Entrer dans le scintillant

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On voit dans La Rose pourpre du Caire, à mes yeux le plus accompli des films de Woody Allen, une pauvrette (Cécilia jouée par Mia Farrow) guetter  avidement, dans la poussiéreuse enfilade des heures, l’éclat d’un nouveau soleil, quand les lettres lumineuses du Kent Theater s’allumaient au-dessus du trottoir et ranimaient la folle espérance de ses affiches, qui déroulaient aux yeux de la péronnelle les images d’un conte de fée chaque semaine différent. Du fond de la salle où elle pénétre pour quelques cents, elle en absorbe les images voltigeantes d’un cœur ardent, happée par cette grotte magique où il lui arrive de revenir faute d’autres sorties, pour mieux communier avec le film et en parler longuement avec sa sœur, serveuse comme elle au restaurant où évoquer ces aventures aux personnages grisants leur tournait la tête, entre les odeurs de graillon, le mauvais vouloir du patron et les coups de gueule de la clientèle.

Ce Kent Theater existait de fait à Brooklyn, le quartier d’enfance de Woody qui revient aux sources de sa propre cinéphilie en le choisissant pour centre de cette histoire. Nous comprenons par tous ses films, mais d’abord avec celui-ci, que Woody Allen est un homme que le cinéma émerveille ; il y trouve l’apothéose de toutes les magies, celle qu’il pratiquait enfant avec les tours de cartes, puis qu’il ne cessera d’honorer à travers ces multiples figures de magiciens qui peuplent ses films (comme celles des clowns ceux de Fellini), avec en 1985 dans La Rose pourpre du Caire un hommage particulièrement attentif, et une réflexion plus poussée qu’ailleurs sur les prestiges, sur l’incontestable grandeur mais aussi la misère du septième art. N’a-t-il pas dans le personnage de Cecilia déposé son autoportrait ?

Il a fallu attendre le cinéma pour qu’un spectacle se stabilise pleinement dans le monde immatériel des signes : les pixels et les sons gravés sur la double piste de la pellicule (à l’ère prénumérique du celluloïd), minutieusement filtrés et composés, interdisent le moindre « bougé » lors du déroulement du film, rigoureusement identique ou fidèle à lui-même à chaque projection (si l’on néglige quelques effets d’usure) ; ce bougé au contraire, d’une représentation à l’autre, faisant justement pour les amateurs de l’énonciation théâtrale, de l’opéra ou du spectacle vivant tout son charme. Au cinéma la coupure sémiotique est totale, l’archive sans faille, l’univers de la représentation soigneusement scellé sur lui-même : rien ne peut plus arriver à l’écran. Comme dit Tom Baxter, le personnage transfuge du film enchâssé de La Rose pourpre, le monde de la fiction auquel lui-même appartient est « consistant ».

C’est cette consistance que Woody a imaginé battre en brèche avec son ingénieux scénario, qui fait descendre l’acteur de l’écran dans la salle, à la rencontre de sa groupie Cecilia dont il a remarqué les yeux enamourés, et au grand scandale de ses partenaires du film, ainsi plantés et laissés bras ballants. Cet accident qui suspend la projection du film enchâssé (lui-même intitulé La Rose pourpre du Caire) propose une amusante démonstration de sémiotique comparée, en situant dans une salle de cinéma une péripétie totalement impensable, mais toujours possible dans une salle – de théâtre !

« Les êtres vivants voudraient que leur vie devienne fictive, et les êtres fictifs voudraient qu’elle devienne réelle ». Ce chassé-croisé est au cœur de la formation de l’improbable couple imaginé par Woody, qui questionne peut-être, à la faveur de cette péripétie, une constante de nos propres passions et leur coefficient d’idéalisation (quel cinéma que l’amour !). À voir Cecilia dévorer des yeux un être de celluloïd, et Tom (Jeff Daniels) hardiment s’élancer à la conquête d’un être de chair, on devine que leur union n’ira pas sans tiraillements ; comme le confie la cinéphile énamourée à sa sœur (Stephanie Farrow), « J’ai rencontré un homme merveilleux. Il est fictif mais on ne peut pas tout avoir ». Le ravissement de Tom touchant le corps de Cecilia dans la salle où il vient de sauter n’a d’égal que celui, symétrique, de Cecilia quand il l’entraîne plus tard dans le monde blanc et noir de l’écran, pour la présenter à ses partenaires.

Ce monde écranique est consistant, mais au fond insuffisant car voué à la répétition, et assez pauvre : « No fade out », il n’y a pas de ce côté-ci de fondu au noir après les baisers, et le personnage qui débarque de l’écran en est tout surpris, la suite (la sexualité) restant pour lui une expérience à inventer ! Tom Baxter demeure face à Cecilia pétri des conventions et des moyens techniques du cinéma de 1930, son expérience de la vie ne s’étend pas au-delà ; il a donc tout à apprendre de sa nouvelle partenaire, et par exemple dans une église la notion de « Dieu » lui échappe, ce mot ne pouvant nommer que le producteur du film et son réalisateur, ce que la timide Cecilia corrige avec effarement, non l’existence de Dieu concerne bien davantage !

Mais plus précisément, sur cette fameuse consistance : Woody, nous le savons, demeure hanté par une angoisse de mort et de dispersion qui prend la forme, entre autres, de la plainte murmurée par le petit garçon qui le représente dans Annie Hall, « l’univers est en expansion ». Non, rétorque sa mère en le rabrouant, « Brooklyn is not expanding » ! Ça ne fait rien et l’enfant-Woody n’en démordra jamais, il sent de partout monter en lui ces forces de déchirement, de dislocation. Le monde des galaxies est d’une violence inimaginable (comme dit Lloyd dans September), d’ailleurs nos atomes rejoindront tôt ou tard la poussière des étoiles. « L’univers est en perdition. Pourquoi pas nous ? » renchérit Boris, le misanthrope parano de Whatever Works.

Le cinéma, dans un pareil contexte, semble une réponse appropriée à cette course au chaos car il est un art universel du mouvement – mais d’un mouvement dirigé, maîtrisé et d’avance contenu dans une boîte. Un bon film est un chaos surmonté, comme sont une sonate, un roman. Il consiste en ceci que le hasard ou l’événement y sont gelés, que plus rien ne peut arriver du dehors à l’histoire. Quel allègement pour nos vies ! Si la névrose, la nausée, l’ennui où nous nous enlisons trop souvent sont porteurs d’un sentiment de lourdeur, quel rêve ce serait d’accéder à cette vie scintillante ! Le scintillant, plus sensible encore dans les films en noir et blanc, accomplit cette phénoménologie paradoxale du cinéma qui rejoint celle des étoiles. Et qui confère aux personnages de l’écran cette vie à deux dimensions, sans lourdeur ni temps morts.

La fin de Tout le monde dit ‘I love you’ (film aussi profond que ravisssant) formule explicitement cet idéal de légèreté : de nuit, sur le  quai d’une Seine qui brasse dans son flot scintillant les lumières de la ville, Steffi et son premier mari, Joe (joué par Woody Allen), esquissent une danse au cours de laquelle la femme quitte les bras de son partenaire pour faire quelques pas dans le ciel. Pur moment de grâce allenienne ! Chaque fois que mes pas me conduisent à Paris entre Montebello et Tournelles, je ne peux, longeant le quai, m’empêcher de songer que c’est ici que Woody envoya en l’air sa belle Steffi… Or cette légèreté, cette poussée ascensionnelle étaient déjà palpables dans les passages du parlé au chanté, et dans les danses improvisées (en réalité combien réglées) de cette trépidante comédie musicale. La musique qui ouvre et accompagne généralement les films d’Allen, un jazz désuet, contribue elle aussi à cet allègement : ces films sont cathartiques à proportion qu’ils fuient la pesanteur. Voyez la personne d’Annie Hall/Diane Keaton à l’écran, tellement radieuse, plus fascinante sans doute que dans la « vraie vie ».

 

Car où est cette vraie vie ? Un film entier, La Rose pourpre du Caire, tourne et retourne cette question qui hante Cecilia. Comme elles lui pèsent, les heures passées à servir à la gargote ou à retrouver chez elle son mari ! Cecilia est happée, ensorcelée par la beauté vertigineuse de l’écran, la vie légère qui ruisselle de ces « champagne comedies ». Or, Woody l’a confié, il a fait son propre portrait dans celui de cette pauvre petite accro à l’écran. Lui aussi, sa vie durant, aura aspiré à ce tourbillon lumineux, ce fleuve vertigineux des pixels qui nous murmurent à l’oreille (avec Fred Astaire) « Heaven, I’m in heaven… ».

Ici-bas, notre conscience est débordée par trop d’images, de mots, de décisions à prendre, de hasards, de choses envahissantes, de gens… Quel repos de pouvoir, comme au montage, couper dans tout ça, nettoyer, mettre au propre ! Façon de contenir l’assommant réel, de s’isoler dans une bulle protectrice, une arche enchantée. Le cinéma explique éventuellement le monde au sens d’une première catharsis, celle qu’on poursuit sur le divan en filtrant, analysant, dépliant… Mais indépendamment de toute connaissance gagnée sur le monde, l’écran nous fait d’abord rêver en nous transportant, au-delà de son infranchissable coupure sémiotique, dans un espace ravissant, celui de nos projections ou de notre imagination stimulées par celle du film. Cette catharsis plus radicale ne relève pas de l’explication, mais provoque un déplacement de nos coordonnées spatio-temporelles, une mutation de la conscience ordinaire : on est sorti du carré, on habite (le temps de la projection) résolument ailleurs.

De cet ailleurs désirable, issu des sortilèges de la lanterne magique, les films de Woody Allen ne cessent de nous entretenir. « Les êtres vivants veulent mener une vie de fiction… » Paradoxe de ce dépressif : il nous aura au bout du compte donné des films plutôt gais, dont on ressort en sifflotant.

La critique sert, à mon avis, à nous retenir sur la pente d’une conclusion dogmatique, à nous enseigner la complexité, les mille nuances du message de l’art, qui ne parle jamais en clair, qui ne dit nulle part la même chose à chacun. Nous sommes des millions à avoir regardé les Woody Allen, et personne n’a vu le même film. N’en a tiré les mêmes leçons.

Tout le monde dit I love you, Affiche

Je tiens cet artiste pour un éducateur et un exigeant moraliste, un bienfaiteur donc, d’une rare envergure, expert en décomposition/assomption lumineuses du monde. Et je songe, écrivant ceci, à l’épitaphe voulue par Kant sur sa tombe, « La loi morale en moi, le ciel étoilé au-dessus de ma tête ». Le propre du cinéma, sa magie ou sa catharsis sont de tendre plus haut que nos têtes cette voûte de pixels d’où quelques personnages ne descendront plus, pris désormais dans un ordre supérieur voulu par le réalisateur. Un ordre ou un monde « consistant », plus scintillant encore que celui des caractères qui, sur la page des livres mais avec plus d’ascèse, nous content pareillement de fabuleuses histoires.

Kant et Allen/Cecilia réunis au Kent Theater ? J’ai dit combien cette entrée dans le scintillant avait des conséquences cathartiques ou, si l’on veut, éthiques. Le ciel étoilé et la loi morale se rejoignent dans quelques grands films, parmi lesquels ces deux  titres signés d’un exigeant génie.

21 réponses à “Entrer dans le scintillant”

  1. Avatar de Kalmia
    Kalmia

    Bonjour!

    Vraiment, il nous faudra, un beau jour, appeler à la barre notre randonneur pour qu’il s’explique sur ses pouvoirs d’évocation qui envoûtent le moindre lecteur de ses fulgurants billets!

    Exorciste es-tu là?

    Pour l’heure autant se réjouir autour de cette puissante et merveilleuse réflexion du maître.

    En le lisant, j’ai rouvert « La dialectique de la durée » de Gaston Bachelard où, page 67, le temps à petits quanta scintille.

    Voici la citation : « Le fil du temps est couvert de nœuds. Et la facile continuité des trajectoires a été ruinée complètement par la microphysique. Le réel ne cesse de trembler autour de nos repères abstraits. Le temps à petits quanta scintille. Mais ce n’est pas en contemplant les phénomènes physiques qu’on peut vraiment sentir la dualité métaphysique de la durée »

    Jean Epstein lisait Gaston Bachelard et sa théorie d’un cinéma au delà du réel peut nous parler aujourd’hui…

    J’imagine notre randonneur allant faire un tour du côté de son archipel…Pourquoi pas, palsambleu!

    La mignonne qui se fait du cinéma et l’arlequin qui devient « obscène », quelle belle image mais ça reste du cinéma, les amis!

    Alors, autant faire un pas au delà…

    Ce jour de publication du scintillant billet, je suis allée séance tenante à la permanence de mon député où tout sourire l’assistante a pris mon dossier pour transmettre au Ministère concerné.

    Un projet en vue…Vingt-deux pages et une petite lettre pour le Ministre et ses collaborateurs directs.

    Question de technique donc d’intendance mais aussi question de la technique donc d’herméneutique, avec des pieds bien sur terre et la tête dans les étoiles.

    Une randonnée sur un chemin de campagne, nature et culture au sein même de la politique agricole commune.

    Est-ce bien raisonnable? Déjà l’un des plus grands esprits de notre temps ici même, en ces paysages, a joué le jeu avec son « Chateaubriand » et une aide-soignante du cru à trouvé, chemin faisant, l’erreur au jardin d’Alice cité dans « Mathématiques et imagination ».

    Que vont dire de ces choses-là, les diplômés du ministère dans leurs bureaux climatisés? Pour faire lien il faut un lieu.

    Relier hommes d’études et gens du peuple sur un sentier qui mène quelque part…Pourquoi pas?

    « Arôme fou d’un matin splendide »

    Des mots qui scintillent et terminent mon épistole.

    A toutes fins utiles.

    Au tribunal kantien du flagrant dé-lire, votre plaidoirie, maître randonneur, sera religieusement écoutée.

    Faites entrer l’enfant!

    Kalmia

  2. Avatar de Jacques
    Jacques

    Eh bien Madame Kalmia, puisque vous aimez les effets de manches, permettez-moi, s’il vous plaît, d’entrer dans le prétoire!

    M.Serres à Epidaure cherchait une science belle et laissant le savoir qui porte laideur et mort, il ouvrait grande la porte à l’enfant.

    Faut-il encore le faire cet enfant!

    Vous savez bien que le tribunal, depuis l’Antiquité grecque, tisse des liens de complicité métaphoriques avec la science et dans sa « Critique de la raison pure », Maître Kant nous invite à enquêter pour connaître « comme un juge en fonction qui force les témoins à répondre aux questions qui leur pose et non comme un écolier qui se laisse dire tout ce qui plaît au maître ».

    Melancholia quand tu nous tiens avec le tableau de J.Bosch! Votre « Arôme fou d’un matin splendide », Madame, c’est l’anagramme de « La fin du monde est pour demain ». Ne me dites pas, que vous n’étiez au courant, voyons! Si c’est pour gagner un « paradis onirique et cruel » dont les lettres permutées font la « Critique de la raison pure », désolé gente dame, je ne suis pas partant.

    Pour ne rien vous celer, je serais curieux, dans le secret de mon prieuré de savoir ce que le Conseiller d’orientation du ministère sollicité va pouvoir vous répondre.

    On ne vend pas de fromages de chèvre, à la sortie d’un chemin de campagne qui pose des questions…Ce n’est pas le genre de la maison, fût-elle dans la prairie.

    Quelque chose qui scintille ailleurs que dans les Cent métaphores de Régis Debray publiées par Hermann Iline, ailleurs que dans les ciels du quatorze juillet…

    Là où est la vraie vie.

    Jacques

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Je n’avais pas encore répondu à Kalmia (dont l’exorde top louangeur m’emplit de confusion), et déjà Jacques renchérîtes de galipettes anagrammatiques, qui me laissent étourdi… Tout ébaubi. La chaleur hélas, la torpeur sont aujourd’hui trop lourdes pour emprunter davantage les chemins du scintillant, qui me semblent toujours riches de tentations et de propmesses, je me doutais un peu que Bachelard serait de la partie, reparlons-en prochainement.

  3. Avatar de M
    M

    Reparler de G.Bachelard, oui, pourquoi pas?

    Mais si c’est encore une avalanche de citations et de références anagrammatiques, la question est de savoir où mène ce chemin de campagne?

    Sur une boîte à indices nouvellement accrochée à un arbre, dans le crépuscule du matin, l’autre jour une dame blanche me regardait et s’est même laissé approcher. Sur la boîte perchée, cette effraie, autre nom de la dame blanche, simple, complexe et belle, m’a fait illico penser à la couverture du livre d’Edgar Morin « La Méthode 4 – Les Idées – Leur habitat, leur vie, leurs mœurs, leur organisation » où s’envole la chouette effraie.

    Monsieur Morin, l’écrit dans l’avant-propos du livre susmentionné, il n’est pas du côté des scribes et des pharisiens (…) de ceux qui, par fonction et profession, croient détenir les Lumières. Je m’en suis rendu compte, un dimanche, quand il m’a téléphoné pour me donner un renseignement pratique.

    Est-ce pour autant qu’il faille apporter créance à tout ce que raconte le badaud qui sait tout parce « qu’ils l’ont dit à la télé »?

    On connaît la réponse.

    En cheminant, je repensais aux »Boîtes » de Michel Serres, dans son livre « Les cinq sens ».

    Page 105, je lis ces mots : « Sort le préteur, entre l’aruspice »

    Un style magnifique, une sapience se lit en tel propos. Et de citer Tite-Live : « nisi aves addixissent ».

    Très bien, mais que nous dit l’oiseau de Minerve maintenant? Que fait-il? Où va-t-il?

    Avis aux cherchants de tous milieux qui ne se baladent en ces bois, pour manger un fromage!

    Dire que l’oiseau scintille à flanc d’azur, c’est bon pour le poète mais ça ne fait pas tout…

    La poésie, elle aussi, nous laisse sur notre faim et une randonnée de plus n’y changera pas grand-chose, palsambleu!

    En notre espace intérieur, on pourrait commencer par bâillonner le rosalbin.

    Quant aux roucoulements…

    M

  4. Avatar de Kalmia
    Kalmia

    Bonjour!

    Eh bien, Mme ou Monsieur M, rassurez-vous, il n’a pas de mimolette à vendre à l’issue de cette randonnée dans l’air du temps!

    Oui, maître, reparlons de notre cher Gaston pour qui, l’homme est une création du désir, non pas une création du besoin.

    Pour lui, la rêverie travaille en étoile. Elle revient à son centre pour lancer de nouveaux rayons.

    L’expédition scintillante de Pierre Huyghe rejoint quelque part nos chemins bachelardiens, s’ils le sont vraiment…

    Entrer dans le scintillant? Au delà des écrans sans doute et à des parsecs du grand tintamarre moderne.

    Sans pourtant lâcher prise…

    Vénus dans une chanson, Vénus dans un essai.

    Est-ce bien suffisant?

    Kalmia

  5. Avatar de Patrice L.
    Patrice L.

    Cher Monsieur Bougnoux,
    Je viens de lire votre livre « Génération Woody », dont l’éloquente conclusion est reprise dans le texte qui précède avec sa belle évocation de « cette entrée dans le scintillant « . Je vous remercie pour cette étude sur Woody Allen dont je partage avec vous l’admiration fidèle depuis ses premiers films et à qui vous avez su rendre justice sur tous les plans. J’ai reparcouru avec vous les étapes de son œuvre à travers un choix de films significatifs que vous éclairez avec passion et précision. Je souscris également à vos considérations sur les dérives du temps qui ne laissent pas de m’inquiéter pour la liberté de l’art et de l’expression. J’ose espérer qu’il reste et restera dans les jeunes générations des esprits libres et des cœurs sensibles pour découvrir et aimer les films de Woody ainsi que les oeuvres d’autres vrais artistes, par-delà les rumeurs et tumultes d’une époque de confusion.

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Merci Patrice de ce commentaire particulièrement judicieux ! et chaleureux, ah si mon petit livre pouvait rencontrer beaucoup de lecteurs comme vous… Je ne sais si vous habitez Paris, ou Lyon, mais dans ce cas sachez que nous débattrons publiquement de WA, avec Jean-François Rabain, psychanalyste et dédicatoire, le 24 septembre à la Halle Saint-Pierre à Paris, et à Lyon à l’Institut Lumière avec Jean Serroy, en septembre ou octobre, date encore en attente. Une occasion de se rencontrer ? N’hésitez pas à offrir ce livre à des amis qui se reconnaîtraient dans la « Génération Woody », ce n’est pas d’une lecture fatigante pour l’été et ces films sont riches de trésors de culture où il fait bon se replonger, débordants d’histoires et de personnages mémorables…

  6. Avatar de Patrice L.
    Patrice L.

    Je ne manquerai pas d’offrir et de faire connaître votre livre qui donne envie de revoir les films de Woody Allen. Je dispose de la plupart et vous m’avez donné envie de me procurer et de revoir « September » dont je n’avais pas encore le dvd.

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Merci d’avance cher Patrice pour ces recommandations que vous pourrez faire de mon livre. Oui, « September » est une merveille, d’autant plus que c’est un film totalement à contre-courant, et pour le coup très « intérieur » – à voir, à revoir, à suivre dans ses méandres tchekoviens.

  7. Avatar de Gérard
    Gérard

    Décidément, on n’arrête pas de se faire du cinéma et c’est une bien bonne chose quand l’action nous fait entrer en ce qui brille de l’intérieur, ce quelque chose qui scintille au delà des mornes platitudes d’un quotidien malheureux.

    J’imagine – allez savoir pourquoi? – un cinéaste moderne comme Patrice Leconte assis sur le divan, « psychanalysé » par un embrayeur de rêve- Et pourquoi pas Woody Allen en personne?

    Oui, mais quelle serait la question? « Enquêtons sans espoir » nous dit par anagramme la « Question sans réponse ».

    Quel minime oiseau spirituel, sur le bord de la fenêtre du grand large, viendra nous raconter ce qu’ils se sont dit au seuil de l’être? Loin, si loin des débats à n’en plus finir…

    Lorsque minuit sonnera, on ne sait jamais!

    Gérard

  8. Avatar de M
    M

    Bonjour!

    Au fait, savez-sous, ce que c’est « le hasard »?

    Je viens de recevoir d’un ami un message fort sympathique qui me parle de son déménagement…

    Il quitte son comté pour aller rejoindre à quarante lieues la vallée de ses humanités.

    En même temps, autrement dit le même jour, je reçois de l’équipe d’un philosophe d’essence chrétienne orthodoxe, une belle réflexion sur le déménagement et ne résiste pas à l’envie de vous proposer la lecture de quelques extraits :

    « Les grecs pour parler de « déménagement » employait le terme de metoïkesis qui indique selon son étymologie non seulement un changement de lieu (oikos), passage d’un ici à un ailleurs mais aussi d’un passage à un au-delà du lieu, qu’il soit d’ici ou d’ailleurs ; une sorte de « non lieu » dans lequel se trouve en effet celui qui déménage.

    (…) Mais déménager, c’est d’abord « quitter », et le choix de ce qu’on laisse ou de ce qu’on emporte dans ses cartons et sa mémoire, n’est pas toujours simple; en attendant, on est « nulle part », entre deux chaises, trônes ou tabourets, on sait ce qu’on quitte (le sait-on vraiment ? ), on ne sait pas ce qu’on va trouver… sans doute encore soi-même, une autre part de soi-même, un autre inconnu ?Notre metoïkesis, « changement d’adresse » peut cacher une métanoïesis plus profonde, un changement de conscience.

    (…) Quoi qu’il en soit, déménager n’est jamais loin de la question « naître ou ne pas naître »? C’est demeurer dans le mouvement présent de la Vie, qui se donne, « toujours neuve » sous un soleil toujours brûlant… – Jean Yves Leloup, Juillet 2022 » (Fin de citation)

    Décidément, nous n’avons pas fini de méditer encore et encore sur l’oiseau…migrateur.

    Sommes-nous si loin de Woody Allen?

    Icelui aurait bien voulu s’installer en France mais pour sa femme le déménagement était top lourd.

    Bien à vous tous, là où vous êtes….
    Avec votre bonne étoile.

    M

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      J’ai toujours cru ou pensé que « déménagement », en grec, s’écrivait « métaphorè », comme on peut le lire sur les camions idoines. Et qu’au lieu de déménager, les habitants de ce pays faisaient leur métaphore. Ce qui ouvre au littéraire que je suis un boulevard de pensées ou d’associations mentales, devant les cartons… Je reprendrai ce sujet si je parviens, sur ce blog, à rendre compte du beau livre d’Olivier Rolin, « Vider les lieux », confronté lui aussi à un déménagement -mais pas seulement.

  9. Avatar de Kalmia
    Kalmia

    Ami auteur et maître du blogue, au chapitre des énigmes, page 159, vous posez la question :

    « Que sommes-nous face à la poussière des étoiles? »

    Permettez-moi de la rapprocher de celle des argonautes de l’esprit :

    « Qu’est-ce que la Terre devant ces vallées supérieures de pétillement d’étoiles? »

    Leur réponse en anagramme est la suivante :

    « Le vide quantique est et reste la source réelle de l’espace-temps et de l’Univers »

    Comment comprendre ce hasard en telle exacte permutation des lettres?

    Et si lointaine est l’autre rive, avec quel bac peut-on la rejoindre?

    « L’approche bleue du vide » passe-t-elle par « l’épreuve de philo du bac »?

    Oui pour faire une anagramme mais pas forcément pour réussir le schibboleth.

    Au fond de nos vallées, villages oubliés où sonnent encore quelques cloches,

    Monsieur le randonneur, dessinez-moi une étoile qui scintille et oriente!

    Kalmia

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Renversantes anagrammes chère Kalmia, où diable allez-vous chercher tout ça ? J’en demeure ébaubi, c’est aussi beau que le ciel étoilé ! Et ma page 159 pointe en effet, chez Woody, un effroi pascalien dissimulé sous la rigolade.

  10. Avatar de Patrice L.
    Patrice L.

    Ravi d’avoir entendu ce dimanche 7 août dans l’émission de France Inter  » Le Masque et la Plume  » le célèbre critique de cinéma Michel Ciment, appuyé par Sophie Avon du journal Sud-Ouest, vanter la qualité et l’intérêt du livre « Génération Woody » qui trouvera ainsi sans doute de nouveaux lecteurs.

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Merci Patrice, oui ce fut une bonne surprise, puisque ce livre n’a encore trouvé, effet de la torpeur estivale ? aucun relais dans la presse nationale – à l’exception d’un maigre filet d’une ligne dans le compte-rendu, plus que mitigé, du film « Rifkin’s Festival » par Jean-Claude Raspiengeas dans La Croix…
      Hier soir non plus, les critiques du Masque n’ont dans l’ensemble pas aimé ce film, mais je les trouve sévères : ce n’est certes pas une oeuvre à la hauteur de celles que j’examine dans mon livre, mais j’y trouve une méditation pour moi très touchante sur le vieillissement, sur ce que cela fait d’être peu à peu mis sur la touche, exilé de son propre monde…

  11. Avatar de Stéphanie
    Stéphanie

    Merci pour vos articles et votre livre sur ce cher Woody, un bienfaiteur le mot est juste, de ceux qui changent la vie. Son œuvre a changé la mienne en tout cas. Cinéphilement vôtre. Stéphanie

  12. Avatar de PHI
    PHI

    Mon commentaire
    Un amateur des anagrammes et des fromages de chèvre invite le badaud, en quête de scintillements, à chercher ceux-ci « ailleurs que dans mes ‘ Cent métaphores…’ ».
    Ce penseur ne voit de scintillements que « là où est la vraie vie ».
    Il ignore qu’être plongé dans « la vraie vie » signifie être incapable de scintillements des rêves, ceux-ci étant situés là où « la vraie vie est absente », comme l’a si bien dit un vrai spécialiste de scintillements.

  13. Avatar de Roxane
    Roxane

    Bonjour, les amis!

    Je risque ce dix-neuvième trou ou nouveau commentaire sans trop savoir si je vais m’en sortir, mais bon, on verra bien!
    J’ai lu et relu le propos compendieux mais tout à fait judicieux de Monsieur Phi et je me suis plu aussi à regarder en arrière où je retrouve dans les réactions, quelqu’un que je connais un peu.
    Je l’ai revu, ce soir, dans un monastère normand où dans son fromage de Hollande il s’est plu à me recevoir pour parler de mille et une choses, avant la prière du soir.
    Sur sa table de moine, une revue qui fut dirigée par quelqu’un qui fêtera, le brave, son anniversaire demain.
    Revue n° 40, page 82.
    Voici en gros et sans chercher la petite bête, ce qu’il m’a dit, ce cher Jacques qui ne manque pas d’humour, sous sa bure d’anachorète et de rat de bibliothèque :

    « Monsieur Phi a bien répondu et il a raison sur toute la ligne …d’horizon! »

    Et de citer cette estimable et très fine personne :

    « Il faut manier les mots, comme on manie les notes : ne pas les identifier aux choses vaguement désignées ; les enchaîner, en suivant un rythme secret, en engendrant une mélodie secrète, en exprimant une harmonie secrète. La vraie vie doit en naître ; et comme on dit, en s’enquiquinant dans la vie réelle, – la vraie vie est ailleurs !

    (…)

    — Du scintillement de l’étoile n’émanent que la mélancolie, la froideur,
    l’angoisse ; mais celui qui le contemple cherchera un équilibre intérieur
    avec la chaleur de son cœur, l’acquiescement à la vie mystérieuse,
    l’espérance dans l’invisible et l’inexistant. Cette recherche est le sens
    même d’un art noble, celui qui maîtrise les axes entiers de valeurs
    paradoxales.
    L’étoile fait apprécier l’immobilité des actes et même des pensées ; elle
    nous attire vers des invariants de notre vie aléatoire ; elle embellit nos
    ténèbres intermittentes. Mais l’étoile, comme notre âme, n’a pas de langage à elle. Pour rendre les
    bienfaits de son scintillement, il nous faut du style, du goût, que nous
    partageons largement avec notre tribu.
    Joli paradoxe : de la profondeur nous vient la lumière impassible, et la
    hauteur ne nous envoie que des ombres scintillantes (…)

    L’homme est d’autant plus brillant, que plus miroitante est l’ombre, qu’il
    sait projeter de l’astre caché (…)

    Au bien, qui scintille au fond de notre cœur, la terre n’offre pas beaucoup
    de faces, qui pourraient refléter, fidèlement, cette lumière incertaine ; il
    reste ton étoile, découverte par ton intelligence ». (Fin de citation)

    Il a raison notre compagnon de randonnée, « la vraie vie est absente » (A.Rimbaud, Délires 1)
    Quand elle est ailleurs, par une anagramme renversante, « la rivière suit sa vallée ».
    Et « La France gaullienne est une absence » (A demain De Gaulle!) Page 104

     » Je me demande seulement, quel lecteur, quelle lectrice, avec la culture d’aujourd’hui, pourra vous, ou nous, accompagner … » (Le directeur de la revue qui se présente « anciennement philosophe », en ce numéro de l’an deux mille quatorze, où l’inconscient politique a parlé par lapsus)
    Et dans la cordée, il y a encore une absence, qui travaille « l’espérance » dont les lettres, aujourd’hui, disent « la présence ».
    « La rêverie travaille en étoile », écrivait Gaston Bachelard. Et celui qui le cite au chapitre de « la fonction d’une illusion » a bien raison de parler à son ami des « belles avenues du rêve ».
    Loin de « l’acrimonie » dont les lettres interverties donnent le prénom et le nom d’un auteur qui ne voulait pas entendre parler d’espoir.
    Regagnant mes pénates, sous une pluie d’étoiles, j’ai allumé la radio dans la voiture et Johnny chantait « Noir, c’est noir ».
    J’ai pensé à Michel Serres et à son domino…blanc.
    Et au pouvoir de nos intellectuels dont les filles travaillent dans la finance et la haute administration…
    Un guépard ou un mirage dans les phares de la voiture…
    Qui saura? Oui, qui saura?

    Roxane, la fermière qui ne change rien et n’en fait pas tout un fromage.

    Donné le premier septembre deux mille vingt-deux

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Pluie d’étoiles chère Roxane, déversée par votre commentaire inspiré en ce premier du mois. Ici c’est une pluie bien réelle qui a favorisé notre campagne, et ce matin le gazon d’Uriage, transformé depuis des semaines en triste paillasson, en est tout reverdi… Je me perds un peu dans vos allusions, mais j’admire et je médite les pouvoirs sur nous du scintillant, cette singulière phénoménologie propre au cinéma mais aussi aux rêves, aux conversations, aux idées qui nous traversent, aux désirs qui n’auront pas de fin, ou d’issue. Merci de me rappeler que nous fêterons demain notre Régis !

  14. Avatar de DH47
    DH47

    « Comment ne pas rire, et tendrement… » quand on lit le dernier éditorial de Raphaël Enthoven paru dans Franc Tireur N°42, le 31/08, (2€ dans toutes les bonnes Maisons de la presse) ? Si je recommande à tous cette lecture (bien sûr on a le droit de ne pas en rire) c’est parce ce qu’il y est d’abord question de Sandrine Rousseau, de ses dernières déclarations approximatives que R. Enthoven cite en évoquant à leur sujet :
    – Woody Allen et son film « Tout le monde dit i love you »,
    – Romain Gary et son roman « Chien blanc »,
    – Marcel Proust et son personnage le marquis de Saint-Loup .
    Les lecteurs du Randonneur auront vite compris que j’ai interprété le texte de R.Enthoven comme une excellente illustration de l’en-tête de Franc Tireur : « Soyons écolos, pas démagos » mais aussi … comme une illustration des analyses de Daniel Bougnoux dans plusieurs de ses livres dont le dernier  » Génération Woody » ; pour le dire en quelques mots: je pense à ses lumineux développements relatifs aux notions d’indices, icônes, aux images plus ou moins escortées de paroles et musiques comme signes nous permettant de symboliser, chacun à notre façon, pour construire une culture grâce à la coupure sémiotique .
    Voilà où peut mener la contemplation d’un simple tee-shirt au slogan imprimé « eat the rich » exhibé par Sandrine Rousseau !

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À propos de ce blog

  • Ce blog pour y consigner mes impressions de lecteur, de spectateur et de « citoyen concerné ». Souvent ému par des œuvres ou des auteurs qui passent inaperçus, ou que j’aurai plaisir à défendre ; assez souvent aussi indigné par le bruit médiatique entretenu autour d’œuvres médiocres, ou de baudruches que je…

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À propos de l’auteur

  • Daniel Bougnoux, professeur émérite à l’Université Stendhal de Grenoble, est ancien élève de l’ENS et agrégé de philosophie. Il a enseigné la littérature, puis les sciences de la communication, disciplines dans lesquelles il a publié une douzaine d’ouvrages.

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