La thèse ou la vision d’un « homme mycélium » s’accroche pour moi au portrait que m’a donné Gérard Fromanger, un peintre qui compose ses visages par croisements et multiplication de traits bifurcants de couleur : saisissante intuition de l’ouverture incalculable aux multiples alluvions, ou allusions, dont le nœud pour finir résulte assez mystérieusement en un visage, et en un nom propre…
Yves Citton conclut ses Gestes d’humanités par la mention du « mycélium du sens » ; il se déclare très surpris, à la lecture de mon commentaire publié ici même, du rapprochement que je fais de son intuition avec celle de Freud, qu’il ignorait, ou avait oubliée (car lui-même fut lecteur de la Traumdeutung). Or, nous y lisons explicitement ceci : « Dans les rêves les mieux interprétés, on doit souvent laisser un point dans l’ombre, parce que, lors de l’interprétation, on remarque qu’en ce lieu prend naissance un enchevêtrement de pensées du rêve, qui ne veut pas se laisser démêler (…). C’est le nombril du rêve, le lieu où il se rattache à l’inconnu. Les pensées du rêve auxquelles on aboutit lors de l’interprétation doivent généralement demeurer sans conclusion et se ramifier en tous sens dans l’enchevêtrement en résau que constitue le monde de nos pensées. D’un point plus dense de ce réseau, le vœu du rêve s’élève comme le champignon de son mycélium » (page 446 de L’Interprétation des rêves). Merveilleuse, et contradictoire, condensation du nombril, de l’origine et du réseau ! Freud dans cette page n’explique pas, il suggère ou raisonne comme on rêve – et toute sa Traumdeutung m’a toujours paru relever elle-même du rêve. Vaste question… Que je préfère suspendre ici sans la traiter, pour seulement donner à voir le champignon que je suis, émergeant du scoubidou de traits de couleurs tressés par Gérard !
Portrait de Daniel Bougnoux par Gérard Fromanger (2010) :
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