Ultime Liberté

Publié le

Avec Françoise (1945-2016)

L’association Ultime Liberté, à laquelle j’ai adhéré en 2016 quand la question du suicide assisté de ma femme Françoise s’est posée, tenait ce jeudi 17 une conférence à Grenoble, en présence de sa présidente nationale Claude Ury ; nous étions réunis pour entendre l’exposé du docteur Pierre Beck, médecin à l’hôpital cantonal de Genève, ancien membre de l’association « Exit » de Suisse romande, et qui a participé dans ce cadre à deux-cents épisodes de mort volontaire. La salle de la Maison des Associations était comble ; le sujet passionne à bon droit, et fait toujours débat. Je me suis déjà exprimé dans ce blog sur cet ensemble de questions, qu’on n’est pas près de résoudre tellement les points de vue exprimés ici et là semblent irréconciliables, pourquoi ?

J’ai raconté ici en particulier le passage de Françoise au service des soins palliatifs du CHU de Grenoble, en juin 2016, qui a duré quinze jours (un délai au-delà duquel on vous pousse vers la sortie). J’ai redit lors du débat de cet après-midi l’excellent accueil de l’équipe médicale, et comment ma femme s’est trouvée apaisée, et remise en bonne forme morale et mentale : si l’on ne peut y soigner le cancer, tout semble propice pour donner au patient une fenêtre de réconfort, et le préparer à une mort plus douce. Mais j’ai évoqué aussi le clash qui m’a opposé à cette équipe médicale, quand j’ai évoqué auprès de l’aréopage des blouses blanches (toutes féminines) qui faisaient avec moi un point d’étape, notre détermination (à Françoise comme à moi) de recourir à un produit létal, et de hâter une mort inévitable, dès la cessation de ces soins. L’opposition des soignantes fut unanime : votre femme a un cœur robuste qui lui garantit six mois de vie supplémentaire, pourquoi les lui refuser ? Si vous transformez votre appartement en hôpital de jour, et que votre femme y décède bientôt, sachez que nous demanderons une autopsie, et que vous vous exposerez à de graves poursuites… 

Renonçant à la formule de « l’hôpital de jour », j’aménageai donc moi-même un lit médicalisé dans notre salon, organisai une rotation des infirmières, et nous avons laissé le mal suivre son cours. Trois jours après son retour, Françoise entrait dans un profond coma, deux nuits plus tard elle décédait (avec le secours de SOS-médecins qui, constatant dimanche matin son état « désespéré », prescrivit charitablement quelques piqûres de morphine). Pas d’autopsie, aucune poursuite. Et je n’ai pas eu l’occasion de revoir l’équipe des soins palliatifs, à laquelle j’aurais dit ceci :

Vous autres médecins, forts de vos diagnostics et de vos appareils de mesure, vous pensez comprendre ou connaître ce qui arrive à un corps qui souffre. À partir de quoi vous vous permettez de décider de la vie ou de la mort d’un patient. Quelle prétention, quel insupportable monopole vous vous arrogez ainsi sur la décision intime d’une personne ! Car vous ne savez rien de son âme, ou de sa volonté, et ses mots apparemment pour vous ne comptent pas ! Françoise avait épuisé son goût de vivre, et me répétait souvent qu’elle voulait « partir en beauté ». Faut-il sourire de cette exigence qui peut sembler déplacée, en mêlant l’esthétique à un trajet ou projet de vie ? Ne faut-il pas au contraire réfléchir, pour reprendre le titre du beau livre de François Galichet, à ce que pourrait être une vie accomplie ? Accomplie oui, comme un tableau ou une œuvre d’art à laquelle il n’y a rien à ajouter. Françoise avait vécu une existence particulièrement pleine, elle s’y connaissait je crois en matière d’accomplissements – et ne voyait, dans ce qui lui restait à vivre, que déchéance et trahison de tous les élans qui l’avaient sollicitée et comblée. 

Pourquoi le médecin devrait-il être le gardien ou le juge de la mort des autres, ne peut-on se donner celle-ci en se passant de son avis, ou de son autorisation ? Ne pouvons-nous, face à ce monopole exorbitant d’un autre âge, revendiquer le droit de choisir notre propre mort ? Ou, d’un mot qui est revenu dans le débat, d’exercer sur ce point (crucial, décisif) notre autodétermination ? « Ultime liberté », cette enseigne de l’association claque comme un rappel, c’est à chacun de décider ; nul ne vit dans la peau, dans le corps d’un autre, nul ne peut pour quiconque trancher à sa place, quand cela met en jeu ce ressort intime de toute vie : où doit s’arrêter celle-ci, suis-je parvenu au bout, que veut au profond de moi ce conatus (pour prendre appui sur Spinoza), cette volonté obscure ou cet élan qui nous pousse à persévérer dans l’être ou qui, quand ce ressort est trop usé, inversement nous en dissuade… 

Un certain moment est venu où Françoise a voulu mourir (et ainsi peut-être rejoindre notre fils Brieuc). Tout son corps lâchait prise. Mais son esprit demeurait serein, sa décision parfaitement claire à la face du corps médical. Au nom de quoi l’en dissuader ? Ou, plus précisément (mais cette réclamation fera scandale) pourquoi continuer à faire dépendre l’assistance à la mort volontaire d’un état avéré de grave maladie ? N’y a-t-il pas des états de l’âme aussi désespérés que ceux du corps, et qui justifient qu’on abandonne une vie désormais privée de sens ou de perspectives, sans le passeport ou l’autorisation d’aucun bulletin médical ?     

Nous avons sur ces sujets un peu de retard en France il me semble, si nous regardons du côté de nos voisins belges, suisses, et bientôt allemands. Pourquoi ce paternalisme réfugié chez nous dans la figure de la blouse blanche ? On sait que nul n’a demandé à naître, mais quand notre parent, notre voisin demandent à mourir, au nom de quoi se récrier, pourquoi leur refuser ce simple droit ? Cette élémentaire liberté ? Les moyens d’y parvenir sont connus et très sûrs, indolores, peu coûteux (contrairement aux « services » de certaines officines suisses), et les vétérinaires chaque jour administrent ce remède aux chiens – la loi française accordera-t-elle jamais, à ceux qui en font la demande, de mourir comme des chiens ?                             

16 réponses à “Ultime Liberté”

  1. Avatar de Kalmia
    Kalmia

    Bonjour !

    Bien sûr, on est d’accord, on compatit, on comprend…

    Taire ce que l’on ne peut dire mais essayer de dire quand même.

    J’ai retenu le mot « peut-être » dans une parenthèse de ce billet touchant.

    Entre nous (expression lévinasienne) – Combien de lecteurs ? – comment faire pour aller au delà des complies, traverser la nuit et glisser sous la porte un rai de lumière ?

    Il y a des niches dans le dernier mot animal du randonneur qui voudrait réconcilier le sentir et le penser.

    Il y a dans le « Cogito ergo sum » les lettres de « Gusto mico rego » et par ce même jeu de lettres et de l’Être « Benedictus de Spinoza »-« dit peu, donc bien assez ».

    Et si le spectre nous revenait en livrée de lumière ? Loin des tournantes, sur les « tables » des cinq sens, le cantique de Madame quantique allègrement posé…Illusion ou réalité ?

    Il y a du théâtre quantique dans l’air et la servante des temps perdu et retrouvé pourrait bien créer la surprise du chef.

    J’ai décidé d’y croire.

    Kalmia

  2. Avatar de Anetchka
    Anetchka

    On ne peut qu’être bouleversés, et secoués, Daniel, en lisant ces lignes, développant ce que tu avais évoqué ailleurs, plus partiellement.
    Ce qui peut secouer tout un chacun, c’est ce pouvoir dilaté des blouses blanches, comme tu le pointes, et aussi celui des petits hommes gris, gravitant autour, les technocrates administratifs décideurs.
    Cet abus de pouvoir s’associe immédiatement pour moi à un passé tout récent, celui de la période Covid, toutes ces fins de vie raptées à de nombreuses familles, au nom du Dieu Santé Publique. Des agonies et morts solitaires, Covidés délaissés une véritable rupture anthropologique.

    Les anglophones ont un mot pour désigner les experts abusifs et pontifiants:, qui génèrent de mauvaises décisions: pundits (issu du nom sanskrit « l’homme de savoir »). Le yidiche, plus acerbe encore atteste phudnik « imbécile avec un PHD » ( l’acronyme PHD est vocalisé, sur la base du nom nudnik : issu du russe « importun »)., figure éternelle du cuistre, expert autoproclamé. Pas vraiment d’équivalent en français, une lacune à combler, car les référents sévissent bel et bien chez nous, Epistocrates (j’ai vu ce mot quelque part; du grec épistêmé)…

    A propos de ton récit, il me vient à l’esprit deux cas d’amis proches ; l’un, nommé Théo, en contrepoint complet du cas de Françoise, l’autre nommé Abrasza, en prolongement violent de ce que tu relates.
    Le Hollandais, protestant devenu athée, d’ancienne famille française hugnenote, a eu l’honneur d’une fin de vie (et même d’un enterrement incroyable), dans le droit fil de sa vie, tels qu’il les avait « projetés » …si l’on peut dire dans les affres de telles décisions. Un premier cancer dont ce lion s’est relevé, et quelques années plus tard, en 2023, un nouveau verdict tombe: leucémie foudroyante, forme rarissime, cette fois, le rai de lumière est un fil. L’homme, déjà âgé, ne se laisse pourtant pas facilement abattre.. le directeur de l’Association internationale Janusz Korczak (le célèbre pédiatre de l’orphelinat Nasz Dom de Varsovie mort avec ses enfants à Auschwitz), avait récemment fêté son 80e anniversaire près de Maastricht entouré d’enfants et d’adolescents venus du mode entier, chantant, récitant des poèmes et jouant des sketches dans toutes les langues. Il aidait en outre des orphelins d’Ukraine au cœur de cette interminable guerre. Sa mission le portait. Et pourtant, quand l’échéance est arrivée, mes oreilles ont entendu: «  I had an intense and beautiful life, but, A., the game is over ». La famille , les amis et le corps médical l’ont aussi entendu. « Fin de partie », comme chez Beckett…Anti-douleurs massifs et sédation profonde. L’ami Theo s’en est allé doucement à Amsterdam, non loin du canal et du phare où il habitait..,
    Tout autre est le cas d’Abrasza, qui remonte dans le temps, mais a frappé ma mémoire. Ami de ma famille et personnage exceptionnel, inclassable, l’un de ces Juifs polonais polyglottes, surdoués, plein d’esprit, d’humour et de dérision, dont la Mitteleuropa a eu le secret. En l’occurrence c’était une sorte d’aristocrate vagabond (shnorer en yiddish), très attachant, doublé d’un ethnologue surprenant.
    Quand son cancer du poumon l’a atteint, que sa dégradation se profilait, cette fière figure n’a eu de cesse de sonner à toutes les portes des médecins,, psychiatres, psychanalystes amis de son entourage pour en finir, pour sortir par « la grande porte ». A tous il demandait …un revolver! Un appel au secours que personne n’a pu, n’a su affronter. Certes l’époque était différente… Abrasza s’est défenestré de très haut, en laissant quelques mots, en substance : « C’est ainsi que meurt un parachutiste résistant polonais ! «  (Il avait servi dans la brigade des parachutistes de la Résistance polonaise en exil en France)

    En ces matières.,comment légiférer? Pour éviter les poussées vers la sortie abusifs et pervers….Chaque cas est unique.
    Je n’ai pas de réponse si ce n’est que l’exemple de Théo me semble rester dans l’humanité….

    1. Avatar de Daniel Bougnoux
      Daniel Bougnoux

      Merci chère Anetchka, Ton commentaire me parvient à Minorque, où nous sommes installés pour deux semaines face à la mer ! La séance d’Ultime Liberté que je relate, a mis pour moi en pleine lumière une évidence que je n’avais pas assez soulignée ou problématisée dans mes précédentes réflexions sur le suicide assisté, ou la fin de vie volontaire comme on voudra l’appeler, à savoir le monopole des médecins sur la décision du principal concerné, le patient. On exige (et c’est répété dans tous les projets de loi) que la maladie soit sans issue, sans remèdes, qu’elle engendre de terribles ou insupportables souffrances, etc. Sur ce terrain du corps, les médecins sont en effet qualifiés pour « savoir ». Mais que savent-ils des souffrances psychiques, de la volonté profonde du patient, de son « conatus », c’est-à-dire de son désir de vivre encore ou au-delà ? Comment cela se mesure-t-il du dehors ? Et par quel insupportable abus de pouvoir le corps médical s’arroge-t-il de savoir quand une vie se termine, de trancher, de décider pour un autre ? Je ne suis pas près d’oublier le dur dialogue que j’ai eu avec la médecin-chef des soins palliatifs où demeurait Françoise, excellente femme par ailleurs, qui m’opposait sa foi chrétienne, et qui formulait en plein aveuglement un pronostic vital de six mois… Que savait-elle de l’âme de ma femme ? Nous touchons ici à un noeud crucial pour toutes les décisions à prendre concernant la fin de vie, qui ne regarde en dernière analyse que le patient lui-même, qu’on écoute si peu dans la plupart des cas…

    2. Avatar de Daniel Bougnoux
      Daniel Bougnoux

      « Pundit » est donc proche du sanskrit « pandit », qui donnait son titre de noblesse au chef d’Etat, le « pandit Nehru » si je me souviens bien.

  3. Avatar de Anetchka
    Anetchka

    Oui, mon cher Daniel, tu as tellement raison. Un vrai scandale d’avoir laissé Françoise dans cet état. Cet aspect autocentré d’une médecine qui vise à l’autoprotection juridique, au cas où ses représentants seraient accusés de manquements, de failles, d’erreurs, aboutit à écarter le jugement, la conscience, la volonté des patients, c’est-à-dire le cœur d’’une médecine, humaniste par essence. En plus de l’argument d’autorité abusive que j’évoquais précédemment. Par une vision passablement mécaniste, le corps séparé de l’âme (de l’esprit ou ce qu’on veut bien mettre comme concept) , on soigne au fond une machinerie, mais le chef d’orchestre de ce corps semble vu comme quantité négligeable, petit tas de subjectivité sans intérêt, Véritable régression des temps matérialistes modernes….
    Mais pourquoi les pays de l’Europe du Nord, matérialistes aussi, à bien des égards, sont-ils plus avancés que nous en ces matières ? Il faudrait creuser cette question culturelle….Comment faire avancer nos mentalités?

  4. Avatar de Jacques
    Jacques

    Anetchka, je viens de vous lire et relire avec attention.

    Il m’a semblé ouïr certains propos, ô combien pertinents, d’une chaîne de télévision dite de résistance, vers laquelle tendent de plus en plus de gens humbles, dégoûtés par le laxisme ambiant, quand les valeurs s’estompent et s’en va la poésie des choses.

    Ce que dit Daniel est touchant, on le sait bien !

    Dans sa souffrance, il parle, il dénonce…Des millions de pauvres gens n’ont pas, hélas, ses moyens financiers et ces personnes connaissent elles aussi et sinon plus, ces situations impensables. Pour elles, c’est encore plus compliqué, plus injuste…

    Que faire ? Un commentaire dans le blogue qui pose la question sans apporter la moindre réponse au nihilisme dévastateur ?

    Eh bien, ma foi, c’est toujours mieux que rien ! Mais ce n’est qu’une infime gouttelette homéopathique dans le sac de nœuds de tous nos problèmes.

    Puisse le randonneur aller encore plus loin sur le chemin de l’impossible quête, là où « le jeune homme riche » hésite finalement à suivre la voie du maître de la bonne nouvelle.

    Bien à tous

    Jacques

    1. Avatar de Daniel Bougnoux
      Daniel Bougnoux

      Et moi je relis votre commentaire, Jacques, et je vois mal ce que les « moyens financiers » viennent faire dans ce débat. J’ai protesté, écrivant ce billet, contre un pouvoir médical abusif, qui s’arroge une décision qui devrait appartenir, qui ne peut que revenir, au principal acteur concerné, celui qui souffre et pèse dans la balance la question de savoir si le jeu en vaut encore la chandelle… Dure, très dure question qui ne peut recevoir que de lui sa réponse – et non d’un aréopage, aussi savant soit-il, qui n’habite pas son corps, et ignore tout de son âme. Je suis surpris que ce billet, écrit pour rappeler ce point crucial, ne recueille pas plus d’attention, ou de protestations de la part des médecins ; les plus engagés approuvent et appliquent la loi Leonetti, pourtant franchement insuffisante. Quant aux chrétiens, qui devraient davantage s’intéresser à l’âme, pourquoi demeurent-ils globalement si frileux dans ce débat ?

  5. Avatar de Jacques
    Jacques

    Je veux dire que lorsque l’on est en telle situation, c’est encore plus difficile pour les personnes concernées qui n’ont pas beaucoup d’argent et en état d’infériorité face aux pouvoirs d’en face. Tout le monde n’a pas les moyens de se payer une complémentaire santé valable et cela se répercute sur le cadre de vie des personnes concernées (chambre particulière, matériel para médical, etc…)

    Porter secours à l’autre, quand même, et sans tomber sous le coup de la loi.

    Chacun fait ce qu’il peut, comme on dit !

    Allons vers une Aide Médicale d’État (AME) pour respecter la volonté de toutes les « Françoise » du monde qui veulent partir en beauté.

    Quant à l’Âme, le mal de l’âme, Jacques Monod en a parlé au chapitre du « Royaume et les ténèbres » de son célèbre essai « Le hasard et la nécessité »…Oui, et alors ?

    J’ai le sentiment que nous pouvons faire quelque chose…

    Faire le « soigneur » qui a dans ses lettres le mot « guérison »

    Le randonneur n’est point le lévite qui passe à côté…

    Il descend de sa monture et porte secours….

    Suivons-le !

    Jacques

    1. Avatar de Daniel Bougnoux
      Daniel Bougnoux

      Faire quelque chose oui, nous pouvons contribuer à faire évoluer la loi. En déboulonnant un peu le pouvoir médical. Mais les mentalités semblent si lentes à bouger! Contrairement à nos voisins nordiques, comme le relève Anetchka.
      Je ne sais plus de quoi traite ce chapitre de Jacques Monod, je vais le chercher après mon retour.

  6. Avatar de jean claude
    jean claude

    Cela fait huit ans que nous avions commencé à dialoguer sur cette question si difficile, cher Daniel, en prise directe avec le réel de nos deux épouses.

    Aujourd’hui, la société comme le juridique et le médical n’ont guère progressé ! Je partage toujours le point de vue que tu défends et que tu élargis bien à propos aux personnes désirant finir de vivre sur une question de sens de choix existentiel. Je me souviens du livre de Noëlle Châtelet “la dernière leçon” qui m’avait beaucoup marqué. Cette capacité à décider en toute lucidité de mourir à une date fixée à l’avance, laissant la possibilité d’un “deuil anticipé” aux membres de la famille en capacité d’accepter cela.

    Aujourd’hui, sur le plan médical, je reste sur ma position antérieure , ce n’est pas à un médecin mais à une autre instance d’œuvrer, multi compétente (juridique, médical, thérapeutique, etc.). Cette personne ou instance peut intervenir en amont pour aider la famille et le décideur à agir au mieux. Elle pourrait aussi intervenir à postériori pour dédouaner les proches de toute poursuite judiciaire en cas d’aide à mourir.

    Sur le plan de la justice, le problème est trop complexe pour être régi par une loi. Une dérogation argumentée pour soustraire toute poursuite judiciaire devrait suffire.

    C’est sur le plan social que le bât blesse à mon avis. Seule une petite minorité favorisée de la population peut accéder à cette légitime décision individuelle. Trop de personnes et de familles vivent de violences intrafamiliales, d’usages de drogues et autres psychotropes, de formes d‘emprises ou de harcèlements dans la vie privée ou professionnelle. La personne est rarement libre et autonome pour décider de sa fin de vie, sans influences pernicieuses. Il est intéressant d’analyser les modalités de suicide (40% par pendaison) des 9000 suicides en France, les tranches d’âges concernées et la différence entre hommes et femmes. Dans les suicides féminin environ 200 suicides pour échapper à une forme d’emprise.

    Le suicide est une forme de mort violente volontaire et donc très inhumaine qu’il faudrait aussi prendre en compte dans cette réflexion.

    Bonne soirée
    Jean Claude

  7. Avatar de Anetchka
    Anetchka

    J’avais oublié de répondre, cher Daniel, à ton rapprochement entre pundit et pandit! Bingo, c’est la même racine sanskrite : pandit/ pandita «  savant » . En hindi, on l’utilise comme terme honorifique, pour des personnalités comme Pandit Nehru, en effet: il est réservé surtout aux Brahmanes , qui sont censés avoir mémorisé de grands passages des Vedas.
    En passant dans le monde anglophone, sous sa variante phonétique pundit, le terme dégringole vers la péjoration…,
    Pseudo -savant décideur qui s’´octroie des pouvoirs abusifs, imprudents, nocifs.
    Pour répondre à Jacques: oui, j’avais ouïe dire que « des petits hommes gris » gravitaient impunément autour des blouses blanches, et j’ai bien repris l’expression à mon compte…A l’Est, on aurait dit apparatchiks, sous les Soviets, mais ils pullulaient déjà avant, quand Gogol et Kafka les immortalisaient ….Ces hommes d’appareils, ou ces technos qui decident de votre vie ou de votre mort dans l’ombre de leurs cabinets…
    Vivement que nos mentalités et nos pratiques évoluent! Que l’on parvienne à un délicat et pragmatique équilibre entre l’écoute très attentive des patients « on the river of no return » et la menace des abus toujours possibles d’un entourage qui pousserait, manipulerait un « proche » vers une sortie précipitée…Un consensus et une législation très bien cadrée, façon Europe du Nord, finira bien par voir le jour..,

  8. Avatar de Anetchka
    Anetchka

    PS Et bonnes vacances à Minorque, rêve d’une île, loin de tous les tourments …

  9. Avatar de Roxane
    Roxane

    Merci Anetchka, merci Jean-Claude pour vos commentaires bien inspirés avec lesquels, je suis totalement au diapason.

    Je viens de recevoir une réponse de Françoise, une amie d’un département qui a connu des massacres innommables perpétrés par des soldats français tous de bleu vêtus.

    En voici le contenu :

    « Bonjour!

    Je veux bien prendre connaissance des propos de votre ami et voir comment réagir.
    J’ai été réhospitalisée le mois dernier et, j’ai vécu l’enfer avec le système qui règne dans les hôpitaux actuellement, j’ai failli être enfermée, presque à l’insu de ma famille. Heureusement qu’une de mes filles est venue à mon secours.

    Vous qui me connaissez un peu, je ne pense que vous auriez l’idée de dire que mon cerveau a disjoncté au point de m’enfermer.
    Pendant ce temps-là, il y a de vrais dingues qui sont libres d’aller et venir et de tuer n’importe qui sans raison.
    Amicalement !

    Françoise  »

    Je vais de ce pas, transmettre son message à Daniel qui lui répondra personnellement, s’il le souhaite.
    On ne sait jamais, ça pourrait l’aider, peut-être…Il faut essayer.

    Actuellement à Menorca, le randonneur n’est pas seulement en vacances, il vit une expérience d’alliance avec la nature et en quête de plages secrètes.
    Comment ne point terminer, à son intention, par ces mots chantés par Jean Ferrat ? – :

    « Et pourtant je vous dis que le bonheur existe
    Ailleurs que dans le rêve ailleurs
    Que dans les nues
    Terre terre voici ses rades inconnues »

    La vie est un roman et il est inachevé…
    Le réel nous interpelle. À chacun son maquis, sa résistance et son envol !

    Meilleures pensées à tous

    Roxane

    1. Avatar de Daniel Bougnoux
      Daniel Bougnoux

      Eh bien oui Roxane, entre deux criques (on dit ici « cala »), mais celle où j’habite, Galdana, n’est pas vraiment solitaire, j’essaierai d’envoyer un message à Françoise. Les paroles que vous citez d’Aragon nous enchantent toujours, qu’écrire de mieux ?

  10. Avatar de Églantine

    Bonjour à tous ces intervenants épistolaires qui sont aussi démunis que moi, la dernière Françoise citée par Roxane, devant le dernier chemin qui m’est proposé.
    Je n’ai pas de réponse à apporter au dilemme, continuer à résister ou se laisser mourir. J’ai eu et, j’ai, régulièrement, cette question qui me hante : a-t-on le droit de souhaiter la mort plutôt que la vie qui n’en est plus une lorsqu’on se sent un poids trop lourd pour tout ceux qui nous entourent et qu’on ne trouve plus de sel à la vie ?
    Des blouses blanches décident pour vous, vous obligent à avaler des médocs qui ne vont pas vous guérir, lesquels vont, au contraire aggraver votre état parce que votre corps ne supporte plus toutes ces substances chimiques. Mais, vous êtes là pour servir de cobaye, au cas où beaucoup ne l’aurait pas compris. En médecine, nous sommes tous des cas particuliers et « on » veut voir jusqu’où vous pouvez supporter l’insupportable. Peu importe ce que vous dîtes ou pensez, ces blouses blanches sont là pour penser à votre place, pour vous imposer leur dictat. « Il faut que la recherche avance ! ». Vous pouvez pleurer, hurler, vous trémousser dans tous les sens, vous n’êtes plus qu’un pantin désarticulé entre leurs mains. Il ne nous reste plus qu’à prier le ciel pour que tout cela finisse au plus vite lorsqu’on sent le désespoir nous gagner.

    1. Avatar de Daniel Bougnoux
      Daniel Bougnoux

      Votre « commentaire » est très sombre Eglantine, et je comprends votre désespoir. Je ne décrirais pas aussi sombrement que vous le rôle du corps médical. J’ai écrit en effet mon billet pour contester vigoureusement leur monopole dans la décision finale, mais je ne dirais pas qu’ils nous traitent en cobayes. Adhérez peut-être à Ultime Liberté, c’est très facile, et ils sauront vous guider si vous le souhaitez vraiment vers une sortie…

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

À propos de ce blog

  • Ce blog pour y consigner mes impressions de lecteur, de spectateur et de « citoyen concerné ». Souvent ému par des œuvres ou des auteurs qui passent inaperçus, ou que j’aurai plaisir à défendre ; assez souvent aussi indigné par le bruit médiatique entretenu autour d’œuvres médiocres, ou de baudruches que je…

    Lire la suite

À propos de l’auteur

  • Daniel Bougnoux, professeur émérite à l’Université Stendhal de Grenoble, est ancien élève de l’ENS et agrégé de philosophie. Il a enseigné la littérature, puis les sciences de la communication, disciplines dans lesquelles il a publié une douzaine d’ouvrages.

    Lire la suite

Les derniers commentaires

  1. Bonjour ! De grâce, Messires, appelez-moi « MADAME » ! Quèsaco ? Eh bien, prenez le moi de « Me » Too…. Mettez la…

  2. N’ayant pas encore lu le dernier livre de Caroline Fourest ni entendu l’émission d’Alain Finkielkraut, j’en étais restée aux passages…

  3. Bonjour ! J’ai quitté ma caisse tardivement, hier soir, et le temps de faire les courses, impossible de trouver un…

  4. J’ai capté moi aussi ce matin, un peu par hasard, l’émission « Répliques » d’Alain Finkielkraut et son dialogue avec Caroline Fourest…

  5. J’écoutais ce matin Caroline Fourest au micro d’Alain Finkielkraut dire que ce que dénonçait le slogan — devenu mouvement –…

Articles des plus populaires