Brieuc entre Mathilde et Mado
Cette date noire ne sera jamais un jour ordinaire puisqu’il y a un an, nous avons entendu de Mado cette phrase impensable, au téléphone, « Brieuc est mort ». Une année jour après jour aura passé sans que, cette phrase toujours répétée, nous parvenions à vraiment la comprendre, à l’accepter ; aujourd’hui encore elle ne fait pas sens, les mots ne cadrent pas. Nous partagions le monde avec Brieuc, notre vie était étrangement tissée avec la sienne et rien n’est plus ce qu’il était, depuis qu’un jour de trop belle neige Brieuc nous a été arraché.
Le manque ne s’apprend pas, ne passe pas ; la consolation ne vient pas. Il y a ce trou en nous, et la fragile vie du souvenir qui continue de briller. Avec Mado, nous élevons ses deux fillettes, Mathilde, Alice, qui portent son avenir, qui montrent par leurs visages, leurs rires, leurs expressions charmantes, quel père exceptionnel elles ont eu.
Quels mots envoyer aujourd’hui à tous ceux qui connaissaient Brieuc, ou qui se sont associés à nous par leurs témoignages, leur soutien, ou qui l’ont (et nous ont) un peu suivis sur ce blog ? Mado nous envoie ce texte, qui parle pour nous cinq et que je poste ici « in memoriam », comme un bouquet de fleurs sur sa tombe d’Herbeys.
Izouard (photo du faire-part)
Recueillement, le 31 janvier 2015
J’aimerais que ce temps de recueillement soit un temps de souvenirs, que nous puissions retrouver ensemble la joie et l’énergie que nous donnait Brieuc. Raconter des souvenirs, c’est difficile, parce que se souvenir des joies passées, nous rend tristes de ne plus poursuivre notre vie avec Brieuc. Mais le pire serait de ne pas regarder cette joie, cette chance que j’ai eue. Il faut reconnaître le bonheur qui nous a été donné, la confiance en elles qui a été donnée aux filles. Il faut faire vivre ce bonheur pour sentir l’amour de Brieuc, présent avec nous.
Alors j’ai choisi quelques bons souvenirs pour Mathilde et Alice. C’était une année difficile pour elles, avec une maman souvent fatiguée et énervée. Alors, je vais essayer de vous faire sourire.
Alice, tu es une petite fille rusée, comme ton Papa. La première fois qu’il m’a invitée à Izouard, nous n’étions pas encore amoureux. Il m’a parlé d’un grand week-end avec pleins d’amis. J’avais même compris qu’il y aurait une fête et qu’on allait danser. J’avais une robe et des CD dans mon sac. Il voulait être sûr que je vienne. En fait, j’ai compris dans la voiture que nous n’étions que tous les deux ! Je n’ai jamais vraiment su si c’était un coup monté ou si ses copains l’avaient laissé tomber.
Mathilde, tu es une petite fille gourmande, comme ta maman. Papa savait très bien que manger un petit goûter me remontait le moral. Alors pendant une de nos premières sorties en montagne, une longue randonnée à ski, il me donnait des petits morceaux de pain au chocolat, qu’il laissait pour moi dans la neige à chaque virage. Voilà comment il réussit à me faire faire des conversions et à m’emmener sur les sommets.
Avant que nous soyons parents, je voyais Brieuc jouer avec ses neveux et nièces, mais il ne savait pas changer une couche. Il ne s’intéressait pas non plus à la préparation à l’accouchement. Je ne savais pas s’il serait à l’aise avec un nouveau né. Quand je lui ai demandé de m’emmener à la maternité, parce que Mathilde allait arriver, il s’est mis à pleurer de joie. Ensuite, il a eu le temps de retrouver ses esprits, puisque l’accouchement était très long. Il est même rentré travailler quelques heures.
Mathilde est née au milieu de la nuit, un instant magique pour tous les deux. Il l’a prise dans les bras et dans le grand calme de la nuit, il s’est mis à lui parler d’Izouard, de la Corse, d’Herbeys, toutes ces maisons de rêve, de ces paysages qu’il trouvait les plus beaux du monde et qu’il allait lui montrer. Il parlait, parlait à cette toute petite fille qui tranquille, se laissait bercer par sa voix.
Votre Papa ne se prenait pas au sérieux. Je me souviens qu’il expliquait à Mathilde qui avait deux ou trois ans, que son travail, c’était de mettre du papier dans l’imprimante, de faire des petits signes comme des petits gribouillis avec l’ordinateur, et de le vendre très chers à des messieurs importants.
Alice, il était très content du choix de ton prénom, il disait souvent, Alice, ça rime avec malice et il ne s’est pas trompé. Il adorait te porter à bout de bras au-dessus de lui, allongé. Nous appelions ça, faire l’ascenseur, et tu riais aux éclats.
Seigneur, père. Accompagne-moi, accompagne mes filles. Brieuc nous a transmis beaucoup d’amour, à nous de le donner. Aide-nous à regarder la vie maintenant, ici.
Avec Mathilde, Herbeys
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