du style, l’étrangeté de la voix, les tentatives néo-narratives plus ou moins heureuses. Oui, parlons d’Elsa Triolet, mais regardons vraiment, lisons vraiment, et que les sensibilités diverses s’expriment !

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      L’ombre d’une ombre en effet, magnifique commentaire, merci mon cher Luc !

  6. Avatar de M m
    M m

    Merci pour ce message à toutes fins utiles.

    Nous avons certes besoin des universitaires, ces théoriciens ou contemplateurs qui nous aident dans cette quête de lumière noire qui, pour le romantisme absolu, se limite au désir de baisers verts dans le frais cresson bleu.

    Les références nous pouvons les connaître. Monsieur Trouvé, Monsieur Stauder (qui cite G.Bachelard) parmi d’autres, ont fait un sacré travail sur l’écrivain, l’auteur qui nous intéresse. (La politesse de la langue française oblige, ces qualités de Mme Elsa Triolet, ne prennent pas de e final !)

    Prénom et nom. Vous avez raison, Monsieur Trouvé, l’un est chevillé à l’autre et les attelloires sont ici de mise, n’est-ce pas?

    Que serait le carrosse doré s’il n’était tiré par un cheval blanc? Est-ce par hasard, si les onze lettres de ce mot d’attache « attelloires » composent le prénom et le nom de notre égérie « Elsa Triolet »? Belle anagramme, en tout cas.

    Il y a t-il une possibilité d’accès pour nous, lecteurs et commentateurs, à cette incertaine réalité-derrière-les-choses?

    Le physicien qui s’y connaît en la matière risque une croyance, ni philosophique ni religieuse… Une croyance littéraire.

    Monsieur le cocher, dites-moi, il y a t-il quelqu’un dans la calèche?

    Bonne nuit.

    M m

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Attelloires ? Je n’ai pas de dictionnaire sous la main mais vous êtes stupéfiant cher Michel, à faire ainsi tourbillonner, se comprimer et exploser les lettres en anagrammes comme des confetti (je mets une esse) ?

  7. Avatar de Cécile d’Eaubonne
    Cécile d’Eaubonne

    Choix volontaire …. M’éloigner de la photo triste pour retrouver et contempler les qualités de la beauté d’Ella Yourievna Kalgan. Envisager et dévisager une Elsa Triolet tout à la fois mutine et conquérante !
    Il me plaît de rêver sur son destin hors-norme. Certes celui d’un ordinaire pour une jeune fille née dans un milieu aisé : cursus intellectuel brillant, étude du piano, apprentissage des langues. Une existence vite bousculée dans le maelström d’une révolution russe impitoyable où elle perdra des amis et ses illusions.
    Vigilante à ne rien oublier des tribulations de celle-ci, désastres affichés ou sournois.

    Une vie en sept décennies que Monsieur Bougnoux nous propose de revisiter. Pari offert et suivi ! J’adopte cette démarche de lui rendre toute sa personnalité, éloignée de l’ombre de celui qu’elle nommait avec son accent slave rocailleux « Aragocha »

    Et me voilà non déçue ou questionneuse sur la véracité de leur romance, mais l’oreille attendrie par la complicité de leur couple, connivence lisse ou rugueuse, en proximité avec les soubresauts de leur époque.

    Un mystère trop peu personnel ? Beaucoup de pépites dans les poèmes d’Aragon sur sa muse … Pour moi, jamais en trop, telle une lampe montrant le chemin. Sauf que si le chemin existe… pour l’obtenir, il faut le parcourir bravement, sans faillir.
    Dans nos coups de cœur, amitiés ou amours, la route n’est jamais toute droite ni vécue en climat tempéré.
    Ainsi va la vie pour qu’elle vive.

    Et c’est ce destin, tel un trajet de long cours qui me reste à mieux découvrir dans ses écrits à elle.
    En filigrane ! … à chercher.

  8. Avatar de m
    m

    Mais comment, mon bon Seigneur, avec mes gros sabots de vilain, vous parler de l’esse sous le regard de trois capitaines de l’université?

    Aussi, vous me voyez de ce pas, aller quérir pour la bonne cause un peu de fraîcheur dans un puits de science de la fin des années cinquante.

    Monsieur Dondeyne, vous connaissez? Pour ce grand connaisseur de l’ontologie de M.Heidegger, esse (sein) est le verbe des verbes à travers lequel nous visons quelque chose qui est de l’ordre du « faire être » du « laisser être » ou du « rendre possible ».

    Attachée au treuil de l’herméneutique, il n’est pas dit que cette lettre ne puisse remonter quelque vérité belle et nue à la surface des choses.

    Peut-être quelque chose comme « un état de confusion du réel et du merveilleux », définition trouvée dans « Le paysan de Paris ».

    Pour en arriver là, Monsieur Bougnoux, peut-être nous faudra-t-il passer par Jean-Jacques, juge du législateur, qui a voix au chapitre dans « Le parasite » de Michel Serres et par Jean Jacques, le chimiste de l’imprévu qui s’y connaît en matière de merveilleux scientifique…

    On a bien compris, il nous faut lire et relire les auteurs, les thèses remarquables soutenues par des esprits travailleurs…Chacun attendant de l’autre quelque luciole sur la sente étoilée.

    Je ne connais pas les textes écrits par Louis Aragon et Elsa Triolet dans « Domaine français » sous l’égide de Jean Lescure, dont il est question dans la monumentale enquête biographique sur Albert Camus, rédigée de main de maître par Herbert R. Lottman.

    Quelqu’un en ce blogue aurait-t-il le contenu des textes de l’un et de l’autre? Merci infiniment de m’en informer si vous avez une réponse positive.

    Jean Lescure et son épouse sont venus, un jour, à la maison, mais nous n’avons abordé ce sujet sur « Paris occupé ».

    Permettez-moi, pour vous distraire un peu de ces choses difficiles, de vous offrir cette comptine dont j’ignore si elle figurait ou non sur les murs d’une chambre « angora » de la rue de Varenne et qui, pour l’heure, se change à votre endroit en bouquet de marjolaine.
    En passant par la Lorraine – YouTube

    Puissiez-vous faire un beau songe en cette première nuit d’été de porcelaine.

    m

  9. Avatar de Gérard Fai
    Gérard Fai

    Bonjour Madame!

    Bonjour Mademoiselle!

    Bonjour Monsieur!

    Je suis en Lorraine en quelque retraite paisible et réconfortante sans journaux et sans ordinateur et me voici utilisant celui de mon hôte, voire sa messagerie pour commenter pour la première fois en ce blogue, grâce à mon ami, bon starets, qui me l’a fait découvrir, hier, dans la librairie du monastère.

    Je vais être franc et sincère avec vous sans y aller par quatre chemins. Je dois vous dire que je tombe des nues en lisant ces propos des uns et des autres. Bien sûr le verbe est honnête, respectueux et de bon niveau mais quand même, vous enfoncez le bouchon un peu trop loin et à force de pousser Marie dans les orties, dussiez-vous en souffrir, acceptez Messieurs Dames que je volasse à son secours!

    Je parle de Marie sans oublier Marthe… »Visage inaltéré » dont les mêmes lettres découvrent « La Sainte Vierge » diront sans doute, les amateurs d’anagrammes qui n’en manquent pas une au bataillon du blogue et non blog, comme l’écrit une personne de votre compagnie.

    Entre nous, comme disait Emmanuel Lévinas, on se doit de chercher à savoir…ça-voir! J’ai passé la nuit entre Complies et Laudes à lire vos derniers billets et commentaires. Tout à l’heure, au cours du petit-déjeuner pris en commun, j’ai murmuré ces mots à l’oreille de l’ami : « Tout ça fait un peu « Salon de madame Verdurin » – » et sans mot dire tout en esquissant un sourire, il écrivit sur le coin de la nappe « Marivauder dans le monde »…Je n’ai pas vérifié, mais peut-être, s’agit-il, encore une fois d’une anagramme!

    Qu’est-ce donc que cette histoire à dormir debout qui veut nous faire prendre des vessies pour des lanternes?

    Je vois un fermier dans je ne sais quels comices agricoles sur les gradins d’une foire et entre fromage et conférence parler d’Elsa Triolet à la paysanne qui mange sa viande, tout occupée à son assiette, à des années-lumière de l’auteur du « Cheval blanc »…Et le soir venu de prendre sa plus belle plume pour nous en faire un compte rendu en nous citant le « Lautréamont » de Gaston Bachelard. C’est complètement surréaliste ce tableau d’intellectuel de province. Une romance pour donner du rêve aux badauds et rien que ça!

    La réalité est tout autre. Hélas, mille fois hélas, on a vu des universitaires sur les gradins d’une foire mais point de manants sur les bancs des amphithéâtres où les maîtres de conférences donnent des cours à celles et ceux censés les écouter pour sortir diplômés de leurs grandes écoles.

    Ce milieu qui n’est pas sans capitaux péchés (Pensez à la liste de Bernard Maris) a certes des choses à nous dire, nous apprendre, ces trésors fussent-ils enterrés sous un pêcher, n’est-ce pas? Ils sont légion maintenant ces sociologues bien endentés qui veulent sauver le monde agricole et rural en publiant des livres sur le sacrifice des paysans ou sur la difficulté de faire sa vie dans les campagnes en déclin…On les entend un peu tard et ce qui semble les gêner surtout, c’est le geste légitime et citoyen qui reste à cette population silencieuse et défavorisée, libre de glisser dans l’urne un bulletin d’un jeune des banlieues soutenu par une égérie aimée qui parle racines et littérature, quand elle vient dans nos campagnes. Et cela, ce n’est pas du cinéma, n’en déplaise à l’exécrable idéal petit-bourgeois, qui laisse le guépard courir, bien à l’abri dans ses résidences secondaires.

    J’ai sous les yeux un mensuel de la fin des années quatre-vingt, celui de La Libre Pensée nationale, intitulé « La Raison ».

    Je découvre un article sur « mai 68 » et je lis :

    « La récompense, c’est la bonne planque, le salaire qui tombe, les chouettes vacances! Et la fête continue au »Rotary-Club » des Cols-Mao!

    (…) L’ouvrière d’usine connaît toujours ses cadences infernales et l’insécurité en prime. Oh, bien sûr, la retraite à soixante ans! Mais le minimum vieillesse pour le paysan est sept fois moins important que celui du professeur d’université.  » (Fin de citation)

    J’ai rencontré l’auteur de l’article, un jour, dans une ferme du Poitou où je suis allé voir une pendule « Chantecler ». Il a sans doute quitté ce monde…

    Et maintenant… Que faire?

    S’adapter ou mourir, difficile de jouer aux « Robinson »! On parle de la « souche à virus » et l’on ne sait rien de son anagramme qui ouvre ses ailes devant les belettes (Jean de La Fontaine, fable V, livre II)

    Il semblerait qu’on aille droit dans le mur et nos Goliath aux nuques fortes et raides n’ont l’air de craindre aucune fronde et ne s’étonnent de rien!

    « “C’est l’étonnement qui excite la logique, toujours assez froide, et qui l’oblige à établir de nouvelles coordinations.” (Gustave Juvet)

    Sur le mur d’une chambre « angora » de la rue de Varenne, la citation susmentionnée du mathématicien suisse eût été peut-être de mise.

    (Gaston Bachelard, si apprécié d’un randonneur du blogue, le cite dans ses livres)

    L’hôte de ces lieux au pays da-ga d’Aragon, au pays de-gue de Castille a préféré le portait du chanteur suisse de La Musica et de L’amour avec les yeux.

    Pourquoi vouloir toujours tout expliquer quand il s’agit de comprendre?

    Merci de votre attention

    Recevez, Madame, Mademoiselle, Monsieur, toute la vive expression de mes sentiments étonnés et mon souhait de vous voir passer une belle saison entre quelque chose et vous.

    Gérard Fai

  10. Avatar de Cécile d’Eaubonne
    Cécile d’Eaubonne

    Monsieur FAI

    “ Tatratata ! “ Quel message, voulez-vous nous envoyer dans le texte ci-avant ?
    Nous avons perdu de vue la jolie Ella Yourievna Kagan. Dommage car j’aimerais en savoir davantage sur l’énergie du couple Elsa Triolet-Aragon.

    Vous risquez de m’insupporter avec vos réflexions oiseuses sur les personnages bibliques. A chacun ses croyances. Elles sont plus que jamais, en 2020, à manipuler avec la légèreté du papillon. Et certaines anagrammes ont l’odeur du soufre.

    Ernest Pérochon nous aura parlé avec conviction et délicatesse du monde paysan. Et Gaston Bachelard enseigne encore sans saigner ses interlocuteurs.

    Il y a beaucoup de livres sur les étagères de nos bibliothèques. Mais trop d’idées se terminent misérablement dans un puits sans fond. Je cherche l’eau vive d’un torrent de montagne qui désaltère sans jamais emprisonner.

    Puisse votre passage sur le blog nous révéler un peu de cette eau-là .

    Bonne journée à vous.

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Oui chère Cécile, l’énergie puisée par ce couple en lui-même est en effet à mon avis LA question : comment Louis et Elsa ont pu être si productifs littérairement, si courageux pendant la guerre, et se battre sur tant de fronts ? Car ils auront partagé bien des dangers, bien des épreuves, et après leur mort encore puisque le soupçon et une certaine forme de haine s’attachent toujours à leurs deux noms, pourquoi ? Je signale un numéro hors série de l’Humanité qui vient de paraître, et que je commande, ne pouvant ici en parler faute de l’avoir vu, mais j’espère y revenir.

  11. Avatar de M
    M

    Bonsoir Madame d’Eaubonne!

    Même si votre dernière contribution ne m’est point destinée, je me permets, Madame D’Eaubonne, de vous proposer, ces images, ces mots, cette voix d’un torrent de montagne. Une chanson qui m’a parlé, il y a bien des années …une éternité.
    Juste une chanson conservée dans les yeux de la mémoire.
    Pour s’entendre voir…à temps et à contretemps :

    Comme un torrent – Vidéo Dailymotion Gloria Lasso

    Bien cordialement

    M

  12. Avatar de Gérard Fai
    Gérard Fai

    Bonsoir!

    Vous me voyez tout marri, Madame Cécile, d’avoir par mégarde suscité chez vous un tel courroux.

    Le message que j’ai voulu faire passer, bonne dame, tient dans l’apologue de la fable de Monsieur de La Fontaine (L’enfant et le maître d’école) :

    « En toute affaire, ils ne font que songer

    Aux moyens d’exercer leur langue.

    Eh! mon ami, tire-moi de danger,

    Tu feras après ta harangue. »

    Vous avez, Madame Cécile, d’excellentes lectures…Ernest Pérochon a obtenu le Goncourt, il y a cent ans et le film « Les gardiennes » s’est inspiré de son roman. Une élégance dans le style, une finesse de l’instituteur qui a su comprendre son alentour…Monsieur Pérochon a son musée et son association d’amis, comme tant d’autres dont Monsieur Bachelard.

    Mais le « malaise » paysan court toujours, Madame l’enseignante, et que peut-y faire votre institution?

    Au risque de provoquer derechef votre ire, je ne résiste pas à l’envie de vous citer Cornelius Castoriadis :

    « Chacun de nous est un puits sans-fond et ce sans-fond est, de toute évidence, ouvert sur le sans-fond du monde (…) Mais le Banquet, le Requiem, le Château viennent de ce sans-fond et nous le font voir » (Fin de citation)

    Maintenant s’agripper à la margelle pour en attendre un signe des profondeurs, c’est sans doute une autre histoire!

    Oui, la question, l’énergie de ces deux-là, qui les a fait vivre et revivre. Votre ami, Monsieur Bougnoux, nous informe aimablement de la parution d’un numéro hors-série de « L’Humanité » consacré à l’écrivain. Qu’il en soit remercié!

    On pourrait, à toutes fins utiles, recommander aussi la lecture d’un bel article d’Edmonde Charles-Roux sur « Elsa, les yeux et la mémoire »

    Il est paru dans le n° 5 de « Médium », il y a quinze ans à peine et le hasard veut que cet article de la Présidente de l’Académie Goncourt en ce temps-là, amie d’Elsa Ioureïevna Kagan, devenue au fil des ans Elsa Triolet, soit précédé d’un texte de notre Maître randonneur qui parle de Crystal Palace, un propos profond et inoubliable.

    Autant d’éléments pour balbutier les premiers pas d’une nouvelle compréhension, peut-être…

    Bien à vous tous

    Gérard Fai

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À propos de ce blog

  • Ce blog pour y consigner mes impressions de lecteur, de spectateur et de « citoyen concerné ». Souvent ému par des œuvres ou des auteurs qui passent inaperçus, ou que j’aurai plaisir à défendre ; assez souvent aussi indigné par le bruit médiatique entretenu autour d’œuvres médiocres, ou de baudruches que je…

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À propos de l’auteur

  • Daniel Bougnoux, professeur émérite à l’Université Stendhal de Grenoble, est ancien élève de l’ENS et agrégé de philosophie. Il a enseigné la littérature, puis les sciences de la communication, disciplines dans lesquelles il a publié une douzaine d’ouvrages.

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